Mauvais cygne - Chasse

La Hakushou était perchée sur sa branche, à une vingtaine de mètres du sol, dissimulée par maints et maints feuillages et conifères en tout genre. Elle observait les environs d’un regard avide, inspectant scrupuleusement et tout du long ce petit bout de territoire qu’elle s’était accaparée au sein de la forêt des champignons. Oh, la forêt en question était immense et le territoire de l’ailée n’en était qu’une simple parcelle, d’autres prédateurs parfois bien plus voraces régnant sur d’autres régions boisées. Toutefois, c’était là une terre pour laquelle elle s’était battue et avait vaincu plusieurs créatures hostiles, c’était donc là sa terre.

La femelle était assez rarement dangereuse pour son environnement, se nourrissant quasi exclusivement de baies, champignons et autres petites plantes variées, bien que quelques insectes viennent parfois compléter son alimentation. Toutefois, cette passivité apparente se faisait parfois éclipser en présence de voyageurs, généralement de riches marchands en itinérance sur les terres de la Hakushou et qui avaient le malheur de se pavaner de parures et ornements assez luxueux et fort tape-à-l’œil. De fait, la reine des cimes avait pour péché mignon la collection de bijoux et autres incarnations de la beauté extérieure, tant et si bien qu’elle ne pouvait s’empêcher d’agresser quiconque venait s’afficher avec de telles richesses. Généralement, le rapt effectué, elle remontait sur son perchoir et le malheureux s’en tirait avec quelques éraflures. Seulement, il arrivait que l’hostilité de sa cible contraigne la Hakushou à prendre des mesures plus létales…

De fil en aiguille, de racontars en racontars au sein de la guilde mercantile et des autres entités dans le même style, cette zone avait été classifiée comme étant à éviter pour tout convoi transportant des marchandises de valeur, ou bien, il fallait recruter une très bonne escorte, apte à se battre en environnement exigu et plutôt dans les airs, mais surtout capable de repérer le monstre même lorsque celui-ci était dissimulé comme actuellement. Autant dire que les plus riches pouvaient se le permettre, mais que les autres avaient fait le choix de se trouver un itinéraire différent.

L’œil perçant, ou plutôt les deux yeux perçants, de la Hakushou se posèrent sur un duo d’humanoïdes aux traits bestiaux qui venait d’entrer sur ses terres. A priori, rien de particulier, mais l’un d’entre eux dégageait une certaine prestance et aura qui en faisaient lui aussi un prédateur. Mais surtout, et cela n’échappa guère à la surveillance de l’ailée, il était équipé de multiples bijoux de valeur inestimable à n’en point douter. Il n’en fallait pas beaucoup plus pour déclencher l’assaut de la Hakushou.

Sans un bruit, elle se laissa tomber de sa branche et plongea en piqué vers l’humanoïde, serres bien sorties et bien ciblées, se ruant en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire sur lui, fondant sur son corps à plusieurs reprises, en agrippant au passage autant de richesse qu’elle pouvait. Par acquit de conscience, et même si elle ne sentait pas grand-chose sur l’autre bipède, elle s’en prit également à celle-ci.

Le premier passage achevé, la Hakushou s’enfuit avec son butin potentiel, prenant de la hauteur pour se mettre hors de portée du duo, tout en surveillant ce qu’il lui restait à dérober. Il n’y avait toujours pas eu un son.

La Hakushou ne put s’empêcher d’émettre un petit cri de dépit lorsqu’elle constata que son premier assaut ne lui avait rien apporté, mais alors rien du coup. Elle avait pourtant ciblé avec efficacité les différentes parties de l’attirail étincelant du bipède, et chaque coup avait été précis et rapide. Toutefois, il apparaissait assez clairement que cette cible n’était pas qu’une banale proie du jour. En revanche, si sa compagne avait également pu éviter l’assaut de l’ailée, il apparaissait désormais assez clair qu’elle ne portait rien de bien précieux et qu’elle n’était pas vraiment digne d’intérêt, sauf si elle venait gêner la Hakushou…

La femelle emplumée pouvait donc se concentrer pleinement sur sa cible principale, ce qui fut une très bonne chose puisqu’il se révéla que, non-content de ne pas être une simple proie, il s’agissait en réalité également d’un prédateur à ne pas négliger. De fait, le volatile ne s’attendait pas à ce que le renard soit aussi vif et atteigne sa position en un rien de temps, lui donnant l’opportunité de riposter, de manière assez violente.

