L'âme du guerrier - Ft Roronoa ZORO

Ces derniers temps, pas une seule journée ne se déroulait sans apercevoir Roronoa Zoro au bras de la femme qui portait nouvellement son nom de famille. Mais aujourd’hui, le sabreur avait manifester le désir à sa belle de se ressourcer de son côté. Il ne fallait pas oublier le caractère originel du pirate qui se voulait solitaire comme un omega. Connu pour sa nature d’électron libre, ce n’était pas cette fille qui modifierait sa consistance. Et puis, il tenait à ce qu’elle renforce toute seule de son côté, elle avait du pain sur la planche si elle souhaitait un jour se hisser parmi les magiciennes les plus puissantes de ce monde.

Il était fréquent pour Zoro de se rendre à la rivière antique pour ses entraînements. En réalité, il se servait surtout de suivre la rivière pour ne pas s’égarer comme un bigorneau dans un champ car la perdre des yeux signifiait également se perdre tout court. La rivière de sang symbolisait donc un important point de repère pour le jeune homme, qui encore une fois, l’emprunta pour élire domicile vers un vieux chêne mort au bord de la rive.

Il passa quelques heures à exercer certains mouvements clés, dans l’objectif de réviser les vieilles techniques et s’incorporer les nouvelles. Et, puisque un guerrier ne se reposait jamais sur ses lauriers, il acheva sa session en escaladant le vieux chêne mort afin de s’étendre sur une branche et réfléchir à des idées pour affiner son style. Un grand combattant ne se contentait pas d’exécuter mais se devait de démontrer un tant soit peu de créativité et d’originalité afin de surprendre son adversaire.

Les bras croisés sous sa tête, l’oeil cloué, il fut plongé au coeur de son esprit.

Subitement, quelques tremblements se firent ressentir et secouèrent l’arbre comme un ananas tenu par un gamin. Des secousses certes modérées, loin du violent séisme, mais suffisamment balèzes pour briser la branche sur lequel le bretteur était étendu comme un pacha. Par conséquent, un bruit de craquement se fit entendre..

- Oi oi oi... ! Emit-il, déstabilisé.

Suivit d’une chute monumentale en plein dans la rivière.

Plouf. Dans l'eau le Zozo.

Englouti dans une masse rougeâtre, l’empereur de Fuyu eut l’impression de se retrouver dans un placenta de femme enceinte. Ce n’était pas la sensation la plus agréable du siècle. Toutefois, il ne ramena pas de suite sa frimousse d’algue verte à la surface, préférant écouter un instant ce qui se passait au dehors, méfiant du potentiel danger. Certes, le liquide assourdissait la qualité du son mais son ouïe aiguisée comme celle d’un canidé permit de distinguer un échange. Des voix assez aiguës, dont une fluette. Des voix féminines, à n’en point douter. Interloqué, il se demandait ce que des femmes pouvaient bien foutre dans les parages. Etaient-elles accompagnées ? Etaient-elles égarées ? Mais alors qu’il se cramait le cerveau à force de se questionner, il oublia qu’il se trouvait dans une zone où il retenait sa respiration depuis bien maintenant 2 minutes. La prise de conscience fut violente à tel point qu’il finit par lâcher une flopée de bulles avant d’extirper sa tête sauvagement hors de la rivière antique pour se retrouver nez à nez face à deux grands yeux angéliques de gamine le fixant, avec un air interrogatif, depuis un pont de... Bateau ? Mais qu’est-ce diable foutait un bateau sur la terre ? Le concept d’un navire, c’était que ça naviguait sur les flots aux dernières nouvelles ?
Quelle masse gothique ! Il ressemblait à un vieux vaisseau des tréfonds, hanté par le fantôme d’un pirate légendaire. Mais si le fantôme était cette petite fille, alors il pouvait dormir sur ses deux oreilles. En revanche, l’effet inverse risquait de ne pas se dérouler avec autant d’indifférence. On parlait tout de même d’un mec sortant d’une rivière de sang, à moitié à poil, de nulle part. Les interlocutrices ne seraient même pas en mesure d’identifier convenablement le bonhomme tant le contenu de la rivière dégoulinait le long de son corps, recouvrant son visage d’un liquide épais.

Il remarqua de son côté la présence d’une femme aux côtés de l’enfant. Et pas n’importe quelle femme puisqu’elle copiait trait pour trait celle d’une élue de Kaen rencontrée quelques mois auparavant. Ruby ? Mais que branlait-elle dans la nation ennemie, elle qui était si fière de brandir la prime de Zoro à Kaen. Quelle mouche pouvait-elle piquer une fille de sa condition pour s’aventurer dans l’entre de la froideur, entre adeptes du « marche ou crève» ? Il ne croyait pas au hasard, il refusait l’hypothèse de la simple coïncidence avec fermeté même !

- Toi ici ?! Hmpf...

Sourit-il, amusé, avant d’entièrement sortir tel un personnage de film d’horreur, semblant teinté de sang. Il attrapa de grandes poignées de neige et s’en servit pour se débarbouiller au moins le visage. Il ne craignait visiblement pas le froid.

- Tu as le goût du risque...

Il scruta un instant l’enfant, lorsqu’il se frotta la face avec la neige pour se la nettoyer, et s’interrogea sur son lien avec Ruby. La ressemblance laissait à supposer qu’un lien familial les unissait. Il arqua un sourcil.

- Et tu te fais escorter par une gosse en plus, tu n’as vraiment pas froid aux yeux..

Elle encourait un risque certain ici. Une fière rouge qui osait se pointer chez les bleus, ça ne passerait pas inaperçu et surtout pas avec un engin aussi conséquent. Ce n'était clairement pas l'infiltration la plus discrète qui soit.  

Le commentaire de la fillette au sujet de son potentiel lien familial avec lui n’échappa pas au tympan affiné du pirate. S’imaginer copuler avec la chienne d’un dictateur ennemi, très peu pour lui. Il remarqua que la mère de l’enfant s’empressa de rectifier les propos de sa gamine. Il croisa néanmoins les bras, l’air taquin :

- Encore un père absent.. Pauvre petite.

En voilà une dont le daron était parti chercher de la sauge sans jamais revenir... Allez savoir avec quel betteravier de passage cette courtisane s'était faite galvaniser les escalopes pour engendrer une vie. En parlant de la marmot, cette petite insolente se permit de lui tirer la langue, sans être réprimandée par la mère, c’était limite si elle ne l’encourageait pas par son regard semi-approbateur.

- Oi ! Et ta gosse, t’as pensé à l’éduquer ? Parce que si c’est moi qui m’en charge, ça sera pas la même limonade.

Les deux élus opposés semblaient bien partis pour se balancer des fions à la tronche pendant un bon moment vu la tournure que prenait leur rencontre au bout de 2 répliques. Ruby persévéra sur la lancée en faisant référence au risque d'hypothermie avancé auquel le sabreur se confrontait. Habitué aux conditions négatives extrêmes, à force de se pavaner à moitié à poil au travers de toute la région, ce blizzard ne lui faisait ni chaud ni froid, littéralement. De plus, ce jour-ci, la météo se montrait particulièrement clémente avec son peuple, le ciel clair et dégagé.

- Mieux vaut mourir d’hypothermie ou crever comme un rat au fin fond d’une cellule lugubre selon toi ?

Car c’était ce qu’elle risquait si l’envie d’enfermer cette ennemie de la nation le prenait. Il en avait tout à fait le statut et le pouvoir. Bien sûr, l’aspect abusif de cette décision ne passerait certainement pas et de toute façon, il n’en voyait absolument pas l’intérêt tant qu’elle ne manifestait pas de comportements hostiles envers la nation. Il se méfiait, prêt à intercepter une quelconque manigance, mais il n’agirait pas contre elle sans justification argumentée.

La beauté blanche du désert confirma le lien de parenté avec l’enfant présent sur le pont de son navire. En revanche, il ne s’attendit pas à l’invitation très spontanée qui suivit. Pourquoi devoir monter pour présenter quelqu’un ? Qu’avait-elle de plus à lui dire à son propos ? Elle précisa avant de disparaître vers l’arrière qu’elle en profiterait pour lui demander de l’aide. Quel service était-il en mesure de lui rendre ?
Il ne le niait pas, elle venait de piquer sa curiosité.

- Tu peux pas le faire d’ici ?!

Bougonna-t-il à son encontre avant qu’elle ne se volatilise pour de bon derrière la rambarde. Putain de bonnes femmes... Elle avait parfaitement entendu sa requête mais fit volontairement la sourde oreille, sûrement pour l’attirer sur son navire et le piéger perfidement. Bon, de toute façon, qu’est-ce que cette mère de famille et son enfant pourraient bien lui faire ? Lui chatouiller les orteils ? A son niveau, ce n’était pas la demoiselle la plus menaçante du continent. Au pire, il trancherait son navire d’une traite. Rationnellement, il ne risquait que de perdre du temps.

