Collier chimérique - Enquête [solo]

Collier chimérique

Un message avait été envoyé aux élus et dirigeants des nations, parfois via des affiches, parfois par des lettres ouvertes dans les journaux. Cela semblait presque comme un cadeau tombé du ciel : un anonyme donnait directement la recette pour fabriquer un “collier chimérique” qui augmenterait les pouvoirs des élus. Cependant, cela semblait trop beau pour être vrai, et Lexi Hil’Feyan s’était méfiée immédiatement - de quoi ne se méfiait-elle pas ?

Si encore il suffisait de mélanger de l’ail et du miel et de se le tartiner sur le museau, cela n’aurait rien coûté d’essayer, quitte à constater, l’air un peu ridicule, que tout cela n’était qu’une farce. Mais ici, il y avait des choses qui pouvaient mettre en danger le porteur du bijou. D’abord, il fallait recueillir une part de pouvoir de son dirigeant, puis y mêler une part du sien, et enfin graver une formule dans une langue étrange.

Peut-être que c’était effectivement un moyen d’augmenter la puissance des élus, mais, et si ce n’était pas le cas ? La marchombre réfléchissait, un mauvais pressentiment dans le cœur. Tous les colliers forgés ainsi allaient porter la même inscription, et contiendraient l’empreinte énergétique de tous les élus, et des dirigeants, personnes les plus puissantes de Kosaten en général. Cela pouvait-il être un piège ? L’élue décida d’enquêter et de vérifier que fabriquer ce bijou était une bonne idée.

Pour cela, la première étape fut d’aller fouiner dans la bibliothèque du palais de Jiban. Ses autorisations en tant qu’élue de la vieille, fidèle à sa nation depuis des années, lui permettaient d’aller et de venir dans une immense partie du palais comme il lui semblait, et la bibliothèque ne faisait pas exception. D’autant plus qu’elle et Alathéa avaient déjà aidé Ron, le vieil archiviste, et qu’elle jouissait d’une réputation à la fois d’élue loyale et sévère, ce qui lui permettait d’obtenir rapidement des services des intellectuels qui travaillaient pour Shintân.

Une fois guidée entre les étagères pleines de livres par l’un des archivistes qui étaient là aujourd’hui - et ce n’était pas Ron - elle commença à se plonger dans des ouvrages dédiés au langage elfique et aux runes naines, puisqu’elle ne trouvait pour l’instant rien sur le nalfique. Elle trouva sans mal les deux alphabets, et les recopia le plus précisément possible, par transparence avec un galéoïde lumineux, sur des parchemins vierges. Ce n’était pas des informations classées secret/défense et personne ne lui en voudrait de copier et emmener ces deux alphabets. Elle attendit que le papier sèche puis l’enroula soigneusement avant de le glisser dans son sac.

Une fois que ce fut fait, Lexi décortiqua la phrase qu’il fallait normalement tracer sur le collier. Toujours en l’absence d’information sur le nalfique, elle trouva des dictionnaires nains et elfique et recopia chaque mot de la formule, séparant sa feuille en quatre colonnes : langue commune, nain, elfique, et une colonne vierge pour le nalfique si elle réussissait à le trouver. Mais elle eut beau demander de l’aide aux académiciens et passer son temps dans les livres, elle dut se contenter pour l’instant des deux langages séparés. Elle laissa néanmoins une note aux archivistes, indiquant de vérifier s'il n'y avait pas des livres cachés au sujet de la langue nalfique, et de la contacter en urgence dès qu'ils trouvaient quelque chose.

Collier chimérique

Par la suite, Lexi décida d’aller chercher des informations auprès de personnes capables de parler. Avoir passé autant de temps entourée de bouquins l’avait ennuyé, et c’était bien l’un des points où elle différait le plus de son amie Alathéa. Elle choisit donc d’aller discuter avec des nains.

Connus pour leur tempérament impétueux, ces petites créatures avaient un don pour la forge. La plupart des armes runiques étaient créées par des nains, et avaient toutes quelque chose d’exceptionnel. Leurs créations étaient parfois de véritables œuvres d’art, qui pouvaient se vendre aussi cher qu’un rein. Heureusement pour la marchombre, c’était un peuple qui se mixait depuis des siècles avec les humains, et dont les individus pouvaient facilement se trouver sur les marchés, les commerces, et les forges un peu partout.

