Casse-croûte montagnard

Cela faisait une éternité qu’Alathea n’était plus revenue dans cette zone montagneuse qui marquait la frontière entre plusieurs nations du continent. Bien souvent, elle privilégiait d’autres routes un peu plus boisées et moins escarpées, pour s’éviter davantage de périls qu’elle n’en rencontrait déjà au cours de ses aventures. Non pas qu’elle redoute le danger, chacune de ses longues expéditions se terminant bien souvent par de haletantes batailles aux péripéties aussi extrêmes que leur intensité, et dont le résultat était incertain jusqu’à l’ultime seconde. D’ailleurs, elle se souvenait avoir dû lutter ici même à deux reprises afin de garantir sa survie et celle de ceux qui l’accompagnaient alors.

Un autre fragment de souvenir qui refaisait surface à l’instant était celui de leur expédition avec Lexi et Shiro dans les mines rocailleuses abritées par ces pics escarpés. C’était l’une des premières missions que l’elfe avait effectuée en compagnie de sa mentor et amie marchombre, ainsi que l’une des premières tâches qui avait conduit, bien plus tard, à la prise de pouvoir de Tyr. Mais, à l’époque, bien malin était celui qui aurait pu anticiper une telle éventualité. La quête consistait à récolter une certaine quantité de baranite et à la rapatrier à Jiban. Si la difficulté n’était pas bien élevée, cela avait toutefois permis de rapprocher les trois élues au cours d’un voyage qui avait beaucoup duré. Néanmoins, c’était l’une des dernières fois qu’Alathea voyait la jeune albinos, dont le nom et l’existence semblaient avoir disparu dans les méandres de l’oubli, comme tant d’autres avant elle.

Cela faisait plusieurs mois que la belle aux yeux d’or multipliait les voyages afin de mettre en application tout ce qu’elle avait pu récupérer de puissance et engranger au contact des miliciens shintajin. Désormais, Al’ avait besoin d’expérience sur le terrain, pour amenuiser, ne serait-ce qu’un peu, la distance qui la séparait de ses deux consœurs Lexi et Frisk. Sa frustrante inutilité lors des événements liés aux failles était encore bien fraîche dans son esprit. L’histoire s’était bien terminée puisque Reisha avait été ramenée à la vie et avait aussitôt repris les rênes de la nation du cristal, évinçant Tyr et ses combines fallacieuses. Un retour à la normale appréciée par la majorité, dont l’elfette, qui n’avait suivi les directives du technocréateur que pour s’assurer de leur intérêt pour les habitants de la nation et pour en contrôler les répercussions.

Un choix désapprouvé depuis toujours par Lexi, dont les actions avaient été autres durant la régence de Tyr. Si aujourd’hui, cette période était révolue, Alathea n’avait toujours pas eu l’occasion de faire la paix avec son amie et de mettre les choses à plat. Toutes deux étaient très occupées, chacune de leur côté, et le sujet était continuellement repoussé. Comme aujourd’hui.

Alathea avait été étonnée d’entendre par des ragots glanés de-ci de-là que deux élus très puissants et œuvrant pour la même nation possédait leur territoire en ces montagnes. Néanmoins, elle comprenait l’intérêt que pouvait offrir cette zone, de par sa position centrale au sein du continent, sa neutralité vis-à-vis d’autrui, son côté inaccessible par endroits et son point d’entrée vers plusieurs nations. Mais ce n’était pas ce qui l’intéressait aujourd’hui. De fait, la jeune femme avait entendu les supplications de deux villageoises ayant fui leur hameau natal à cause des atrocités qui y étaient commises. On parlait là d’une créature féroce et carnassière, venant régulièrement chercher son casse-croûte parmi les hommes et femmes qui vivaient sur place. Ces derniers étant pour la plupart très démunis, ils n’avaient pas les moyens de se défendre ou de faire appel à des chasseurs pour s’en débarrasser.

La native d’Erdrigoth avait donc là de quoi faire d’une pierre deux coups. Elle voulait aider ces villageois et en même temps tenait là un défi de taille. C’est ainsi qu’Alathea s’était engagée sur les traces de la bêbête, usant de tous ses sens pour ne pas la rater. Au bout de plusieurs heures de recherche, l’élue se figea, portant la main à son arc, se faisant aussi discrète et silencieuse que possible, son aura dissimulée par son côté humain. Elle n’était pas seule : elle sentait une présence puissante non loin de là. Alliée ou ennemie, ce n’était en tout cas pas l’aura de l’un des villageois maltraités.

Alathea avait entendu plusieurs détonations sourdes semblables à des coups de tonnerre, mais connaissant la fréquence de ce genre de météorologie en montagne, elle n’y prêta pas nécessairement attention. Le ciel était de surcroît plutôt dégagé, ce qui impliquait sûrement une certaine distance entre l’orage et elle. Même si elle gardait à l’esprit que le climat évoluait très vite dans ces régions rocailleuses. Toutefois, si son attention s’en dégagea un instant pour se reporter sur son environnement proche, elle y revint très vite lorsque l’elfe constata que les bruits sourds et intenses se rapprochaient ostensiblement d’elle. Ce fut à ce moment précis qu’elle commença à se mettre sur ses gardes. Il se pouvait très bien que l’un des deux élus de Reïfuu soit dans les parages et se trouve responsable de ce fait. La jeune femme avait beau connaître un peu le coin, il n’en demeurait pas moins que ce n’était pas son terrain de jeu habituel.

Et puis au bout d’un certain temps, une vingtaine de minutes, peut-être davantage, un ultime bruit assourdissant se fit entendre non loin de la position de l’archère. En plus de cela, cette dernière commença à sentir une présence dont l’aura était assez singulière, bien loin d’être commune à celle des habitants du coin. Ignorant de quoi il s’agissait, elle resta en retrait, arme dégainée, dissimulant simplement sa propre aura elfique tout en approchant de la source de cette énergie. Il pouvait très bien s’agir de la créature qu’elle recherchait, tout comme il pouvait s’agir de quelqu’un ou de quelque chose d’autre. Ses sens aux aguets, elle scrutait les environs afin d’en apprendre davantage.

Alathea ne mit pas longtemps à repérer celle qui était à l’origine supposée des bruits et qui, en tout cas, dégageait une aura particulière. Il s’agissait d’une jeune femme à la chevelure rougeoyante en armure dorée étincelante sous les rayons du soleil, que l’élue de Shintan avait déjà aperçu auparavant, lors de la mission de sauvetage de Reisha dans les failles du Royaume des morts. Si la mémoire de celle-ci ne lui jouait pas des tours, il s’agissait d’une élue au service de Kaen, mais Al’ n’en savait pas plus à son sujet. La demoiselle semblait avoir perçu la présence de l’elfe, mais la prenait visiblement pour un simple chasseur. Elle se présenta sous le nom d’Anastasia et confirme son statut d’élue de Kaen, avant d’inviter l’autre à se dévoiler. Ce que l’intéressée ne tarda pas à faire, arc toujours en main, mais non braqué sur Anastasia, sans gestes brusques et en se positionnant bien en évidence devant elle.