Après avoir évité un premier coup, la Hakushou se servit de son atout défensif à plusieurs reprises, projetant une partie de son plumage en opposition de l’attaque ennemie, et ce, afin de la bloquer, ne serait-ce que partiellement. Pourtant, la décharge électrique l’atteignit bien, lui causant certaines douleurs qu’elle n’avait plus ressenties depuis une éternité. Tandis qu’elle repliait ses ailes pour se prémunir d’une autre offensive tout autant particulière que les précédentes, elle sentit une partie de son énergie lui être dérobée par l’ennemi, ce qui ne lui plut pas franchement.

Ce n’était décidément pas n’importe quoi, ou n’importe qui. Il fallait s’en méfier. La logique aurait peut-être même poussé la reine des cimes à éviter un tel combat à l’issue incertaine, mais la préciosité des biens du renard était bien supérieure à cette supposée logique. Néanmoins, la Hakushou prenait désormais cet impertinent au sérieux, délaissant pour de bon la seconde renarde, qui faisait ici simple figuration.

À nouveau, profitant de son exceptionnelle mobilité, la Hakushou prit de la vitesse et tourna autour de sa cible, encore et encore, jusqu’à constater la présence d’une ouverture, dans laquelle elle fondit, enchaînant ruées supersoniques et coups de serres bien sertis, jusqu’à, une fois encore, avoir le sentiment d’avoir mis la main, ou plutôt la patte, sur un bien précieux. Ce n’est qu’alors, qu’une fois encore, elle reprit ses distances avec l’animal, se rapprochant sans s’en rendre compte, de la seconde bête peu rayonnante de richesse.

Décidément, cette proie se montrait bien plus coriace que toutes celles rencontrées jusqu’ici par la cousine de la harpie. Des félins ou des fauves, elle en avait vu pas mal, en avait maté un bon paquet, sans jamais ressentir une telle difficulté à se montrer dangereuse. Il y avait trois points qui la contrariaient lourdement.

Le premier était la puissance foudroyante qu’était capable d’accumuler le renard-raton-laveur, une puissance redoutable à un point qu’elle pouvait même percer les plumes renforcées de la Hakushou. Si de tels assauts se poursuivaient, celle-ci n’aurait plus assez de plumage pour se protéger, et alors, ça sentirait (littéralement) le roussi pour elle…

Le second point, c’était sa propre faiblesse et son incapacité à meurtrir férocement son adversaire. Déjà qu’elle avait du mal à le toucher, lui-même étant extrêmement véloce, peut-être autant qu’elle, si en plus quand elle y parvenait, ça ne faisait que l’effleurer, ça allait vite la mettre en rogne. D’autant qu’elle ne lésinait pas sur les efforts pour parvenir à ses fins et, petit à petit, l’ailée sentait son énergie décroître. Il fallait donc remédier à ce problème prestement.

L’ultime point qui l’agaçait franchement, et non le moindre, découlait directement du deuxième. Cela faisait un bon moment que son attaque avait débuté et la Hakushou n’avait toujours pas mis la main sur un seul bijou de valeur, ce qui la contrariait furieusement, étant donné que le rapt était sa principale motivation dans la bataille…

Heureusement, le vent sembla tourner en sa faveur, puisqu’à l’issue de son ultime assaut, ayant enfin pu blesser, ne serait-ce que légèrement, sa cible, elle parvint à se saisir de l’une des serpes dorées dont il était doté. La Hakushou ignorait la valeur de cette arme, mais au vu de son éclat, elle tenait du lourd. Forte de son trophée, elle prit à nouveau de la distance par les airs, s’apprêtant à aller déposer son butin quelque part pour ne pas être encombrée. Mais tout ne se passa pas comme prévu…

De fait, le renard se téléporta soudainement devant la Hakushou, prêt à se déchaîner sur elle comme auparavant. Néanmoins, cela aurait été sous-estimer la vivacité de réflexion et d’action de la reine des cimes, qui projeta en un rien de temps ses plumes pour se défendre, esquivant le coup suivant sans difficulté. Si l’assaut de l’autre ne lui fit rien cette fois-ci, le monstre sentait néanmoins qu’il approchait de sa limite.

Mais l’appât du gain était trop important pour la Hakushou, qui repartir derechef à l’attaque, tentant de prendre encore plus de vitesse que précédemment, espérant enfin réussir à surprendre le renard.

