Ce pique-nique aux côtés de sa dulcinée se déroulait à merveille. Une clairière resplendissante, de l’alcool à foison, une herbe fraîche, un soleil doux et la femme aimée, une description du paradis. Il ne se lassait pas de l’entendre rire, notamment lorsqu’un papillon insouciant se posa sur sa joue. Il ressentait sans aucun doute l’innocence et la bonté de la fille pour se permettre un tel risque. Mais il avait raison, il ne courait aucun danger avec elle. Il la trouva plus belle que jamais quand elle le prit délicatement sur son doigt. Elle ressemblait à une fée.
Mais cette jolie idylle prit brusquement fin quand le bretteur notifia l’assombrissement radical du ciel alors qu’aucun nuage ne le traversait la seconde d’avant. Le tonnerre grondait au loin et semblait se mêler à un bruit assourdissant qui se rapprochait progressivement du couple, causant de légères secousses au sol. Ses sourcils renfrognés balayèrent les alentours pendant que le son de galops effrénés en arrière plan ne cessait de s’avancer encore et encore. Une armée ?
Subitement, une escouade de 10 000 chevaliers en lourde armure noire, de la tête aux pieds, s’extirpèrent du sous-bois pour foncer vers le couple, haches démesurément larges à la main. Ils allaient les piétiner mais le temps que le jeune homme dégaine ses katanas, les chevaux atteignirent déjà leur niveau et l’un des membres de cette escouade emporta la tête de sa dulcinée sous sa hache. Il se retourna, vers le corps de Lux, piétinée et traînée misérablement au loin par une trentaine de sabots jusqu'à la réduire en amas de chair et de sang uniforme, tandis qu’il ne s’agissait plus que d’un tronc gisant sans visage.
- Hm... hm...
Suffoqua le guerrier dans son sommeil pendant que la petite tête blonde de son épouse était bel et bien vissée sur ses épaules, reposant actuellement sur son torse, dans un lit doucement dorloté par les vagues. Si Lux possédait un sommeil léger, il était possible pour elle d’entendre son homme s’agiter, suer, trembler et couiner durant ces quelques secondes cauchemardesques. Heureusement, il finit par ouvrir son oeil affolé, le coeur prêt à exploser, et passa bien une longue minute à reprendre ses esprits. Son bras fort et dénudé entourait le corps de sa blondinette blottie contre lui avant de basculer son iris vers le hublot, qui laissait passer un lumineux rayon parme dans la nuit. Certainement les cristaux scintillants de la bordure. Il se rappelait en effet avoir jeté l’ancre sur les plages de cristal hier soir.
Ce n'était qu'un cauchemar. Son pouls prit néanmoins un petit moment avant de se réguler.
Quoiqu’il en soit, c’était au moins la dixième fois qu’il se tapait ce rêve à la niouk et le message était clair : il angoissait pour Luxanna. Elle manquait encore de puissance et la situation ne s’arrangerait guère tant qu’il ne serait pas convaincu qu’elle puisse vaincre quasiment n’importe qui sur Kosaten.
Ses entraînements tournaient en rond depuis un certain moment, il l'avait vu progresser de façon fulgurante et actuellement, elle stagnait à un palier. Ce n'était pas assez rapide et la Menace ne l'attendrait pas. Il était temps de relever la barre, de la sortir de sa zone de confort.
Luxanna devait se hisser au-delà des sommets des plus hautes montagnes... Non, elle devait égaler le ciel !
Lux et Zoro avaient fini par dénicher la demeure de leur rêve. Mieux encore, ils l’avaient fait construire selon leurs envies, et désormais ils dormaient non pas dans une maison, mais dans le bateau dessiné par les soins de la demoiselle la plus belle de Kosaten. Le bateau voguait paisiblement sur la mer calme depuis quelques jours, et ils se trouvaient donc désormais sur les côtes Shitânjins, à la frontière d’une nation qu’elle n’avait pas encore eu le loisir de découvrir.
Endormie contre son mari - ce terme paraissait pour l’instant étrange - la magicienne se reposait contre la chaleur de ce véritable radiateur ambulant. Elle n’était vêtue que d’une légère chemise de nuit blanche, car depuis qu’ils étaient descendus vers le sud, la présence du corps brûlant de Zoro suffisait largement à lui tenir chaud même lorsque le soleil se cachait. Le contact direct du bras musclé de ce dernier contre sa peau l’aidait toujours à s’endormir comme une masse.
Elle aussi était souvent poursuivie par des cauchemars. Ils ne la réveillaient pas toujours, et quand elle semblait en apparence tranquille, elle était intérieurement taraudée par les souvenirs d’Ebisu. Cela avait beau être l’endroit où elle avait changé de nom de famille, c’était aussi le lieu où elle avait pris une vie, de sang-froid, pour la première fois. Elle revoyait parfois la scène exacte, mais souvent, sa mémoire se déformait pour créer de nouvelles situations. Aucune n’était meilleure que la précédente, et si la tranquillité du voyage était agréable, elle avait parfois le défaut de la laisser seule face à ses démons. Zoro ne savait que trop bien qu’il n’y avait rien à faire d’autres que de la laisser démêler ses pensées noires, mais au moins sa présence allégeait ses journées.
Si le cauchemar de Zoro ne l’avait pas tirée des bras de morphée, il le fit lui-même aux aurores, puisqu’il avait décidé qu’elle devait cesser de perdre son temps et se remettre à l’entraînement. Elle se leva donc, encore un peu décontenancée de se réveiller si tôt, et s’étira en étouffant un bâillement, tandis que Zoro semblait déjà prêt à aller affronter une armée de cavalerie de 10 000 hommes.
“ - Je m’habille et je vais déjeuner,” expliqua-t-elle histoire de le convaincre de lui laisser quelques minutes avant qu’elle ne sorte de la cabine.
Au vu du déshabillé qu’elle portait, certes élégant mais qui révélait ses longues jambes fines et ses bras depuis ses jolies petites clavicules jusqu’au bout de ses doigts, il y avait fort à parier que le pirate lui laisserait le temps de se changer, peu désireux qu’elle descende ainsi en cuisine prendre son petite déjeuner. Même si l’équipage restreint était de confiance, il ne risquait pas de vouloir que ce dernier croise sa demoiselle si peu vêtue.
Lux attendit qu’il sorte pour retirer sa chemise de nuit et passer ses habits et ses pièces d’armure - après tout, elle avait cru comprendre qu’il voulait qu’elle s'entraîne. Ils étaient pourtant suffisamment intimes désormais pour s’être trouvés en présence de leur moitié en tenue d’Adam et Eve, mais en dehors de ces contextes maritales, la jeune femme n’était pas encore tout à fait à l’aise avec l’idée de s’afficher nue devant lui comme si ce n’était qu’une formalité.
Dès qu’elle fut prête, elle fila attraper de quoi grignoter un peu. Pas habituée à faire sa difficile, elle s’enquilla les oeufs brouillés qu’on lui proposa nature, une pomme et elle rejoignit Zoro sur le pont.
“ - C’est quoi le programme ?” demanda-t-elle.
Peut-être allait-il lui faire faire des exercices spécifiques. Elle ne rechignait pas à se mettre au travail, mais il était vrai qu’elle n’était pas aussi régulière que lui, qui se mettait à faire des séances de renforcement musculaire dès qu’il avait l’impression de se ramollir. Elle n’imaginait pas qu’il imaginait quelque chose de plus radical encore.
Luxanna, désormais première et unique épouse de l'empereur fuyujin, ne mènerait pas une vie de châtelaine à siroter du thé et à se pavaner à travers les couloirs avec de longues robes toutes plus chères les unes que les autres. Elle appartenait à un grand guerrier et ce dernier ne supportait guère de voir un tel potentiel dormir. Le jeune homme partait en vadrouille régulièrement, il ne pouvait pas l'embarquer dans l'intégralité de ses expéditions alors la blondinette devait apprendre à veiller sur elle-même, gagner en indépendance et parer les agressions.
Cette jeune femme était le joyau du royaume, la plus belle créature de Kosaten, mais aussi la dame d'un gars célèbre. Par conséquent, elle risquait d'attirer plusieurs profils aux intentions douteuses et il fallait bien quelqu'un pour leur botter le cul sans scrupule pendant l'absence du balafré. Il la vit s'extirper du lit difficilement en indiquant son besoin de se changer et de déguster un morceau. Elle souleva délicatement les draps pour révéler sa tenue de la nuit au grand jour. Le samouraï déglutit à la vue de cette silhouette, innocemment enveloppée dans un tissu si sensuelle. Les fines bretelles reposant sur ses délicates clavicules dessinées lui rappelait la douceur de sa peau. Elle était à croquer. Il calcula seulement 10 secondes plus tard qu'il se rinçait perversement l'oeil et fut rattrapé par un sentiment honteux. Il détourna ainsi le visage sèchement et ouvrit la porte pour rejoindre le pont :
- Je t'attends dehors.
