WanderLord · Ft Zoro

La technologie allait «bon train» sur Kosaten, et les petites villes médiévales se modernisaient et les transports en commun prenaient de l’ampleur. Le continent passait de quelques calèches groupés organisés à une espèce de train itinérant. Une innovation de taille pour cette terre. Une machine élaborée, témoignant du génie humain, qui ne fut pas sans rappeler un certain train des mers au fier empereur de Reifuu. On arrêtait pas le progrès !

Une missive de la plus haute importance le força à quitter les entraînements spécialisés de Ruby durant un moment, puisqu’il s’agissait d’une convocation royale. Le roi Rhadamanthys invitait son empereur à le rejoindre pour trouver le dragon légendaire, Valrem, dans le but de contrer La Menace. Il se faisait une joie par avance de se coltiner la sale face de rat mouillé de l’autre Uchiha. Il soupirait par anticipation, l’imaginant déjà faire la gueule et courir les bras en arrière sans aucune raison.

Et Zoro avait entendu parler de ce nouveau joujou révolutionnaire, faisant fureur dans les environs. Une chance pour lui, le Wanderlord circulait dans son royaume.

Son poing viril maintenait sa mâchoire carrée, contre le rebord de la fenêtre alors que les somptueux paysages enneigés défilaient sous sa prunelle contemplative. Pensif, il suivait le trajet final du soleil vers le bout de sa course, se dissimulant progressivement derrière les hauts sommets immaculés de la contrée.
Il entendit un échange houleux à l’autre bout du wagon, entre un responsable et son employé probablement exploité, mais finit par s’en branler comme de son premier slip. Pourtant, Counchita se rapprochait du sabreur avec sa menaçante serpillière mais à aucun moment l’épéiste était en mesure d’imaginer où se retrouverait ce torchon trempé dans les prochaines minutes. Qui pourrait anticiper un événement pareil ?

Un éternument monumental vint subitement retentir à travers le wagon, retirant les clients de leurs méditations, suscitant des frayeurs chez les mamies qui se retournèrent vers le fauteur de trouble, à deux doigts de péter les parois métalliques de l’engin avec la force de ses poumons. Mais cette impressionnante expérience auditive n’égalait pas la sensation d’un tissu humide sur le crâne, la sensation de l’eau croupie dégoulinant des cheveux pour venir ruisseler sur le nez, les joues, le kimono...

Roronoa Zoro ne réagit pas. Une serpillière s’affalait mollement sur sa tête mais il ne bougea pas d’un pouce, demeurant dans sa position initiale comme s’il ne s’était rien passé. Le silence perdura de longues secondes, quand, une main lente finit par empoigner puissamment le tissu, au point de l’essorer sous la poigne, et la retirer. Son visage se tourna lentement vers l’auteur du délit, le fusillant de son regard de Scarface.

Il se leva, et sans un mot, déplia la serpillière bien correctement devant le jeune homme, et la posa délicatement sur la tête brune de son interlocuteur en toute tranquillité.

- Tu as fait tomber quelque chose visiblement...

Manquer de respect à Roronoa Zoro était passible d'une bonne correction, mais n'étant pas l'homme cruel qu'il s'en donnait l'air, recevoir une toile crasseuse sur la tête, en ressentant bien tout le poids de l'humidité se plaquer contre son crâne, ce devant un couloir entier de voyageurs rangés deux par deux, paraissait suffisant pour laver son honneur.

Un avis non partagé par le responsable du wagon qui vint passer un savon mémorable à son sbire. Vis-à-vis du sabreur, il se confondit plutôt en excuses diverses et variées, au point de générer une certaine gêne, traduit par un mouvement de recul discret. En plus, il s'avérait que ce bonhomme empestait la sueur. Le travail à ses côtés ne devait pas être une partie de plaisir tous les jours. En revanche, il démontra une fine connaissance du tableau politique puisqu'il reconnut le statut impérial de la victime anciennement agressée, par une serpillière maléfique. Par conséquent, il remit une clé à la vedette du train et intima son moussaillon à le conduire jusqu'à bon port. Etonnant qu'il ne s'en charge pas directement après un incident pareil censé réduire toute confiance envers les compétences de son esclave.

Ravi par cette nouvelle, notamment lorsque le mot "saké" tomba dans son tympan, le visage du jeune homme s'éclaira d'un sincère sourire amical et cala une main sur l'épaule du taureau énervé :

- C'est bon ! Y'a pas eu mort d'hommes, c'est oublié !

En vrai, le saké avait nettement aidé à "oublier", il visait la corde corruptible du pirate aussi... N'importe quel phrase avec le nom d'un alcool lui suscitait un changement d'humeur radical.