Et non, les Hakushou n’ont pas de dents, leur alimentation étant presque exclusivement composée de végétation locale (ici les champignons et fougères), ou de petits organismes insectes afin d’apporter un petit supplément de protéines à leur corps. Par conséquent, la nature faisant bien les choses, la dentition ne servant à rien  à la Hakushou, elle n’en était pas dotée. Ce qui est intéressant, en revanche, chez ce prédateur végétarien, c’est sa particularité à- Et on me dit dans l’oreillette que tout le monde s’en fout.

La reine des cimes n’était pas dans une excellente posture, mais avait finalement réussi à effectuer un assaut triomphant, dérobant, au gré de ses nombreux piqués, l’un des anneaux brillants dont était doté le renard, sentant aussitôt une nouvelle vigueur animer son corps. Sa situation était encore loin d’être désespérée, aussi décida-t-elle de poursuivre son offensive sur sa cible, qui ne tarderait pas à s’écrouler sous autant de fulgurance.

Pourtant, en termes de fulgurance pure, c’était bien Adam qui menait la danse, bien aidé par sa mystérieuse serpe dorée capable de s’électrifier en un instant et de porter des coups d’une puissance démesurée. La Hakushou en avait d’ailleurs fait les frais à plusieurs reprises. Et une fois encore, c’était le cocktail foudroyant qu’avait choisi de lui servir sa proie. Malgré sa vision perçante et sa connaissance intégrale du territoire, l’ailée perdit de vue son adversaire, qui parvint à plonger dans son angle, avant de lui asséner un nouveau coup terrible.

Prise de court, et subissant le contre-coup de la confiance accumulée au moment du rapt précédent, la cousine de la harpie ne put guère faire mieux que placer ses deux ailes devant son visage, se protégeant assez faiblement contre une attaque vraiment redoutable qui lui grilla un bon paquet de plumes, arrachant un cri de rage au monstre.

Furieuse, la Hakushou ne laissa aucun répit à son ennemi, souhaitant lui montrer son resplendissant apparat tout en allant à son tour meurtrir son opposant. Laissant tomber complètement sa garde, elle plongea vers lui, avec toute la célérité qu’elle ne lui avait pas encore montrée, usant de la force de l’anneau pour se renforcer. Le reste, c’était du réchauffé, tout comme avant, puisque cela semblait avoir déjà fait ses preuves. Qui a dit que la Hakushou était une cible facile ?

La Hakushou reprenait peu à peu ses droits son territoire qui avait été si lâchement et stupidement empiété par la présence de ces deux bêtes à fourrures. Certes, celles-ci avaient un certain goût pour le luxe, comme en témoignaient les nombreuses parures qui s’affichaient sur eux, surtout le grand un peu chiant avec ses serpes de foudre. Mais bon, le duo aurait dû un peu se renseigner avant de se pointer comme des fleurs par ici, sans présenter le moindre tribut à la reine des cimes, en allant même jusqu’à la provoquer en se pavanant avec ces foutues richesses qu’elle peinait à leur piquer. Paye la tronche de ton entraînement, là, Adam D. Cooper !

Bref, la Hakushou était de plus en plus en train de lui mettre la misère, à ce renard félon, vil et lubrique, fourbe sur les bords et exhibitionniste des bijoux de famille. Un nouveau passage à proximité du chasseur maltraité et le voilà délesté d’un nouvel item précieux qui ira plus tard rejoindre la collection personnelle de la véritable prédatrice. Cela commençait à sentir le roussi pour l’élu, qui serait surtout élu champion de la malchance, au vu de tout le bagage karmique qui s’entêtait à s’acharner sur lui. Après, ceci n’est qu’un point de vue narratif, finalement, la cousine de la harpie ne se souciait absolument du guerrier en perdition, seules ses richesses décroissantes l’intéressaient.

C’est là que la femelle commit une nouvelle erreur, peut-être celle de trop, en tout cas l’une de celles qui allaient faire basculer cet affrontement pourtant bien parti pour tourner en sa faveur. Certes, son plongeon supersonique et superstylé avec son apparat avait cruellement affaibli le dépouillé, mais cela ne l’acheva aucunement. En parallèle, la Hakushou, bien trop fière de sa nouvelle acquisition pour se soucier de son propre état, n’avait pas daigné remarquer le harassement avancé qui s’emparait peu à peu d’elle, raidissant chacun de ses muscles jusqu’à la priver peu à peu de cette mobilité dont elle était si fière.