Encore heureux qu'elle prévoyait de s'habiller. Il n'aurait jamais pu l'entraîner efficacement dans ses horribles conditions. En grimpant les escaliers, il se questionna sur la durabilité du désir mais aussi de l'amour. Est-ce que Lux continuerait à le stimuler à vie ? En tout cas, après plusieurs années, il ne constatait aucune diminution. Au contraire, cela augmentait chaque semaine quand il pensait déjà atteindre à son maximum.
Il se cala contre une bordure, admirant le lever du soleil à l'horizon entrain de remonter à la surface, procurant de somptueuses couleurs pastelles au ciel. Aujourd'hui, Luxanna prendrait exemple sur l'ascension du soleil jusqu'au sommet. Et le soleil, c'était elle.
Comme c'était une femme, elle mit 40 ans à se préparer. Mais quand enfin, elle apparut, vêtue d'un habit correct pour se mouvoir aisément, il lui adressa un furtif regard global et retira son kimono pour se mettre torse nu. Il balança son vêtement sur le côté, fit craquer ses doigts un par un ainsi que ses cervicales et le reste des zones de son corps.
- Echauffe-toi et fais 20 pompes et 10 tractions.
Lui ordonna-t-il tel un général chef, comme si toute sa délicatesse de mari s'était évanouie. Peu de temps après ces paroles, il rejoignit le sol pour effectuer lui aussi les pompes, bien qu'il monta "légèrement plus haut que 20. Une fois fait, il attrapa une barre installée dans un coin et se tira vers le haut.
Il ignorait si elle savait faire des pompes et des tractions mais il s'en contrefichait. Il voulait voir sa petite frimousse souffrir un peu, pour la bonne cause bien entendu.
Lorsqu’elle eût rejoint l’escrimeur, Luxanna s’enquit de ce qu’elle devait faire. Juste avant de répondre, celui-ci décida que la température était assez clémente, et retira le tissu qui couvrait son abdomen pour se dévoiler torse-nu devant sa belle. Celle-ci rougit et son regard tomba rapidement vers ses pieds lorsqu’il lui parla comme un entraîneur exigeant, lui rappelant qu’il n’avait pas fait cela pour le plaisir de ses yeux.
Et pourtant, ce non-objectif était plus qu’atteint, car lorsqu’elle releva ses prunelles vers lui pour prendre exemple sur ce qu’il faisait, elle ne put s’empêcher d’apprécier la vision de ses épaules larges, ses pectoraux musclés, et ses abdominaux parfaitement dessinés. Elle avait encore du mal à croire que c’était la même peau recouverte d’une immense cicatrice qu’elle avait eu la chance de caresser du bout des doigts chaque fois qu’elle s’endormait contre lui, ou encore lors de leur nuit de noces…
Les pensées de la jeune femme finirent par retrouver le droit chemin en se rendant compte qu’il lui avait donné une consigne. Elle commença donc par faire rouler ses articulations comme elle avait appris à le faire par son instructeur Demacien. Bien qu’elle n’avait jamais été destinée au combat, il était hors de question que l’héritière des Crownguard, un jour vouée à marier un homme important, ne s’empâte comme une vache.
Constatant l’air bon qui venait de la mer Shintânjin, Lux retira ses épaulières et les autres pièces d’armure demacienne qu’elle portrait. Elle retira également son pull pour dévoiler un maillot de corps à bretelle blanc, et releva ses cheveux en une queue de cheval afin qu’ils ne la gênent pas.
Après avoir échauffé ses articulations, elle fit deux petits allers-retours sur le pont en trottinant afin de préparer son cœur et ses poumons, puis se baissa pour poser les mains sur le bois neuf du bateau. Elle aligna ses pieds, gaina son corps et tenta une première pompe en suivant le modèle de Zoro. Mais elle ne remonta jamais et finit par écraser son buste par terre en abondant son poids. Pas moyen d’en faire une seule. Elle se remit en place, cette fois les genoux aux sol pour tricher un peu, et retenta l’exercice.
Cette fois-ci, elle enchaîna une série de dix “demi-pompes” dynamiques, ne ralentissant que sur les deux dernières en grognant sous l’effort. Elle se releva sur les genoux pour jeter un œil à Zoro, pour qui cela semblait plus que facile. “ - Tricheur…” grommela-t-elle frustrée de le voir dans une telle aisance alors qu’elle commençait déjà à avoir mal aux bras. Après cette courte pause, elle refit néanmoins une série de dix, après laquelle elle ne sentait plus ses triceps et sentait trop l’extérieur de ses pectoraux.
Elle se releva après la dernière en respirant fort pour récupérer son souffle. Il lui restait encore dix tractions à faire. Elle jeta un œil autour d’elle, ignorant où elle pourrait trouver une barre en hauteur qui se prêterait à l’exercice. Lux se dirigea d’un pas tranquille vers une échelle de corde qui montait vers une voile, et dont les courts barreaux en bois feraient l’affaire. Elle monta les premiers niveaux afin de pouvoir se pendre par les mains sans que ses pieds ne touche le sol.
Et là. En tirant de toutes ses forces. Son corps ne remonta pas d’un centimètre.
La demoiselle eut beau grogner, souffler, s’aider d’un mouvement de balancier, rien n’y fit. Pas l’ombre d’une traction. Elle insista pourtant plus de vingt secondes, en vain. Elle se laissa retomber sur le pont et se plia pour poser les mains sur ses genoux. “ - Je ne peux pas,” informa-t-elle son entraîneur personnel d’une voix résignée. Ce n’était pas une simple question de volonté, ses muscles étaient bien trop loin d’avoir la force nécessaire pour porter son poids et le relever. Mais il y avait un exercice intermédiaire à tenter.
Lux remonta donc sur l’échelle, et cette fois-ci, monta ses pieds plus haut pour démarrer directement les bras pliés, le menton juste en dessous de ses poings. Lorsqu’elle laissa ses jambes pendre dans le vide, elle sentit ses biceps brûler sous l’effort, mais au moins, elle travaillait. Contrairement à ce moment ridicule où elle s’était dandinée, pendue par les mains. Elle resta ainsi le plus longtemps qu’elle put, serrant les dents, avant de finir par lâcher et se réceptionner sans grâce sur le pont.
De la sueur perlait déjà sur son front, qu’elle essuya d’abord avec sa main, puis en constatant l'inefficacité de celle-ci, elle saisit le bas de son haut en coton et se plia pour éponger son visage avec, révélant malgré ses précautions son ventre qui bougeait au rythme de sa respiration saccadée.
“ - Ensuite ?” finit-elle par demander au pirate alors qu’elle avait déjà envie de retourner se coucher.
Dans la vie, il existait deux catégories de personnes : ceux qui enchaînaient des séries de pompes à une main en équilibre et ceux qui s'écrasaient comme des baleines échouées au bout d'une seule. Inutile de préciser où se classaient chacun de nos deux tourtereaux.
Tandis que Zoro se mit au travail, il adressa de temps à autre un rapide coup d'oeil à sa femme, légèrement en PLS cosmique. Même si cette vision ne lui plaisait pas, il ne peut s'empêcher de retenir un petit sourire en coin, amusé par la situation. Il percevait ses bras vaciller comme des feuilles pour relever son poids plume pendant qu'elle grimaçait comme une chinoise entrain d'accoucher de septuplés. Le spectacle fut risible mais il ne se moqua pas avec malveillance. En fait, il était attendri par sa magicienne, débutante en sport. Le but n'était pas d'en faire une catcheuse de toute manière mais il voulait qu'elle prenne conscience combien le chemin de sa progression demeurait long et douloureux.
Il la vit se donner à fond alors il ne rechigna pas face à son niveau pitoyable.
Par contre, sportive ou pas, il n'allait certainement pas la laisser s'en sortir tranquillement tant qu'elle ne passait pas au moins les 10 pompes et 10 tractions classiques. La tête à l'envers, en équilibre, il observa sa blonde tenter de se hisser en vain alors que ses pieds pendaient dans le vide. Il ferma son oeil pour se concentrer et continua son échauffement de son côté. Elle goûtait à l'effort et elle n'était pas au bout de ses peines. Il comptait initialement la faire courir sur une trentaine de kilomètres mais il décida de s'arrêter ici pour l'échauffement.