Et alors qu'il avançait vers la direction indiquée, prenant légèrement de l'avance, il entendit le choc d'un corps plaqué contre un mur, accompagné d'un ton menaçant. Il s'immobilisa dans sa marche, un pied devant l'autre, et tourna très brièvement sa tête vers le côté droit pour tendre son oreille et intervenir au besoin. Mais le bleu le rejoignit bien rapidement, le contourna et emboîta le pas vers la cabine VIP 114.

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Le bougre ne se foutait pas de sa gueule, en effet. Une loge de toute beauté que Zoro était largement en mesure de se fournir par ailleurs au vu de son salaire impérial, sans recourir à la solution d'un attentat serpillière. Mais ce dernier ne s'attachait pas au luxe et au confort, se contentant de peu. Le seul motif de sa venue ici : le saké.

Chang, de son identité finalement révélé, rajouta une couche appuyée d'excuses, que le sabreur accepta d'un revers de main balayé significatif pour communiquer que l'événement appartenait au passé, avant de notifier le trio de katanas à sa ceinture, s'interrogeant sur son utilisation comme 99% des individus.

- Le troisième ? Il finit dans la gorge de mes ennemis en principe.

Rétorqua-t-il dans un sourire carnassier, s'étirant sadiquement d'une oreille à l'autre. D'humeur taquine grâce à l'idée de boire du saké, il s'amusait de sa question et manifestait un certain état d'esprit décontracté. Il se dirigea, sans plus tarder, vers la bouteille trônant sur la table, la déboucha avec les dents, à la barbare, et coula le contenu dans un verre. Et puis dans un second. Il fit volte-face, les deux verres dans les mains et en tendit une à l'homme mystérieux aux lunettes, qu'il reluqua plus attentivement qu'il ne l'avait jamais fait jusqu'à lors.

- Requinque-toi.

Ses sourcils se froncèrent furtivement, en un courant d'air, avant de reprendre leur forme initiale. Le sens des détails aiguisé, il remarqua en particulier le "Z" démarqué sur sa paupière, trop précis pour être une simple cicatrice reçue au combat. Il avait déjà vu cela quelque part...

- Sympa le tatouage. Tu fais partie d'une bande ?

Demanda-t-il avec plus ou moins de subtilité.

Depuis quand ce salarié ne s'était-il pas déshydraté ? Il coula son verre comme une couille de momie desséchée au milieu du désert. Il sentit l'extase de ses sens gustatifs s'éveiller au contact de ce saké luxueux. Il faisait plaisir à voir. Le bretteur contemplait joyeusement les réactions positives générées par ce breuvage divin car il expérimentait la même chose alors il était toujours agréable de se connecter et de se comprendre sur une réception sensitive.

Il ne pensait pas que la question du tatouage l'emmènerait aussi loin mais à en croire le jeune alcoolique caché, c'était une histoire de dingue digne des meilleurs récits du père Castor. Zoro mentirait s'il se persuadait que cette affaire n'attisait pas sa curiosité, il en créa une pause dans son breuvage avant de laisser le type s'absenter l'espace de quelques minutes, amorçant une anecdote des plus croustillantes avec un "congolais radioactif" :

- " Congolais" ?

S'interogea-t-il, éloigné des références du monde terrestre classique. Il en saurait certainement plus à son retour. Il s'installa plus confortablement dans son siège en inspirant pleins poumons. Il balaya la pièce des lieux, examinant les rideaux, le confort de la pièce, ce placard entrouvert. Il se demanda un instant ce qu'il renfermait, certainement des étagères vides ou des cintres en bois attendant les plus beaux manteaux de fourrure.

Un silence soudain s'écrasa dans la pièce, ce type de silence gênant avec la sale impression d'être épié par un Golum des ombres. Heureusement, la désagréable sensation se brisa avec le retour franchement désiré de l'employé burlesque du train aux mille et une histoire aussi farfelues que son caractère. Il s'était permis de se débarbouiller la gueule, les cheveux encore humides et ruisselants. Cela fit penser au sabreur qu'il ne s'était lui-même changé, il se le gardait pour plus tard.

A sa question à propos de La Menace, la prunelle du nouveau marié au doigt habillé d'un anneau s'illumina. Que savait-il de cette organisation ? Malheureusement, l'empereur ne pouvait pas lâcher des informations confidentielles au premier venu, ni dire qu'il se dirigeait justement vers une mission le concernant mais il se permit de rester vague :

- Oui, j'en ai entendu parler.