- Tss...

Piège ou non, il était intrigué. Alors il se décida, après quelques secondes, d’escalader le mastodonte et passa habilement le quai pour atterrir sur le sol. Une fois débarqué sur l’engin, son regard se balada à droite à gauche vers les différents lieux extérieurs que le bateau contenait. Il ne ressentit aucunement la présence d’une quelconque autre personne.  

Il s’avança donc vers Ruby, qui se tenait un peu plus loin, et passa devant l’enfant qui le fixait avec de grands yeux globuleux  :

- Qu’est-ce que t’as toi ? T’as pas une connerie à faire ailleurs ?!

Râla-t-il d’une voix rauque envers cette petite effrontée qui méritait un dressage plus sévère. D’apparence, on pourrait croire à une antipathie envers les gosses mais au fond, il les appréciait et les protégeait. Il n’était pas forcément à l’aise avec ces humains miniatures, mais il prenait un malin plaisir à les terroriser, preuve de son affection.

A la question rhétorique du sabreur, la fille de Zeus y apporta une réponse avec un ton si sérieux qu'elle en fut presque tragique. Mourir au combat avec les honneurs. Hm, tout guerrier qui se respectait rêvait d'une fin glorieuse sur le champ de bataille, Zoro ne faisait bien entendu pas exception. Mais cette réponse se teintait d'une sourde mélancolie, comme si la mère de cette enfant regrettait un temps passé et mourait d'envie d'y revenir. Il le ressentit ainsi mais peut-être se trompait-il.

En tout cas, entre temps, il rejoignit le ponton principal et se fit accueillir d'une manière tout à fait chaleureuse par la gamine de service. En réaction à sa petite joute taquine, elle rétorqua par une tentative d'agression sur sa personne. Un geste d'une violence inouïe rarement observé. De ses petits pieds, elle bondit tel un kangourou énervé sur le pied chaussé d'une botte en cuire noire dans le but d'écrabouiller ce dernier. Evidemment, cela lui fit l'effet d'un caillou posé sur sa chaussure tant le poids équivalait à celui d'une plume alors il ne broncha pas immédiatement. Cependant, il condamnait ce manque de respect et ne tarda pas à riposter tel un daron de 40 piges en baragouinant quelque chose d'incompréhensible avant de se calmer et de terminer par un simple mais efficace :

- Tss... Prochaine fois, je te balance par-dessus bord sale gosse...

Il lui lança un regard de Scarface, même si la scène s’avérait plus comique qu’autre chose,  avant qu'elle ne se cache derrière sa mère. Mère qui se résolut enfin à faire son devoir de daronne et à réprimander son morpion à cheveux longs, bien qu’elle demeurait bien clémente avec ce petit démon. Un jour, elle poignarderait quelqu’un que cette betteravière de Ruby se contenterait de la mettre au coin en guise de punition.

Zoro fit pourtant abstraction de cette éducation chaotique pour écouter l’étonnant récit de l’élue de Kaen, d’abord infiltrée d’Osha puis traumatisée. A rassembler le sens de ses phrases, elle paraissait dans le même état post-traumatique qu’un soldat revenant d’une guerre qu’il n’avait pas demandé. Elle évoquait des mots clés  comme «brisée», «morfondre», «crises traumatiques», «réparer», des mots lourds de sens employés généralement par des écorchés vifs. Pourtant, leur dernière rencontre ne remontait pas à si loin et, elle semblait prendre un malin plaisir à jouer les gardes royaux veillant à appliquer la loi.
Pour être honnête, il ne la connaissait pas. Que savait-il de ses réelles pensées au moment de leur rencontre ? Il était probablement passé à côté de la détresse dissimulé au fond de son regard ce jour là. A moins qu’elle n’essaie de le berner en tentant de se rendre sympathique pour mieux tirer profit des compétences guerrières du bretteur. Si son iris s’était, pendant un bref instant, adouci, il vint se redurcir à nouveau de méfiance.

Venir se perdre jusqu’au fin fond de pôle nord ennemi pour espérer tomber sur une âme charitable qui accepterait de lui foutre des claques de réalité afin de se reprendre en main était une bien curieuse quête. Loin d’être l’idée la plus intuitive du siècle. Il avait toujours du mal à croire que sa présence s’arrêtait à cet unique motif. Quelque chose clochait dans cette histoire. Il fronça des sourcils, attendant qu’elle termine ses explications pour laisser peser un silence écrasant. Il pencha alors la tête sur le côté d’un air cruellement amusé :

Tu veux que je te botte le cul ? Très bien. Penche-toi en avant.

A préciser que dans la bouche de Zoro, aucun sous-entendu ambiguë ne se dessinait dans cette réplique.
Il fit mine d’échauffer sa cheville droite, prêt à lui foutre le coup de pied au cul nécessaire à son éveil. Elle allait comprendre littéralement le sens de «botter le cul» comme indiqué dans sa requête. Evidemment, cela ne servait qu’à la provoquer puisqu’il pouvait toujours courir pour que la spartiate ose se placer dans une position aussi humiliante. Il titillait son honneur volontairement, une manière de la tester.

Il reprit ensuite la marche sur le ponton, quittant par instant le regard de son interlocutrice pour observer des objets ou structures présentes sur le navire. Il en profitait en effet pour découvrir ce somptueux engin afin de s’inspirer du meilleur pour le sien. Le dialogue se fit donc en mouvement.

- Et tu n’as trouvé aucun guerrier digne de ce nom dans ton merveilleux pays ? Il a fallu que tu te déplaces jusqu’à chez les barbares pour trouver le candidat idéal ?

La questionna-t-il d’une voix rauque et sceptique, en tripotant un cordage accroché au mât pour déterminer son utilité. Ouai bon, il était vraiment zéro en charpenterie, une moule d’eau douce serait plus compétente. Il laissa tomber la tentative de comprendre comment ce bateau fonctionnait et se ramena vers la femme, se tenant face à elle, elle bénéficierait désormais de toute son attention.

- Va falloir qu’on discute toi et moi, à propos de ce Osha et de ton récit parce que... Y’a vraiment un truc pas net dans c’t’histoire.

C’était louche, beaucoup trop louche. Sûrement parce qu’il lui manquait des détails pour capter les tenants et les aboutissants. Le cheveux vert n’était pas le plus aux faits de la géopolitique mondiale, et encore moins celle d’une nation à l’autre bout de la sienne. Lux avait probablement évoqué évasivement Osha de temps à autre, dans le cadre de ses projets et missions, mais le couple parlait très peu «travail» et se laissait leur propre jardin secret. Ainsi, Zoro se mêlait très peu des affaires de sa femme vis-à-vis de Kaen, même s’il avait cru comprendre qu’un dictateur foutait la merde depuis sa prise de pouvoir.
Un petit récap’, et surtout en interne de la part d’une infiltrée ne serait pas de refus.

- Mais avant de passer dans le vif du sujet, t’as pas quelque chose à boire, je suis en pleine déshydratation.. Faut voir comment sont traités les invités dans ce rafiot !

En remit-il une couche, en adressant un bref regard accusateur à la gamine au passage.

L’argumentation avait tout intérêt à démontrer une solidité de roche car excepté la volonté commune avec Luxanna concernant Osha, rien ne rattachait directement le samouraï à la spartiate.
Elle commença par faire référence à trois personnes, dont deux qu’elle semblait particulièrement admirer pour leur droiture et la troisième visiblement dans la sauce. Impossible de déterminer avec précision quels collègues évoqua la demoiselle mais le bretteur espéra secrètement que sa jolie blondinette fasse partie du lot. Il trouvait en effet que l’appellation «joyau de vertus» se confondait bien à son teint. Et puis, elle cochait également la case de celle incapable de refourguer une claque, même pour le bien de quelqu’un. Quoique... Elle s’était dépassée ces derniers temps... En décapitant une femme.

En revanche, il capta la référence de l’homme renard, voleur, et artiste musical à ses heures perdues puisqu’il n’existait pas 15 000 élus répondant à ces critères très spécifiques. Pourtant, le bretteur ne le croisait pas souvent mais il lui arrivait de temps à autre de le rencontrer au détour d’une potentielle fin du monde à déjouer en groupe. Il n’en était pas à leur première apocalypse ensemble mais à croire qu’ils éprouvaient des difficultés à se voir dans un contexte de paix, excepté la toute première fois dans une taverne.

Tout ce long mais utile descriptif posa le contexte et mena son raisonnement vers une issue logique : se tourner vers la patrie des guerriers, et notamment des sabreurs. Elle aurait pu se tourner vers ce traître de Rinkyu mais il ne possédait pas le quart de son niveau aux katanas. Zoro était un véritable prodige de la lame mêlé à un acharné du travail. Il était, incontestablement, le meilleur candidat.