Quand elle passa sa dernière barre, non sans difficulté, dans une position de tricheuse internationale, il lui indiqua de le suivre hors du bateau. Dans un lourd bond félin, ses pieds atterrirent sur le sable rosé de la plage cristale. Il vint élire cet endroit comme le décor officiel de leur affrontement. Car oui, il souhaitait voir ce qu'elle valait face à un agresseur de son acabit quand il n'était pas présent.
Il se positionna face à elle, sans un mot, et dégaina un katana.
- Prépare-toi. Dans 10 secondes, tu devras m'attaquer. Je veux que tu te battes de toutes tes forces dans l'intention de me tuer comme si ta vie en dépendait.
Evidemment, il savait qu'elle n'arriverait jamais à développer un tel sentiment meurtrier à son égard mais il l'aiderait à la pousser.
- C'est ce que je vais faire de mon côté.
10 secondes s'écoulèrent, et toujours rien. La brutalité de cette initiative surprenait probablement la demoiselle qui devait se faire à l'idée de frapper son mari.
Perdant patience, car les ennemis n'attendraient pas qu'elle se mette en condition mentale, le sabreur se mit subitement à marcher vers elle d'un pas déterminé, le visage menaçant. Dans l'élan de sa marche, il vint asséner un vif coup de pied sec au niveau de son tibia afin de la faire chuter au sol misérablement. Une balayette humiliante en bonne et due forme.
Heureusement, le sable ne lui causerait pas de grands maux mais il était bel et bien décidé à la secouer sans la ménager.
Une fois qu'elle fut étendue au sol sans, certainement, rien piger à ce qu'il se passait, il la retourna comme une crêpe, la chevaucha et plaça le métal froid contre son innocente gorge.
- Tu es déjà morte au moins 3 fois.
Une douce brise s'immisça entre leur visage rapproché tandis que le fier combattant fit délicatement glisser sa lame contre le cou de la demoiselle afin de la couper très légèrement et planta le katana dans le sable, à seulement quelques millimètres de son oreille, heureusement qu'elle s'était attachée les cheveux. Il se redressa avec son dynamisme naturel et au lieu de lui laisser le temps de digérer la situation, il récupéra son sabre, et lui écrasa la cheville sous sa botte de cuir. Faisant tournoyer sa lame au-dessus de son épaule, il s'apprêtait à lui trancher une jambe si elle ne faisait rien, accumulant de l'élan dans sa rotation pour que l'amputation soit nette.
Cette scène était terriblement cruelle et s'apparentait aux yeux des plus naïfs comme de la violence conjugale. Mais il n'en était rien. Luxanna n'était pas en sucre et ses adversaires auraient encore moins de retenue que le sabreur.
Luxanna voyait bien qu’elle était ridicule en comparaison de son mari, et ce dernier ne se cachait pas vraiment pour le noter. Elle retint donc un soupir de soulagement quand lui indiqua de le suivre, espérant que l’entraînement prendrait un autre tour que des exercices de musculation qui l’ennuyaient profondément. Si elle savait ce qui l’attendait, elle aurait regretté d’avoir souhaité une telle chose.
Alors que Zoro s’élançait efficacement par dessus la rambarde de bois pour atterrir quelques mètres plus bas dans une réception souple, Lux ne prit pas le risque de se faire bêtement une cheville. Dans une légère implosion de lumière, elle disparut pour réapparaître sur la plage de sable où se mêlait de petits cristaux violacés. Le son du sol sous ses pas étaient particuliers, comme si ces pierres roses était d’une matière étrange, et crissaient sous sa semelle en se frottant au sable.
La voix du sabreur interrompit son observation. La magicienne ouvrit deux yeux ronds. “ - Pourquoi je ferais ça ? Et pourquoi TU ferais ça ? ” S'entraîner, pourquoi pas. Se battre contre des monstres, pas de problèmes. Mais jamais elle ne se battrait pour tuer Zoro. Certes, le risque qu’elle le blesse sérieusement était infime, mais si lui, attaquait vraiment avec l’intention de tuer, elle ne se faisait pas l’ombre d’un doute qu’elle ne tiendrait pas une seconde. Il ne ferait donc jamais ça, pourquoi prétendre le contraire ?
Lorsqu’il marcha vers elle avec un visage tout à fait fermé, elle fronça les sourcils et recula d’un pas, mais pas plus. Aussi il la rattrapa rapidement, et elle lâcha un “Aïe !” aigu alors que la balayette la jetait à terre. En une fraction de seconde, elle se retrouve sur le dos, une lame sous la gorge, dans une position qui lui rappelait une scène lointaine, le jour de leur rencontre. Si la première fois, il avait fait cela pour tester une théorie sur ce qu’il ressentait, il voulait cette fois-ci la sortir de ses gonds.
La lame l’entama dans une légère douleur, mais elle ne détourna pas le regard ni ne ferma les yeux. Elle le fixa avant de répondre d’une voix ferme. “ - Je ne serais pas morte parce que tu ne me ferais jamais de mal.” Se tenir ainsi allongée sous Zoro à califourchon sur elle, torse-nu et à contre jour dans la lumière du soleil levant, faisait de l’effet à la demoiselle. Et ce n’était clairement pas celui recherché par le sabreur, car elle avait bien plus envie de l’embrasser en cet instant que de le repousser.
Malheureusement pour elle, il n’était plus son mari en cet instant, mais son entraîneur. Il avait une idée en tête, et il ne changerait pas d’avis. Il se releva, et alors qu’elle allait tranquillement en faire de même, une douleur vive se manifesta dans sa jambe. Il venait de lui écraser la cheville sans pitié et sa lame décrivit une courbe fatidique vers sa chair. Avant qu’elle ne disparaisse dans un nouvel éclat de lumière.
Lux apparut instantanément à plusieurs mètres du guerrier. Encore allongée par terre au moment de la téléportation, elle se releva en un bond avant de hurler de fureur. “ - Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez toi ?! ” Essoufflée de ce cri et sa colère, elle poursuivit en parlant moins fort mais pas moins sèchement. “ - Je comprends que tu veuilles me pousser dans mes retranchements. Mais en t’affrontant TOI ? Il se passera quoi quand j’aurais peur de toi ?”
Espérait-il vraiment activer son instinct de survie ? La pousser à se battre boostée à l’adrénaline ? Mais si elle avait peur de mourir de sa main, croyait-il que ce serait réversible ?
Pas encore effrayée, mais au moins en colère, la jeune femme fulminait. Il voulait qu’elle l’attaque ? De toute façon, elle ne se pensait pas capable de lui faire regretter de l’avoir provoquée, autant que cela lui serve au moins à se défouler. Un rayon de lumière dense bondit de son bâton de magie pour aller frapper le général Reïfuujin, suivi d’un second. Et puisqu’elle ne tenait pas à ce qu’il lui fonce dessus à nouveau, elle enchaîna avec une cage de lumière pour la forme.
«Je ne serais pas morte parce que tu ne me ferais jamais de mal».
Quand bien même, il s’efforça de rester impassible, cette réplique eut le don de lui froisser les traits infimes de son visage, retenant une grimace de frustration. Frustration parce que cette sale petite impertinente avait raison sur toute la ligne. Il arrivait déjà à peine à cogner sa petite frimousse ! La coucher par terre et la menacer de lui trancher la gorge fut le maximum pour le moment. Cependant, elle avait besoin de croire que Zoro représentait éventuellement un danger pour rentrer dans le rôle. Elle devait arrêter de le voir comme son mari mais comme un assassin quelconque prêt à lui ôter la vie sans merci.
Par ailleurs, aussi fiable soit le pirate en pleine conscience, lui-même n’était pas à l’abri d’une manipulation mentale. Un jour, allez savoir, un être maléfique parviendrait peut-être à prendre le contrôle de son esprit. Tout était possible sur ces terres hostiles et les sorciers ne manquaient pas, il suffisait simplement de constater la puissance du sennou sur le cerveau par exemple.
Pendant un court instant, il fut presque tenté lui aussi de lui embrasser le coin de la lèvre mais au lieu de cela, il lui érafla la pomme d’adam avant de se relever pour lui ouvrir la cheville en deux. Ce n’était pas avec ses yeux de biche insouciante que la demoiselle lutterait pour sa survie, il voulait allumer le brasier au fond de ses prunelles.
Et bénis soient tous les Dieux, il finit par lui insuffler le doute qui lui permit de se dégager de l’emprise du sabreur. Sans le savoir, elle venait de le sauver d’une improvisation au dénouement pathétique. Et enfin, alors qu’elle se tenait désormais à quelques mètres du général menaçant, elle vociféra son mécontentement.
Il émit un instant de pause lorsqu’elle pointa un fait : «il se passera quoi quand j’aurais peur de toi?»
Sincère interrogation.
