Coups et blessures - Ft Lexi Hil'Feyan

Coups et blessures

Lexi venaient de courir depuis les côtes de la mer intérieure pendant plusieurs heures, et prenaient donc une pause durant laquelle elle voyageait plus tranquillement. Ces derniers jours avaient été synonymes de course effrénée. Lorsque les autorités de Shutô Tokaï avaient arrêté Frisk au festival de Gilgamesh, elle n’avait pas attendu une seconde. Elle devait contacter Reisha en urgence, et aucun messager ne serait plus rapide et plus fiable qu’elle-même. Comme prévu, maintenant que le message avait été confié, elle devait rentrer dans les montagnes de l’Est pour respecter son serment. Une dette d’honneur la liait à Rinkyu Uchiha, et cela allait devenir compliqué à gérer si elle devait sauver les miches de Frisk en même temps. Elle attendrait la réponse de la dirigeante avant d’agir à ce sujet néanmoins, car elle estimait qu’il valait mieux régler le problème diplomatiquement, ce pour quoi elle n’était pas forcément bien taillée. En revanche, si Reisha refusait ou échouait, elle utiliserait ses propres méthodes…

C’est donc en marchant qu’elle arpentait une large route forestière, l’une des principales qui partaient de Shintân vers l’Est, et elle aperçut soudain une silhouette dans les bois qui l’observait. L’homme essayait de se cacher, mais elle le repéra sans mal, et soudain il fit volte-face et s’éloigna en courant. Intriguée mais pas inquiète, la marchombre continua d’avancer.


Le chef de la bande, qui n’avait pas vraiment trop pris de coups, commençait à donner des ordres.
- Toi, et vous deux, soignez les blessés. Toi et toi, chacun d’un côté de la route, vous partez en éclaireurs et vous revenez me prévenir si quelqu’un arrive. Toi…
Les deux hommes désignés comme éclaireurs partirent sans attendre, bien contents du rôle qui leur était attribué. Au vu de la déculotté qu’ils venaient de prendre, sans parler du fait que la cible avait fui, le chef allait être d’une humeur massacrante. L’un d’eux se posta en amont de la route, et observa. Une femme s’approchait d’un pas tranquille. Vêtements de voyage, un arc noir en onyx dans le dos, un visage au traits fins, deux yeux gris bleu et des cheveux blonds et courts, cela lui rappelait quelque chose. Si elle avait un physique très banal, il collait néanmoins à celui d’une prime qui tournait chez les réseaux de bandits, et le détail de l’arc en onyx noir était très révélateur. S’il ne se trompait pas, il s’agissait de Lexi Hil’Feyan, et la prime en promettait plus de trente mille yens. Il fit demi-tour et revint au pas de course vers les autres.

- Chef ! Chef !
- Quoi ?!
L’homme avait vu juste. Il était d’une humeur massacrante. Mais il pouvait arranger ça.
- Une femme arrive. Elle correspond à la description de Lexi, élue portant une prime chez le village des voleurs d’Iggir de plus de trente mille yens. Si on pouvait la capturer on…
- IMBÉCILE ! On vient de prendre une raclée et tu penses qu’on peut se faire la jeune femme qui vaut trente mille pièces ?
- Attendez chef ! J’ai eu une idée ! On lui dit qu’un élu voleur -puisque c’est ce que le renard a dit - nous a détroussé. On l’emmène dessus et ils se battent. Comme ça on récupère ce que possède le voleur ; et il doit donc avoir des biens de valeur. Si jamais elle ne sort pas trop amochée du combat, on la laisse tranquille. Mais si le renard l’a suffisamment affaiblie, on la finit et on la capture !
- Mmmmh c’est bien mon gars. Bonne idée. Si ça se passe comme tu dis, tu es promu une fois qu’on rentre.
- Merci chef !