- Il est clair que tu n’aurais pas pu rêver mieux...

Se contenta-t-il de répondre avec un sérieux olympien. Il ne pétait pas spécialement plus haut que son cul à la différence de l’autre face de slip périmé nommé Uchiha mais il ne manquait pas non plus de confiance en lui-même et savait reconnaître sa valeur quand elle s’avérait légitime. Il ne sous-estimait pas. Roronoa Zoro, le meilleur sabreur de Kosaten ? Des élus pour sûr ! Ce n’était pas une lubie de sa part, mais la simple vérité, un fait indubitable.

Une fois que la daronne aux cheveux délavés confina son petit monstre dans ses quartiers et qu’un mystérieux démon se la joua majordome avant de se volatiliser, le sabreur ne perdit pas un instant pour déboucher la bouteille avec sa simple mâchoire. Il ne tiqua pas à la présence de ce démon, n’en étant pas à son premier, et encore moins avec les élus. Il avait tout de même fréquenté à multiples reprises la reine des démons en personne : Ellen. Et tandis qu’il descendit la moitié de la bouteille en une gorgée comme si le liquide chutait dans un gouffre sans fond, l’homme chercha une réponse en balayant le navire du regard :

- Tu manies ce gros morceau toute seule ?

Il ne s’étonna pas plus que ça puisque à partir du moment où un bateau naviguait sur la terre, plus rien ne pouvait véritablement le surprendre. «Ta gueule c’est magique» apparaissant sans doute comme la réponse la plus sensée.

Elle passa alors au vif du sujet, résumant la situation au général de guerre sollicité pour jouer les mentors impitoyables. Ce n’était pas la première candidate qui tapait à sa porte, à croire qu’une carrière d’entraîneur se dessinait. D’abord Eleanor, Zwei, Lux, puis Mei et enfin cette petite dame meurtrie. Quelque part, c’était flatteur. Les gens se tournaient vers ce qu’ils considéraient être le le meilleur de sa discipline.

Le récit débuta sur Osha, le super-élu aryen souhaitant répandre la suprématie de sa race sur le continent. Il avait commencé par congédier le conseil pour les disperser aux quatre coins du globe tandis qu’il se lançait dans du bdsm avec la pauvre oracle qui n’avait rien demandé. Mais le moment le plus important du récit fut un mot clé : Luxanna. Sa prunelle pétilla inconsciemment dés que ce nom fut prononcé. Le nom de l’amour. Celui qui déclenchait des tambours dans son ventre et allumait le soleil dans son cœur. Sa chérie ne lui racontait pas ses missions à Kaen, tout comme il ne lui parlait pas des affaires de Reifuu, chacun voué à sa nation sans empiéter sur l’autre.

- Tu connais Lux ?..

Son visage grimaça cependant légèrement à l’entente d’Anastasia. Cette dernière ne possédait pas une bonne image du guerrier de Reifuu et ne se serait sans doute guère tourné vers lui, comme Ruby, pour se remotiver.

Mais ses pensées pour sa dame de coeur se balayèrent par des propos durs et violents. Cette femme avait vécu du sale, du très sale. Il était question d’humiliation publique, de génocide forcé, de maltraitance physique et de... Viol. Le bretteur manqua d’avaler sa gorgée de travers, toujours aussi à l’aise avec les sujets sexuels, et encore plus quand ces rapports s’avéraient forcés. Il ne s’imaginait pas que cette betteravière de compet’ était passée par tant d’épreuves impitoyables. La chienne d’Osha dissimulait bien son jeu.

Elle lui expliqua ensuite les conséquences de ces faits désastreux sur son moral qui descendait jusqu’aux chaussettes. Le mental miné par des pensées parasites, elle enchaînait des épisodes de crise post-traumatiques, plongée dans la spirale infernale de l’angoisse. Cependant, sa psychée profonde de spartiate ressurgissait par moment pour lui foutre quelques claques. Les lamentations ne correspondaient pas à son code d’honneur et rentraient en contradiction avec sa nature, bâtie en partie à coups de préceptes stricts et guerriers. Sa volonté de combattre ses démons intérieurs paraissait donc tout à fait légitime.

- Avant de te donner une réponse.. J’ai besoin de savoir... Pourquoi... ? Tu l’as laissé te faire ça ?

Il se doutait qu’elle ne s’abandonnait pas gratuitement à lui. Il s’imaginait qu’elle avait sûrement passer un pacte pour sauver quelqu’un ou le peuple mais il souhaitait en être certain, connaître ses raisons. A moins que ce soit juste simplement par faiblesse, par peur de se rebeller ? Ce serait décevant... Et indigne d’une guerrière, de quoi s’ouvrir le bide, souillé par la honte.

Un navire commandé par une simple volonté du saint Esprit ? Pas banal. Cependant, il notifia en effet l’absence de gouvernail quand elle évoqua le phénomène. Et quel phénomène ! La voir péter des lucioles le surprendrait moins.
Il ne renchérit pas sur la technicité de ce navire pour le moment, bien qu’il releva le projet de se diriger vers un navire volant à la Sunny. Sur ce point, elle n’étonnerait pas le pirate habitué à arpenter les airs avec la somptueuse merveille en bois de chêne bâtie par Franky, le charpentier de son équipage appartenant à son monde d’origine.

Un petit pincement au cœur causé par la nostalgie l’affubla d’une mine momentanément mélancolique. Il rêvait parfois de revenir courir les mers avec ses amis, quitte à emmener Lux dans ses bagages, son seul trésor ici bas. Elle se serait terriblement entendue avec son capitaine dont la bienveillance ne faisait pas défaut.

https://www.youtube.com/watch?v=FsPZ-t2CFmU

Toutefois, l’heure n’était pas aux souvenirs car une guerrière déchue quémandait son aide aujourd’hui. Il écouta donc justifications et précisions avec une attention particulière, dépourvu d’expression faciale, stoïque comme les spartiates, qu'elle connaissait si bien.
Soi-disant que cet Osha possédait une puissance inarrêtable et que le seul moyen de le destituer se réduisait à la jouer plus finement, au détriment d’une méthode plus frontale mais inefficace. Il ne la contredisait pas puisqu’il n’eut guère l’opportunité d’évaluer le niveau de cet être infâme. Ainsi donc, Ruby sacrifiait son image pour se ranger aux côtés des fils de putois, devenant officiellement la risée, la traître, l’incomprise aux yeux de son peuple... Dans l'unique but de mieux détruire le mal de l’intérieur. Tel un agent de l'ombre, elle portait le masque de la honte pour déjouer le plan de ce monstre sordide. Cette entreprise demandait une abnégation forte qui ne fut, non sans lui rappeler, le courage de Kozuki Oden ou encore Hiyori... Vivre à côté de l’assassin de son proche, le supporter et faire bonne figure durant 20 longues années pour pouvoir le poignarder au moment fatidique. La préparation d’une vengeance sur des décennies... Il espérait que Kaen s'en sorte avant tout ce temps... Mais..  ce n’était pas une mince affaire. Il en savait quelque chose, non pour l'avoir vécu, mais pour en avoir été témoin.
Ruby était admirable. La beauté de son sacrifice méritait de se graver dans les roches millénaires.

Tuer dix hommes pour prouver sa loyauté et leur épargner un massacre certain. Perdre toute crédibilité auprès de sa nation et être perçue comme la chienne de l'homme qu'elle détestait le plus au monde. Et par-dessus tout, subir des sévices corporels et accepter la souillure éternelle pour le bien de sa patrie. C’était noble, c’était grand ! Malheureusement, le bel albatros de Kaen en avait laissé quelques plumes. De profondes fêlures ornaient son âme, meurtri, désolé. L’esprit ravagé par un horrible film en boucle.

Cette histoire le remuait particulièrement tant elle possédait des similitudes avec le destin tragique des Kozuki, famille iconique de son monde, que les samouraïs de Wano portait fièrement.

Un beau jour, alors que tout se déroulait dans le meilleur des mondes, un trou du cul débarquait, forçait un coup d’état et imposait sa loi. Une loi, bien trop souvent tyrannique évidemment, plongeant un pays entier dans une nuit interminable. Jusqu’au jour où quelqu’un, un grand libérateur, arriverait pour amener l’aube nouvelle..

« Et si c’était toi...» songea le pirate dans ses pensées. Et si cette aube prenait les traits de Ruby ? Cela signifierait que le sabreur endosserait un rôle crucial pour rallumer la flamme vengeresse de cette femme brisée.