Le père Chang à la langue bien pendue extirpa de sa poche un paquet de cigarettes pour venir glisser une de ces tiges de nicotine au bord de ses lèvres. Un millième de secondes, il crut halluciner ce foutu sourcil en vrille : le cuistot de son équipage. Même dégaine, même mouvement, même lenteur, et surtout, même nonchalance dans la manière de l'allumer avec une élégance propre aux fumeurs de bistrot parisien, notion échappant tout à fait à la conscience rustre du bretteur. Il ne savait pas si cette vision du passé l'énervait ou l'apaisait. Penser à ce coureur de jupons totalement abruti le tendait instinctivement et simultanément, l'affublait d'une certaine nostalgie regrettée. Ses chamailleries à gogo avec lui, noyant en réalité un profond respect, arrachaient de temps à autre un triste regret à sa vie de solitaire.

Avec les chapeaux de paille, son quotidien ne manquait jamais d'animation...

Oui, il en était certain désormais. La dernière clope qu'il avait vu se situait entre les doigts de Sanji, avant de disparaître pour ce monde... Ce foutu monde. Où les anciens frères te poignardaient sans l'once d'un scrupule dans le dos, médiocrité qui ne serait jamais arrivée avec Luffy.

Il prit cependant le soin de refuser gestuellement la proposition de son interlocuteur, privilégiant l'alcool au tabac, quitte à se péter les organes. Cela n'empêchait pas Chang de choisir les deux, cependant.

- Ils vendent des cigarettes ici aussi ?

Et puis, le scrupuleux récit du balayeur commença. Zoro dénota dés les premiers instants un talent de conteur chez son interlocuteur. Il prenait le temps d'installer des suspens, jouant avec les silences et une intonation de voix appuyée afin d'y apporter une dose de spectacle et d'accentuer les éléments méritant attention. Sans oublier l'expressivité de son faciès qui suivait le déroulement émotionnel de son action reproduite verbalement. Il semblait aimer raconter des histoires. Une compétence souvent partagée par les baratineurs de taverne, mieux valait rester prudent.

Il avait la fâcheuse tendance à s'arrêter sur des détails, comme les origines potentielles de cet homme, qui n'évoquèrent pas grand chose au sabreur. Tarzanie ? :

- Came roux ? C'est une région sur Kosaten ?

Ou encore sa description physique, au sujet d'une teinture de cheveux blanche tout sauf naturelle, comme si le pirate en avait quelque chose à foutre de la fausseté ou non d'une coloration capillaire. En revanche, les épaules larges comme des missiles, une taille plus imposante que la sienne, un teint de peau foncé ou encore le massacre d'un village...

Cette étonnante histoire avait dépouillé ce monsieur Chang, ce qui expliquait sa nouvelle position peu gratifiante de boniche à tout faire. Le cheveux vert touilla dans son verre de saké avec une cuillère posée sur la table, l'air méditatif. Cette façon de faire et ce portrait dressé ne fut pas sans lui rappeler un fantôme du passé, mais aux dernières nouvelles, tué par la guillotine définitive de Tenkasuru. En tout cas, cette personne correspondait au tableau, et surtout, utilisait une manière très similaire de procéder, des méthodes fortes peu communes qui laissaient peu de place aux doutes. Un fanatique reprenant l'oeuvre de Zayro Jinn ?

- Hm... J'ai connu un type à l'époque qui correspondrait à cette description... Mais je peux t'assurer qu'il est bel et bien enterré six pieds sous terres à l'heure actuelle..

Subitement, la pupille du guerrier reifuujin s'intensifia, comme s'il venait d'être frappé par un éclair de lucidité. En effet, ses neurones se connectèrent et la relation fut établie : ce " Z " marqué dans l'oeil de son voisin ressemblait trait pour trait à une ancienne marque gravée par Zayro Jinn sur la peau de ce traître d'Uchiha. Il s'en était débarrassé aux dernières nouvelles, depuis un bail mais... Un fanatique parviendrait-il à imiter également l'insigne du fléau de Kosaten ? Si tel était le cas, alors ce signe ne possédait certainement pas les capacités du pouvoir originel :

- Donc si je te suis, il est l'auteur de cette gravure sur ton oeil... Est-ce qu'il t'a informé de son utilité, je présume qu'il ne s'agit pas que d'une simple question esthétique... ?

Et puis, cette sombre affaire autour de La Menace. Imaginons le pire, que Zayro Jinn soit revenu à la vie par on ne savait quelle solution miracle, quel intérêt pour lui de chercher la Menace ? Avant de crever, Zoro avait eu vent que le colosse s'était rangé paisiblement dans une petite maison pour prendre sa retraite. Son vignoble faisait le sponsor du journal officiel ! Pourquoi retourner dans ses travers une fois ressuscité ? Ce n'était pas possible, ces actes étaient sûrement l'oeuvre de fanatiques, comme il en avait déjà existé autrefois. Il se souvint notamment de ce zayrien qui lui mena la vie dure, sa première rencontre sur Kosaten datant de plus de 1000 ans, alors qu'il était la seconde d'avant avec son équipage, tout pépère.