« Enchantée de faire votre connaissance, Anastasia. Je m’appelle Alathea et je suis également ici pour traquer et éliminer le monstre qui rôde dans les environs. »

Alathea resta discrète quant à son statut d’élue de Shintan, ne sachant pas encore si elle pouvait se fier à l’autre, ou tout simplement pour éviter de susciter des tensions dues à la différence de provenance. En tout cas, si elle affichait un air jovial et un certain relâchement, elle demeurait sur ses gardes et observait chacun des gestes de l’autre élue. Néanmoins, il paraissait peu probable, au vu de ses dires, que cette dernière tente quoi que ce soit à l’encontre de la tireuse de précision.

« Je suppose que vous êtes responsable de ces grondements sourds semblables au tonnerre ? » demanda l’hybride par curiosité.

Ayant finalement établi l’absence de risque imminent, Alathea finit par ranger son arme dans son dos, se sachant de toute façon capable de dégainer en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. Elle se rapprocha d’Anastasia, tout en tendant l’oreille d’en l’espoir de repérer la créature tant recherchée.

« Puisque nous partageons le même objectif, je vous propose de nous grouper pour y parvenir. De ce que je sais et qui m’a été dit, les villageois supposent que le monstre dispose d’une certaine agilité ou d’une paire d’ailes, et que son repaire se situerait probablement dans les hauteurs des pics escarpés. Les attaques ont presque toutes eu lieu de nuit, ce qui explique que les villageois en savent si peu. Les informations dont je dispose s’arrêtent ici. »

Alathea espérait qu’en faisant le premier pas et en offrant un gage de sa bonne foi, elle obtiendrait au moins partiellement la confiance de son interlocutrice. Si ce n’était pas le cas, la native d’Erdrigoth n’aurait qu’à s’occuper de cette requête en solo.

Ce n’était pas par mensonge ou par méfiance qu’Alathea n’avait fait que donner son nom à Anastasia. D’une part, il était très rare qu’elle se présente directement et de prime abord en tant qu’élue de Shintan, par praticité et par modestie. D’autre part, le statut d’élu ne signifiait en réalité rien sinon le fait qu’il était issu d’un autre univers, et sa nation ne donnait guère plus d’information. Autrement dit, pour l’elfe, seule l’identité de la personne, ainsi que ses agissements et ses propos définissaient ce qu’elle était. Ici, si son nom ne disait rien à la jeune femme en armure, il était inutile de poursuivre la présentation. De toute façon, la plupart des élus que l’archère avait déjà rencontrés disposait de capacités de détection et de perception au-dessus de la normale. Si pour l’heure, Al’ dissimulait son aura, en cas d’affrontement direct, elle serait bien obligée de la laisser exploser.

Sans doute de par la bonne foi apparente d’Alathea ou peut-être en prenant en compte la neutralité de la zone, le fait était qu’Anastasia avait l’air de faire plus ou moins confiance à la première et n’avait à aucun moment esquissé le moindre geste de mise en posture ou en garde, et ce, malgré le fait que la première soit apparue arme en main. Bien sûr, l’elfette se doutait qu’au vu de la puissance qui émanait de la seconde, il ne s’agisse là que d’une formalité et qu’elle pouvait tout aussi bien être prête à combattre en autant de temps qu’elle-même pour dégainer son arc. Anastasia accepta bien vite la proposition d’alliance, les deux partis ayant tout à gagner à joindre leurs forces pour cet objectif commun qu’était celui d’éliminer le monstre.

Néanmoins, avant de partager les informations dont elle disposait, Alathea ne put s’empêcher d’afficher sa curiosité quant aux grondements semblables au tonnerre qu’elle avait entendus précédemment. Sans chercher une seule seconde à nier, Anastasia confirma en être l’origine, puisqu’elle disposait d’une capacité de transformation en éclair qui lui permet probablement de traverser des distances colossales quand elle voyageait. Tout le patafoin bruyant qui en découlait était cependant un véritable bémol à cette faculté, mais visiblement la demoiselle à la chevelure rougeoyante n’en avait cure. Al’, quant à elle, se déplaçant souvent dans la discrétion, n’aurait pas vraiment pu s’en accommoder…

« Intéressante capacité… J’imagine que vous l’avez déjà déclinée de manière plus offensive, je me trompe ? Je serais bien curieuse de vous regarder faire, si nous n’avions pas une préoccupation autrement plus importante. » confia-t-elle en toute franchise à son acolyte du jour.

L’hybride répéta à l’autre tout ce qu’on avait déjà pu lui dire sur la créature qui terrorisait le village, à savoir pas grand-chose, mais néanmoins quelques premières pistes pour aiguiller leur stratégie d’approche. Anastasia proposa alors de les emmener au sommet des montagnes grâce à son déplacement fulgurant, tout en évoquant au passage tous les risques que cela impliquerait. Elle ne prenait néanmoins aucune décision hâtive et demanda l’avis de la tireuse de précision qui avait un peu plus la dégaine d’une chasseuse. Si celle-ci n’avait dans l’immédiat rien contre un petit vol privé, c’était surtout la partie atterrissage bruyant qui la dérangeait.

« Je pense qu’il vaut mieux éviter d’aller à la rencontre du monstre au quart de tour. Autant jouer au maximum la carte de l’effet de surprise. S’il est capable de se terrer en journée et d’attaquer presque toutes les nuits, c’est que son repaire n’est pas si éloigné que ça. Il est sûrement en hauteur, mais dans un périmètre raisonnable. Tant qu’il ignore que nous le traquons, nous disposons d’un avantage considérable sur lui. »

Alathea s’arrêta un instant, perdant à son tour son regard dans les hauteurs des pics.

« Il faut que nous prenions de la hauteur, c’est indéniable. L’escalade par ici ne me semble pas si compliquée que cela. Vous êtes une élue capable de générer de la foudre pour vous déplacer, alors je pense que ceci ne devrait pas vous poser trop de problème. Grimpons aussi haut que nous le pourrons, en restant discrètes, pour tenter de repérer la tanière du monstre. L’idéal serait de réussir à le piéger dans son antre ou à l’en faire sortir selon nos besoins, pour que le désavantage en sa faveur soit encore plus écrasant ! »

Alathea n’était clairement pas ici pour enfiler des perles, et visiblement, Anastasia non plus.

Anastasia ne semblait pas se formaliser plus que cela du peu d’informations distillées par l’elfe, pas plus qu’elle n’avait affiché une quelconque réaction particulière à l’évocation du nom de celle-ci. Elle ne semblait donc bel et bien pas la connaître, ou alors, tout comme l’intéressée, ne se souvenir que très peu l’avoir déjà croisée auparavant. Au moins, il n’y avait pas besoin de s’épandre en explications ou en présentations à rallonge quelque peu hors de propos dans le contexte actuel. Après tout, les deux avaient très vite compris que leurs objectifs personnels convergeaient, ne serait-ce que le temps d’une chasse, aucune d’entre elle n’avait donc ressenti la nécessité de chercher davantage d’arguments pour former une alliance. Du peu qu’elle en avait vu, Alathea voyait face à elle quelqu’un de raisonné et réfléchi, n’ayant pas peur du danger, mais ne le confrontant pas tête baissée pour autant. Autrement dit, quelqu’un qui pouvait se révéler être une alliée précieuse.