Et si c’était Luxanna, l’espoir de Kaen ? Ou les deux à la fois ? Peu importait quel héros attendait les terres brûlantes du Phoenix pour renaître de ses cendres car la vie semblait déterminée à lier ce drôle de samouraï du nord avec l’histoire de Kaen. Comment décliner une telle requête désormais ? Kaen n’était pas sa nation mais cela restait celle de son amour et par-dessus tout, celle d’un peuple qui ne demandait qu’à vivre en paix. Quel salopard refuserait d’abandonner tous ces innocents alors que toutes les étoiles s’alignaient pour lui montrer une potentielle voie salvatrice ? Un jeu de cartes à jouer ? Il ne sauverait pas Kaen directement, et il ne comptait pas le faire à leur place, mais une occasion en or se présentait à lui pour aider les protagonistes de cette histoire à briser les chaînes de la dictature. Il entraînait Luxanna déjà. Pourquoi ne pas entraîner cette femme également ? Elle avait besoin d’obtenir le salut, au nom de son dévouement.

Par conséquent, si Zoro honorait un tant soit peu la vertu guerrière, il n’avait pas d’autre choix : son devoir était de tendre une main à la martyr du phoenix, qu’il respectait pour sa glorieuse abnégation de l’ombre. Et par respect et honneur, il le ferait. Il l’aiderait à recoller son âme fracturé et à recouvrer sa splendeur de guerrière.

Quand cette dernière replaça Luxanna au centre du sujet, le cheveux vert sourit. Non parce qu’elle évoquait la femme de sa vie mais parce qu’il y avait encore quelques secondes, il s’imaginait déjà venir en aide à la spartiate par simple affiliation à Lux, pour Lux. Tandis que désormais, c’était tout autre. Il était motivé par son propre code de l’honneur, qui le sensibilisait aux sacrifices de réputation, et l’obligeait à respecter cet acte digne d’une véritable guerrière.. Elle ne recherchait pas la gloire, elle le prouvait par ce renoncement au titre d’héroïne en endossant le mauvais rôle aux yeux de tous. N’était-ce pas la définition du véritable héros ?

Ainsi donc, il passerait du temps avec elle, non pour Lux, mais parce qu’il croyait en sa cause.

Evidemment, les mauvaises langues cracheraient que cette nana le roule dans la farine et se réinvente l’histoire pour ne pas assumer sa lâcheté. Qu’elle serait en réalité une fillette morte de trouille. Une véritable traître qui aurait baissé les armes pendant que de courageuses élues rebelles comme Anastasia ou Luxanna se battent sans relâche. Qu’elle se serait soumise à Osha par peur. Et que maintenant, elle chercherait la rédemption auprès d’un élu de Fuyu.. Mais au diable les rumeurs car maintenant qu’il faisait face à la soi-disant traîtresse de Kaen, il comprenait. En tant qu’homme pourvu d’une intuition hors norme, il ressentait la sincère détresse de son interlocutrice et surtout, une sincérité indubitable. Nul besoin de preuves, il savait qu’elle ne lui mentait pas.

- J’ignore ce que cette chevalière t’a raconté sur mon compte mais tu ferais bien de la croire, elle a sûrement raison.

Sourit-il légèrement, content des réputations négatives qu’on lui collait à la tronche. Plus il apparaissait repoussant aux yeux de la population, mieux il se portait. Il préférait être craint qu’adulé, pour le bien de sa tranquillité. Il ne se voyait pas comme quelqu’un de foncièrement bon, bien que ses actes prédisaient souvent le contraire. Un pur hasard, selon lui.
Il termina la bouteille quand elle prononça le dernier mot de son monologue et la jeta par-dessus son épaule comme un vulgaire trognon de pomme.

- Tu argumentes bien.

Il décroisa dés lors les bras, et s’approcha de la guerrière jusqu’à lui faire face. Il la scruta un instant et passa son chemin vers le rebord qu’il enjamba avec finesse pour passer par-dessus du bord. Il vint atterrir habilement sur ses pieds, générant de belles empruntes dans la neige sous l'impact et pivota sa tête vers le bateau derrière lui. Tout portait à croire qu’il refusait. Pourtant :

- Beh alors ? Tu viens ? C’est pas en bavassant autour d’une tasse de thé que tu vas botter le cul de l’autre bigorneau.

Bien motivé à réveiller la fureur qui sommeillait en elle, il se montrait volontairement piquant.

Il restait cependant le cas de la gamine à régler. Qui la surveillerait durant l’absence de sa mère ? A moins qu’elle décide de l’emmener sur le terter, mais si le sabreur ne le désapprouverait pas, il ne le conseillerait pas non plus.

Amputer un homme par vengeance ? Le sabreur arqua un sourcil de surprise. En effet, la demoiselle semblait bien renseignée, et dans le détail en plus. Anastasia s’était visiblement dépêchée pour répandre la nouvelle sur tout le continent. Mieux valait éviter de lui confier un secret d’état à celle-ci. Au moins, cette histoire l’éclaira sur la raison de cette réputation de merde qu’il se tapait sur les terres brûlantes. Il se remémora notamment de cette villageoise complètement tarée qui fantasmait à l’idée de le voir «danser au bout d’une corde», tels furent ses propos acerbes. Il lui avait répondu par un simple regard méprisant avant de la renvoyer à sa cuisine.

Les tentatives de Luxanna pour redorer son blason ne fonctionnaient pas sur tout le continent mais la spartiate avait néanmoins choisi de l’écouter elle plutôt que de vieilles rumeurs de bas étage.
Oui, la blondinette à tête d’ange ne fut pas ménagée par le sabreur sous prétexte qu’elle portait le titre de «femme d’empereur». Il la poussait à se dépasser car il percevait un potentiel presque infini en elle et l’expérience ne le contredisait pas pour le moment. Elle progressait de jour en jour à une vitesse fulgurante.

Ruby révélait à demi-mots qu’elle rêvait de subir le même entraînement acharné, tout en précisant une nature moins tendre que les fameux «joyaux de vertu». Ca n’hésitait pas à décapiter des hommes sans scrupule et ça ne s’effrayait pas de la douleur ou de la perte d’un membre. En même temps, cela semblait bien plus facile quand on possédait une capacité de régénération.

- Hm...

Le jeune homme passa une main sous son menton. La guerrière possédait des facilités remarquables qui n’arrangeaient pas son affaire. En effet, comment renforcer son mental efficacement quand on ne craignait pas de perdre un membre. Le combat ne possédait donc pas la même valeur et le risque de se reposer sur ses lauriers ou de ne pas se dépasser lui pendait au nez.

Une fois que la terre ferme fut rejointe par le sabreur, le pirate perçut la jeune femme marmonner une menace rhétorique à son encontre. Son ouïe fut suffisamment développée pour discerner ses mots. Il sourit, discrètement. Le chemin s’avérait bien long avant de pouvoir espérer exercer ne serait-ce qu’une mini pression sur son cou. Et vu ce qu’il lui préparait, ce désir ardent risquait de monter en elle. Cependant, tant mieux s’il lui mettait la haine, cela lui servirait de carburant à motivation.

Quand elle le rejoignit après avoir confié la gosse aux démons du navire, le bretteur la reluqua de la tête aux pieds, en fronçant les sourcils :

- Débarrasse-toi de tes fringues, elles vont te gêner.

Le sabreur, déjà légèrement vêtu par rapport aux températures extrêmes se désapa encore plus en retirant son kimono qu’il attacha autour de la taille, dévoilant ainsi une musculature dessinée. Il infligeait cette confrontation directe au blizzard à ses hommes également, un exercice parfait pour réveiller le système et renforcer le mental : résister au froid.

- Tant que tu es avec moi, tu as interdiction d’utiliser tes pouvoirs d’auto-guérison.

Et puis, il dégaina un katana. Avant de commencer, il avait besoin de récolter quelques informations sur l’état physique de la femelle. A quel niveau se trouvait-elle ? Ainsi donc, il se contenta de lui lancer un simple :

- Tu vois le bandana noir autour de mon biceps gauche ? Viens le chercher. Et si tu n'as pas d'autre choix que de me blesser, alors fais-le.. Car je vais me défendre, tu es avertie.

Cela paraissait tout simple comme exercice de prime abord mais Zoro étant prêt à se défendre, l’affaire risquait vite de se corser. Pour le moment, il comptait observer ses capacités et ses premières stratégies. A noter que le bretteur avait sorti un katana, non dans l’idée de rester uniquement passif.

Un entraînement démarrant en douceur.

Il décida pour le moment de ne pas trop s’éloigner du navire.