Il profita d’un minuscule temps de réflexion lorsqu’il prit le soin de se tourner afin de lui faire face. Il ne perdit rien de sa prestance glaçante, digne d’un empereur des neiges, et rétorqua d’une voix ferme :
- En devenant forte, tu n’auras plus peur de personne.
Il dégaina un second sabre et se positionna.
- En garde, magicienne.
Un laser lumineux ne tarda pas à fuir de son bâton, un pouvoir qu’il ne connaissait que trop bien puisque aperçu maintes et maintes fois en action. Il était donc particulier de le voir se tourner contre lui, cette fois-ci. Mais un blocage en bonne et due forme limita les dégâts tandis que le second faisceau, plus anticipé, percuta les écailles du dragon offertes par Long. Un simple saut suffit à esquiver la cage de lumière qui ne fut pas non plus sans lui rappeler certaines scènes de leur passé en commun. Elle manquait de rapidité !
Le troisième sabre, le blanc, celui de Kuina, rejoignit sa bouche. A lui désormais de lui montrer l'exemple de la puissance.
Il assembla ses trois katanas afin de les tourner comme les hélices d'un hélicoptère, bondissant sur elle dans l'objectif de la taillader. Puis, il enchaîna avec quelques coups d'épée bien placés, simultanément entre son buste et ses jambes afin de la déséquilibrer. L'avantage de posséder 3 sabres ? Il attaquait à 3 endroits en même temps, ce qui rendait le processus d'anticipation assez difficile.
Zoro s’était à peine protégé du premier tir, pourtant il ne sembla pas dérangé par la brûlure qu’il causa sur son avant-bras. La jeune femme fronça les sourcils. Il l’avait poussée à le craindre, il s’était retrouvé à faire face à son courroux. Cela avait réveillé le pouvoir offert aux élus par les vestiges, celui-là même qu’elle avait aidé à éveiller de manière instable en protégeant l’oracle. Et ce pouvoir, Zoro ne s’en servait même pas.
Le voir traiter ainsi ses deux tirs lasers comme si ce n’était qu’une brise la fit grincer des dents. C’était comme lorsqu’elle avait peiné à faire vingt pauvres demi-pompes, et que celui-ci s’amusait à les faire sur un bras sans forcer, voire pire, en poirier. Sauf que si elle ne prenait pas la mouche d’être nulle en musculation, elle détesta voir ses pouvoirs magiques ainsi tournés en ridicule.
Elle avait travaillé. Peut-être ne savait-elle pas faire une seule traction, mais elle avait travaillé sa magie. Sa concentration. La précision de ses pouvoirs. Elle avait médité de longues heures, et chassé des créatures obscures de Kaën. Elle s’était battue contre Mirâ elle-même, et en était sortie victorieuse aux côtés de son amie. Pourquoi la traitait-il ainsi ?
Lorsqu’il lui ordonna de se mettre en garde, les yeux de Lux flamboyèrent de provocation. “ - Pourquoi faire ?” Et alors que le sabreur se jetait sur elle toutes lames dehors, elle ouvrit les bras, se rendant complètement vulnérable … jusqu’à ce qu’une barrière lumineuse autour d’elle ne repousse l’assaut. L’attaque de Zoro n’avait même pas brisé le bouclier d’énergie mis en place. Il était toujours visible, bien que désormais fin et instable.
“ - Crois-tu vraiment que mes pouvoirs sont aussi nuls que mes tractions ?”
Bien consciente qu’un simple coup de pied du bretteur briserait la protection mise en place, elle dévia le coup suivant de ses protègent-avants-bras, et si la force du coup résonna jusque dans son épaule, il ne fit néanmoins aucun dégât visible.
Zoro reprit sa danse de lames, attaquant avec une vitesse démente. Mais un second bouclier de la demoiselle lui fit gagner le temps dont elle avait besoin pour se préparer et esquiver les coups suivants. S’embêter à éviter les trois lames des sabres était prenant et ne lui laissait que peu l’occasion de riposter, mais elle préférait ne pas imaginer ce qu’il se passerait si le fil aiguisé la touchait de plein fouet.
Elle attendit donc patiemment le bon moment, et soudain se mit à léviter tandis que deux ailes de flammes éthérées apparaissaient dans son dos. “ - Eclat mortel,” chuchota-t-elle en invoquant le sort le plus puissant de son répertoire. Au vu de ce que lui avaient fait les précédentes attaques, elle pouvait passer la seconde. Un tir laser entouré de flammes brûlantes visa le bretteur, impossible à éviter. Un second Éclat Final suivit, plus petit et moins violent. Essoufflée sous l’effort, elle s’obligea à accélérer le rythme et le bombarda de trois cages lumineuses. Qu’allait en penser l'entraîneur ?
A deux doigts de se fendre la poire face à la répartie inattendue de sa femme au sujet des tractions, le fier pirate se régala avant tout de cette montée enflammée dans le regard de sa demoiselle. Ses douces prunelles habituelles aussi tendres qu’une mer intérieure se chargeaient en intensité et se transformaient en océan enragé. Il fut agréablement surpris de constater que la demoiselle parait ses coups sans dépenser une quantité d’énergie. Il le sentait, ce pouvoir des élus, ruisseler dans les veines de la blondinette. Elle devait être sacrément remontée pour le développer sans la présence d’autres alliés. Où donc puisait-elle cette puissance surhumaine ? Assistait-il à un miraculeux épisode du surpassement de soi ? Il ressentait un puits d’énergie incommensurable au seuil de son corps. Avant de la sortir de ses gonds, cette même énergie s’avérait bien plus modeste.
- Pas mal.
Commenta-t-il en un fin sourire racoleur quand elle bloqua habilement ses lames endiablées. Mais le sabreur n’avait pas terminé de s’émerveiller pour le don dissimulé de sa dame puisque l’instant suivant, la jeune fille lévita dans les airs tandis que deux ailes enflammées se dessinaient dans son dos. Une magnifique lumière émanait de son corps, se réfléchissant dans les cristaux alentours jusqu’à les faire scintiller comme des milliers d’étoiles autour de la magicienne. La beauté de cette merveilleuse peinture éblouissait tellement le bretteur qu’il en vint à bégayer intérieurement. Il le savait déjà mais il assistait une nouvelle fois à une ascension confirmée : Luxanna était une déesse.
Il retomba amoureux, encore.
Subjugué par la splendeur de son amour absolu, illuminée et rayonnante comme une divinité tombée du ciel, il en oublia de bloquer ou de se protéger derrière un bouclier. Par conséquent, les rayons aussi sublimes que dangereux se jetèrent sur le corps du mari vulnérable, irradiant sa peau au 3e degré par endroit, notamment au niveau de sa partie droite, partant du coude jusqu’à son cou. Epaule, trapèze, pec’ droits y passèrent donc.
Surpris par la puissance démesurée et surtout insoupçonnée de sa copine, il lâcha un cri déchirant quand il sentit, trop tardivement pour se protéger, le rayon lui cramer sa chair sur de longues secondes agonisantes. Il réussit cependant à bloquer le prochain rayon, en le faisant dévier avec la lame noire, avant d’esquiver mollement les tentatives d’emprisonnement lumineux.
Légèrement abattu par l’attaque monumentale qu’il venait de se manger, il reluqua un instant l’état de son épaule et de son bras, découvrant avec stupeur les cloques immondes qui poussaient comme des champignons sur ses membres. La brûlure montait jusqu'à sous son oreille. Il avait frôlé une ressemblance avec Freddy les griffes de la nuit.
- Un peu plus et tu me cramais la gueule... Tu veux me défigurer ou quoi ?
La questionna-t-il sur un ton mi-sérieux, mi-taquin car, c’était bien entendu ce qu’il lui demandait au fond mais il ne pensait pas qu’elle oserait si facilement abîmer son cher et tendre. Il l’avait connu plus clémente avec des agresseurs extérieurs. Peut-être devrait-il se poser des questions... La température de son corps grimpait en flèche suite à cette violente brûlure tandis que des veines abondaient encore plus ses muscles, crispé par la souffrance.
- C’était bon...
La complimenta-t-il comme s’il en redemandait encore, tel un maso drogué qui venait de sniffer son rail de coke. Mais désormais, c’était son tour de contre-attaquer. Il monta d’un cran puisqu’il fit appel à son fluide afin d’en abreuver ses katanas pour gagner en puissance. Et surtout, il convoqua le célèbre shishi sonson, dont la rapidité du coup l’emmena directement dans le dos de la demoiselle, avant même qu’elle ne réalise avoir été frappée. Saurait-elle éviter un tel élan de fulgurance ? Surtout qu’il ne lui fit pas de quartier puisqu’une fois dans son dos, il tenta de lui découper la colonne, la hanche gauche, le bras bras ou encore les tendons. . Toute cette entreprise en moins d’une seconde.