D’ailleurs, Lexi prenait grand soin de ses armes, et elle avait longtemps cherché un excellent armurier et forgeron pour entretenir ses lames et son arc. Il se trouvait que, sans surprise, c’était un nain. “Evidemment, puisque vous cherchez le meilleur” aurait répondu le concerné dans sa grande modestie. L’élue choisit donc d’aller le voir.

Elle commença par lui confier ses armes. Sans être particulièrement pince, les nains étaient toujours plus bavards lorsqu’on leur donnait du travail et donc, de l’argent. Ajoutant à cela qu’ils étaient souvent passionnés par leur travail, ils étaient bien plus loquaces avec une arme dans les mains.

“ -Sinon Karsok,” commença Lexi d’un ton indifférent, “ tu forges souvent des armes ou des bijoux runiques ?”
“ - Quand mes clients peuvent se les payer, toujours avec plaisir !” répondit l’intéressé avec une bonne humeur inhabituelle. “ - Pourquoi, t’en veux une ? Ou tu veux que je pimpe tes bébés ? Je sais à quel point tu n’as pas envie de changer d’armes …”
En effet, le nain avait déjà tenté mille et une fois de vendre ses créations à la demoiselle, mais elle avait toujours refusé, se contentant de lui amener son propre matériel à faire entretenir. Ce n’était pas une question d’argent : elle le payait grassement tant que son travail était impeccable. Non, comme il l’avait compris, elle était simplement très attachée à ses “bébés”, comme il disait.

“ - Je sais pas si t’es au courant, y a un inconnu qui a contacté les élus en leur conseillant de forger un collier chimérique, pour s’unir contre la menace bla bla bla.”
“ - Oh, et tu veux que je m’en occupe ? Avec plaisir, tu connais mes prix.”
“ - Si je décide de le faire, évidemment je ne demanderais à personne d’autre qu’à toi, mais il y a un truc qui me chiffonne …”

Lexi expliqua ses doutes et ses craintes à l’artisan. Celui-ci gravait souvent des runes naines, parfois quelques formules elfiques, bien qu’il ne maîtrisait que quelques rudiments de cette langue. Cependant, il faisait toujours vérifier les formules par une tierce personne de confiance, car une erreur dans l’inscription pouvait être fatidique. Lorsque l’élue expliqua qu’il fallait laisser une part de ses pouvoirs et de ceux de son dirigeant, le nain se frotta la barbe en réfléchissant.

“ - Je comprends que tu te méfies. Écoute je n’ai jamais vu de nalfique de ma vie, même si certains caractères ont l’air de ressembler aux runes naines. Je vais me renseigner, je te fais signe quand j’ai des nouvelles.”
“ - Merci beaucoup,” répondit la demoiselle en déposant une bourse sur le comptoir de Karsok.
Car un travail restait un travail, et elle savait bien qu’elle n’obtiendrait rien gratuitement de la part du nain, bien qu’il avait été étonnamment agréable aujourd’hui. Elle le laissa à son boulot, laissant derrière elle ses armes à la révision et une partie de son argent.

Etape suivante : trouver un elfe.

Collier chimérique

Maintenant qu’elle avait eu l’avis de Karsork, un nain et habile forgeron, Lexi voulait avoir l’avis d’un elfe. Bien qu’il s’agissait d’une race assez commune, cela faisait des siècles qu’ils vivaient reclus, préférant se dissimuler en harmonie avec la nature plutôt que de vivre au milieu des hommes. Néanmoins, une première alliance entre un peuple elfe et les hommes s'était forgée quelque temps auparavant sous l’impulsion de Rhadamantys.

Ce dernier avait aidé les elfes de neiges, résidants à Reïfuu, alors que ceux-ci avaient été menacés d'extinction à cause d’une sévère épidémie. Ces cousins des elfes communs, différentiables par leur peau blanche et leurs yeux bleus, avaient donc une dette envers le Roi de la nation du Nord.

Cela arrangeait bien les affaires de la marchombre, car elle était officiellement une alliée du monarque Reïfuujin, et ce depuis un bon moment désormais. Elle se rendait rarement dans son pays, mais en ce jour, elle avait une très bonne raison de le faire. Elle prépara donc un baluchon avec un manteau de fourrure, et commença son voyage.