Retirer des fringues pour augmenter son confort était une base pour le sabreur. Jamais vous ne le verrez s’entraîner à la musculation ou autre avec un tissu sur le dos. Par conséquent, ce simple fait lui paraissait tellement évident qu’il n’anticipa guère l’interprétation «déplacée» que Ruby évoqua. L’idée d’une connotation sexuelle pour pratiquer une forme de voyeurisme pervers lui passait bien par-dessus la tête. Il n’avait rien à voir avec l’autre tronche de sourcil entortillé qui bavait sur l’intégralité de la gente féminine, excepté sur la sienne. Zoro percevait la spartiate comme une recrue de son armée parmi d’autres et il ne comptait pas la dispensait de certaines épreuves sous prétexte que c’était une femme. Elle suivait le processus entièrement ou pas du tout.
De ce fait, il n’apprécia pas spécialement ses insinuations à base de «mains baladeuses» et en profita pour recadrer avec fermeté :

- Je ne fais pas de différence entre ceux que j’entraîne. Que tu sois un homme, une femme, un orque, un cul de jatte ou un chien, j’en ai rien à foutre, tu fais ce que je te dis. Il n’y a pas de traitement de faveur ou de programme à la carte selon les spécificités de chacun  ici.

Un discours sec et autoritaire qui permettait à l’interlocutrice de savoir où elle mettait les pieds. Ses paroles manquaient de nuance de prime abord car il était faux de dire que Zoro ne prenait pas en compte les spécificités, surtout en individuel, mais cela arrivait seulement après avoir longuement étudié le sujet. Au commencement, tous étaient logés à la même enseigne et Ruby, élue ou non, ne dérogerait pas à la règle.
Il captait plus ou moins consciemment que se foutre à moitié à poil devant un homme après un épisode de viol traumatique quémandait un effort considérable à la demoiselle mais il ne s’adapterait pas pour autant. Quelque part, il lui donnait l’opportunité de se confronter d’emblée à certains de ses démons. Tant mieux si se déshabiller constituait déjà une première épreuve pour elle, cela compenserait avec celle de l’affrontement du froid lui apparaissant comme un jeu d’enfant pour son corps de 40 degrés.

Lorsque la guerrière tressée expliqua ne pas pouvoir contrôler son processus de guérison, le guerrier fronça des sourcils. Pourquoi ne se trouvait-elle pas en haut de la chaîne alimentaire avec une capacité aussi extraordinaire ? S’il saisissait bien le délire, elle incarnait un atout quasi invincible en ces lieux. Il comprenait facilement qu'avec son histoire avec Osha, elle n’avait pas eu la tête à se hisser aux sommets mais avant cet événement ? Que faisait-elle ? Avec une compétence semblable, le bretteur se focaliserait uniquement sur son offensive et n’aurait pratiquement plus besoin de se renforcer la couenne en sachant qu’un bras coupé pourrait repousser. Actuellement, dans un combat, son attention se divisait entre détecter des ouvertures d’attaque et suivre avec concentration le mouvement de son adversaire pour éviter de se retrouver manchot. Un processus de guérison lui permettrait de lâcher du lest sur sa vigilance défensive et se focaliser quasi pleinement sur l’attaque.

- Tu te régènères vite ? Si je te coupe un bras maintenant, ressens-tu la douleur ? En combien de temps repousse-t-il ?

En tout cas, cette affaire ne l’arrangeait pas. Il devrait trouver une autre stratégie pour la mener vers le chemin du dépassement de soi, autre que la bataille angoissée pour sa propre vie.

- T'emmerde pas, reste comme tu es, on fera avec.

Inutile qu’elle retienne un pouvoir inné, autant exploiter à fond cet avantage. Il fallait juste lui trouver une nouvelle astuce pour éveiller son ardeur autre que cette crainte-ci.

Le bandana noir trônait fièrement autour de son biceps saillant et la femelle exprima l’éventualité d’user de ses pouvoirs. Cependant, elle comprit rapidement les attentes du sabreur qui précisa à son tour :

- Il y aura un temps pour intégrer tes pouvoirs dans ton style de combat, mais pour l’instant, reprenons les bases.

Ce n’était pas tant pour lui donner une roue de secours au cas où elle perdrait ses pouvoirs qu’il souhaitait développer sa force brute, son agilité, sa rapidité (en dehors de la téléportation), sa défense et ses réflexes, mais plutôt pour justement améliorer son plein potentiel. Apprendre et développer ses aptitudes physiques classiques lui offriraient un éventail bien plus riche et large pour inventer de nouveaux enchaînements, style de combat ou combos avec ses pouvoirs. Une polyvalence non-négligeable qui en dessinerait une guerrière complète. Et puis, il était si facile de se vautrer dans la magie dés lors qu'on en possédait, le chemin de la facilité et de la négligeance. Il faudrait compter le nombre de savons que Zoro passait à Luxanna à ce propos.

- Tes pouvoirs sont un avantage sur ton adversaire et ne doivent en aucun cas servir de compensation confortable à ta faiblesse physique. Perçois-les comme un complément décisif.

Bien entendu, certains comme Zoro, possédaient des morphologies naturellement bâties pour le combat ainsi que des heures d’entraînement de détraqués difficilement égalables, il avait donc conscience que peu était capable d’atteindre son niveau physique, même avec toute la détermination du monde. Et tant mieux, chacun ses spécialités. A titre de comparatif d’élus physiques, Lexi s’avérait par exemple bien plus véloce que le sabreur malgré ses heures de course relevées au compteur mais le bretteur l’écrasait en force brute, ainsi qu’en endurance. La marchombre l’enculait également sur l’agilité. Pourtant, il atteignait un bon niveau, largement supérieure à la norme sur ces plans-ci, mais force est de constater que sa force et son endurance s’avéraient bien plus développés pour un même temps et des efforts similaires. De ce fait, il ne s’attendait pas, et ne voulait de toute façon pas que Ruby suive son chemin et l’égalise sur tous les points.. Elle n’y parviendrait pas car sa puissance s’exprimait ailleurs, notamment au travers de dons absolument miraculeux. En revanche, il désirait lui faire gagner un niveau relativement correct dans toutes les disciplines afin d’élargir son champ de possibilités, et pourquoi pas lui éveiller un talent insoupçonné ?

Il l’observa bondir avec l’agilité d’un singe droit sur lui à travers des chaînes élancées pour obstruer sa vue. Son haki de l’observation lui permit de comprendre illico presto la tentative de distraction pour choper son bandana. Un coup classique et puis, elle était si frontale, si lente, il la vit venir à 3km à la ronde. En revanche, elle se positionnait bien, démontrait de la souplesse et semblait manifester une appétence naturelle envers les figures et autres acrobaties. Un style de combat que le sabreur maîtrisait assez peu par ailleurs, très peu dans les bonds et autres arabesques volatiles. Il se remémorait alors quelques passages entrecoupés de sa prestation lors du tournoi et en effet, il se rappelait d’un style assez aérien. Parfait.

Il esquiva sans danger l’offensive de l’élue rouge et la contourna habilement afin de lui asséner un coup bref dans la nuque avec le bord non coupant de sa lame. Ce n’était pas désagréable mais il retint sa force pour ne pas lui briser les cervicales. Mouvement réussi ou non, il s’empressa de courir vers la rivière antique avant de plonger tout entier dedans. Evidemment, elle devait le suivre.

Ainsi donc, le prochain affrontement se ferait sous l’eau, pour l’instant.

Le jeune homme s’immergea assez profondément dans la rivière, jusqu’à toucher le fond 4 mètres plus loin. Une légère pression lui tapa les tympans et il gesticulait habilement dans l’espace comme un poisson sous l’eau.
Si Ruby ne tardait pas à plonger à son tour, elle recevrait des rafales aquatiques de lames tranchantes en guise d’accueil. Elle devrait par ailleurs les braver, les esquiver, parer ou se faufiler entre ces dernières si elle souhaitait avoir une chance d’approcher sa cible qui enchaînait cette même attaque en boucle. Son coup se diffusait dans l’eau sur des mètres de long. Si jamais elle se mangeait l’une de ses vagues coupantes, cela lui causerait une plaie assez profonde, même si elles perdaient nettement en puissance par rapport à la surface. En effet, ces contre-attaques comportaient assez de puissance pour trancher un doigt net que les poissons prendraient plaisir à dévorer.

Le bras droit du roi reifuujin intégrait attentivement les descriptions de Ruby au sujet de ses pouvoirs. Cette dernière vint même approfondir les explications au point que le bretteur arqua un sourcil interrogatif. Deux cœurs offert par le Diable ? Pourquoi ? Sa non-réaction laissait à supposer qu’il emmagasinait les données passivement mais en réalité, il enregistrait, de façon active, afin de reprendre la conversation plus tard. Pour le moment, ils se caillaient les miches à jouer les poupées de cire immobiles.
En tout cas, les indications sur son processus de guérison étaient notées dans un coin de sa cervelle. Fabuleuses capacités, non sans lui rappeler celle de Marco le Phoenix dans son propre monde, qui avait bouffé un fruit mythologique au petit déjeuner.