Au loin, Lexi arrivait calmement, et constata que le groupe d’hommes sur lequel elle était tombée était dans un sale état. Elle s’arrêta donc, et par curiosité demanda.
- Et bien. Qu’est-ce qui vous est arrivé ?
Le chef s’avança vers elle.
- Notre groupe a été attaqué. Nous avions beau être nombreux, et armés, c’était un élu nous n’avions aucune chance. Il a pris certains de nos biens et s’est enfui avec son cheval. Il est blessé, mais nous a paralysé avec une étrange technique pour ne pas qu’on le poursuive. Et maintenant… On va perdre beaucoup d’argent à cause de ça, et beaucoup de mes hommes sont blessés.
Il mentait, Lexi le voyait comme son gros nez au milieu de la figure. Une lueur mauvaise courait dans ses yeux, empreinte de cupidité. Il préparait un mauvais coup. Néanmoins Lexi n’était pas inquiète. Ses hommes, en partie blessés, ne lui feraient rien. Et elle était curieuse. Alors elle joua le jeu.
- Je peux peut-être le retrouver.
- Mais madame, il est dangereux ! fit mine de s’inquiéter son interlocuteur.
- Sans vouloir me vanter, ça ira, ne vous inquiétez pas.
- Laissez au moins mes hommes valides vous accompagner alors.
- Ahum. Toujours sans la moindre prétention, ils ne seront pas assez discrets pour ça. Si vous y tenez, je vais laisser des traces sur mon chemin. Retrouvez-moi, mais partez avec cinq minutes de décalage.
Ils se mirent d’accord ainsi, et Lexi se fondit dans les bois.

Un homme blessé, marchant à côté de son cheval dans la terre humide de la forêt, il n’y avait pas de piste plus facile à suivre. Se mouvant avec sa discrétion naturelle, la marchombre progressait dans les sous-bois sans faire le moindre bruit. Elle repéra de loin le cheval du fugitif, et juste après le fugitif en question. Elle l’observa un court instant, reconnaissant l’homme-renard qui était présent le jour où Zouhan avait été mis en lévitation. Il était du côté des rebelles, elle s’en souvenait. Lorsqu’elle eut la confirmation qu’il ne représentait pas un danger pour elle, elle s’approcha, révélant sa présence au dernier moment.
- Salut, commença-t-elle d’un ton très indifférent. Un problème ?
Elle jeta un oeil à la blessure qu’il s'apprêtait à cautériser comme une brute.
- Pas joli à voir tout ça. Je t’aiderais bien mais il paraît  que tu as agressé une groupe d’hommes tout à fait innocents dans ces bois. Quelque chose à dire pour ta défense ?
Même si Lexi n’y croyait pas, elle attendait d’avoir la confirmation du concerné, histoire d’avoir la vrai version de l’histoire avant d’agir. Avec les consignes données au chef de clan, ils avaient quelques minutes pour échanger avant que les malfrats encore aptes au combat ne débarquent.

Coups et blessures

Alors que la marchombre se tenait non loin du blessé, elle s’adossa à un arbre pour continuer de le fixer avec indifférence. Elle ne semblait pas se réjouir de son malheur, mais pas vraiment inquiète non plus. Elle laissa le renard se justifier, et donner sa version des faits. Laquelle collait parfaitement avec les détails de la scène qu’elle avait relevés sur place. Elle prit l’arc noir qui se trouvait dans son dos et commença à jouer avec, le faisant tournoyer entre ses mains pendant qu’elle écoutait Adam. Elle laissa passer un “Hmm ?” curieux lorsqu’il lui demanda qui elle était, et reprit son arme dans une main lorsqu’il parla de Zouhan. Elle ferma son poing autour de l’arme, et sembla viser le renard avec une flèche invisible, comme si elle mimait un tir impossible, puisqu’elle n’avait pas de carquois. Tout en faisant cela, aucune colère sur son visage, et elle commença à lui répondre, sans trop lever la voix.
Je sais qu’ils ont menti. Ça se lisait sur leurs visages. Ils ne sont pas si malins qu’ils le pensent. En revanche, toi tu es carrément stupide.