La contre-attaque fit mal. Elle qui planait si vite et si majestueusement ne vit absolument rien venir. Pourtant, le renard n’avait pas mis plus de force ou d’énergie que d’habitude, et ses tours de passe-passe en mode « Tu me vois, tu me vois plus ! » n’étaient aucunement originaux. Mais la Hakushou n’avait plus le souffle pour se mouvoir suffisamment et elle sentit chacun de ces coups venir entailler sa chair un peu plus. Une fois encore, seul son plumage replié vint faire opposition à l’assaut fulgurant de son adversaire, qui carbonisa encore plus de plumes au passage, faisant choir l’ailée à terre.

L’impact fut terrible et la Hakushou peina à se relever. Elle reprit son envol, tant bien que mal, le corps meurtri, mais pas autant que l’ego. Il ne lui restait pas grand-chose à dérober chez l’ennemi, aussi décida-t-elle de faire fi de la douleur pour se concentrer sur ce qu’elle savait faire de mieux : piller autrui. Aussitôt, elle repartit à l’attaque, bien plus mollement et bien moins dangereusement qu’auparavant, obnubilée par l’éclat de l’attirail encore présent sur le renard.

Un assaut de plus pour la Hakushou et un bijou supplémentaire qui venait rejoindre son arsenal de guerre. Non content d’embellir toujours plus la prédatrice et de témoigner ouvertement de sa majestuosité devant les autres, elle sentait étonnamment que ces petites préciosités regorgeaient de pouvoirs mystérieux la renforçant inexorablement, la faisant se sentir encore plus impressionnante et suprême qu’elle ne l’était déjà, ce qui était un véritable comble lorsque l’on savait à quel point son état se dégradait petit à petit à chaque assaut du renard qu’elle subissait.

Et justement, puisque l’on parle du renard et de ses déboires typographiques physiques, celui-ci n’était pas non plus dans une grande forme olympique, subissant lentement des petites saignées de-ci de-là l’affaiblissant doucement vers une mort certaine. Chacun des deux partis était donc tranquillement en train de se diriger vers l’effondrement, l’évanouissement, et potentiellement la défaite et l’exécution qui en résulterait. Si du côté de la Hakushou la raison du prolongement de cet intense affrontement était connue, elle l’était finalement un peu moins pour Adam, qui aurait simplement pu se délester de ses biens, avant de se carapater la queue entre les jambes. Sans doute y’avait-il aussi ici une question de fierté.

Dans tous les cas, s’il ne semblait plus rester grand-chose à la reine des cimes à piquer chez son opposant, celle-ci ne comptait pas se retirer pour autant, tout du moins pas tant qu’il resterait quelque chose à dérober à l’intrus poilu. Ainsi, l’intellect ayant choisi d’ignorer la souffrance du corps, la Hakushou dut une nouvelle fois subir les assauts féroces de la serpe électrique du canidé bipède, assauts qui, à force d’arracher à chaque coup une poignée de plumes aux ailes si imposantes du monstre, finirent par y créer de multiples petits trous au sein de la chair et des muscles qui animaient ces membranes. En résultat alors une instabilité flagrante dans les airs pour la Hakushou, qui pourtant persistait dans son œuvre.

Jouant de cette faiblesse apparente, la femelle, qui avait récupéré quelques forces en n’agissant que très peu juste avant, jeta alors tout ce qu’il lui restait dans la bataille, retrouvant un bref instant sa vitesse supersonique qui avait tant surpris son adversaire, se faufilant jusqu’à son dos, avant de le frapper cruellement, tant pour le meurtrir que pour s’emparer d’un nouvel artefact. Sans davantage lui laisser de répit, elle tenta également de le griffer à plusieurs reprises au niveau des jambes, afin de le priver lui aussi de sa rageante mobilité. Comme on disait dans le milieu, œil pour œil, jambe pour aile.