Le plus rapide pour sortir de Jiban était toujours de chevaucher la brume, cela faisait gagner un temps considérable pour éviter de se taper toute la remontée à la surface et la traversée de la mer intérieure. Une fois que ce fut fait, et ne pouvant abuser de ce moyen de transport privilégié, elle s’en tint à une bonne course des familles, alternant entre un rythme endiablé et un peu de marche pour souffler. A ce rythme, elle eut tôt fait de traverser la frontière.

Une fois arrivée dans Reïfuu, elle se balada de village en village, jusqu’à ce qu’on lui donne la direction d’une ville où les elfes des neiges commerçaient fréquemment, et où il existait même quelques elfes qui s’y étaient sédentarisés. Cap sur Valun !

Lexi poursuivit son voyage sans mal. Elle nota néanmoins qu’elle ne s’approchait pas de la rivière pourpre, ce qui était une bonne chose. Elle avait été un jour capturée par un groupe de malfrats qui s’y trouvait, et ne tenait pas à croiser à nouveau leur chemin alors qu’elle était occupée. Globalement, elle ne craignait rien des ours ou des loups qui passaient par ci ou par là, et lorsqu’elle entendait le hurlement d’une créature plus dangereuse - comme cette banshee qui se trouvait à quelques kilomètres - elle adoptait une posture furtive et évitait soigneusement d’être dérangée.

La marchombre se retrouva donc à Valun, où elle trouva comme promis, des elfes des neiges à tire larigot. Elle échangea quelques mots avec certains, jusqu’à ce qu’elle trouve l’un d’eux plutôt spécialisé dans ce qu’elle recherchait : la magie. En effet, l’un d’eux tenait un stand de potions et d’amulettes en tous genres. Elle lui posa donc quelques questions sur le sujet, et si d’abord l’individu se montra très charmant, il finit par ne plus rien lâcher en comprenant qu’elle n’était pas intéressée pour acheter.

Lexi se pencha donc vers lui et murmura d’un ton mi-mielleux, mi-menaçant.
“ - Je suis Lexi Hil’Feyan, alliée de Rhadamantys, et on peut dire sans mal que j’ai grandement participé à son ascension au trône. Alors vous pouvez continuez de faire votre mauvaise tête, et je m’assurerais que votre commerce meurt en moins d’une semaine, ou alors vous pouvez faire preuve de bonne volonté, et vous aurez rendu un fier service à votre souverain. Deal ?”

L’elfe la toisa pendant une seconde ou deux. Ces créatures étaient fières et orgueilleuses, mais surtout intelligentes et elles tenaient à leur survie. Il finit par se pencher plus sérieusement sur la formule nalfique rapportée par Lexi. Certains symboles ressemblaient à des caractères elfiques directs, d’autres semblaient détournés. Il compléta quelques unes des informations qu’elle avait déjà. Consciente néanmoins que le problème était complexe, l’élue lui laissa une feuille où elle avait copié la formule nalfique, et lui donna une dernière consigne.
“ - Si vous trouvez quelque chose à ce sujet, ou quelqu’un qui parle le nalfique, contactez moi par courrier sécurisé. Vous serez récompensé à la hauteur de votre apport.”
Lexi tourna les talons et répéta le procédé à un autre stand similaire, et à un autre elfe qui vendait des livres en elfe et en langue commune. Après avoir passé deux jours à Valun, il lui fallait rentrer.

Collier chimérique

Après avoir fait son petit voyage jusqu’à Reïfuu pour interroger les elfes des neiges, Lexi revint à Jiban. Là, elle y apprit deux choses de Reisha. D’abord, sa dirigeante avait fait prévenir les siens au sujet du collier chimérique : le roi des nains en personne était venu la prévenir de se méfier. Cela collait avec l’intuition de Lexi.

Mais ce fut surtout la lettre qui lui était adressée directement qui l’estomaqua. Reisha formait un nouveau conseil - ce qui était une bonne chose - et elle demandait à Fuu de la rejoindre - ce qui était discutable - ainsi qu’à Lexi - ce qui était estomaquant. Lexi posa la lettre sur la table de son très modeste appartement et tapota ses ongles courts sur le bois.

Elle fut tentée de refuser. Mais en réfléchissant à la raison - le principe d’indépendance et de liberté des marchombres, elle réalisa que c’était stupide. Elle était libre d’accepter. Elle se sentait déjà responsable de Shintân, et c’était par sa propre volonté. Personne ne lui avait rien demandé, mais elle protégeait son peuple, elle était ici chez elle, et elle faisait comprendre au premier qui tentait de nuire à sa nation qu’elle le découperait en deux s’il le faisait. Elle faisait planer son ombre menaçante et protectrice comme une barrière sur son pays. Accepter le poste ne faisait qu’officialiser un rôle qu’elle remplissait déjà.