Au cœur des abysses pourpres de la rivière, une lutte pour la puissance se déchaînait. Ici bas, une jeune femme combattait avec acharnement pour recouvrer sa suprématie d’autan. Son entraîneur ne lui facilitait pas le travail, il levait la barre haute pour établir un état des lieux précis sur la condition de son élève. Savoir en plus que ses blessures se refermaient quasiment instantanément ne risquaient pas de lui provoquer le moindre scrupule dans la violence de ses coups, bien qu’il restait modéré par rapport à son véritable potentiel.

Subitement, son iris perçante croisa deux rubis éclatants dans les profondeurs, apposés sur une silhouette svelte, telle une sirène légendaire résidant au fond des eaux. Bien entendu, il était question de Ruby dont le prénom prenait tout son sens. L’utilité de ces magnifiques éclats se laissaient aisément deviner par le sabreur, certainement une technique de visibilité sous-marine ou anti-ténébreuse. De son côté, il avait beau ne pas percevoir les profondeurs aussi clairement, cela ne l’empêchait pas d’étudier avec précision son espace et les mouvements alentours. Doué du haki de l’observation, et naturellement sensitif, il percevait son environnement avec une aisance déconcertante par le biais de méthodes bien différentes de la spartiate. Les sens se travaillaient, comme les muscles. L’intuition s’aiguisait, comme une lame.

Telle une machine, le guerrier répétait un geste mécanique, façon boss de jeux vidéo prévisible, laissant un temps constant entre chacune de ses lames aquatiques. Zoro lui permettait ainsi de pouvoir calculer les secondes entre ses offensives tranchantes. Il l’observait se défendre derrière ses épées plantées dans le lit de la rivière, terrée parmi les plantes ondulantes, mais petit à petit la demi-divinité se rapprochait, profitant des brefs instants de répit entre chaque attaque pour se faufiler comme une anguille. Et puis, elle replantait à nouveau la pointe de ses armes afin de se couvrir, répétant le processus jusqu’à finir par l’atteindre. Il avait volontairement garder la position, inutile de rendre l’épreuve plus difficile alors que les combats sous la flotte apparaissaient comme son point faible évident. L’échec s’avérait déjà cuisant alors compliquer la situation ne servait aucun franc intérêt.
Au moment de la confrontation, le jeune homme para l’assaut acharné avec le fameux Sandai Kitetsu, le katana maudit au fourreau rouge, qu’il avait reçu après avoir mis en jeu son propre bras dans la ville où tout commençait et tout se finissait. Il plongea un regard intense, empli de défi, au sein des envoûtantes pupilles cramoisis de la guerrière brisée, comme s’il souhaitait lui transmettre une part de sa volonté. Elle était si près du but. Une rafale de bulles fumantes explosa de ses lèvres, la zouz manquait d’air et elle galopa en urgence vers la surface. Il la suivit calmement, revenant à la surface à peine quelques secondes plus tard. Il regagna la berge, découvrant la femelle à genoux, gorge exposée vers le ciel, en train d’expulser de la fumée comme une véritable cheminée avant de se pencher vers l’avant, poings contre le sol maintenant un corps à bout de ses limites. La position de la fatigue.
Il l’écouta alors râler sur sa défaite, mais aussi se féliciter pour son exploit. L’instinct de survie avait pris le dessus quand l’image de Calliope lui apparut. A défaut de se battre pour ne pas mourir, elle se battait pour rester en vie aux côtés de sa fille. Cette dernière incarnait donc un point faible très intéressant pour Ruby, car il représentait également sa plus grande force, un carburant illimité, un puits de motivation sans fond dans lequel puiser une volonté inébranlable. La sale gosse se révélait, sans surprise, être la clé cruciale pour ouvrir la porte de l’ascendance fulgurante, chère à sa mère. Quelle raison plus motivante que de se battre pour une personne ?

- Il faut bien commencer quelque part.

Il l’avait mis face à sa faiblesse ultime, l’eau, pour que dans un moment critique d’impuissance, elle puisse dévoiler la source de vie qui la tenait en vie et lui procurait encore la force de se lever tous les matins malgré ses tourments dévastateurs. Pour être honnête, il avait deviné son moteur avant qu’elle ne l’exprime clairement mais mieux valait en prendre conscience dans l’action.

- Pour tout te dire, c’était en partie le but de cet exercice. Je ne dirais donc pas que tu as échoué.

En effet, remporter le bandana du cheveux vert ne fut jamais l’objectif principal. Il ne lui aurait jamais laissé le saisir et elle n’y serait pas arrivée, une vérité indéniable. Même si elle s’était dépassée par-delà les cieux, elle était vouée à échouer car il se serait contenté d’élever suffisamment le niveau pour qu’un écart persiste. Il n’avait jamais été question de viser sa victoire mais de conscientiser le cœur de son surpassement de soi. Quel élément lui procurait la détermination de sans cesse se dépasser ? En réalité, qu’elle échoue à tous les défis que Zoro lui tendait, ce ne fut pas important. Il ne l’attendait pas sur ce plan, il cherchait simplement à la voir donner le meilleur d’elle-même et ça passait notamment par le fait de la regarder cracher ses poumons en guise de preuve. 4 minutes 30 sous l'eau, elle avait véritablement repousser ses limites, et son état de cracheuse de sang le confirmait.

Ce premier entraînement servit donc à situer l’état de la demoiselle, apprendre à découvrir ses aptitudes de base, et à lui rappeler sa raison de vivre, dans laquelle elle puiserait pour gravir des sommets toujours plus hauts afin de soulever la coupe des honneurs et des fiers guerriers.
En vérité, il fut quelque peu impressionné par la rapidité de sa prise de conscience mais il ne préférait pas l'en informer car rien de pire que de prendre la grosse tête dés le début. Il s’attendait à devoir enchaîner 5 ou 6 épreuves dans ce type encore avant qu’elle ne mette le doigt sur ce qui l’animait. Au final, il eut juste besoin de plonger dans l'eau.
L'être de feu s'était révélé toute entière à son élément nemesis ; l'eau.

Maintenant, il fallait faire mijoter la chose le temps d’une nuit…

- J’ai obtenu ce que je voulais savoir. C’est tout pour aujourd’hui.

Il se releva, l’eau dégoulinante de ses cheveux, et changea de sujet :

- T’as pas quelque chose à béqueter ?  ça m’a creusé le bide cette histoire.

Autrement dit, « invite-moi à ta table ». Zoro se tapait l’incruste tel un opportuniste dans le cocon familial mais en vérité, c’était surtout qu’il désirait garder un œil sur Ruby. Il avait encore quelques questions à poser, notamment par rapport à sa condition de mi déesse, mi-démone, mi-thon, mi-tomate ou allez savoir.

Le menton carré de l’homme acquiesça les dires de l’élue des feux. Oui, toute expérience, positive comme négative, apportait un gain considérable et Zoro irait même encore plus loin : l’échec s’avérait nettement plus édifiant que la victoire. La victoire n’était rien de plus que la consécration ultime des efforts fournis à coups de défaites. Le plus grand des apprentissages se tirait de la chute. Si Ruby avait besoin de tomber 10 fois avant de réussir, qu’il en soit ainsi, car qui tombait 10 fois s’était déjà relevée au moins 9 fois.

Il ne releva cependant pas particulièrement son compliment suivant, mal à l’aise avec les flatteries concernant cette discipline. Il lui restait encore tant de chemins à faire pour parvenir à ses objectifs.

La tentative opportuniste du général des armées du nord se solda par un franc succès. Par sa petite remarque insinuant le bon appétit du bretteur, elle venait ouvertement d’accepter sa requête. Il se contenta de sourire en coin à cette question rhétorique dont elle connaissait la réponse et observa avec un brin de curiosité ses pouvoirs en action. Une capacité de sèche-cheveux au point ! Pratique.

Des cordages mouvants sous la volonté de la demoiselle se dressèrent devant leur tronche, pour les inviter explicitement à rejoindre le plancher des pirates, particulièrement silencieux. Et tandis que le bretteur appréciait cette tranquillité, heureux de ne pas entendre les jérémiades d’un enfant à la con, ce même silence inquiéta la mère du foyer, partant en quête de sa morveuse.
Elle rejoignit ses quartiers et il en profita pour s’étendre sur une chaise avant de bailler aux corneilles. Il faisait faim !



Et alors qu’il clouait son oeil pour se le reposer, savourant cet air paisible du pays des neiges, un dialogue provenant des cabines attira son attention. Il tendit dés lors une oreille discrète vers ces mots qui se glissaient par la porte entrouverte, largement perceptible par son acuité de chauve-souris.
Certains mots prononcés résonnèrent plus que d’autres mais cela lui suffit à discerner la globalité du propos, ou du savon que la matriarche passait à sa fille. La cause ? Un sur-entraînement intensif. Cette petite avait de l’énergie à revendre, cela lui rappelait quelqu’un dans sa jeunesse... C’est-à-dire, lui-même. Il en sourit. Il n’assistait pas tous les jours à des scènes familiales de ce genre. Et bien qu’il laisserait à ses potentiels enfants le loisir de s’entraîner autant qu’ils le jugeaient nécessaires, quitte même à les pousser un peu trop de lui-même, il ne jugea pas la position soucieuse de cette mère. Après tout, elle éduquait cette péquenaude comme bon lui semblait, il n’avait aucune leçon à lui donner.