Soudain, sans que le renard ne puisse l’expliquer, une flèche noire apparut dans la main droite de Lexi, déjà encochée, prête à fondre sur sa proie.
Tu es dans un sacré pétrin, et quand une inconnue se ramène, tu lui rappelles que tu fais partie des responsables de la mort de sa dirigeante. Aïe pas de chance.
Elle tira encore plus la corde, visa la tête du renard, et inspira, comme pour préparer un tir parfait. Puis soudain la flèche disparut, et en un mouvement l’arc était repassé dans son dos, là où elle le rangeait en voyage.
Heureusement pour toi j’ai passé l’éponge sur cet épisode quand on l’a ramenée du royaume des morts. Mais plus jamais d’ingérence comme ça dans les affaires Shintanjins ou je m’occuperai de toi.

Alors qu’il tâchait de négocier pour qu’il l’aide, elle s’approcha et jeta un œil à la gravité des blessures. Puis elle balaya sa proposition d’un revers de main.
J’ai pas de raison de te laisser mourir t’en fais pas, et arrête de dramatiser, tant que le poignard est en place tu saignes pas tant que ça. Si t’avais pas autant gigoté ça irait mieux d’ailleurs. On va te rafistoler, mais ça va devoir attendre… Tu les entends ?
Une petite troupe arrivait de la même direction de laquelle était venue l’élue. Il suivait la trace comme ils s’étaient mis d’accord avec la marchombre, et s’attendait à tomber sur des élus en train de se battre. Ses vautours étaient prêts à achever le ou les faibles, et au pire laisser repartir Lexi si elle n’était pas suffisamment amochée.
Ils m’ont envoyée sur toi en espérant que je finisse leur boulot. Je m’occupe d’eux puis je suis toute à toi.

En croisant les brigands en train de panser leurs plaies, elle avait remarqué que certains avaient des arcs courts. Des tireurs embusqués pour protéger les leurs si besoin. Nul ne doutait que ceux qui étaient encore capable de se battre étaient venus. Elle devait les neutraliser. Elle encocha un projectile sur son arc en onyx noir, et banda l’arme. Elle les aperçut bien avant qu’ils ne la voient. Le temps qu’ils ne la repèrent totalement, elle avait tiré quatre fois. Trois flèches étaient allées traverser l’avant-bras droit des trois tireurs qui arrivaient, et la quatrième ayant glissé sur une protection de métal qui protégeait la partie externe de ce qu’elle visait.

Le reste des hommes arrivaient armés de crochets, de poignards et autres armes disparates. Des vingts hommes du groupe de malfrats, seuls quinze étaient venus jusqu’ici, chef compris, et trois venaient d’être mis hors de combat par les flèches de Lexi. Elle continua de tirer, trois de plus tombèrent. Ils n’étaient même pas encore assez près pour espérer combattre. Cela sonna la déroute, le chef ordonnant de se replier. La marchombre tira encore deux fois, deux hommes de plus s’effondrèrent dans les fourrés, le mollet transpercé. Elle vérifia que ceux qu’elle avait touché prenait la direction opposée en courant, titubant ou marchant, et se tourna à nouveau vers l’élu derrière elle. Elle rangea son arc.

Bon. Laisse-moi voir ça.

Elle s’approcha de son dos, et inspecta la plaie sous tous ses angles. Puis elle déchargea son sac de ses épaules, et y fouilla quelques instants. Elle en sortit une compresse, de l’alcool, et observa le fer chauffé à blanc par le renard.
Tu peux te remettre ton bout de bois dans la bouche. Prêt ? Un …
Elle n’attendit même pas le “deux” pour retirer d’un geste précis la lame. Elle posa la compresse pour retenir un court instant le flux de sang, puis renversa une once d’alcool sur la plaie. C’était de l'alcool à brûler, fort, qu’elle n’utilisait que pour ce genre de choses. Ca devait piquer un peu. Et ce n’était rien comparé à la suite. Toujours sans traîner, elle attrapa la serpe chauffé à blanc et en aposa le plat de la lame, seulement l’extrémité, sur la plaie. Malgré les probables grognements de douleur de l’élu, elle maintint le temps qu’il fallait, avant d’enlever la lame. Elle observa un instant la plaie, et fit un commentaire satisfait avant de se déplacer pour s’assoir cette fois en face du renard.
Voilà, comme neuf ! Enfin, évite de trop faire le malin quand même, histoire que ça cicatrice maintenant.