Évidemment il y aurait des choses en plus, et elle aurait un pouvoir décisionnaire sur des réunions et ce genre de choses - elle en discuterait avec Reisha dès que possible. Elle attrapa un parchemin abimé mais inutilisé au fond de son sac de voyage, un crayon de bois, et rédigea un court message à l’attention de sa dirigeante

“ Je suis honorée de ta proposition ; quant à la place de conseiller de Fuu, je sais à quel point il t’es difficile de mettre de côté ce qu’il a fait à Tenshi, et je respecte beaucoup tes efforts. J’en ferai autant pour travailler avec lui en tant que conseillère.

Lexi,”

Elle ramassa ses affaires et partit au petit trot en direction du palais, où elle trouva sans mal les quartiers de Reisha et confia son message à un garde ou un secrétaire selon le premier qu’elle trouverait. Puis elle reprit son enquête.

La marchombre voulait trouver la personne qui avait adressé le message aux élus. Comme le Roi Nain avait fourni des informations à Reisha selon lesquelles cet évènement était déjà arrivé, et avait causé encore plus de tensions qu’il n’y en avait déjà entre nains et elfes, elle commença par aller chercher dans les archives de la bibliothèque si il était fait mention de cette histoire.

Elle en trouva des traces, malheureusement ce n’était que des documents elfes ou nains, qui accusaient donc l’autre race d’être responsable de la supercherie. Mais en y réfléchissant, Lexi avait l’impression que c’était une personne tout à fait extérieure qui avait eu intérêt à empêcher les deux peuples de s’allier à la base. Elle continua ses recherches malgré les biais évidents dont souffraient les documents, et croisa les informations afin de relever les points communs majeurs des histoires.

Mais les livres n’étaient qu’une partie de l’enquête et Lexi sortit du palais pour trouver une petite agence de presse et afin de s’intéresser à l’auteur du message. Cela lui demanda du temps pour remonter les différents intermédiaires, et si parfois elle devait glisser une pièce ou deux à un garçon qui se faisait de l’argent en livrant du papier, parfois elle se glissait habilement dans l’ombre d’un associé pour l’espionner et le suivre.

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Accroupie en haut d’une falaise qui surplombait la mer intérieure de Shintân, Lexi inspira profondément. Elle s’était hissée là haut à la force de ses bras, profitant de l’escalade sur la paroi escarpée pour se vider l’esprit et arriver tranquille au sommet du pic rocheux. Installée confortablement, elle ferma les yeux et écouta le vent, pendant plusieurs heures, sans bouger.

Le forgeron utilise le vent pour attiser son feu, le marin pour gonfler ses voiles, le fermier pour ensemencer ses champs, mais seul le marchombre l'écoute. Le marchombre écoute le vent et le vent parle au marchombre.

Lexi avait appris à écouter le vent des mois auparavant, sans vraiment faire exprès. Elle l’écoutait souvent depuis qu’elle était marchombre, mais ce n’était que plus d’un an auparavant qu’elle avait compris ce qu’il lui disait pour la première fois. Depuis, elle pouvait de temps à autre tendre l’oreille pour apprendre des choses que lui seul savait. Qu’aurait-il à lui dire ce jour-là ?

Collier chimérique

Lexi n’avait pas mis tous ses œufs dans le même panier. Elle avait mis sur le coup les savants de Jiban, les nains du coin, et les elfes de Reïfuu, sans parler des garçons de livraison de la presse. Tous les concernés savaient qu’ils devaient la prévenir de la moindre information. Pourtant, lorsque l’un d’eux mit la main sur quelque chose - ou plutôt quelqu’un- il s’abstint de prévenir la demoiselle.

Celle-ci était au sommet d’une falaise, les yeux clos. Elle écoutait le vent depuis des jours, et finalement, elle réussit à saisir le sens de ce qu’il cherchait à lui dire.