L’archère avait exposé son point de vue et tenté de partager l’ensemble des informations qu’elle avait à sa disposition, pour apporter confiance et transparence à leur échange. Ainsi, il serait plus aisé, selon elle, de s’en remettre l’une à l’autre lorsqu’il le faudrait. N’étant pas en rivalité quelconque avec qui que ce soit, Al’ n’avait de surcroît vu aucun inconvénient à transmettre ses propres connaissances à elle, évoquant la traque du monstre ou encore la manière de se rendre à sa tanière. Comme Anastasia l’avait évoqué précédemment, elle non plus ne voyait pas de problème à faire confiance en les capacités de chasseuse d’une quasi-inconnue, ce qui troublait un peu cette dernière, bien que la tâche lui soit facilitée. Elle tenait toutefois à rassurer son interlocutrice sur un point :

« Ne vous prenez pas trop la tête pour cela. Si l’escalade n’est pas votre tasse de thé, vous pourrez simplement sauter de promontoire en promontoire. Cela ne devrait pas attirer l’attention du monstre que nous traquons, en tout cas beaucoup moins qu’un grondement de tonnerre. Mes propres connaissances en escalade sont limitées, étant donné que j’ai appris à grimper aux arbres dans ma jeunesse, et non pas dans un décor rocailleux. Toutefois, le peu que je sais, je suis prêt à vous le montrer, si vous le souhaitez. »

Alathea n’y prêta pas nécessairement attention, mais l’une de ses confidences ici témoignait indirectement du fait qu’elle n’était pas de cette région. Elle n’avait pas non plus prétendu le contraire ceci dit. En tout cas, l’hybride tint sa parole, dans la mesure où elle put montrer quelques astuces pour grimper à Anastasia, des astuces que beaucoup de novices apprenaient rapidement lorsqu’il se lançait dans ce domaine. Dans tous les cas, elle-même comptait bien alterner les phases de grimpette à mains nues et les déplacements un peu plus acrobatiques, histoire d’avancer un peu plus vite. En cas de besoin, elle pourrait même se téléporter pour contourner un obstacle infranchissable.

Anastasia se déclara prête à entamer le périple après avoir dévêtu son armure éclatante pour la stocker dans un épais emballage tout aussi doré et semblant peser son poids, qu’elle installa dans son dos. Al’ était un peu dubitative sur la praticité de se trimballer pareil fardeau dans une ascension qu’elle ne maîtrisait, mais elle garda ses pensées pour elle.

« Bien. En ce cas, en route ! » répondit-elle simplement sans injonction particulière.

Alathea prit les devants, afin d’offrir à sa comparse du jour une piste à suivre si elle peinait à trouver ses prises. Elle grimpait à bon rythme, bien qu’un escaladeur chevronné aurait eu un fou rire face à pareille lenteur. Fréquemment, la belle aux yeux d’or jetait un coup d’œil dans son dos pour s’assurer du bon état d’Anastasia, ainsi que de son avancée. L’ascension se passa ainsi pendant un certain, jusqu’à un bruit étrange en provenance du bas attire l’attention de la mi-humaine. Elle ne mit pas longtemps à repérer la provenance, un petit monstre cornu et recouvert d’épines qui les guettait d’un peu plus bas. Aucune chance qu’il s’agisse de leur cible, mais il pouvait s’agir de l’un de ses enfants, et, dans tous les cas, ce pouvait être une menace directe pour le duo.

Aussitôt, Alathea se laissa choir de quelques mètres, tête la première, jusqu’à ce que ses jambes agrippent un branchage accroché à la roche et ne viennent interrompre sa chute, tandis qu’elle avait déjà dégainé et fait apparaître une flèche lumineuse sur son arc, prête à abattre la cible. Mais Anastasia désamorça le conflit avant qu’il ne se manifeste, déclarant connaître l’abominable bestiole et affirmant devoir aller la cajoler, sous peine de griller toute la discrétion de leur escalade. Al’ finit par rengainer et se remettre droite, haussant les épaules.

« Si vous pensez qu’il ne nous gênera pas, allez-y ! Mais ne tardez pas trop, j’ignore combien de temps il nous faudra pour trouver la tanière du monstre, mais il faut éviter à tout prix un affrontement de nuit ! »

De fait, le plan était ici de trouver l’antre du dévoreur pendant qu’il y sommeillait, pour l’y prendre au piège ou, au moins, profiter d’un certain effet de surprise non-négligeable, ainsi que du handicap pour le monstre de devoir se battre de jour. Alathea étant de par sa nature elfique nyctalope, elle n’avait pas de souci à combattre de nuit, mais ce n’était apparemment pas le cas pour Anastasia. Autant donc mettre un maximum de chances de leur côté. La tireuse de précision se tenait prête à repartir dès que l’autre aurait fait ses affaires avec le bébé monstre.

Flèche utilisée:

Alathea avait fini par ranger son arc et s’était remise dans une position un peu plus confortable, se posant comme spectatrice de ce qu’il se passait un peu plus bas. L’apparence de la petite créature l’intriguait tout de même beaucoup, mais pas autant que le lien qui l’unissait à Anastasia. Un lien qui s’apparentait énormément à une relation maternelle emplie d’amour et de bonté. L’archère était curieuse de savoir comment cette relation avait pu être développée et quel en était son point de départ, mais, encore une fois, il y avait d’autres priorités pour le moment. Elle observa donc simplement les retrouvailles sans mot dire, attendant que la demoiselle à la chevelure flamboyante reparte. Ce qui ne tarda pas tant que ça, dès que celle-ci eut trouvé une position convenable et commencé à faire usage de deux fouets d’énergie.

L’élue de Shintan dissimula à peine une moue désappointée en observant la manière dont avait décidé de se lancer dans l’escalade sa comparse du jour. Alors qu’elle avait avoué être débutante dans ce domaine et avoir été bien en peine précédemment, elle se donnait désormais un handicap en se privant d’un bras et se lestant d’un poids supplémentaire et potentiellement mouvant. Il y avait mieux comme séance d’initiation. D’autant que, plus les deux jeunes femmes grimpaient, plus le risque de blessure grave, voire de mort, augmentait exponentiellement. Alathea gardait donc un œil fréquent et avisé sur Anastasia, prête à intervenir au besoin. Cette dernière arriva finalement à rejoindre, non sans peine, la première, qui lui afficha un sourire.

« Belle performance. J’espère qu’il vous reste encore de l’énergie à revendre, car on est loin d’avoir fini la grimpette ! » déclara-t-elle sur un ton amusé.

Al’ fixa ensuite le petit monstre dénommé Pouki, avec un mélange d’intérêt et de curiosité, avant d’ajouter quelques mots à Anastasia :

« Il vous aime beaucoup en tout cas. Ça se ressent dans chacun de ses grognements. »

Ayant toujours eu ce lien privilégié avec la nature, Alathea était de fait capable de déchiffrer les émotions des créatures animales ou bestiales qu’elle croisait, sans servant parfois pour communiquer directement avec celles-ci. Ceci étant dit, la belle aux yeux d’or se remit en route, toujours en surveillant autant les hauteurs que la sécurité de l’autre élue. Il leur fallut une bonne heure d’effort répété, entrecoupé par moments d’une courte pause, pour atteindre le sommet du pic. Là-haut, l’elfe commença à analyser les environs à la recherche d’une probable tanière de monstre, tout en reprenant son souffle et massant légèrement ses membres fourbus par l’escalade. L’air s’était raréfié et la visibilité n’était pas optimale à cause des nuages et de la neige, mais en réunissant son odorat, son ouïe et sa vue, Al’ n’était pratiquement pas gênée par ce dernier point.