Invitée surprise

La marchombre observait tranquillement le renard quand celui-ci la remercia, rappelant qu’il avait proposé de lui devoir un service en retour, et se présentant dans le même temps. La jeune femme haussa les épaules.
- Je n’ai pas fait ça dans l’attente de quoi que ce soit en retour. Et je me souviens de toi. Bon je n’avais peut-être plus ton nom en mémoire, mais tu n’as pas un physique très banal. Tu es chez les rebelles de Shûza. Tu faisais partie du beau bordel environnant Ellen et les problèmes qui l’accompagnaient.
Elle prit une pause, comme pour se décider sur la suite, avant de se présenter sobrement.
- Je suis Lexi.

Elle le regarda sortir des affaires de son sac. Du matériel de soin. C’était assez similaire à ce qu’elle possédait finalement.
- Habitué aux combats ? demanda-t-elle avec une pointe de curiosité.
Alors qu’il galérait à s’occuper de ses plaies, le renard se montra curieux sur le fait que Lexi reste encore, prétendant qu’elle attendait quelque chose de sa part. Elle plissa les yeux, et répondit un peu sèchement.
- Je ne sais pas quelle opinion tu t’es faite de moi, mais je ne suis pas ici pour obtenir des choses de toi. Je sais ce que j’ai besoin de savoir à ton sujet, et je n’ai besoin de rien. Je suis ici parce que, crois le ou non, ce n’est pas mon genre de laisser quelqu’un de blessé dans la merde. Je vérifie juste que tu t’en sortes.
Elle jeta un œil au lent travail du renard qui tentait de recoudre son bras … alors qu’il n’en avait qu’un de valide. Elle soupira.
- Là par exemple, ça serait idiot de te laisser de recoudre avec qu’une main. Aller donne, promis je te demanderai rien en retour. T’es pas à un coup de main près, si ?
Elle récupéra l’aiguille et repassa le fil dedans avant de reprendre le travail commencé. Elle était plus rapide avec ses deux mains libres évidemment, et même si ce n’était pas du travail de chirurgiens, son expérience dans le domaine n’était pas mauvaise. Elle sortit un poignard du fourreau pendant à sa hanche droite et coupa le fil après l’avoir noué à son extrémité. Elle jeta un oeil au torse de l’élu.
- J’imagine que j’ m’occupe de ça aussi ? Tu vas pas y voir grand chose sinon.

En effet, s' il voulait le faire seul, il allait devoir se coller le menton entre les clavicules et loucher un peu.
- Aller, lève la tête.
Pas gênée, la marchombre s’approcha un peu plus pour s’occuper de la plaie en question. Elle se cala à genoux devant le renard aussi, puis se pencha sur l’ouverture visiblement faite par une lame, et commença à recoudre. Elle y passa une à deux minutes avant de se redresser, et de fixer un instant son travail avec un air satisfait.
- Bon, y a celle que j’ai vu en cautérisant la plaie du dos, bouge pas.
Elle se releva pour passer derrière son patient du moment, et réitéra l’opération. Puis elle repassa en face d’Adam et lui demanda :
- Tu veux faire la dernière toute seule ou je continue sur ma lancée ?

Lorsqu’ils eurent fini de - littéralement - raccommoder l’élu, la jeune femme regarda le cheval qui se tenait près de lui.
- Tu es en état de monter ?
Elle jeta un œil dans les fourrés, dans la direction d’où étaient venus, et repartis, les bandits blessés.
- Leur sang laisse une piste facile à suivre. On pourrait les suivre et en faire un joli paquet cadeau pour les autorités. Ça te tente ?
Elle commençait à en avoir marre de ces brigands qui se permettaient d’emmerder n'importe qui sur les routes de Kosatennes. Si il le fallait, elle allait s’en occuper elle-même.