Dans le froid et la frayeur, le fou se fraie un chemin vers les flammes.
Fier et mais pas franc, le filou se fie au fiel sous-fifre
Sans souffrir de risquer les foudres de la férocité
Faute de foncer vers elle, faible, il se faufile tel un farfadet

Si Lexi avait écrit les mots sur un papier, personne n’aurait rien compris. Mais on ne demandait rien au vent. On l’écoutait, on l’entendait et on le comprenait. Certaine de sa destination, elle entreprit de désescalader la falaise en serrant les dents. Saloperie d’elfe, songea-t-elle avant de prendre la route vers Reïfuu.

L’un de ceux qu’elle avait abordé à Valun vendait des serpents et autres animaux exotiques, se servant de ses dons liés à la nature pour les captiver et les dresser avant de se faire une fortune en les vendant. Elle n’eut aucun mal à le retrouver alors qu’il faisait danser un medyanki devant une foule d’admirateurs, sans même l’utilisation d’une flûte ou d'un quelconque instrument de musique. Lorsqu’il aperçut Lexi, elle vit qu’il la reconnaissait et garda un calme de façade alors qu’elle se frayait un chemin parmi les spectateurs.

“- Bonjour Madame, comment allez-vous ? Je suis au regret de vous annoncer que je n’ai pas trouvé la vipère tachetée que vous m’aviez commandée.”

Façon subtile de lui indiquer qu’il n’avait pas d’information pour elle. Le regard dur, Lexi passa d’un bond par dessus le stand qui séparait l’Elfe des neiges de ses éventuels clients et l’attrapa par la gorge d’une main. De l’autre, elle saisit le reptile sous la tête car sans surprise, l’elfe venait de lui lâcher “malencontreusement” l’animal venimeux dessus.

Le tenant fermement, Lexi le força à reculer de plusieurs pas jusqu’à ce qu’ils soient dans l’ombre de la boutique et elle le plaque sans ménagement contre un meuble. Elle approcha ses lèvres vers l’oreille pointue de sa victime et lui murmura la suite à l’oreille.
“- C’est moi la vipère tachetée, et tu m’as sous-estimée. Tu veux en subir les conséquences en public ou en privé ?”
L’elfe hésita un instant. Aurait-elle plus de retenue en public ? Il se mit à douter. Peut-être vallait-il mieux subir une humiliation en privée finalement, déjà qu’il venait de passer pour un vieillard avec ses réflexes d’Elfe deux fois moins bons que ceux de la jeune femme. Déglutissant difficilement, sa pomme d’Adam tout contre la paume calleuse de l’élue, il hocha de la tête en silence, la terreur instillée dans son regard ne laissant pas de doute.

Lexi le relâcha et jeta le serpent dans une jarre avant de l’y fermer.
“ - Ferme la boutique, ordonna-t-elle, et pas d’entourloupe.”
Elle surveilla avec attention les moindres faits et gestes de l’elfe des neiges, qui ferma son stand et se tourna vers la marchombre.
“ - Je ne compr…”
“ - Garde ta salive, je sais déjà que t’apprêtes à me mentir.”
“ - Je vous assure, je ne sais rien !”
Lorsque la douleur fusa dans son nez, il vit le bras de Lexi revenir le long de son corps mince et musclé. Il n’avait même pas vu le coup venir, et lorsqu’il porta ses mains à son visage, il constata qu’elles se tachèrent de sang instantanément.
“ - Je ne suis pas d’humeur. Tu parles où je sors mes lames ?”
Ce n’était pas un coup de poing qui allait impressionner l’elfe malheureusement. Il choisit de se mettre en garde. Désormais il serait prêt.

Collier chimérique

Constatant que l’elfe choisissait de se battre, Lexi dégaina ses lames et l’attaqua sans attendre. Le vendeur de reptiles para le coup, puis attaque à son tour, d’un violent coup de coude qui aurait pu briser la mâchoire de la demoiselle. Malheureusement, pour lui, celle-ci était bien trop rapide pour lui. Elle se décala d’un bas, empoigna son bras et l'accompagna dans son élan, avant de sanctionner sévèrement cet échec d’un coup dans les reins.

L’elfe s’écrasa à genoux dans un coin de sa boutique, renversant un bocal au passage. Deux serpents en sortirent, et d’un sifflet de l’elfe, ils s’immobilisèrent. Dans les yeux bleus clairs de la cible de l’élue, naquit une lueur mauvaise. Plutôt que de l’attaquer à nouveau, il saisit un pot de terre et le balança sur la jeune femme, s’attendant à ce qu’elle esquive, et qu’il s’écrase dans l’étagère derrière elle. Mais Lexi avait déjà compris l’idée qui avait pris forme dans l’esprit fourbe de l’elfe. Elle rattrapa le pot … Et le déposa avant délicatesse par terre. Puis elle frappa de ses deux lames… les étagères autour d’eux. Une quinzaine de reptiles se retrouva ainsi libérée.