« Je l’espère aussi, Anastasia. Quand vous êtes prête, on peut y aller ! » répondit-elle au commentaire de la sudiste.

Dès que celle-ci confirma être opérationnelle, Alathea se mit en route, s’avançant doucement vers une caverne qu’elle avait repérée non loin d’ici et qu’elle avait au préalable désignée à sa collègue. La créature étant nocturne, il y avait de très fortes probabilités qu’elle se terre dans un antre le jour pour se préserver de la lumière et du soleil, et ainsi pouvoir se reposer pleinement. L’hybride avait espéré pouvoir compter sur une odeur de sang pour retrouver le monstre plus rapidement, mais l’humidité et le froid atténuait drastiquement tous les effluves qu’elle pouvait percevoir et elle n’aboutissait à rien de ce côté. Le joyeux trio était proche de l’entrée de la caverne, lorsque l’octogénaire déclara à l’autre :

« Je n’ai pas l’impression que ce soit ici… Ou alors cette bête était vraiment bien planquée. »

Aucune trace visiblement, pas d’odeur particulière, ni de son anormal. Ce n’était probablement pas ici.

En fin de compte, si elle était apparue comme prudente de prime abord, Anastasia s’avérait avoir la langue bien pendue et entretenir continuellement une conversation laissée mourante par l’elfe. Non pas que cela dérange cette dernière, bien au contraire, mais elle avait simplement mis sa curiosité légendaire au second plan pour se concentrer sur la traque et anticiper l’affrontement qui allait inévitablement avoir lieu. La guerrière en armure partageait, quant à elle, nombre d’anecdotes à son propos et à celui du bébé monstre qui l’accompagnait désormais, ce à quoi répondait bien volontiers l’archère. Elle s’étonna d’ailleurs d’entendre l’autre affirmer l’avoir vu éclore et s’être substituée à sa mère, n’ayant jamais croisé de pareille créature dans les nombreux ouvrages répertoriant la faune courante de Kosaten. Toutefois, l’hybride ne se prétendait pas érudite dans le domaine et il était tout à fait possible que le dénommé Pouki soit issu de territoires encore assez peu connus du genre commun. Une interrogation qu’elle partagerait peut-être lorsque leur chasse serait close.

Le sommet du pic escarpé et partiellement enneigé atteint, Alathea ne perdit pas un instant et concentra aussitôt ses sens pour vérifier la présence de la bête dans les environs ou au contraire l’infirmer. Après quelques instants, elle partagea ses impressions avec Anastasia, révélant que la grotte que toutes deux ciblaient n’était vraisemblablement pas la bonne, puisqu’on n’y sentait aucune présence. Ce que confirma tout aussi vite la demoiselle à la chevelure flamboyante, elle-même dotée de capacités extra-sensorielles, a priori liées à cette énergie puissante qu’elle dégageait en continuant. Peu pratique pour la discrétion, mais sûrement très efficace, peut-être même davantage que les sens de l’elfette à un niveau égal.

D’ailleurs, cette même énergie servait ici également à réchauffer Anastasia et son petit protégé, ce qui en faisait une aura multitâches particulièrement utile. Al’ afficha un sourire amusé, se souvenant de la fois où elle était venue dans un coin par si loin d’ici, accompagnée de Shiro, l’élue albinos manipulant son propre sang de diverses manières, qui avait eu besoin de s’emmitoufler d’innombrables couches de couvertures chaudes pour encaisser le froid mordant de la zone. Un point sur lequel n’était pas gênée plus que cela Alathea, étant habituée à des températures plus extrêmes.

L’élue de Shintan poursuivit ses recherches et arriva à la même conclusion que sa partenaire du jour, et ce, à peu près en même temps, à savoir que l’unique forme de vie dans les environs proches se trouvait un peu plus loin, dans une autre caverne dissimulée par le flanc d’un autre pic légèrement moins haut. La détection d’Anastasia allait même au-delà, puisqu’elle était capable d’affirmer de manière approximative le gabarit de la créature, qui semblait correspondre à ce qu’elles recherchaient. Elles touchaient donc au but.

« Ne vous tracassez pas pour votre aura. À partir du moment où vous avez été capable de sentir la bête avec, si elle pouvait également vous ressentir, elle serait déjà sur le qui-vive et prête à défendre sa peau. Tant que vous ne faites pas d’émoluments avant que ne l’ayons piégée, ça ne devrait pas nous causer d’ennuis. »

Alathea se rapprocha de leur objectif, n’hésitant à bondir de rochers en rochers, pour gagner du temps et ne pas se mettre en position désavantagée, alors même qu’elles approchaient d’une créature sanguinaire. Elle surveillait également l’avancée de sa partenaire du jour. Bientôt, la grotte en question ne fut plus qu’à une vingtaine de mètres. Et toujours pas de signe de vie du monstre. Il semblait avoir le sommeil lourd. La belle aux yeux d’or s’approcha alors d’Anastasia.

« Voici ce que je vous propose : je tire des flèches aveuglantes directement sur notre cible, pendant que vous vous occupez de faire s’effondrer quelques rochers à l’entrée de la grotte, sans la bloquer. Ainsi, le monstre sera désorienté, complètement assailli et affaibli, et nous n’aurons plus qu’à le cueillir à sa sortie. Cela vous convient-il ? »

Traquer ainsi les bêtes jusque dans leur tanière avait toujours plus ou moins fait partie du quotidien de l’archère, que l’on évoque ici son passé en Erdrigoth ou bien ses aventures sur le continent de Kosaten. Aussi loin qu’elle puisse se souvenir, dès lors que sa mère l’avait jugée capable de se défendre par elle-même, elle l’avait habituée à chasser grâce à ses propres ressources, pour que jamais la faim ne soit un problème pour elle. Par la suite, en tant que mercenaire pour le compte des elfes, Alathea avait dû, à plusieurs reprises, se débarrasser de certaines créatures hostiles à leur cause. Elle en avait également fait de même pour les humains, lorsqu’elle s’était rangée secrètement de leur côté. Et puis désormais, depuis qu’elle avait acquis suffisamment de puissance pour ne plus se faire balayer comme un brin de paille par chaque monstre un peu trop balèze qu’elle croisait, la chasse était redevenu l’un de ses passe-temps, lui permettant, comme ici, de joindre l’utile à l’agréable.