Encore une victoire pour la cleptomane, encore une défaite pour la combattante. La Hakushou avait amassé largement assez de butin pour les risques encourus et il aurait mieux valu pour elle que cesse cet interminable affrontement qui tournait petit à petit en la faveur du renard. Malheureusement, cette idée ne pouvait désormais plus effleurer son esprit fermé à tout ce qui ne touchait pas au rapt et à son issue victorieuse. Quand la folie des grandeurs prenait le pas sur la raison des voleurs…

La reine des cimes était superbe, comme à son habitude, dans un sublime apparat resplendissant qui éclipsait tout éclat que pouvait avoir les autres créatures s’approchant d’elle. Ornée de ses nouvelles acquisitions, elle continuait de jouer avec le combattant à la serpe, s’étant totalement désintéressée de la bête faiblarde et terne qui l’accompagnait au départ, bête qui avait lentement rampé dans la boue et dans la souillure pour fuir sans demander son reste. Il était impossible pour la Hakushou d’avoir la moindre estime pour une telle fiente sans valeur.

L’autre poilu, en revanche, commençait à bien l’énerver, avec ses bonds dans tous les sens, ses téléportations à droite à gauche, ses dissimulations dans le décor et ses attaques fourbes à la Minshu des temps modernes. Les plaies s’agrandissaient sur le corps ailé du monstre, tandis que son plumage, déjà cruellement abîmé, peinait tout juste à la maintenir dans les cieux. La Hakushou était épuisée et blessée, mais son mental, sublimé par son obsession pour la richesse, forçait le corps à se surpasser, quitte à risquer qu’il lâche à tout instant.

Si cela semblait avoir une connotation négative, à juste titre, cela signifiait également un regain d’intellect et de sang-froid du combattant pour la cousine de la harpie, avec une perception accrue des mouvements de son adversaire. La Hakushou était capable de sentir ses attaques arriver, la cibler avec précision, et son expérience passée lui permettait de se mouvoir, malgré la fatigue, afin d’en éviter la plupart. Elle poursuivait les efforts, projetant le peu qu’il lui restait de plumage pour blesser en retour Adam, tout en continuant de le harceler comme auparavant.

Fondamentalement, ce n’était aucunement un affrontement de stratégie, mais un défi physique et mental, dont le dernier à s’effondrer sortirait vainqueur. Et la Hakushou, malgré la situation actuelle, restait persuadée que ce serait elle qui s’emparerait des possessions de son ennemi.

La Hakushou avait tout tenté pour prendre le renard de vitesse, compensant sa perte de plumes par une vivacité statique accrue, ainsi qu’une diversification de son pattern, un peu comme son adversaire l’avait fait avec elle. Si cela avait marché quelques instants, lui permettant de meurtrir davantage sa proie, cela n’avait en revanche absolument pas duré et, très vite, le désavantage qui pointait en sa faveur s’était de nouveau dévoilé au grand-jour. Ça ne sentait vraiment pas bon pour la reine des cimes, qui pourtant s’acharnait dans cette bataille.

Une bataille, donc, qui s’annonçait perdue d’avance, mais la Hakushou n’avait d’yeux que pour les richesses du combattant. Aussi continua-t-elle à assaillir celui-ci, encore et encore, jusqu’à ce que lui-même se contente de reproduire les mêmes gestes à chaque fois, sans plus tenter la moindre fantaisie ou le moindre dialogue. A noter toutefois que sa langue n’avait aucunement contribué dans ce combat, puisque le monstre ne comprenait pas le langage parlé par le renardon-laveur. Dans tous les cas, cet affrontement n’avait que trop duré et son issue ne faisait désormais plus aucun doute.

Un voile obscurcit la vision de l’ailée, après qu’elle mangé une ultime fois l’assaut foudroyant de son adversaire. Sa vue disparue, ce fut peu à peu au tour de ses autres sensations corporelles de s’éclipser lentement, alors que la vie elle-même fuyait désormais le corps gisant au sol dans une mare de plumes et de sang. La Hakushou avait perdu, tant ses richesses que cette bataille, et, dans un bref instant de lucidité, avant que l’esprit lui-aussi s’en aille, elle comprit à quel point son avidité l’avait perdue.

Adam D. Cooper avait chèrement vendu sa peau, et celle de son alliée accessoirement aussi, et il avait finalement pu tirer son épingle du jeu. Les quelques bijoux que lui avait dérobés la femelle furent projetés, lors de l’ultime impact, un peu partout dans les alentours, certains tombant dans des excréments fort peu ragoûtants de créatures tout autant fort peu ragoûtants, d’autres venant simplement s’immerger dans la boue. En revanche, l’élu ne trouverait sans doute jamais le nid de la cousine de la harpie où étaient amassées tant d’autres richesses, butin d’une multitude de rapt effectués par le passé.

L'avidité vide le contenu de la raison.