Toutefois, une phrase l’interpella plus spécialement que le reste : « tu es native, par def...». Native ? Pourtant, elle était la fille d’une élue. Le sabreur ne pigeait pas grand chose à la logique de ce monde mais pour avoir enfanté une fille indésirable dans un sombre passé aux côtés d’une certaine Viola, il se souvenait que l’enfant bénéficiait du statut «élue» comme ses géniteurs. Pourtant, Viola n’était pas une élue à proprement parler. Donc même si le paternel était un natif, la génétique de sa mère devrait prendre le dessus. Encore un étrange mystère à élucider...

Et puis, cela se finit sur quelques commentaires niais que s’échangeaient classiquement une mère et une fille sur la tresse iconique de Madame.

En attendant, il les perçut revenir par ici alors il referma tranquillement son oeil comme si de rien était, bras croisés derrière la tête.

Finalement, seule la fillette ressortit, faisant face au guerrier prélassé. L’oeil fermé, il sentit néanmoins la pression d’un regard insistant sur lui alors il déploya sa paupière à nouveau afin de fixer l’énergumène. Elle le dévisageait, sans complexe. Et lui la fusillait de son iris perçante en retour.
Et alors qu’il s’apprêtait à la sonner, elle se décida enfin à déballer son sac. Et quel sac ! Une multitude de questions s’écroula sur sa gueule balafrée. La terrible sentence pour avoir écouté aux portes, sans doute.

Enseveli par cette montagne d’interrogations à la chaîne, l’homme dont la couleur de cheveux suscitait de grands questionnements, rétorqua sordidement :

- Le troisième sabre sert à trancher les sales gosses insolents.

Bien entendu, il prit soin de faire l’impasse sur les questions débiles pour répondre à celles qui l’arrangeaient :

- Ta mère est entrain de suivre un dur entraînement pour se renforcer. C’est un long chemin de souffrance mais elle est prête à fournir les efforts nécessaires. Ca lui servira à protéger la marmaille comme toi.

La martyr de Kaen était sur la bonne voie pour devenir une puissante et honorable guerrière.
Mais ce petit démon n’avait pas intérêt à se reposer uniquement sur sa mère en se cachant derrière son popotin bien galbé.

- Ces cicatrices sont le fruit de ma volonté. Je me suis fixé un but que j’atteindrai coûte que coûte. Mais il ne faut pas avoir peur de se faire taillader le corps pour ça.
La règle numéro un était de ne jamais compter sur les autres pour se protéger. Mioche ou pas, il ne l’épargnerait pas de ce conseil, il n’était jamais trop tôt pour écouter cette vérité.

- Et toi ? Que fais-tu pour devenir plus forte ?


Tout comme la question sur ses cheveux qui passa totalement à la trappe, celle sur sa famille vint subir le même sort, bien qu’une légère teinte rosée atteignit malencontreusement ses joues au mot « amoureuse». Il se contenta d’un bref :

- Oui. Tout comme tu as ta mère, j’ai quelqu’un qui m’est cher... Et toi comme moi, on se doit de se battre pour elles.

Ruby débarqua quelques minutes plus tard, à l’aide de ses fidèles serviteurs utiles pour dresser la table.

- Tu m’parles de ce petit démon ? J'la gère ouai, merci de t'en soucier...

Répondit-il d’un air taquin, mais bienveillant, à la daronne de la baraque au sujet de ce petit monstre
La nourriture fut équitablement répartie dans chaque assiette et le pirate s’enfila son contenu sans plus attendre. Il ne goba pas en une seule bouchée comme son capitaine, mais il mit peu de temps à vider son auge.

A défaut de pouvoir respirer sous l'eau, elle se démerdait pas trop mal en cuisine.

Une fois terminée, poussa son assiette un peu plus loin devant lui et lorgna sur celle de sa voisine : la gamine. Un sourire machiavélique se dessina alors sur son faciès. Il endossa alors son meilleur jeu d’acteur studio et désigna de son index le côté droit de la fillette, brusquement :

- Oh regardez ! LA-BAS !!

Et pendant que la fillette tournerait sa tête du côté droit, le jeune homme positionné à gauche plongerait ses baguettes vicieuses dans son assiette afin d’en extirper quelques boulettes de viande. Si la jeune fille dirigeait à nouveau sa frimousse d’ange vers le samouraï, elle lui découvrirait des joues mystérieusement rondes comme celles d’un hamster.

Quelques temps plus tard, dans la soirée, tandis que l'empereur repu déposa son verre après une énième gorgée bien désaltérante, il questionna :

- Dis-moi la tressée, raconte-moi d’où tu viens. J’aimerais bien comprendre qui tu es exactement et d’où te viennent tous ces dons avantageux ?

Il n’était en effet pas difficile de remarquer que le bretteur mimait une animosité factice  envers les gamins. Il jouait plutôt les tontons grincheux sans pourtant réellement les mépriser. Au contraire, il se montrait particulièrement protecteur envers eux dés qu’une occasion se présentait, cette peste ne faisait pas exception. Au-delà de son espièglerie, ses réponses intelligentes la rendaient de plus en plus attachantes, bien que cette brute à la fierté démesurée ne l’exprimerait jamais explicitement.

Il lui asséna une adorable pichenette contre sa pommette quand elle lui renvoya l’ascenseur de ses taquineries. Cette p’tite possédait une sacrée répartie pour son jeune âge, elle risquait de provoquer des ravages en grandissant. Les susceptibles feraient mieux de passer leur chemin car cette mitrailleuse prévoyait d’en foutre plein la tronche.

Cette enfant, du nom de Callipso ? Callottée ? Callipse ? Callope ? Bref, cette enfant et son nom de licorne magique, expliqua non sans sensibilité la relation entretenue avec sa mère au travers des interrogations du sabreur. Perspicace, elle ressentait la détresse de cette figure maternelle, impuissante. Heureusement, les enfants détenaient apparemment ce pouvoir de faire naître un sourire sur le visage de leurs parents. Mais au vue du mal qui rongeait sa mère,  cette légèreté éphémère finissait par rompre sous le poids de son fardeau.

Au final, cette fillette était préoccupée par des désirs de son âge : être entourée des siens, son père et sa mère, et grandir dans une famille au complet, épanouie. Un modeste et naturel souhait qui mériterait de se réaliser pour tous les marmots. Un furtive palpitation éclata dans la poitrine du pirate quand il lut l’espoir s’illuminer dans son regard innocent, qui pour une fois, n’était pas pailletée de malice. L’espoir que Zoro aide sa mère, l’espoir qu’il parvienne à lui faire retrouver son sourire.

Malheureusement, cette requête n’apparaissait pas dans ses ressorts. Il la rendrait plus forte, oui, mais pour le reste, il s’agissait d’une lutte interne contre ses démons. Il lui offrirait un maximum d’outils pour les vaincre mais cette guerre lui revenait entièrement.

- Ta mère fera de son mieux pour retrouver sa vie d’autrefois.

C’était la réponse la plus réaliste et positive qu’il pouvait donner à l’heure actuelle. Zoro n’était pas un marchand de rêves, il ne vendait pas les illusions que ses interlocuteurs choisissaient, enfant ou non. En revanche, le but n’était pas de la démoraliser et il commençait sincèrement à croire en la résurrection de Ruby. Après tout, elle appartenait à la nation du phoenix, elle-même née dans les flammes, elle était tout à fait en mesure de renaître de ses cendres. Alors quand bien même, ce n’était pas possible d’offrir une réponse plus aboutie en promettant l’impossible, il se contenta de révéler ce qu’il pensait sincèrement. Et ce dont il se convainquait à défaut de sa victoire, c’était que Ruby allait se battre pour sa dignité.

- Où est ton père ?

Quémanda-t-il en l’absence de la maîtresse des lieux puisque cela faisait plusieurs fois que le sujet revenait sur le tapis sans récolter davantage d’informations. Il notifia par ailleurs une énième allusion sur le fait que la mère et la fille ne partageaient pas le même sang.

- Ta mère sera plus forte qu’avant à l’issue de cet entraînement mais ce ne sera pas une raison pour se cacher derrière elle. Tu dois continuer à t’entraîner de ton côté pour pouvoir protéger les tiens également. Et... Si tu me montres que tu en es digne alors... peut-être que je réfléchirai à t’aider pour te battre...