Dire qu’Alathea était une spécialiste du domaine était sûrement exagéré, mais il était vrai que l’expérience lui avait permis d’acquérir un certain nombre de réflexes et de réflexions à ce sujet. Ainsi, elle avait vite balayé les craintes d’Anastasia à l’idée que la créature que toutes deux traquaient puisse ressentir, d’une manière ou d’une autre, leur aura, arguant que, le cas échéant, la bête aurait déjà perçu leur présence et, potentiellement, leurs intentions hostiles. Il était en revanche possible que l’ouïe ou l’odorat de la créature soit capable de les sentir venir, même en cas de sommeil profond, mais cela aurait été réellement jouer de malchance, d’autant que le vent était, pour le moment, à leur avantage.

La tanière du monstre clairement identifiée par les deux jeunes femmes, Al’ exposa brièvement son plan d’attaque, proposant une tactique d’affaiblissement reposant sur deux points principaux et assez facile à mettre en œuvre. Ainsi, même si sa partenaire du jour n’était pas particulièrement rodée à la chasse, sa capacité d’adaptation serait parfaitement suffisante pour celle du jour. Anastasia accepta d’abord silencieusement l’idée, avant de commencer à se mettre en place, tandis que la tireuse de précision dégainait son arme, prête à agir. Mais alors que tout semblait bien s’engrener, la demoiselle en armure lui intima soudain d’attendre, son visage marqué par une étonnante expression.

Alathea, intriguée, baissa son arc, attendant une explication d’Anastasia. Qui ne tarda pas, bien qu’elle soit divulguée à la va-vite. Apparemment, d’après les dires de la combattante à la chevelure de feu, qui se prétendait divinatrice, la créature dans la caverne n’était que le petit d’une autre créature bien plus imposante et dangereuse. Si l’elfette ne croyait pas franchement de base en la prophétisation de l’avenir, elle ne trouvait pas ça incohérent que, parmi la diversité des capacités d’élus, l’un ou l’une d’entre eux soit capable d’anticiper un futur proche. Néanmoins, il restait quelques points à éclaircir avec Anastasia, et au plus vite, si ce qu’elle racontait était avéré.

Toutefois, l’hybride dut patienter le temps que la guerrière se décide finalement à mettre le petit Pouki à l’abri, dans une scène déchirante entre les deux proches. Leur lien était solide, cela ne faisait aucun doute. Alathea attendit silencieusement et respectueusement le retour de l’autre, sans faire de commentaire, jusqu’à que leur discussion précédente puisse reprendre. Là, Anastasia émit quelques doutes sur la nécessité d’abattre le monstre, évoquant une autre solution qu’était celle de la mise en déroute. Scrutant le ciel alentour pour y trouver de quoi corroborer la vision de l’autre, la mi-humaine répondit en parallèle aux doutes de sa comparse :

« Honnêtement, je n’en sais rien. Cela dépendra de la réaction de ces créatures. Si elles cherchent absolument à défendre ce territoire au prix de leur vie, cela sera sans doute impossible de les déloger sans les éliminer. Si, à l’inverse, ce sont leurs vies qui sont privilégiées, alors il suffira effectivement de prendre l’ascendant sur elles pour les faire fuir. »

Alathea ne sentait toujours aucune autre présence que celle du monstre au sein de la tanière. Elle adressa alors un regard dubitatif à Anastasia.

« Dites, loin de moi l’idée de remettre en question votre capacité à voir l’avenir, mais cette prédiction, à quel point est-elle fiable ? Non, parce que j’ai beau utiliser pleinement tous mes sens, je ne perçois rien du tout... Et si nous tardons trop à agir, le monstre risque bel et bien de nous sentir arriver… »

Ce n’était pas tant qu’Alathea remette en doute les capacités prémonitoires d’Anastasia, mais plus qu’elle s’en demandait la précision. Elle aurait pu ne pas croire les dires de celle-ci, mais avait préféré lui faire confiance. Après tout, quel intérêt aurait la porteuse d’armure a inventé cette supposée prédiction, alors que l’avenir proche serait capable à lui tout seul de montrer la vérité ? Non, si Anastasia avait interrompu l’elfe dans son initiative, c’était très sûrement pour une bonne raison, et cette dernière tenait à en comprendre l’exacte ampleur. D’où son questionnement direct adressé à la divinatrice, afin d’avoir davantage de détails.

Anastasia ne parut pas s’offusquer de la question, probablement parce qu’un tel pouvoir devait être fréquemment soumis au scepticisme de ses interlocuteurs. Elle confirma rapidement que chacune de ses visions s’était réalisée, ce qui, honnêtement, n’était pas franchement une bonne nouvelle ici. Elle donna par la suite plusieurs exemples, pour la grande majorité abstraits aux yeux d’Alathea, bien qu’elle n’y réponde pas. Le point le plus inquiétant de ces explications était le délai d’accomplissement des visions, apparemment très réduit et ne donnant pas une très grande marge de manœuvre. Autrement dit, les deux élues étaient déjà dans la panade. L’elfette soupira.

Et effectivement, alors même qu’Anastasia indiquait ressentir l’approche rapide d’un nouveau monstre, Al’ entendit en parallèle les battements d’ailes de la bête, sentant qu’il ne leur restait qu’une poignée de secondes avant le contact. Un détail qui lui confirma que son alliée et elle avaient à peu près la même perception sensorielle. La demoiselle aux cheveux écarlates déclara vouloir tenter une approche pacifique, malgré ce que lui avait dit l’archère un peu plus tôt. Cette dernière haussa les épaules.

« Faites comme vous voulez. Mais je préfère vous prévenir : je ne laisserai pas cette créature frapper la première. »

Ce qui pouvait se traduire par « Je vous couvre, faites-vous plaisir ! ». Ceci étant dit, Al’ dégaina son arc, se plaçant dans une position stable et observant les alentours, guettant l’arrivée imminente du monstre. Qui ne tarda pas. La bête était furieuse et agressive, et elle plongea vers les deux élues, davantage pour les mettre en déroute que pour les toucher. Aucune d’entre elles ne fut touchée, l’esquive étant facile à faire ici. La tireuse de précision fit apparaître une flèche sur son arme, prête à lâcher le trait, mais attendant tout de même qu’Anastasia tente de calmer le jeu.

Alathea fixa son alliée, se demandant comment elle comptait communiquer avec une créature pareille. Elle avait peut-être un don similaire au sien ou bien un pouvoir encore inconnu à sortir de son chapeau, qui sait ? Et en fait, non. Anastasia se contenta de parler, indiquant les raisons de leur présence ici, ainsi que sa volonté de laisser partir les créatures si elles laissaient la zone tranquille. Ce qui n’avait pas franchement l’air de fonctionner, au vu des cris de plus en plus puissants de la bête ailée. L’elfette avait profité de ce répit pour observer la créature, voyant en ses yeux et à la base de ses ailes des points faibles à toucher si elle voulait neutraliser le monstre.

La belle aux yeux d’or accumula un peu plus d’énergie dans sa flèche dorée et la laissa filer pour qu’elle passe juste au-dessus du monstre, faisant exploser un amas neigeux à l’impact. Alathea cessa alors de dissimuler son aura magique pour au contraire la laisser éclater et intimider la bête. Elle s’avança et prit à son tour la parole :

« Premier et dernier avertissement ! Tu as le choix entre fuir et vivre, ou rester et mourir. » déclara-t-elle sur un ton aussi froid que le climat local.