Coups et blessures

Malgré les quelques malentendus entre les deux élus, Lexi passait l’éponge rapidement sur les maladresses du renard, et celui se repentait bien volontiers de ces dernières. Si bien que rapidement, il n’y eut qu’une entente tranquille entre les deux personnages, alors qu’ils s'occupaient de remettre sur pied Adam. Celui-ci tint à préciser qu’il proposait simplement son aide en signe de reconnaissance de celle de la marchombre, qui se permit donc un sourire pour être un peu plus aimable. Elle pouvait se le permettre.
- C’est gentil, mais je n’ai pas besoin d’aide.
Un instant, elle songea à Akiro, ses hommes, et où elle serait probablement sans l’intervention de Rinkyu. Elle n’avait pas eu le loisir de faire la fière à coup de “non merci je m’en sors toute seule”. Elle était dans un état si déplorable qu’elle n’avait même pas compris ce qu’il se passait au moment de son sauvetage.
- M’enfin, le jour où je ne suis pas en état de te la refuser, c’est que j’en aurais besoin, tu pourras me sortir des ennuis si ça te tente. Mais jusque-là, sois tranquille, un “merci” est bien suffisant.

Alors qu’elle était tentée de retrouver ces idiots de criminels, elle avait proposé à Adam de se joindre aux festivités, mais comme il le soulignait, elle avait elle-même dit qu’il valait mieux qu’il se tienne tranquille. Néanmoins, il semblait voir cela comme un moyen de la remercier, et se prépara donc à se battre. Elle balaya la proposition d’un signe de main.
- Non tu as raison, tu dois rester tranquille, et au vue de ta plaie sur le bras, ce ne serait pas bon que cette main te serve, ni pour tirer la corde, ni pour tenir l’arc. Enfin ton truc, là.
Elle avait fini en désignant la serpe qui étrangement était devenue une arme de tir. Intrigante. Puis elle lâcha un sourire amusé à la dernière remarque d’Adam.
 - C’est l’effet que je recherche en général.

Puis la marchombre réfléchit un instant, avant de présenter son plan à l’élu blessé.
- Tu sais quoi, va plutôt prévenir les autorités les plus proches que quelqu’un va leur servir des bandits sur un plateau. A cheval, tu devrais pouvoir aller trouver la ville la plus proche qui dispose d’une milice. Pendant ce temps, je m’occupe de ces saloperies. Comme ça je peux les surveiller pendant que tu reviens avec des gens qui peuvent les coffrer.
Elle lui laissa le temps de répondre ou réagir, et une fois qu’il fut convaincu de la nécessité de son rôle, conclut.
 - Je vais pas traîner, ils commencent à avoir de plus en plus d’avance, même en étant tous éclopés. Je file, mais je suis intéressée par ton arme, elle semble … Particulière. Si ça t’embête pas, ça m’intéresserait d’y jeter un œil quand tu seras revenu.

Sur ces mots, la marchombre se mit en chasse. Comme elle l’avait prévu, la trace était facile à suivre. Les blessés traînaient la patte, laissant des creux dans la terre et du sang sur les feuilles. Elle mit un moment, car ils avaient de l’avance, mais elle finit par les retrouver, qui pensaient leur blessures dans une bâtisse abandonnée. Elle s’approcha, et avec le chant marchombre, s’empara de leurs esprits avant qu’ils ne le remarquent. Puis, elle fouilla dans leurs affaires, les maintenant sous son contrôle. Sans surprise, elle y trouva de la corde. Elle les attacha trois par trois, sans cesser de les hypnotiser. Dos à dos, six mains attachées avec des nœuds experts. Puis les jambes. Puis elle les asseya, et en assoma un par groupe - non pas avec un coup de pelle en pleine tête, comme une brute, mais avec en appuyant sur un point névralgique très précis. Une fois tous bien ligotés, elle se percha sur une poutre en hauteur dans la grange, et sortit son arc. Puis elle libéra leurs esprits.
 - Coucou. Me revoilà.
Certains émergeaient, et prenaient conscience de la situation, sans comprendre comment ils en étaient arrivés là.
 - Hop hop hop. Le premier qui bouge a perdu. Vous allez restez bien sages.
Il ne restait plus qu’à attendre Adam.