Bloquer entièrement les lames légendaires du sabreur par la seule force de sa magie eut au moins le mérite de lui arracher un infime compliment. “Pas mal” qu’il disait le goujat, alors qu’il s’agissait du bouclier le plus puissant qu’elle était capable de mettre en place. Bien décidée à lui montrer de quelle bois elle se chauffait, la magicienne venait de balancer le sort le plus puissant qu’elle connaissait : “Éclat mortel” une version améliorée d’ “Eclat final”, renforcée avec la technique apprise à Kaën.
Et sous le regard éberluée de la magicienne, Zoro ne bougea pas d’un poil alors que le laser enflammé se jetait sur lui, les flammes léchant avidement sa chair. Le cri qu’il lâcha fit alors que le deuxième laser partait déjà fit immédiatement regretter à la demacienne de l’avoir écouté. Ce cri lui déchira la poitrine et l’idée d’avoir blessé sérieusement le sabreur lui donna envie de vomir. Lux en resta muette de stupeur.
Mais les mots lui revinrent quand il eut le culot de lui faire la remarque. “ MAIS T’ES COMPLÈTEMENT MALADE OU QUOI ?” Sa peau si agréable à observer l’instant d’avant était sérieusement brûlée, et cet imbécile continuait le combat. “ - Tu étais censé te protéger !!” beugla de plus belle Lux qui était complètement sous le choc. Cependant il ne lui laissa pas le choix et revint à l’assaut.
La demoiselle invoqua une nouvelle barrière de lumière blanche, car contrairement à lui, elle ne tenait pas à savourer la puissance des attaques adverses à son plein potentiel. Le premier tint bon, la dureté de son armure et d’une position bien choisie pour la deuxième attaque. Elle invoqua une nouvelle barrière d’énergie, qui tint bon sous le premier coup qui suivit, mais trop fragilisée, elle explosa sans résister à l’attaque d’après. La lame traversa la lumière sans difficulté, et s’enfonça dans l’épaule gauche de la magicienne dans un cri de douleur.
Lux s’écarta d’un bond, évita les coups suivants, et lança sa première cage de lumière en grognant. “ - Stop.” Elle tâcha d’endiguer les pulsions d’une combattant une deuxième fois, d’un nouveau sort d’immobilisation accompagné d’une réplique plus forte. “- Ca suffit !” Elle tenta une troisième cage et continua de reculer. Elle aurait pu attaquer de plus belle, mais à la place, posa une main sur son épaule ensanglantée. Un anneau violacé brilla à son index, et la plaie se referma en un rien de temps. Son haut blanc restait écarlate autour de la zone, mais on voyait clairement que sa peau était désormais intacte.
Lux plongea ses yeux bleus dans le regard de Zoro, toute trace leur lueur furieuse disparue, comme les ailes de phénix dans son dos. “ - Laisse-moi voir ces brûlures.” Elle avait envie de l’insulter, et de s’excuser. De le gifler, et de le soigner. Elle le tenait responsable de ne pas s’être protégé, et elle se tenait responsable de l’avoir écouté et de l’avoir attaqué à pleine puissance. Elle aurait dû être plus maline. Le convaincre de ne pas rester sur son idée pourrie.
Elle voulait lui hurler dessus et l’embrasser. Tant de sentiments contradictoires qu’elle paraissait étonnamment calme, car aucune des deux émotions principales ne parvenait tout à fait à prendre le dessus. Elle ne voulait pas être capable d’une telle chose. Elle se détestait déjà en voyant les cloques qui se formaient sur sa peau, la rougeur de celle-ci, l’odeur qui s’en dégageait. Elle eût un haut le cœur qu’elle eut du mal à dissimuler. En réalisant l’ampleur des dégâts, elle posa ses mains sur sa bouche, se couvrant une majorité du visage.
"The world has seen enough darkness"_Lux
Dernière édition par Luxanna Crownguard le Lun 18 Sep 2023 - 15:35, édité 2 fois
Si se battre et souffrir la bataille offrait des orgasmes masochistes au guerrier reifuujin, son instinct suicidaire n'amusa pas autant la blondinette qui se mit à beugler comme une poissonnière sur toute la plage. Bonjour le voisinage réveillé aux aurores, s'il y en avait.
Il ne cessait pas pour autant ses multiples attaques, assaillant la jeune fille qui fuyait le corps à corps que le bretteur imposait. Au vue de sa corpulence fragile, la demoiselle avait tout intérêt à tenir la distance avec un taureau comme Zoro qui frappait comme un bourrin. Il était si aisé de briser les petits os de sa chétive chérie…
Au fur et à mesure qu'elle bondissait pour le tenir éloigné avec des cages de lumière, elle le suppliait de s'arrêter. Pourtant en avantage après avoir cramé le sabreur, notre princesse nationale calmait ses pouvoirs, refusant de se donner a fond pour transmettre au sabreur la volonté d'en terminer avec ces conneries.
Rongée par la culpabilité, elle perdait en puissance et ne souhaitait se dépasser pour offrir aux cristaux de cette plage une époustouflante performance. A quoi bon continuer à bourriner une femme dépourvue de determination ? Le duel perdit donc tout son intérêt initial et le bretteur relâcha ses mains armées, le long de son corps.
Il l'observa soigner sa blessure a l'épaule avec ses doigts de fée. Un talent miraculeux, semblable à celui de Ruby. Partagée entre plusieurs sentiments contradictoires, elle ne savait plus où donner de la tête, ni comment regarder cet homme inconscient dont le corps frissonnait par le dérèglement intense de température interne.
Il rangea les armes dans son fourreau et laissa sa gazelle plus si inoffensive que cela tenter une approche délicate vers le lion blessé et calmé. Il lui libéra un temps pour consulter sa blessure, probablement constater les soins à prodiguer avec ses compétences de guérisseuse tandis que sa prunelle grise ne quittait pas le regard inquiet de sa princesse.
Mais ce fut sans compter sur une énième imprévisibilité du soldat fou, qui, une fois que la proie fut a sa hauteur, garde baissée, l'attrapa pour la retourner et lui plaquer le dos contre son propre torse, passant un bras brûlé mais solide contre le cou de la blondinette. Cependant, s'il mimait un étranglement, il ne serra pas du tout, se contentant de poser son avant bras bouillant contre la chair fraîche de sa princesse. Il lui susurra alors a l'oreille :
- Si tu culpabilises de blesser ton adversaire, il le considérera comme une faiblesse, en profitera et te tueras.
Il retira les quelques mèches de cheveux collés contre sa joue et lui déposa un léger et tendre baiser sur sa peau avant de la libérer aussitôt.
- Ne t'excuse pas d'être plus puissante que ton ennemi, Luxanna.
Pas tant que les cages de lumière, ce fut surtout la perte d’intensité nette des pouvoirs de Lux qui poussèrent le sabreur à cesser le combat. Il ne voyait aucun intérêt à se battre contre quelqu’un qui ne se donnerait pas à fond, et elle ne prendrait plus le risque de lui infliger ce qu’elle venait de faire. Une fois qu’elle fut assurée qu’il arrêterait ses conneries, la demoiselle s’approcha à pas tranquille et poussa un long soupir.
Ce n’était pas joli à voir, encore moins à sentir, et c’était elle la responsable. C’était bien cela le pire. Il était blessé, et il l’était par sa faute. Elle approcha doucement sa main et invoqua sa magie de lumière sans le toucher. Une douce fraîcheur se répandit dans le bras et le pectoral du guerrier, comme un baume apaisant et cicatrisant dont l’effet se verrait en quelques minutes plutôt qu’en quelques jours. Elle n’avait pas encore fini quand deux neurones de folie se touchèrent dans le cerveau de Zoro.
Le général l’attrapa sans ménagement avant de la plaquer contre lui, se serrant dans son dos et passant un bras autour de son cou. L’adrénaline n’était pas encore redescendue pour la demoiselle, et sentir son souffle tout contre sa peau lui donna chaud, et pas seulement parce que lui-même était une véritable fournaise. Son corps se raidit, et une forme pas désagréable de tension s’installa alors qu’il chuchotait tout contre son oreille.
Ce qu’il dit eu beau l’agacer, elle ne put s’empêcher de fermer les yeux et de réprimer un frisson quand il releva les mèches de cheveux qui le gênaient pour embrasser sa peau. Lorsqu’il la libéra et rajouta une dernière remarque, elle soupira en levant les yeux au ciel un instant.
“ - Tu as décidé d’être contrariant aujourd’hui,” constata-t-elle en chassant à contre-coeur les pensées qui avaient émergé dans son esprit.