Et puis, Ruby rejoignit la table quelques temps plus tard comme déjà écrit précédemment accompagnée d’un commentaire qui donna un coup de soleil au cheveux vert, pourtant le soleil disparaissait derrière les monts blancs : «tu ne ferai peut-être pas un si mauvais père en fin de compte. Je commence à comprendre ce qui plaît tant à Luxanna chez toi»
Quelle angoisse ! Le borgne n’en crut pas ses oreilles. Elle avait osé. Le culot ! Il ne renchérit pas, niant en bloc cette histoire.

Le souper se finit sur une jolie note, rappelant l’ambiance des soirées familiales devant une bonne raclette au sein d’un chaleureux chalet. Sauf que ce n’était ni un chalet, ni une raclette. Cela faisait un bail que Zoro n’avait pas passé un si bon moment à plus de 2 autour d’une table, de quoi lui remémorer nostalgiquement ses meilleurs moments auprès de son équipage.
La gamine piquait du nez et fut congédiée dans ses quartiers sans résistance. Elle embrassa tendrement sa mère et disparut dans les coulisses.

Désormais en tête à tête, entre adultes,, il était temps d’ouvrir un dossier plus sérieux : le passé de Ruby, qui ne manquait pas de péripéties.
Face à cette histoire, le jeune homme s’installa confortablement, à deux doigts de mettre ses pieds sur la table.

Déjà, elle posait les bases : fille de Dieu, de Zeus, dieu des Dieux dans son monde visiblementnt appelé «Grec». Rien que ça... L’humaine la mit au monde au coeur d’un peuple guerrier dont le but se dirigeait vers une mort illustre au combat. On donnait son corps à la guerre. Zoro aimait cette idée.

La plus belle femme du monde Grec déchaînait les coeurs et ouvrait les hostilités. Quand on vous disait que les femmes foutaient la merde !
Il trouva particulièrement astucieux le coup du cheval en bois infiltré dans l’enceinte de la cité pour mieux la détruire de l’intérieur. Ainsi donc, ce fut la soirée où Ruby expérimenta la mort pour la première fois. Quelle étonnante surprise de découvrir son immortalité de cette manière. Quel effet pouvait-elle bien ressentir à cet instant précis ? Maintenant, lui aussi, goûtait à l’éternité, grâce à son voeu opéré d’Alastor. En revanche, ils étaient en mesure de crever à tout moment mais la vieillesse ne viendrait pas prononcer leur trait, la fatigue ne menaçait plus d’affaiblir leurs membres.

Et rebelotte, tout le monde se déchirait sa beauté. Le guerrier comprit rapidement que cette femme portait le chaos où elle passait, involontairement bien entendu. Mais son existence était vouée à la malédiction dés son premier cri. Et quelle plus grande malédiction, au-delà de générer des guerres sur son passage, était celle de ne pas pouvoir mourir...

Un millier de fois...

Ce nombre s’avérait si surréaliste que le sabreur arqua un sourcil, médusé. Oui, c’était son maximum de réaction physique.

Mais la partie la plus fascinante du récit démarra quand le Diable entra en scène. Il s’intéressait à la demoiselle qui ne parvenait pas à mourir et avait opéré tout un tas d’expérimentations sur elle afin de la destituer de son humanité. Torturée durant des lustres, elle tirait sa puissance actuelle du diable en personne. Ces heures sombres n’avaient pas dû être une tranche de rigolade pour la fille de Zeus. Il était préférable de mourir dans ce cas. Tout ça pour ensuite, à sa libération, venir massacrer inconsciemment des populations entières.

L’histoire trouva un moment de répit au moment où Ruby débarqua sur Kosaten pour y reconstruire une nouvelle vie, avec des nouvelles règles, comme tous les élus avant et après elle.

Lui qui se tenait en équilibre sur une chaise penchée fut vite ramenée sur ses 4 pieds quand il entendit que le chevalier Saga était le père absent en question, et même son époux. Sa mâchoire se serra de stupeur. Il connaissait bien cet homme, lui aussi fut accueilli à ses tout débuts par ce grand guerrier vaillant. Il le respectait fortement, bien qu’il avait eu vent de sa subite disparition. Cependant, quand il entendit la femme espérer son retour, la gorge du sabreur se noua. N’était-elle pas au courant ?

Saga était de retour.

En tant que général de guerre, Zoro accédait aux informations du royaume, dont celles confiées directement par son roi. Il ne l’avait pas rencontré personnellement mais une confrontation avait apparemment eu lieu.
Si cet homme ne revenait pas de suite vers sa bien-aimée, il possédait sûrement ses propres raisons. De ce fait, l’élu du dragon décida de préserver le silence, ne souhaitant pas se mêler de ses affaires de famille. Cela ne le regardait pas. Il se contenta de clouer son oeil quand il eut enfin la confirmation au sujet de la petite fille, adoptée.

Il tenta tant bien que mal d’enregistrer la richesses de ces données dans sa caboche mais parvint à bien mieux cerner la situation globale. Il se pencha alors sur la table, les bras croisés, pour prendre la parole à son tour :

- Je vois... Tout s’éclaire un peu mieux...

Un détail avait retenu son attention, celui de sa particule : Ruby, inventée par Saga en référence à ses iris héritées du diable :

- Si Ruby n’est pas ton vrai nom, comment t’appelles-tu ?

La questionna-t-il, non sans une pointe de curiosité avant de laisser son dos retomber nonchalamment au fond de son dossier, un fin sourire en coin :

- Tu as donc rencontré le Diable en personne... Hm... A quoi ressemble-t-il ?

Les pouvoirs conférés par le Diable concentraient une telle puissance qu’un seul coeur, même divin, ne suffisait pas à pomper pour un système aussi performant. Elle renfermait un potentiel ahurissant, dépassant l’entendement et pourtant, son niveau concurrençait difficilement le bretteur, preuve que les capacités s’adaptaient aux règles de Kosaten et brider chacun à une espèce de pied d’égalité où seul l’entraînement permettrait de se démarquer. D’un côté, cela encourageait l’effort et le mérite.

- Je saisis l’idée, oui.

Lorsqu’elle révéla son véritable nom, l’iris du fier guerrier scintilla. Un sentiment étrange l’enveloppa tout entier, provoqué par la découverte de son identité originelle. Pendant tout ce temps, il l’avait connu sous un faux nom et désormais, il connaissait le nom avec lequel elle traversa tant de siècles avant de fouler le sol kosatenien. C’était tout bête mais cette simple information partagée le connecta davantage, comme si elle lui avait donné une clé d’accès qui lui permettrait de la connaître encore mieux.

Ses questions au sujet du multivers et des divers doublons fit l’effet d’un miroir sur le bretteur. Il ne s’était jamais demandé s’il était l’unique Roronoa Zoro, il espérait que oui et s’en persuadait.

- Il n(y a qu’une Hélène de Sparte et elle est ici, devant moi.

Prononça-t-il d’une voix affirmée, souhaitant mettre un terme à ces divagations sans intérêt. De plus, il promouvait l’unicité des individus. Cela l’emmerderait violemment d’apprendre qu’un même type que lui portant sa particule vivait une existence similaire. Personne était en mesure d’expérimenter exactement la même chose, et à partir de là, ça en faisait des personnalités différentes, peu importait la copie du nom.

La description du diable confirmait les représentations traditionnelles, à croire que ce type existait réellement pour être aussi bien dépeint dans les bouquins mystiques. Des témoins comme Ruby avaient sûrement servi à répandre ce physique, à moins que rusé comme le malin génie, il s’amusait à prendre la forme que chacun s’imaginait de lui ? Ce serait très fort et peu surprenant de la bête. Quelle créature aussi maline et toute-puissante se présenterait sous sa forme réelle ? Ce n’était certainement pas cette compétence qui lui manquait. En tout cas, cette explication lui mit l’eau à la bouche à tel point que le sourire du défi étira tout doucement la commissure de ses lèvres.

- J’aimerais bien le rencontrer, un jour...

Cette figure l’intriguait. Et quelle plus grande fierté que de vaincre le diable en personne ? il n’en était certainement pas encore apte à ce jour, puisque des pelos comme Zayro ou Zang le surpassait encore mais qui sait ? Il s’entraînerait jusqu’à atteindre son niveau !

- Bien sûr qu’il est plus cruel que quiconque me vient en tête, j’en attends pas de moins du mal originel.

Les deux élus échangèrent encore quelques mots sur des détails, notamment au sujet du passé de Ruby. Il lui demanda entre autre ce que cela faisait d’être immortelle, ou quelle mort subie avait été la pire... etc mais la lune commençait à tourner tout autour d’eux et demain ne serait pas de tout repos. Par conséquent, il finit par inviter l’élève à se coucher pour reprendre de plus bel, dés l’aube.

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