Coups et blessures

Toujours perchée sur la charpente de la bâtisse abandonnée, la marchombre surveillait d’un œil avisé ses prisonniers. Elle avait entendu Adam et la milice qu’il avait ramenée qui s’approchaient. Le renard avait dû suivre la piste laissée par les malfrats. Il fallait dire qu’elle n’était pas bien difficile à suivre, surtout qu’elle se doutait qu’un renard devait bien avoir un odorat particulièrement développé, comme tout renard qui se respecte. Elle fut étonnée qu’il demande la permission d’entrer, mais lui répondit tout de même, rabattant sa capuche sur son crâne pour mettre son visage dans l’ombre.
“ - Entrez, le dîner est servi.” annonça-t-elle gaiement.

Tapis dans l’obscurité, elle laissa les hommes ramenés par Adam entrer et constater la capture des brigands. Elle attendit le temps qu’il fallut, profitant des hauteurs pour vérifier que le situation ne dérapait pas, et observa en silence que les soldats mettaient en place leur stratégie pour la suite. Ils auraient dû se ramener avec une cage roulante. Maintenant, ils devaient mettre en place une garde ici, pendant que l’un des leurs allait chercher leurs supérieurs et le matériel adéquat. Mais puisqu’ils prenaient le relais, les deux élus pouvaient désormais repartir. Ce que fit Lexi, sans daigner passer par la porte puisqu’elle ne tenait pas à tailler une bavette avec les hommes présents. Sans un mot, elle se glissa hors de la bâtisse, suivant les dessous de la toiture jusqu’à une ouverture qui un jour avait servi de fenêtre, puis se retrouva dehors. Elle attendit qu’Adam l’y rejoigne.
“ - Laissons-les faire leur boulot,” commenta-t-elle en s’éloignant.

Elle marcha un moment, puis proposa de s’arrêter lorsque la bâtisse ne fut plus en vue et qu’ils se trouvaient à la lisière d’un bosquet. Elle se tourna vers le second élu et tâcha de savoir comment il se portait.
“ - Ça va un peu mieux tes blessures ? Ca a été pour trouver les soldats ?”
Elle lui laissa un moment pour répondre, puis tâcha d’engager poliment le sujet de sa serpe, qu’il semblait pouvoir modifier et téléporter.
“ - Je serais curieuse de savoir comment fonctionne ton arme. Je pensais que c’était simplement une serpe mais je t’ai vu t’en armer comme pour tirer avec. Après, ne te sens pas obligé de me révéler quoi que ce soit. Je suis la première à cacher secrètement mes capacités et celles de pas mal de mes armes, alors je comprendrais parfaitement.”

Après tout, la marchombre n’avait pas atterri dans la nation du cristal pour rien. Elle était éprise de liberté, et certes c’était la nation qui en offrait le plus, mais elle était aussi très curieuse, et c’était un trait de caractère que l’on retrouvait souvent chez les Tenshijins, ou désormais, les Shintajins. Là où elle divergeait un peu des clichés des habitants de sa nation cependant, c’était qu’elle n’avait pas du tout leur côté scientifique, et s’intéressait très peu à la technomagie. A ce sujet, c’était probablement Alathea qui collait le plus aux attentes. Mais les stéréotypes ne faisaient pas tout, et il n’y avait pas plus loyale que Lexi envers Shintân et sa dirigeante, Reisha. A ce sujet …
“ - Tu étais dans la vague d’élus du millénaire précédent ou pas ?”
Cela réveillait plusieurs questions au sujet du renard, mais elle lui laissa le temps de répondre. Elle était curieuse au sujet de son arme, mais aussi à son sujet. A quelle nation avait-il été affilié il y a mille ans ? Pourquoi choisir les rebelles ? Bon à cette dernière question la réponse était en générale évidente. Après tout, Lexi avait voulu prêter main forte aux rebelles, pour tâcher de mettre des bâtons dans les roues du tyran sanguinaire que représentait Zang. Ce dernier devait être sacrément puissant pour que Reisha, même sans toute sa mémoire, ne lui dise de ne pas s’en approcher, pas même de loin. Pourraient-ils un jour se débarrasser de lui ?