“ - Si tu veux que je me batte vraiment, on peut retourner chasser des gloutons des routes ou des spectres de villages hantés. Mais je ne peux pas te blesser comme je viens de le faire.”
Ses yeux bleus descendirent sur les marques encore rouges de la plaie qu’elle n’avait finie de soigner et son cœur se serra. Elle promena ses doigts avec légèreté sur cette peau abîmée, testant la souplesse et la douceur de celle-ci. Lorsqu’elle reprit, sa voix n’était qu’un souffle. “ - Je suis censée t’aider, te protéger, t’aimer. Comment puis-je t’avoir infligé ça ?” Elle pouvait se trouver des excuses. Il ne s’était pas protégé. Il l’avait provoquée. Mais pourquoi l’avait-elle laissé faire ? Sans relever son menton, elle leva ses yeux vers lui et le regarda à travers ses cils. “ - Ne me refais jamais faire ça.”
La demoiselle avait visiblement bien plus de scrupules que son mari qui avait plongé sa lame dans son bras sans un soupçon de remords. Ironiquement, elle lui en voulait bien plus de ne pas s’être protégé de l’éclat mortel que de l’avoir coupée. Elle aurait mille fois préféré se faire couper en mille morceaux que de voir les dégâts de sa magie sur l’amour de sa vie.
Un lointain souvenir lui revint en mémoire. Un souvenir typiquement Demacien. “Monstre !” hurla un enfant au fin fond de son esprit. Luxanna recula et se mit à fuir le regard de Zoro. “ C’est une MAGE” - “ Mais non tu as mal vu enfin”. Le regard de son frère. L’argent de ses parents pour acheter le silence d’un enfant d’une autre famille. “ Coupable de pratiquer la magie”. “Criminel”.
Un long frisson parcourut l’échine de Lux, et pour la première fois depuis qu’elle était à Kosaten, ses mains se mirent à luire sans qu’elle ne l’ai demandé. Elle en lâcha son bâton de magie qui tomba au sol sans retenue. “ - Arrête”, chuchota-t-elle à son pouvoir sans résultat. “Monstre !” La lumière envahit ses avant-bras. “ - Stop …” “Mage!”. La lumière remonta dans ses épaules. Elle baissa la tête, et au milieu de la lumière, une tâche de sang sur son vêtement. De la même couleur que celui de la tavernière d’Ebisu.
Lux se prit la tête dans les mains et ferma les yeux. Mais la lumière était partout.
Zoro prenait un malin plaisir à perturber la jeune fille dans ses actions et à torturer ses émotions. Il aimait contempler ce regard de biche effarouchée, même s'il ne se l'avouait pas consciemment.
Contrariant, lui ? Une interprétation parmi tant d'autres, il cherchait simplement à lui secouer le cocotier. Cependant, elle indiqua sa volonté de continuer les entraînements risqués mais pas contre lui. Pourquoi repoussait-elle cette idée séduisante et ô combien constructive ? Il ne la comprendrait jamais sur ce point. Affronter plus fort que soi nécessitait le surpassement de soi comme elle venait miraculeusement de le faire. Mais cette idiote se laissait piéger par sa morale, l'empêchant à chaque fois d'achever son entreprise.
- C'est en restant faible que tu me blesseras.
Rétorqua-t-il du tac au tac tandis que ses longs doigts pianotaient sur le pec en charpie du bretteur. En effet, si elle venait à mourir à cause de sa faiblesse, la blessure de son homme serait si ouverte qu'il en creverait à son tour.
- Qu'est ce que tu ferais si l'on me tuait devant toi ? Oserais-tu accomplir ton devoir, de sang-froid ou tournerais-tu en boucle dans tes dilemmes moraux ?
Cette attitude chez elle constituait autant sa noblesse qu'un motif pour la gifler tant il aimait et détestait ça à la fois. Il l'écoutait se faire du mouron et l'incitait à lui promettre de ne plus jamais lui refaire cela.
- Ce que tu as fait... ne t'empêche pas de.. faire ce que tu as à faire..
C'est-à-dire : " M'aider, m'aimer et me protéger ", bien qu'il était légèrement trop fier pour énoncer ces mots à la clarté.
- Et puis.. Tu penses vraiment que tu aurais pu me tuer.. avec ce coup de soleil ? Ne me fais pas l'affront de me sous-estimer.
La provoqua-t-elle nonchalamment pour lui procurer des envies meurtrières. Il voulait la tirer de son énergie négative en l'invitant à assumer pleinement sa puissance en laissant derrière elle le monde infect des scrupules.
Une fois les soins terminés, il vérifia l'état de son épaule en la faisant rouler. Il se sentait bien plus confortable qu'avec sa peau en lambeaux.
- Tu es vraiment douée.
Comment craindre quoi que ce soit avec un pouvoir aussi miraculeux ? Le bon sens dirait que ça ne lui donnait pas le droit de faire n'importe quoi en prenant des risques démesurées mais... si en fait. Il ne redoutait pas la douleur, et encore moins avec sa bonne fée à ses côtés.
Mais la demoiselle eut un soudain mouvement de recul au lieu de rougir, comme à son habitude. Les traits de son visage lumineux s'affaisserent, comme emplie de panique, tandis que ses paumes formèrent une lueur instable tout en escaladant ses avant bras. Son époux tout juste soigné fronça les sourcils, et s'approcha d'un pas méfiant. Elle ressemblait à une guêpe affolée, incapable de se maîtriser. Interloqué par cette situation inédite, il la toisa attentivement se disputer avec ses propres mains. C'était la première fois qu'il la découvrait en crise, entrain de perdre le contrôle de ses pouvoirs.
Qu'est-ce que cette betteraviere lui faisait encore ?
Il ramassa doucement en chemin le bâton de sa dame lâché par son état délirant. Son front blanc transpirait le tourment et ses prunelles meurtries suscitaient une tension chez le sabreur qui, une fois à son niveau, agrippa sa belle par ses frêles épaules :
- Oi ! Que se passe-t-il ?
Il glissa sa main droite vers l'une de ses mains en panique et l'empoigna chaleureusement pour tenter de couper son filon de pouvoir. Son autre main releva le menton apeuré de la demoiselle afin de la forcer à maintenir son regard dans le sien :
- Reviens, ma lumière.
Emit-il d'une voix infiniment plus douce que sa phrase précédente.
Autrefois, à Demacia, la magie de Lux n’en faisait parfois qu’à sa tête. Cela venait de plusieurs facteurs. D’une part, puisque la magie était interdite, elle ne pouvait jamais s’entraîner. D’autre part, son pouvoir réagissait à ses émotions, et être d’une catégorie de criminelle par naissance, cela était assez anxiogène. En somme, il ne faisait pas bon vivre à Demacia lorsque l’on était né mage.
Mais sur Kosaten, Lux ne craignait pas d’être découverte, et en plus, ses pouvoirs avaient été bridés un temps. De quoi reprendre tranquillement les bases, sans risques et sans pression. Son évolution avait été de ce fait bien meilleure, et elle n’avait plus jamais eu peur de sa magie. Que celle-ci échappe à son contrôle. Sans aucun incident depuis, sa magie était devenue une présence réconfortante, utile, et salvatrice. De quoi se faire une amie de ses anciens démons.
Mais l’état de la peau de Zoro, savoir que c’était sa magie, les souvenirs des gobelins brûlés, de la tavernier décapitée… Elle se rappelait que son pouvoir pouvait être destructeur. Qu’elle-même pouvait être destructrice. Et elle n’aimait pas du tout cela. Pour certains, le pouvoir était une sensation enivrante, et cela ne s’arrêtait pas au premier mort. Pour Lux, l’ivresse devenait terreur dès lors qu’elle découvrait ce dont elle était capable.
Une certaine Furie aurait adoré voir Lux sombrer dans les ténèbres. La voir furieuse, et en brûler une âme toute entière. Si la scène suggérée par Zoro était suffisamment horrible pour qu’elle l’ignore au mieux, la Furie aurait voulu organiser le meurtre du sabreur juste pour voir la magicienne carboniser ses tueurs en bonne et due forme. Était-ce ce qu’elle aurait fait ? Elle l’ignorait, et elle ne voulait pas répondre à cette question.
Un contact doux et une voix la sortirent de ses tourments. Sa magie reflua, sa respiration se fit plus profonde, et elle regarda Zoro lorsque celui-ci releva son menton. Encore déboussolée, elle reprit à son intention. “ - Je ne veux pas devenir comme ça. Je ne veux pas lâcher la bride à mes pouvoirs. Je ne veux pas tuer sans remords.”