Au moins, grâce à son don, elle était certaine que le message était passé. Elle échangea un regard avec Anastasia.

« Tenez-vous prête, je n’ai pas l’impression qu’elle veuille quitter son nid... »

Le petit ne tarderait pas à se réveiller avec tout ce boxon...

Capa' contextuelles:

Alathea s’en doutait un peu, au regard du profil de la créature qui les assaillait actuellement, mais les tentatives de négociation orale, que ce soit le côté maternel d’Anastasia ou l’aura intimidante de l’archère, ne donnèrent rien de concluant. À croire que le dragon ailé n’avait même pas daigné les écouter, trop préoccupé par la défense de sa progéniture. Al’ pouvait sentir toute la rage et la colère qui animaient celui-ci, tandis qu’il se démenait pour barrer tout accès vers la grotte où se terrait la bête initialement traquée par les deux chasseuses. Heureusement que l’elfette avait croisé la route de l’autre combattante, sans quoi cet affrontement aurait clairement été en sa défaveur. Alors qu’ici, cela devrait logiquement tourner en leur faveur.

« Tant pis pour la manière douce... » grommela Alathea, tout en se préparant à combattre.

Alathea était sur le qui-vive, scrutant attentivement l’impressionnante créature qui luttait pour deux vies, tandis qu’elle tendait l’oreille pour surveiller la plus petite, qui avait fini par s’éveiller, son sommeil dérangé par l’arrivée de la mère. Il ne faudrait qu’une poignée de secondes avant que les deux monstres ne soient côte à côte et parés à combattre. Autrement dit, il fallait impérativement frapper tout de suite pour éviter que ces retrouvailles se fassent dans de bonnes conditions, et pour prendre un semblant d’ascendant dans ce combat. La flèche de la belle aux yeux d’or était déjà prête et ciblait une patte du dragon.

Mais c’était sans compter sur le retour inopportun de la petite créature qui accompagnait Anastasia et qui se mettait là en danger certain. Forcément, le petit Pouki capta l’attention d’absolument tout le monde, et le monstre enragé, y voyant là une ouverture, se rua vers la seconde élue, alors occupée à renvoyer le premier se cacher. Alathea n’eut que le temps de tirer un trait rapide vers la tête du dragon, trait manquant de puissance et de percée pour réellement se montrer redoutable, et donc qui se brisa sur les écailles de la bête. L’hybride vit alors sa partenaire du jour se faire cruellement meurtrir au bras.

Toutefois, Anastasia démontra qu’elle n’était pas n’importe qui, ne se laissant pas surpassée par la douleur ou la blessure, usant rapidement de sa capacité de transformation fulgurante pour se débarrasser du dragon, et soit dit en passant, amocher ce dernier. En d’autres circonstances, Alathea aurait fait part de son émerveillement face à cette technique et cette utilisation un peu particulière, mais ici, elle n’en avait pas vraiment le temps. Constatant que sa partenaire avait de quoi pourvoir elle-même à son pépin physique, elle reporta son attention sur le second dragon qui venait de pointer le bout de son nez, alors que le premier accaparait l’attention des élues. Tout plan pour en neutraliser un en premier était à présent bien plus compliqué…

Anastasia réclama alors de pouvoir se venger de ce que la mère lui avait fait subir. Alathea afficha un léger sourire, haussant les épaules.

« Comme vous voulez. » ajouta-t-elle sobrement.

Voyant le fiston commencer à prendre son envol, la tireuse de précision matérialisa plusieurs flèches foudroyantes, qu’elle tira quasi instantanément vers les ailes du dragon, provoquant aussitôt sa chute et son incapacité à reprendre de l’altitude. Au moins, ceci était réglé, bien que la vélocité de la créature soit toujours un gros souci. Celle-ci poussa un rugissement assourdissant, se précipitant au pas de course vers l’elfette, qui attendit le dernier moment pour glisser sur le dos en dessous de son assaillant l’agrémenter au passage de quelques traits empoisonnés et givrants dans le ventre, partie assez peu protégée par les écailles.

La bête fit un bond pour reculer, détruisant les flèches d’un coup de pattes, ne donnant pas l’air d’avoir été plus touchée par le poison que cela, une immunité sans doute due à sa race. Cependant, la glace semblait l’avoir bien plus affectée, les parties gelées ralentissant ostensiblement le monstre.

Le fiston commença alors à fracasser la rocaille aux alentours, jetant des blocs de pierre plutôt costauds à l’archère, la contraignant à rester sur la défensive, esquivant certains, détruisant les autres. Mais alors qu’elle s’apprêtait à en faire exploser un d’assez massif, elle fut surprise par l’attaque rapide du dragon, qui s’en était servie comme d’une diversion, et dut échanger de place instantanément avec l’une de ses flèches tirée en urgence pour éviter de finir coupée en deux. La téléportation eut pour effet de déstabiliser la bête, qui ne trouvait plus Alathea. Cette dernière en profita pour observer le combat de son alliée, afin de savoir comment celle-ci s’en sortait.

Alathea n’avait pas eu l’adversaire le plus difficile des deux. En effet, si la robustesse et la vélocité du petit étaient avérées, il n’avait en revanche que très peu d’expérience en combat meurtrier, ayant sûrement toujours compté sur sa mère dans ses moments-là pour lui venir en aide. Autrement dit, une fois que l’on avait compris comment il réfléchissait et attaquait, et surtout, une fois que l’on avait trouvé le point faible des écailles du bestiau, ce n’était plus qu’un jeu d’enfant, une alternance entre esquives et contre-attaques, avant la victoire. Dans sa rage de vaincre et son désir de vengeance, Anastasia s’était appropriée le dragon le plus coriace, livrant donc le second à l’elfe sur un plateau d’argent. Cette dernière sentit arriver l’opportunité tant attendue, à savoir l’ouverture qui lui permettrait d’éliminer le monstre pour de bon.

Disposant néanmoins d’une fenêtre assez large, l’octogénaire s’autorisa à vérifier plutôt longuement l’état de sa partenaire, ainsi que celui de son adversaire. Si, précédemment, Anastasia avait pas mal morflé des crocs du dragon, tout ceci n’était désormais qu’un mauvais souvenir, et le rapport de force s’était complètement inversé. La jeune femme en armure était forte, très forte au combat, bien plus qu’en escalade. D’ailleurs, au vu de son style agressif et offensif, Al’ fut rassurée de les avoir alliées et non pas ennemies. Dans tous les cas, celle-ci commença à lever son arc, amassant peu à peu la puissance nécessaire pour son dernier trait, tandis que sa complice du jour venait de jeter la créature qui lui servait d’opposante à terre, et se tenait prête à l’achever.

Les deux combats se termineraient donc à peu près en même temps, sans aucune perte à déplorer de leur côté, et surtout, avec deux élues dans un plutôt bon état pour un affrontement livré dans de telles conditions. En même temps, si leur plan de base n’avait pas pu être appliqué à la lettre, la vision d’Anastasia leur avait permis de gagner un peu de temps et de ne pas se trouver trop pris au dépourvu lors de l’irruption maternelle. La flèche spectrale d’Alathea, invisible, mais surpuissante d’énergie, était quasiment prête à balancer, mais ce fut le geste de la demoiselle à la chevelure de feu qui capta son attention, la stoppant dans son tir.