Coups et blessures

Une fois qu’ils eurent trouvé un coin tranquille, les deux élus reprirent une discussion tranquille. La jeune marchombre s’assura qu’Adam n’avait pas eu de problèmes, que ce soit pour ramener les gardes comme pour s’en occuper malgré ses blessures. Lorsque celui-ci lui expliqua le marché qu’il avait été obligé de passer, Lexi s’exclaffa.
“ - Si j’avais su, j’aurais dû les planquer un moment histoire de voir ta tête. Après ils ne sont pas très malins. Si tu les menais dans un coupe-gorge, ça aurait changé quoi que tu paries de l’argent ? Morts, ils n’auraient rien touché. M’enfin passons.”

L’élue de Shintân était méfiante par nature, ce qui pouvait la pousser à juger durement des personnes imprudentes et à simplement les voir comme un peu stupides. Elle passa néanmoins à autre chose, puisque la suite de la discussion l’intéressait beaucoup plus. Il s’agissait du fonctionnement de l’arme du rebelle Shûzajin. Elle réceptionna l’arme habilement, aidée par le fait que son propriétaire le lui avait lancé proprement, et l’observa sous tous ses angles, écoutant attentivement les explications d’Adam.

Puis elle se tint debout, les deux mains vers le centre de l’arme encore en un morceau, et commença à la faire pivoter comme un bâton de combat, avec une fluidité presque naturelle. Puis, se souvenant mot pour mot des explications du renard, elle la décrocha en deux moitiés et se retrouva avec une arme de corps à corps dans chaque main. Elle les fit tournoyer habilement entre ses doigts, puis les prit à pleine main et se mit en position de combat.
“ - Des grappins tu disais ?

La marchombre visa le haut d’un arbre non loin, mais échoua à fixer le grappin par manque d’expérience avec ce genre d’outils. Elle esquissa une moue déçue et utilisa le bouton pour rembobiner le câble. Elle continua d’observer son nouveau jouet - bien que ce n’était qu’un prêt - mais cela ne l’empêchait pas d’écouter les réponses à ses questions. Adam était ainsi un Minshujin, resté chez les verts après la saut dans le temps que tous les élus de la vague précédente avaient vécu. Il lui retourna la question, mais se montra prudent, ayant compris que la marchombre ne tenait pas à étaler tous ses secrets. Elle haussa les épaules, et d’un mouvement rapide, passa l’arme du renard en configuration arc.

“ - Oui, je suis de la vague précédente. J’étais de Tenshi, et si au début je n’aimais pas le sceau et toutes ses implications, j’ai fini par m’attacher à ma nation et à Reisha. C’est pour ça que je leur suis restée loyale après ces mille ans de bulle temporelle.”

Elle empoigna l’arc-serpe et tendit la corde, visant à travers les arbres du bosquet contre lequel ils s’étaient arrêtés. Puis elle se tut, et cala sa respiration sur un rythme qu’elle seule entendait. Puis une flèche apparut comme par magie sur la corde, et elle décocha. La flèche fila, loin, plus loin que la plupart des gens ne savaient tirer sans utiliser de volée. Et se planta dans une pomme de pin qui pendait au bout d’une branche, avant de l’arracher et de la clouer sur le tronc de l’arbre aligné avec le tir. Puis la flèche disparut, et la pomme de pin tomba au sol. Elle avait tiré si loin que seul quelqu’un avec une vision surhumaine aurait pu voir le résultat du tir.