Et c’était vrai. Elle avait beau être encore prise de cauchemars d’Ebisu, elle préférait ça plutôt que tenter d’endurcir son cœur pour ne rien ressentir en prenant une vie. Plutôt endurer sa peine que de devenir indifférente. Consciente que ce n’était pas ce qu’espérait Zoro, elle brisa le contact et recula avant de tourner les talons pour ne pas voir sa déception.
“ - Je sais que ce n’est pas ce que tu veux entendre. Mais tant pis si c’est une faiblesse.”
Elle préférait tout faire pour suivre ce en quoi elle croyait, quitte à y risquer sa vie. Elle préférait mourir un jour en ayant hésité, que de ne jamais hésiter avant de prendre une vie. Et quant à venger Zoro si on le tuait sous ses yeux … Elle ne laisserait jamais cela arriver. Pas sans partir avant lui.
C'était le même contraste qui revenait en boucle. D'une part, il l'aimait pour ce qu'elle était et son incapacité à ôter la vie de sang-froid. La fidélité à ses valeurs énervantes la rendait attendrissante. Si un jour, elle travestissait ses idéaux pour aller dans le sens de Zoro, un morceau de lui serait en effet soulagé mais l'autre, paradoxalement déçu.
De l'autre part, cette valeur humaniste à la con la rendait aussi belle qu'agacante. Il se rendait malade quasiment toutes les nuits à cause de ses touchantes conneries. Il redoutait sa mort chaque jour en ces terres hostiles, redoublant d'efforts pour assurer sa protection à sa place puisque cette adorable imbécile se laisserait potentiellement crever pour fuir la responsabilité d'un meurtre justifié, visiblement trop dur à assumer pour ses frêles épaules. Il ne lui demandait pourtant pas de se transformer en monstre sanguinaire. Juste, se défendre.
Il comprenait mieux l'expression " l'amour et la haine sont les deux faces d'une même pièce " car si, une majorité du temps, le désir de la couvrir de baisers ne s'estompait guère, parfois ce même désir se transformait en une serieuse envie de l'étrangler, affectueusement. Elle l'énervait si fort avec ses principes débiles dont il ne désirait pas, au fond, qu'elle s'en sépare. Mais pourquoi diable dut-il tomber en pamoison pour une fille avec des valeurs aussi chiantes ? Et pourquoi les trouvait-il si secrètement charmantes ? Cela reflétait sûrement l'innocence de sa demoiselle qu'il chérissait tant et qui lui collait si bien au teint. Abandonner ses valeurs reviendraient à abandonner un trait de sa personnalité or il l'aimait dans son entièreté, même si certains aspects lui donnaient envie de s'arracher les cheveux.
- Personne ne te demande de tuer sans remords. Mais de tuer si nécessaire. Ensuite, si tu désires te morfondre pendant des semaines, c'est toi que ça regarde.
C'était faux. Il détestait observer la torture mentale dans son regard.
- Mais je dois m'assurer que si ta vie est en danger, tu ne te laisseras pas misérablement mourir.
Il lui demandait de faire preuve d'égoïsme et de se faire passer avant son adversaire si ce dernier lui faisait clairement comprendre que seul un des deux ressortait vivant de l'affrontement. Il n'était pas tant enclin à détruire ses remords, donc une partie d'elle, mais plutôt à lui créer un instinct de survie visiblement absent.
Quand elle mit un terme à leur contact pour lui tourner les talons, un réseau de veines gonfla sur son front en conséquences.
- Ne me tourne pas le dos comme ça. Si tu as quelque chose à me dire, fais-le en face.
Sans la toucher, puisque madame avait décidé de rompre le contact, il prit tout de même le soin de la contourner afin de lui faire face à nouveau. Elle ne fuirait pas cette confrontation :
- Si tu penses que le but est de te changer, alors tu n'as rien compris... Je te demande juste de ne pas te laisser crever bêtement dans un combat à mort... Sinon, je...
Sa gorge se noua. La suite de sa phrase resta bloquée dans sa glotte.
Demander de rester en vie. Était-ce trop demandé à l'être aimé ?
Zoro voulait s’assurer que Lux était capable de tuer. D’un côté, on pouvait argumenter qu’elle l’avait fait, sous ses yeux, et de sang-froid qui plus était. Alors de quoi avait-il peur ? Elle avait tué, lorsqu’elle l’avait estimé nécessaire. Mais le problème était bien dans la seconde partie de la phrase, car elle ne plaçait pas cette nécessité dans le même contexte que le sabreur, pas du tout. D’ailleurs, la seule fois qu’elle avait pris une vie humaine, c’était bien par pitié, et non pas pour se protéger.
Tuerait-elle pour se protéger ? Rien n’était moins sûr, et c’était bien de cela que le Reïfujinn avait peur. Que donnerait un combat contre un homme prêt à tuer alors qu’elle retiendrait encore ses coups ? Elle ne put lui répondre, car elle n’estimait pas que tuer en choisissant sa survie plutôt que celle d’un autre répondait à une quelconque logique. Pourquoi sa propre vie aurait-elle plus de valeur que celle de son adversaire ? Evidemment, Zoro aurait répondu du tac au tac que c’était le cas et que c’était évident.
Alors qu’elle avait pivoté pendant sa dernière phrase pour ne pas affronter son regard, le pirate ne comptait pas la laisser s’en sortir ainsi et la contourna pour l’obliger à faire face. Lorsqu’il reprit, Lux tenta de le couper puisqu’elle était outrée de ce qu’elle entendait. Il osait prétendre qu’il ne voulait pas la changer, mais relevait chacun de ses traits de caractères comme une faiblesse. “ - Alors pourquoi tu…”
Mais le pirate finit sa réplique par dessus sa tentative de parler et elle n’eut soudain plus envie de finir sa phrase. Elle venait de comprendre pourquoi c’était essentiel pour lui de la convaincre de ne plus hésiter à tuer. De l’entraîner comme il avait tenté de le faire ce matin-là. Elle avait pensé qu’elle n’était pas assez pour lui. Pas assez bien, pas assez forte, pas assez … Mais lorsqu’il s’interrompit, parce qu’il était incapable d’énoncer clairement ce qu’il ressentait, elle finit par comprendre.
Il voulait qu’elle vive, parce qu’il n’était pas sûr de ce qu’il ferait si elle mourrait. Alors qu’il faisait à son tour demi-tour et rentrait vers le bateau dans un silence tendu, les bras de la magicienne pendait mollement le long de son corps, prenant un instant à réaliser. En effet, elle n’avait rien compris jusque-là. Après un instant de retard, elle le rattrapa en trottinant et le rejoignit juste avant qu’il n’atteigne leur navire.
De sa petite main, elle attrapa son épaule. “ - Attends.” Une fois qu’ils furent de nouveau face à face, elle le regarda penaude. “ - Je suis désolée, je n’avais pas compris.” La demoiselle lui laissa un instant avant de poursuivre. “ - Je ferais de mon mieux pour rester en vie, tout en restant fidèle à ce en quoi je crois. Et je sais que c’est plus difficile ainsi, alors je m’entraînerai, et je travaillerai, et je ferai les deux. Fais-moi confiance. Je ferais les deux,” répéta-t-elle en tâchant de le convaincre. Elle ne pouvait pas lui promettre mieux. Elle ne pouvait pas promettre de rester en vie - même lorsqu’elle ne se sacrifiait pas pour qui que ce soit, il pouvait arriver qu’une rousse folle à lier décide de la planter. Mais elle pouvait attester qu’elle avait compris ce dans quoi elle s’engageait. Qu’elle comprenait ce qu’il craignait. Et qu’elle ferait de son mieux.
Lorsqu’elle parla à nouveau, ce fut en chuchotant. S’ils se remettaient à brailler comme des idiots, tout l’équipage pourrait suivre leur conversation. “ - Me demander de tuer pour rester en vie, c’est comme te demander de fuir un combat pour rester en vie.” Lux espérait qu’il comprenait. Ils ne pouvaient s’enchaîner l’un et l’autre par peur de se perdre, ou ils se perdraient bien davantage. La jolie blonde glissa une main sous la mâchoire de son époux. “ - Je continuerai de m’entraîner. Je n’aime juste vraiment pas te passer à la broche comme je l’ai fait toute à l’heure. Soit on se battra l’un contre l’autre en retenant nos coups, soit je partirai chasser le monstre.”
Cette idiote le faisait sombrer dans la folie petit à petit, parce qu'il l'aimait telle qu'elle était tout en le redoutant chaque jour, ou plutôt chaque nuit en l'occurrence, dans ses plus obscurs cauchemars.