“ - C’est ce que tu essayais de faire ?”

Etonné mais toujours décidé à la tuer, l’elfe siffla une nouvelle fois, et les reptiles se tournèrent vers Lexi. Ils avaient une cible, désignée par leurs maîtres. Le regard gris de la jeune femme devint de l’acier brut, et elle se mit à fredonner une douce mélodie. Il n’y avait qu’un seul prédateur ici, et ce n’était ni un reptile, ni un elfe.

Toutes les créatures de la boutique, à l’exception de celle qui les manipule, s’immobilisèrent sous l’effet du chant marchombre, tandis que Lexi s’avançait d’une démarche assurée vers l’elfe. Celui-ci, debout dans un coin de la boutique, voulut prendre ses jambes à son cou, mais elles refusèrent de lui obéir. Hypnotisée par la belle jeune femme qui s’approchait de lui, ce n’était pas le physique de celle-ci qui l’empêchait de s’enfuir, mais l’étrange mélodie qui sortait de ses lèvres.

Arrivée à moins d’un mètre de sa victime, Lexi s’approcha encore jusqu’à pouvoir sentir son souffle terrifié, et elle l’observa d’un air satisfait, avant de cueillir du bout de l’index une goutte de sueur sur la tempe du malheureux, puis de l’essuyer négligemment sur la fourrure qu’il portait. Elle interrompit son chant, laissant les serpents confus, et l’elfe suffisamment terrifié pour qu’il ne tente plus de s’en aller sans demander son reste.

“ - Parle.”

Elle avait murmuré, mais le mot frappa le vendeur avec suffisamment de force pour qu’il n’ait jamais eu aussi peur de sa vie. Lexi apprit ainsi que, attiré par l’appât du gain promis, il avait fait ses recherches, et avait pu obtenir la localisation d’un elfe si vieux que c’était étonnant qu’il soit encore vivant. C’était une ermite vivant dans une grotte dans les montagnes de Reïfuu qui parlait le nalfique, et semblait au courant de ce qu’il s’était passé pour la première version du collier chimérique. Cependant, il s’était montré vraisemblablement suffisamment convaincant pour dissuader le vendeur de reptiles de confier ses informations à Lexi. Et au vu du regard haineux de sa victime, elle supposait qu’il ne portait pas les élus dans son cœur et comptait les laisser tomber dans le piège tendu.

Lorsqu’elle en eut appris assez, Lexi planta soudain deux lames dans les mains de l’elfe, le clouant au meuble sur lequel il était adossé. Il tenta d’hurler, mais elle avait déjà sa main sur sa bouche pour étouffer son cri. La surprise passée, elle retira sa main et lui fit signe de rester silencieuse en plaçant son index sur sa bouche. Deux larmes roulèrent sur les joues de l’Elfe.

“ - Je vous ai dit ce que vous vouliez, laissez moi je vous en prie…” sanglota-t-il.

La réponse fut sans appel.

“ - Vous avez trahi votre Roi en retenant des informations qui peuvent le mettre en danger. Je crois que la sentence à Reïfuu est la mort, n’est-ce pas ?”

“ - Pitié …”

L’homme poussa un soupir de soulagement lorsqu’elle s’en tint là et se dirigea vers l’arrière boutique pour sortir en toute discrétion. Elle se faufiler entre les reptiles au sol, qui la regardèrent passer sans broncher. Elle les avait fait siens au moment où elle les avait hypnotisés. Et c’est pourquoi l’elfe ne put jamais reprendre le contrôle, et mourut de leurs morsures.


Grâce aux informations qu’elle avait obtenues, Lexi n’eut aucun mal à trouver l’ermite. Fatigué par la vie et le temps, elle pouvait le vaincre sans problème s’il le fallait, mais comprit que toute menace serait inutile : il ne craignait plus la mort, peut-être même l’attendait-il tranquillement dans sa grotte. N’ayant pas de temps à perdre, elle l'hypnotisa afin d’apprendre enfin ce qu’il y avait à savoir sur ce collier chimérique.