“ - Ça répond en partie à ta question.” dit-elle en lui rendant son arme avant de poursuivre. “ Mais je préfère encore le corps-à-corps. Merci pour la serpe, c’était très instructif. ”

La marchombre passait sous silence, comme à son habitude, toutes les compétences qui auraient pu servir à un voleur, un espion ou encore un assassin. Cela faisait partie de son attirail secret de savoir-faire.

Coups et blessures

Installés tranquillement dans une des forêts des Terres Neutres, les deux élus échangeaient sur divers sujets plus ou moins banals, mais l’un d’eux méritaient qu’on s’y arrête. C’était lorsque Adam parla de la “dévotion” de l’élue de Shintân pour sa dirigeante, et fit le parallèle avec la mort de Jiro. Si la marchombre n’était pas très douée pour réconforter les gens, elle ne voulait pas le laisser se rejeter ainsi la faute alors qu’il était clair que les deux situations n’avaient rien à voir. Elle tenta donc de le lui faire comprendre.

“ - Tu te trompes. Ce n’est pas seulement par loyauté que je suis allée chercher Reisha jusque dans le royaume des morts. C’est plus complexe. D’une part, oui évidemment que sa mort m’avait blessée, mais le pire c’était d’en être responsable. Ce sont mes erreurs, entre autres choses, qui ont conduit à sa mort. J’aurais du … Faire mieux, des semaines avant le drame. C’était donc normal pour moi de porter ma responsabilité et d’aller réparer les conséquences de mes manquements.

Quant à toi et Jiro, ce n’est pas comparable. Tu n'as pas à en porter le fardeau. Tout le monde sait que Jiro est tombé dans son état végétatif à cause de ses propres décisions. Il a fait un pacte avec une créature à laquelle il n’aurait pas dû faire confiance. Je ne le critique pas, car je sais aussi qu’il voulait sauver sa nation, et il était prêt à en payer le prix. Il ne s’attendait pas à être complètement berné. Mais tu n’y es pour rien. Quant à sa mort, si ce que j’ai entendu est juste … Tu ne peux pas non plus te reprocher les actes de quelqu’un d’autre. Eleanor Burns a été mandatée pour son assassinat, et c’est tout. Ne te rajoutes pas inutilement un fardeau sur le dos.”

Lexi laissa ensuite passer le sujet doucement, laissant s’installer un silence nécessaire à ce que le renard puisse méditer sur ses paroles, et quitte à y réfléchir plus tard, les retenir. Elle lui avait dit ce qu’elle pensait, de façon assez brut, comme à son habitude, néanmoins avec bienveillance.

Plus tard, la discussion était devenue plus légère à nouveau, et la petite démonstration de tir de la marchombre avait impressionné le voleur. Il fallait dire que déjà à la fin de sa formation marchombre, Lexi faisait partie des excellents tireurs, et elle n’avait pas cessé de progresser depuis, ce qui en faisait une combattante redoutable. D’autant plus que, comme elle l’avait dit, elle était encore meilleure avec ses poignards.
“ - Merci pour le compliment. Mais tu ne sais pas à qui tu parles, j’ai un esprit de compétition bien tranché : si tu me défies, attends-toi à ce que je tire comme si ma vie en dépendait.”
Elle avait ajouté la dernière phrase sur un ton taquin. Il était vrai que la marchombre aimait les défis, mais que ceux lancés par d’autres personnes titillait son esprit de compétition si peu marchombre. C’était un des traits que Jalaab s’était appliqué à atténuer chez elle, mais vous savez ce qu’on dit : chassez le naturel, et il revient au galop.

“  - A nouveau, c’est gentil de proposer, mais tu peux garder tes réserves, je me débrouille seule. Et puis, inutile de me “déposer” où que ce soit : j’ai abandonné l’idée de monter à cheval quand je me suis rendue compte que j’allais plus vite à pied. De toute façon je viens de Jiban, je me rendais dans les montagnes à l’Est des Terres Neutres. Je vais d’ailleurs devoir repartir également, j’essayais de me dépêcher avant de croiser cet amusant divertissement constitué de malfrats incompétents.”

Elle attendit la réponse du renard, puis le salua, avant de reprendre la route à pied.