Une main tira son épaule, anciennement cramée, pour le retenir alors qu'il se trouvait deja sur le ponton. Les muscles du jeune homme se contractèrent sous ce contact frissonnant. Elle presenta ses excuses, honteuse de ne pas avoir pigé du premier coup, et promit de rester en vie, ou du moins essayer en conciliation avec ses convictions.. et son absence d'instinct de survie. Parfois, il lui trouvait quelques points communs avec une vieille amie, Vivi, la princesse d'Arabasta qui n'aurait pas hésité une seule seconde à se sacrifier pour sauver son peuple de la guerre civile. Lux ferait une rare dirigeante juste et dévouée comme il en existait seulement dans les contes. Mais se ferait également tout aussi aisément assassinée par les fourbes qui jugeraient ses vertus de clemence comme une faiblesse, et en profiteraient pour comploter afin de prendre la couronne.
Quoique, elle détiendrait son garde du corps à ses côtés. Il la suivrait au millimètre pour débusquer tous les plans foireux tournés à son égard.
- Es-tu consciente que le respect de tes valeurs implique que tu dois redoubler d'efforts et de vigilance ? Si tu ne tues pas tes adversaires, tu devras les emprisonner, et crois-moi, arrêter quelqu'un sans le tuer est une tâche minutieuse. Ils essaieront de te rouler.
A tout moment, le détenu pouvait s'échapper et lui planter un coup de couteau dans le dos. Car, il fallait doser sa puissance pour l'assommer suffisamment mais sans le faire trépasser. S'il n'était pas assez neutralisé, il pouvait feinter et se barrer ou pire..
Elle continua avec un argument comparatif afin de susciter l'empathie du sabreur pour justifier son rapport à sa valeur. Il ne put s'empêcher d'émettre un infime sourire ironique, et de lever sa prunelle verdoyante au ciel, rattrapé par quelques souvenirs du passé, dans son ancien monde. Il admit, dépourvu de remords particuliers, même si la situation ne le rendait pas spécialement fier.
- J'ai déjà fui.
Lorsque l'adversité le dépassait complètement, il lui était arrivé de prendre la poudre d'escampette. Mourir inutilement pour un combat perdu d'avance n'arrangeait pas la réalisation de son rêve. Oui, il n'aimait pas cela et relevait les defis les plus monstrueux mais il n'était pas assez con pour persévérer dans une lutte où il evaluait ses chances de victoire à 0%.
À 1%, il se battait, à 0% il battait en retraite.
Mais il ne la contredisait pas pour autant, comprenant où elle voulait en venir.
- Ose mourir pour une connerie, et je te tue à nouveau.
Exprima-t-il sur un ton plus détendu tandis qu'une main caressa la delimation virile et dessinée de sa mâchoire. Elle promit de ne pas se relâcher en terme d'entraînement, tout en précisant refuser de passer son copain à la broche. Il ne put s'empêcher de prendre la main baladeuse de sa belle pour venir entrelacer ses doigts dans les siens et la pousser légèrement contre le mat derrière elle, un air joueur sur le faciès :
- Parce que tu penses que tu peux me rôtir aussi facilement ?
Lux était une sacrée tête de mule, et en ça le couple se ressemblait pas mal. Zoro ne pouvait pas la faire changer d’avis, alors au moins il insista pour qu’elle comprenne à quel point la route qu’elle choisissait était plus difficile que celle qu’il lui proposait. Elle hocha la tête, son regard bleu ancré par sa volonté. “ - Je redoublerais d’efforts.”
Neutraliser quelqu’un sans lui faire du mal était probablement la chose la plus difficile, d’autant plus lorsque la personne concernée se débattait sans retenue. Cela demandait un écart de niveau considérable - comme lorsque l'aîné d’une fratrie pouvait retenir d’une seule main les poignets de son petit frère qui tentait de l’embêter. Cela signifiait qu’elle devait travailler sa magie avec encore plus d’assiduité. Sa cage de lumière devrait devenir aussi solide que de l’acier. Son bouclier aussi impénétrable que du marbre.
Tout cela, elle en avait conscience. Ce qui risquait plus de manquer, c’était sa vigilance. Lux avait une tendance à espérer le meilleur des autres, et si c’était parfois ainsi que l’on pouvait aider quelqu’un à retrouver le droit chemin, c’était aussi de cette manière qu’on mourrait d’une lame dans le dos. Ou qu’on se retrouvait complice, contre son gré, de la rébellion de Sylas de Libourg …
Lux ayant tenté une métaphore pour faire comprendre son point de vue à Zoro, elle ne releva pas lorsqu’il admit qu’il avait déjà fui. Elle savait que ce ne serait pas quelque chose dont il était fier, et qu’il ne disait pas cela pour la contredire. Ils se comprenaient, et c’était l’essentiel. Elle laissa donc la remarque glisser comme du vent à ses oreilles.
Le pirate n’en avait pas tout à fait fini avec elle. Conscient qu’elle était trop décidée de toute façon, il tint à lui préciser qu’elle n’avait pas intérêt à mourir. Lux choisit de rebondir avec humour. “ - Si je meurs, et que je sais que tu me tueras une deuxième fois, pas sûre que je choisisse de revenir du Royaume des Morts.” Elle aurait presque pu lui tirer la langue tant son ton évoquait les gamineries qu’on pouvait se lancer sans les penser. Mais ce n’était pas qu’une boutade. C’était aussi un rappel. Celui qu’ils avaient la chance d’être d’un statut particulier dans ce monde, où la mort n’avait pas le caractère aussi définitif qu’elle devrait. Et si un jour elle quittait ce monde en s’évaporant en particules de lumière, alors il était certain qu’elle se battrait bec et ongles pour revenir vers lui.
Le guerrier finit par récupérer sa main et y entrelacer ses doigts avant de la faire reculer jusqu’à ce que son dos bute contre le mât. Ainsi piégée entre le regard taquin de Zoro et le bois, la distance entre leurs corps réduite à une proximité physique qu’elle ne se serait pas permis avec quelqu’un d’autre, elle rougit légèrement et en perdit ses mots. La réplique qu’elle voulait lui sortir avec une certaine insolence perdit son effet alors qu’elle la pronoçait beaucoup moins sûre d’elle qu’elle ne l’aurait voulu. “ - Sans mes soins … tu ressemblerais encore à un poulet rôti.”
Cette sale petite insolente avait tout intérêt à redoubler d'efforts. S'il la voyait lézarder une seule seconde, un bon coup de pied au cul l'attendrait pour l'aider à lui rafraîchir les priorités. Bien qu'une part de Zoro ne dépréciait pas jouer les sauveurs de ces dames, possédant un fort esprit protecteur, il ne supportait pas que la SIENNE baigne dans la faiblesse. Lux était une championne et devait agir comme telle.
De retour sur le bateau, l'effronterie innocente de sa blondinette persévéra, précisant sa volonté de ne pas revenir si elle avait vent du sort qui l'attendait. Il n'émit aucune réaction particulière à cette provocation, sachant pertinemment que la demoiselle ferait des pieds et des mains pour le retrouver coûte que coûte. Il manifestait une pleine confiance en sa loyauté. Et il en ferait bien entendu de même à l'inverse, Lux représentait sa priorité ici bas, et pour le moment.
L'humeur taquine partagée par les deux amans se matérialisa sous la forme d'un homme plaquant sa femme contre un mât, avec un jeu de pouvoir implicitement malicieux, bien que la demoiselle fondit vite sous le charisme de son mari. Malgré sa voix penaude, elle tint tête, insistant sur le "poulet rôti" bon à déguster sans son intervention.
Un poulet rôti appétissant, néanmoins.
Il plaça son coude libre contre le mât, tout à côté du visage de la princesse, ce qui l'obligea à coller littéralement une partie de son corps contre celui de sa championne lumineuse.
- Tu ne m'as pas laissé l'opportunité de te montrer ce que j'aurais fait de toi, à la fin...
Continua-t-il à marmonner à l'orée de son oreille, lui laissant tout le loisir d'imaginer, tout en faisant pression contre son coude posé contre le mât pour se propulser en arrière et revenir sur ses pieds, bien droit. Il retira ses doigts des siens et remonta son avant-bras avec délicatesse avant de le tapoter plus amicalement afin de se décrocher définitivement.
Accueil
![Elève-toi jusqu'au ciel [Luxanna] Left_bar_bleue](https://2img.net/i/fa/i/left_bar_bleue.jpg){kind=small}
![Elève-toi jusqu'au ciel [Luxanna] Empty_bar_bleue](https://2img.net/i/fa/i/empty_bar_bleue.jpg){kind=small}
![Elève-toi jusqu'au ciel [Luxanna] Ed3c2810](https://i.servimg.com/u/f17/20/38/66/14/ed3c2810.jpg)