De fait, celle-ci venait de commencer à soigner le monstre à terre, au lieu de l’achever. Surprise et déboussolée, Alathea y laissa malgré elle passer sa fenêtre de tir, esquivant d’urgence une énième charge du petit. Ce dernier était en train d’essayer de rejoindre sa génitrice pour la défendre à son tour, mais en vain, face aux multiples traits de l’archère. Celle-ci le contenait comme elle pouvait, alors que son regard se posait de plus en plus fréquemment sur sa comparse, dont elle ne comprenait pas le geste. L’heure n’était guère plus à la diplomatie, mais au combat… Pourquoi diable s’échinait donc t-elle à tenter de sauver le dragon ? Une question qui demeurait pour l’heure en suspens, tant que l’elfette ne neutralisait pas son propre adversaire.

Finalement, Anastasia s’effondra à terre, épuisée par l’effort, face à un monstre de nouveau au top de sa forme, ou presque. Autrement dit, elle était désormais à portée de n’importe quelle attaque et potentiellement incapable de l’éviter. Le petit bestiau adoptif de la Kaechijin vint s’interposer entre les deux, suppliant du regard la mère, alors que cette dernière, également déstabilisée par le geste de l’élue, hésitait. Néanmoins, elle retrouva très vite sa lucidité, voyant son rejeton, une fois encore directement menacé de mort par un tir d’Alathea. Une ruée soudaine de la bête força cette dernière à annuler son exécution, en se téléportant non loin de sa partenaire du jour.

Les deux camps s’étaient donc de nouveau rassemblés. Tandis qu’Al’ s’était placée devant Pouki, et donc par extension, devant Anastasia, les deux ailés leur faisaient face, rugissant de plus belle, sans attaquer cependant. Il se passa ainsi quelques secondes sans que rien ne se passe ou n’évolue. Et puis finalement, la mère rugit une ultime et s’envola, offrant un coup de pouce, ou plutôt de patte, au second dragon encore bien esquinté. Une minute passa et la présence des deux créatures disparut complètement. La tireuse de précision resta encore sur ses gardes quelques instants, avant de constater que le combat était bel et bien terminé. Elle souffla un coup, rangea son arc, tout en rejoignant Anastasia, sans aucune joie dans les yeux.

« Qu’est-ce qui vous a pris de faire ça, Anastasia ?! Êtes-vous simplement idiote ou trop naïve pour comprendre que les monstres sauvages de ce monde n’ont pas les mêmes principes que vous ? Vous vous êtes dit quoi, que ce combat était trop inégal et qu’il fallait lui donner une deuxième vie ? Et bah, c’est réussi, vous avez tout déséquilibré par votre stupidité. J’espère que vous vous rendez bien compte que s’ils n’avaient pas finalement décidé de fuir, nous ne serions peut-être plus là pour en parler ? Si vous voulez vous suicider, faites-le autrement et n’engagez personne d’autre dans votre acte !!! »

Cela faisait longtemps qu’Alathea ne s’était pas énervée à ce point contre quelqu’un. Elle comprenait la démarche de l’autre, elle-même n’achevant pas toujours ses ennemis. Mais parfois, il fallait aussi accepter le fait que seule la mort de l’un des deux partis pouvait mettre fin au conflit.

Elle soupira un grand coup, afin d’évacuer tout le surplus de colère qui subsistait en elle. Si son sourire ne revint pas, ses yeux n’étaient en revanche plus emplis d’éclairs.

« Vous n’êtes pas blessée, au moins ? »

Honnêtement, Alathea s’était-elle déjà énervée à ce point face à quelqu’un depuis qu’elle foulait le sol de Kosaten ? Oui, une fois ou deux sans doute, pas plus. Il y avait eu sa première confrontation avec Reisha, et surtout avec Tyr faisant tomber le masque du conseil. En même temps, à l’époque, l’elfe apprenait que ce dernier était en mesure d’épier ses moindres faits, gestes et propos, qu’il ne s’était d’ailleurs pas gêné pour le faire à plusieurs reprises. Forcément, pour une nation où la connaissance et la vérité prônaient, ça la foutait un peu mal. Al’ ne voyait pas d’autre moment où elle avait pu laisser ses émotions éclater sous le coup de la colère, mais sa mémoire n’était pas infaillible non plus. Dans tous les cas, ce genre d’événement ne survenait que très rarement, ce qui pouvait témoigner de l’ampleur de son énervement face aux agissements d’Anastasia.

Si l’émotion avait vite explosé chez l’elfette, elle était redescendue tout aussi rapidement. D’une part, car elle n’était pas du genre à s’obstiner dans son mécontentement et dans son engueulade, d’autre part, car elle avait dit ce qu’elle tenait à dire à son interlocutrice et comptait bien s’en tenir là. Après tout, Alathea n’était pour Anastasia rien de plus qu’une alliée temporaire, dont elle ignorait presque tout. Elle ne serait donc peut-être pas réceptive à toute remarque venant de sa part. Le ton retomba donc, tandis que l’archère s’affairait à prendre des nouvelles de la guerrière éreintée. Fort heureusement, hormis son gros coup de barre, elle était parvenue à ne subir que des dégâts relativement légers et déjà soignés par ses facultés.

« Bien. Au moins une bonne nouvelle. »

Alathea n’en rajouta pas plus à ce sujet-là, pas plus qu’elle ne rebondit sur les excuses formulées par la demoiselle à la chevelure ardente, n’y voyant pas grand intérêt. Après tout, elle avait dit ce qu’elle avait à dire et n’était pas non plus là pour enfoncer l’autre jeune femme. Ce qui était fait n’était plus à refaire, mais peu importe ce que serait le futur de la miss en armure, ce ne serait plus la problématique de la tireuse de précision.

Tandis qu’Anastasia larmoyait avec Pouki, Al’ s’éloigna un peu, lui laissant un moment d’intimité. Elle en profita pour escalader un peu plus les rocs alentours, surplombant davantage la zone et effectuant une ultime reconnaissance visuelle et auditive, au cas où les dragons auraient la très fâcheuse idée de revenir à l’assaut. Heureusement, la dérouillée que les bêtes avaient prise, sans doute combinée à la diplomatie pré-affrontement et le soin suicidaire de la Kaechijin, avait visiblement suffi à les en dissuader. La belle aux yeux d’or redescendit donc de son perchoir, retrouvant les deux autres.

« Une autre bonne nouvelle, cette mission est un succès. » déclara-t-elle sans effusion de joie particulière.

Leur objectif de la journée était rempli. Alathea pouvait donc reprendre sa route vers Feng. Mais avant cela, encore fallait-il regagner le plancher des vaches et autant l’octogénaire était encore suffisamment en forme pour cela, autant Anastasia peinait déjà à tenir debout. Celle-ci suggéra d’abord de rester un peu ici histoire qu’elle puisse regagner quelques forces, avant de tenter une nouvelle approche. Al’ vit alors une aura éclatante de puissance l’enrobée, tandis que des ailes majestueuses apparaissaient dans son dos. Elle resta muette tout du long, stupéfaite et émerveillée par l’opération. Étonnamment, ce n’était pas sans lui rappeler les capacités liées au cristal qu’elle avait su développer à Jiban.