- Mon nom est Roronoa Zoro.

Inutile de préciser son statut, et puis s'il possédait un minimum de jugeote, il avait entendu son chef tout à l'heure reconnaître l'empereur de Fuyu. Puis, sans crier garde, il changea de sujet :

- Dis-moi.. Tu n'as pas l'impression d'être épié depuis tout à l'heure ?

Une question qui sonnait très parano mais peu importait...

"Propres à un endroit très loin", alors certes, Zoro n'était pas le meilleur guide touristique du siècle mais il connaissait les noms géographiques, sans pouvoir les situer, de tout Kosaten en long en large et en travers. Et toutes ces régions lointaines lui étaient aussi étrangères que ces cigarettes d'ailleurs. Une question tarauda alors le sabreur, plaçant un bras sur le dossier de sa chaise, en position plus décontractée :

- Mais dis-moi toi, tu ne serais pas un élu par hasard ?

Bien joué Sherlock. Cela expliquerait cette mentalité très moderne et différente de la faune reifuujin.

Les informations récoltées concernant la fonction du Z marqué au cristallin n'avancèrent pas les théories de l'épéiste. En revanche, le détail de la méthode employée, être saisi par le cou sans ménagement pour se faire charcuter l'oeil ressemblait de plus en plus à la barbarie du Zayro national.

- Il a trouvé un intérêt à ne pas te laisser avec un oeil crevé, à moins que ce soit par élan de sympathie, ce dont je doute.

En effet, ce n'était pas très sympathie de soulever quelqu'un par la gorge pour lui graver un Z sans lui demander son avis. De bien grossières manières que voilà ! En achevant ce récit, le jeune marié termina son verre une nouvelle fois pour la... combientième fois ? D'autant plus que les sensations d'être observé ne cessaient d'augmenter par la confirmation de son interlocuteur, mais le clou sur le gâteau fut cet éternuement étouffé qui résonna des tréfonds avant qu'un gamin ne surgisse de nulle part pour balancer divers objets que le bretteur rattrapa sans mal à la manière d'un serviteur aguerri, le plus naturellement du monde. Il déposa immédiatement le plateau sur la table et agrippa en moins d'une seconde le gamine par le colback pour venir le jeter contre son propre siège chauffé précédemment par son humble postérieur.

Sa botte de cuire noire claqua ensuite contre la table afin de lui bloquer toute issue pour s'échapper, emprisonné entre le mur, le siège, la table, et la montagne de muscles qu'était Zoro, qui n'avait pas lâché le haut du sale môme dissimulé :

- En voilà une belle souris. Tu as 10 secondes pour t'expliquer.

Ordonna-t-il avec une autorité monstrueuse tandis que sa poigne serrait si fort le tissu du bambino que sa chair se tordait presque avec.

Le col tordu et serré sous la poigne puissante du guerrier, des pointes humides jaillissaient du coins des yeux du môme attrapé, tandis que son corps paralysé par la peur lui criait la fuite. Cependant, la force et le charisme du sabreur le contenait dans une immobilité grelottante. Il ne tenta donc rien d'imprudent bien que l'idée de le signaler à la hiérarchie lui fit retrouver sa langue. Malgré la situation menaçante, il supplia pour ne pas être jeté hors du train. A vrai dire, le dégager maintenant dans ce blizzard sans fin, loin de la civilisation, risquait de le tuer en à peine deux heures.

Quand le technicien du train alerta de ses intentions, le bretteur leva une main en sa direction, paume tournée vers le visage de Mister Chang en guise de protestation. En effet, ce microbe venait de baragouiner quelque chose à propos de sa mère.

- Non... Pas besoin de les avertir. Ecoutons son motif.

A vrai dire, le cheveux vert s'en branlait totalement des clandestins à bord des transports en commun. Il ne comptait pas lui faire la peau pour si peu. En réalité, l'attraper n'avait été qu'un simple réflexe de combattant aux aguets. Quand il en prit conscience, il relâcha par ailleurs sa poigne au niveau de son col désormais chiffonné. Il écarta également son torse volumineux du garnement, histoire de le laisser s'oxygéner. Après tout, s'il disait vrai, ce gosse n'avait aucun intérêt à déguerpir de cette cabine au risque de se faire choper par le personnel et envoyer bourlinguer à des kilomètres à la ronde.

Le sabreur laissa tomber son postérieur contre la table, les bras croisés, prêt à écouter les étonnantes explications du morveux :

- Bien... Raconte-nous ce qu'il t'arrive. A toi et à ta mère...