Cela sembla redonner un peu de peps à Anastasia, bien que celle-ci avoue ne pas être prête de sitôt à courir un marathon. Mais au moins, elle pouvait à peu près se déplacer par ses propres moyens. Alathea se rapprocha, lui offrant une épaule de soutien si elle le souhaitait.

« Appuyez-vous sur moi si vous en ressentez le besoin. »

L’archère fixa le contrebas qui les guettait, avant de reporter son regard sur l’autre élue.

« Ça risque d’être compliquée pour vous de redescendre dans cet état… Si vous prenez Pouki dans vos bras, je devrais pouvoir nous téléporter petit à petit jusqu'en bas, comme ça, vous économiserez vos forces et on avancera plus vite. Qu’en dites-vous ? »

En attendant sa réponse, Alathea jeta un regard admiratif vers l’aura flamboyante qui entourait Anastasia. Et forcément, comme souvent, sa curiosité refit son apparition :

« Cette aura ardente qui vous anime et ces ailes somptueuses qui surgissent dans votre dos… C’est vraiment un sacré pouvoir que vous possédez là. »

Anastasia était vraiment bien à plat. Pour s’effondrer ainsi devant un ennemi, ne pas être capable de se relever par ses propres moyens, ne pas tenir debout même malgré un sacré boost de puissance, il n’y avait pas photo. Alathea ignorait combien de temps mettrait la guerrière pour récupérer pleinement et se remettre du combo affrontement de haut rang et cure de soin intensive, et, à vrai dire, elle s’en moquait un peu. De fait, l’autre avait fait une énorme erreur qui aurait pu lui coûter bien plus, ce n’était là qu’un maigre prix à payer. Le souci, c’est que malheureusement, il serait impossible pour elle de redescendre dans un état pareil. Autrement dit, deux solutions s’offraient à elles, l’alternative où Al’ s’éclipsait et laissait l’autre se débrouiller ne lui effleurant même pas l’esprit.

La première solution consistait à établir un camp dans la zone, à l’abri du froid, du vent et des potentielles intempéries qui auraient pu survenir. Le but serait alors d’attendre qu’Anastasia soit remise d’aplomb pour entamer le retour sur le plancher des vaches, sans qu’il y ait un risque lors de ce retour. Le problème, c’était que l’endroit n’était pas nécessairement sécurisé et assez peu propice à s’installer ici, ne serait-ce que quelques heures. De plus, comme dit précédemment, Alathea ignorait avec précision le temps qu’il faudrait à la rouquine pour retrouver la forme. Une solution au final assez peu envisageable.

La seconde solution, plus simple, ne demandait d’efforts qu’à la Shintajin. Elle consistait à se servir de son lien spirituel avec ses flèches pour pouvoir les téléporter jusqu’en bas, en procédant par étapes si besoin. Sur le fond, l’opération ne semblait pas poser de complication particulière. Sauf que l’archère n’avait jamais téléporté avec elle plus d’une personne. Or, ici, si Pouki ne comptait pas pour une personne entière, cela représentait tout de même un être vivant supplémentaire à transporter. Autrement dit, un effort de concentration supplémentaire.

Ne voyant pas d’autre solution, Alathea finit par se convaincre que la précédente était la plus envisageable dans les conditions actuelles. Elle en fit donc part à Anastasia, se gardant toutefois de lui dire qu’elle ne s’y était jamais essayée avec des paramètres similaires à ceux du jour. Néanmoins, depuis que l’elfette était capable d’échanger instantanément sa position avec celle de ses flèches, elle avait énormément progressé et fait évoluer sa capacité. Aujourd’hui était peut-être l’occasion de franchir un nouveau cap ?

« Bien. Faisons comme ça, alors ! »

Mais avant le grand départ, Al’ interrogea à demi-mot son acolyte du jour sur la présence des ailes ardentes dans son dos, ainsi que le flot d’énergie qui s’en dégageait. Validant alors l’hypothèse de la tireuse de précision, Anastasia affirma avoir acquis cette faculté après de longs entraînements à Kaen. Cela s’apparentait vraiment avec les capacités maîtrisées à force de répétition par la belle aux yeux d’or.

Anastasia se prépara ensuite pour la descente, agrippant fermement la petite créature qui l’accompagnait, qui en fit de même en retour. Alathea attendit alors son feu vert, avant de se lancer. Avant toute chose, il lui fallait placer les différents points d’ancrage qui leur permettraient ensuite de se téléporter. L’hybride se permit donc de se délester temporairement du poids de l’autre jeune femme, s’assurant qu’elle pouvait tenir un peu sans elle. Sans perdre une seconde, elle dégaina son arc et tira, coup sur coup, cinq projectiles dorés, matérialisés par sa puissance, ciblant cinq points de passage situés de plus en plus bas. Ce détail réglé, elle se remit à soutenir Anastasia au niveau de l’épaule.

« Tenez-vous fermement, jusqu’à ce que je vous dise que vous pouvez vous relâcher. A priori, vous ne devriez rien ressentir de particulier. »

De mémoire, Alathea n’avait jamais croisé quelqu’un ayant été téléporté par ses soins, qui avait ensuite été sujet à des effets secondaires, de type nausées et autres désagréments dans le même genre. Elle espérait que la première fois ne serait pas celle qui allait suivre. Ayant l’aval d’Anastasia, l’elfe inspira un grand coup, puis échangea leur position avec celle de la flèche la plus proche. Rien d’anormal, hormis le fait que la dépense d’énergie pour ce déplacement était accrue. Les quatre autres téléportations s’ensuivirent peu à peu, l’octogénaire s’assurant à chaque étape que tout allait bien pour ses passagers.

Tous trois arrivèrent finalement à bon port. Alathea était essoufflée et elle dut prendre un moment pour stabiliser son rythme cardiaque. Elle n’avait plus qu’à amener Anastasia au village à proximité et tout serait terminé. N’y ayant encore jamais été, la mi-humaine se fia aux indications de l’intéressée, avançant lentement pour ne pas la déséquilibrer davantage. Après une grosse demie-heure à cette allure, la destination fut atteinte. Il ne fallut pas longtemps pour que l’élue de Kaen soit prise en charge et conduite à un cabanon où elle pourrait se reposer le temps qu’elle voudrait. Les habitants du patelin étaient trop contents de pouvoir se rendre utiles à celles qui les avaient débarrassés de leur fléau. La native d’Erdrigoth n’ayant pas particulièrement l’intention de s’attarder ici, arriva le moment de laisser Anastasia se reposer.

« Je vous laisse ici, Anastasia. Merci pour votre aide aujourd’hui et portez-vous bien. Et, si possible, évitez de soigner tous vos ennemis. »

"Si tu refuses de tuer ton ennemi, tu mets en péril la vie de tous ceux qui vont l'affronter après toi. Si le fait d'avoir blessé et tué de nombreuses personnes qui pourtant étaient des ennemis est un pécher, dans ce cas j'accepterai le jugement des dieux. Mais pas avant d'avoir purifié le monde de tout le mal qui l'habite .. "

Capa' contextuelle: