Techno un jour, techno toujours

Quête:

Alathea fixait le vieux laboratoire en ruines avec une certaine mélancolie. La tâche qui lui incombait aujourd’hui n’était pas sans lui rappeler une mission de longue date qu’elle avait conduite à son terme en compagnie de sa sempiternelle et surpuissante meilleure amie, ainsi que d’une jeune élue qui avait depuis disparu de la circulation, Shiro. À l’époque, le trio devait ramener une sacrée quantité de baranite à Jiban, quête qui s’était effectuée sans encombre. Ce qu’elles ne savaient pas à ce moment-là, c’est que ces matériaux étaient destinés à la création d’un corps physique pour Tyr, qui se dissimulait sous une identité différente. C’était la confrontation qui avait suivi cette découverte qui était à l’origine du lien actuel entre le technocréateur et la néo-techno. Elle ne regrettait aucun des choix qui l’avait amenée à ce point précis, hormis peut-être les disputes qu’elle avait pu avoir Lexi.

Tyr l’avait informée de la présence de Frisk au sein de Kougaku, mais Alathea n’était pas parvenue à croiser la brune, à qui elle avait tant de choses à dire et à comprendre, à commencer par leur passage commun au Royaume des Morts. Elle avait d’ailleurs appris que le dirigeant avait missionnée l’autre élue sur un archipel perdu en mer, du côté des zones neutres, où une mystérieuse épidémie, encore une, faisait rage. Apparemment, les différentes nations s’alliaient temporairement sur cette zone le temps d’éradiquer la menace qui semblait sérieuse. L’archère, en parallèle, en plus d’avoir l’obligation de poursuivre ses recherches sur le livre possédé par Zang et sur la localisation de ce dernier, s’était vu confier la mission sur laquelle elle se trouvait aujourd’hui.

Une fois encore, le topo global était assez simple. Tyr avait localisé les ruines d’un vieux laboratoire datant de l’ancienne Tenshi, où il devrait être normalement possible de récupérer quelques équipements précieux qui lui serviraient dans ses projets futurs. Une fois de plus, Al’ devait acheminer du matériel pour un supérieur. Ce n’était pas franchement le type de mission qui la motivait le plus, mais la perspective de pouvoir découvrir les vestiges du passé de Shintan suffisait largement à compenser cette déception prématurée. L’elfe s’était donc équipée en conséquence, se servant des leçons de la fois précédente, où il avait fallu ramener le minerai à dos de chevaux, emmenant ainsi une poignée de galéoïdes miniaturisants, qui, se fixant sur une surface, avait la capacité d’altérer et de compacter les molécules de celle-ci jusqu’à la miniaturiser de plusieurs fois sa taille initiale.

Grâce aux indications fournies par les technos, il n’avait pas été bien difficile de repérer le laboratoire. Cela faisait bien longtemps qu’Alathea n’avait pas arpenté aussi librement les terres de Shintan. Elle eut une pensée pour Lexi, se demandant si elle était elle aussi en mission quelque part sur le continent ou au contraire en train de s’ennuyer à mourir parmi les nouveaux conseillers de Reisha. L’endroit était désert, mais des traces de débris récents ou d’empreintes de-ci de-là laissaient à penser que des créatures s’étaient trouvées ici récemment. Mieux valait rester prudent en terrain inconnu de toute façon. La mi-humaine était déjà d’un naturel méfiant, mais depuis son retour à la vie, cette caractéristique avait largement été développée, si bien que le moindre déplacement ou bruit inconnu attirait pleinement son attention.

Tyr lui avait demandé de rapporter deux éléments en particulier, nécessaires pour la suite des opérations à Kougaku. Le premier, qui serait sans doute le plus simple, car se trouvant dans toutes les installations technomagiques de Tenshi, était un artefact de stabilisation quantique, capable d’assimiler les trop grandes quantités d’énergies déployées lors des différentes expériences conduites dans les laboratoires, puis de les stabiliser par rayonnement en ondes quantiques, un genre d’émission qui n’affectait que le monde quantique, à savoir de l’infiniment petit. Alathea n’avait pas compris toutes les subtilités de ces explications, mais elle en avait deviné suffisamment pour comprendre le rôle et l’apparence que devait avoir l’appareil.

Pour ce qui était du second item à récupérer, c’était un peu plus délicat. Tyr avait mentionné l’apparition, au moment du cataclysme, d’agrégats mémoriels des souvenirs de plusieurs éminents savants, dont la richesse était telle qu’elle avait permis une matérialisation physique sous forme de petits cubes, un peu comme pour Reisha et ses cubes mémoriels, dans une moindre mesure bien entendu. Alathea devait donc dénicher un de ces amas mémoriels ultra rares qui ne pouvaient que se trouver dans ce type de ruines… Il allait donc falloir chercher une aiguille dans une botte de foin, à moins qu’elle ne soit chanceuse.

Alathea pénétra dans le laboratoire dévasté par une entrée secondaire, l’accès principal bien trop obstrué pour laisser une personne de taille normale s’y faufiler l’ayant contrainte à effectuer un léger détour. De l’extérieur, l’espace consacré autrefois à la recherche et aux avancées scientifiques semblait particulièrement lumineux et chatoyeusement coloré, ce n’était en réalité dû qu’à l’importante concentration en minerais fluorescents au sein de la caverne. De fait, l’intérieur était plongé dans la pénombre la plus totale, étant donné que la très grande majorité de ses systèmes d’alimentation n’avaient pas survécu à l’usure de la grande chute ou du temps qui s’en était suivi. Tout au plus, quelques loupiotes ponctuelles grésillaient faiblement par endroits, mais bien trop peu pour éclairer les différentes salles.

Ce n’était cependant pas un problème pour l’elfe, dont l’ascendance génétique lui avait conféré des yeux perçants et une nyctalopie sans équivoque. Sa capacité à percevoir les alentours librement, même dans l’obscurité, allait d’ailleurs encore au-delà grâce à son récent implant qui lui offrait une vision thermique ou à rayons X à loisir. Tyr avait fait du bon travail, il fallait bien le lui reconnaître. Planifiant tout bien à l’avance à travers de savants calculs statistiques, il y avait fort à parier qu’il ait eu déjà envisagé l’éventualité qu’Alathea soit envoyée sur ce type de mission au moment où il avait perfectionné sa vision. Elle n’aurait sans doute jamais le fin mot sur cette histoire et, pour le coup, c’était un fait dont sa curiosité n’avait nullement besoin pour être satisfaite.

Les technomages l’ayant aiguillée sur la piste du stabilisateur quantique avaient été bien aimables en lui dessinant un croquis de l’apparence théorique de cet item. Grâce à cela, il n’y aurait pas d’erreur possible et l’archère ne perdrait pas son temps à tergiverser de part et d’autre. Même si le dirigeant de Kougaku ne lui avait pas fixé de délai précis pour s’acquitter de cette tâche, elle ne comptait pas s’éterniser sur cette mission, surtout avec ses priorités personnelles en ligne de compte.

Le décor intérieur n’était pas sans lui rappeler les bâtiments scientifiques de Jiban, qu’Alathea avait longuement arpentés à ses débuts en tant qu’élue au service de Shintan, lorsqu’elle se renseignait sur les différents aspects de la technomagie. Dans sa reconstruction de Tenshi, Reisha s’était largement inspirée de ce qu’elle avait jadis connu afin de préserver l’identité de cette nation par-delà les âges. En repensant à la grande prêtresse, la native d’Erdrigoth eut une autre pensée émue, se promettant de retourner un jour la voir, en compagnie de Grimm, dont elle avait mis du temps à s’accommoder du rôle et de la présence, ne serait-ce que pour prendre des nouvelles, en donner d’autres et la remercier pour ce qu’elle avait pour elle. Même si Al’ avait préféré vendre ses services à Tyr, du fait de la pertinence de ses projets par rapport au monde qui les entourait, elle n’était aucunement partie en mauvais termes de Shintan et conservait de très bons rapports avec. Il fallait bien rappeler aussi que c’était, à la base, pour s’assurer de la bonne santé de la petite Kuri que l’élue avait été envoyée à Kougaku la première fois.

La fouille avançait progressivement, Alathea passant chacune des pièces qu’elle traversait au peigne fin. Elle devait agir avec précaution, car beaucoup d’objets ou de matériels se brisaient en mille morceaux au moindre déplacement ou à la moindre manipulation. Il ne fallait pas qu’elle détruise par mégarde l’un ou l’autre des artefacts de sa convoitise, surtout au vu de la rareté du second… Ses sens ne détectaient toujours aucune présence vivante, hormis quelques rats sauvages par-ci par-là, dont la simple vue de la tireuse de précision suffisait à les faire fuir en couinant.

Après plusieurs dizaines de minutes d’exploration infructueuse sur le plan de la mission, mais féconde sur le plan de l’intérêt personnel, Alathea finit par dénicher, au hasard d’une petite pièce de stockage où il subsistait davantage de poussière que de matériaux, le fameux stabilisateur quantique qui lui avait été demandé. Elle se saisit de l’objet, le retourna dans différents sens pour s’assurer que c’était bien le bon, effectua quelques manipulations simples qui avaient été convenues à l’avance avec l’équipe scientifique de Kougaku afin de s’assurer du bon fonctionnement de celui-ci. Cela aurait été dommage de ramener un objet hors d’usage et impossible à réparer. Ces quelques vérifications d’usage achevées, Alathea plaça le galéoïde miniaturisant sur le stabilisateur, puis le rangea dans sa besace. Il ne restait plus qu’à trouver l’amas mémoriel, ce qui serait plus compliqué si elle procédait identiquement.

Capa' contextuelles:

L’amas mémoriel… Un agrégat physique de souvenirs issus du passé sous forme d’un cube aux propriétés métalliques un peu particulières… C’était tout ce dont elle disposait pour dénicher le fameux item si précieux aux yeux de Tyr pour qu’il l’envoie personnellement se charger de sa récupération. Il n’était pas certain qu’Alathea puisse en trouver un au sein de ce labo, mais au vu de ce qu’on lui avait raconté à Kougaku sur les circonstances qui conduisaient à la création d’un tel artefact, il y avait fort à parier qu’il s’en trouve effectivement un ici, tant le patrimoine mobilier était chargé d’histoire et d’émotions, alors que certains matériels, pourtant encore parfaitement fonctionnels, dataient tout de même de cette période où Tenshi n’était pas encore présente dans les cieux de Kosaten…

Malgré l’impression que ces ruines donnaient de l’extérieur, la surface interne explorable était immense, le laboratoire s’étant simplement enfoncé plus en profondeur, avant que ses parois ne viennent fusionner lentement, mais sûrement, avec les limites géologiques de la caverne qui l’accueillait, tout ceci grâce aux simples efforts du temps et de la Nature. L’archère aurait sans doute pu passer plusieurs heures à explorer ce monument de ce passé qui l’intriguait temps, et ce, en dépit de son excellente mobilité et de ses sens paranormaux. Ce n’était toutefois pas le but de sa démarche, qu’elle espérait conduire à son terme assez rapidement, le tout afin de reprendre au plus vite ses recherches sur le livre que Ceriya Maranam lui avait demandé de détruire. Après tout, son retour à la vie était lié à cette quête et, au vu des récents événements à Kougaku, événements qui l’avaient conduit à rencontrer une nouvelle fois la personnification de la Mort, l’elfe doutait que celle-ci fasse preuve d’énormément de patience ou d’indulgence à son égard…

Voyant l’avancée de sa quête au point mort, Al’ se décida à utiliser une approche quelque peu différente. En portant deux doigts à sa bouche, elle émit un son strident qui résonna dans tous les locaux, transmettant ses intentions par ce simple son empli d’émotions. En l’espace de quelques minutes à peine, une centaine de rats s’amena pour lui faire face, leurs petits yeux rougeoyants s’interrogeant sur ce qu’elle désirait. Grâce à son don, la belle aux yeux d’or leur transmit la description du cube qu’elle convoitait, promettant à celui qui lui ramènerait ce qu’elle souhaitait les miettes d’un paquet de gâteaux de voyage qu’elle trimballait dans son sac au cas où. Ceux-ci étaient spécialement achetés régulièrement par l’hybride, qui appréciait parfois bien plus le contact animal que celui de certains bipèdes antipathiques.

Les rongeurs filèrent, tandis que la belle aux yeux d’or poursuivait elle aussi les efforts de recherche de son côté. Elle eut un faux espoir durant un bref instant, en apercevant une forme relativement cubique et aux reflets lumineux dans une pièce en retrait, mais elle constata assez vite que le cube n’en était pas un du tout et que l’objet, quel qu’il soit, n’était absolument pas actif, car les reflets lumineux n’étaient effectivement que de simples reflets émanant d’une petite loupiote posée près de là. Alathea soupira, songeant qu’avec toute la technomagie dont disposait le technocréateur, il aurait tout de même lui donner un détecteur ou un item susceptible de la mettre sur la bonne voie.

En parallèle, la jeune femme recevait fréquemment les retours d’un ou plusieurs rats, qui ramenaient toutes sortes de babioles suivant plus ou moins les critères évoqués précédemment par la néo-techno. Il fallait dire que leur cerveau était assez petit, ce qui limitait le nombre d’informations que les rongeurs pouvaient assimiler. Alathea se contentait donc de les renvoyer avec patience, en spécifiant un peu plus ce qu’elle souhaitait. Bien lui en prit, puisque environ deux heures plus tard, alors qu’elle s’était accordé une pause, pour se restaurer un peu et faire le point sur la zone qu’il lui restait à quadriller, un petit escadron de deux bestioles ramena un étrange objet rectangulaire qui scintillait bien plus qu’un galéoïde lumineux classique. La native d’Erdrigoth s’en empara et l’examina. Cela avait l’air de correspondre à l’amas mémoriel, mais il lui fallait tout de même une confirmation de Kougaku pour en être sûre. Elle tenta alors de communiquer via un autre galéoïde qu’elle avait en sa possession, mais ce laboratoire avait autrefois était conçu pour brouiller toute communication alternative, il lui fallait donc sortir de là avant.

Alathea remercia chaleureux ses deux petits amis en leur laissant l’intégrale de son paquet de biscuits, les invitant au passage à partager cela avec les autres rats. Elle s’empressa ensuite de regagner l’entrée par laquelle elle était passée précédemment. Une mauvaise surprise l’attendait alors. Peut-être avaient-ils simplement senti sa présence ou l’avaient-ils entendue communiquer avec les rats ? Toujours étaient-ils qu’une dizaine de Hizoubutsus semblait déterminer à lui faire la peau. La tireuse de précision les fixa un à un de son regard doré, dégainant rapidement son arc dans un calme olympien. Ce n’était point l’heure du trépas pour elle.

Capa' contextuelle:

Sa vision thermique lui confirma que l’intégralité de la meute se tenait face à elle. Il n’y avait donc aucune mauvaise surprise à anticiper. Leur nombre ne représentait pas le moindre danger pour Alathea, pas plus que leur espèce. C’était une race contre laquelle elle s’était déjà battue par le passé, certes pas face à autant de représentants, mais avec son propre niveau de puissance bien plus amoindri qu’aujourd’hui. De fait, l’elfe n’avait jamais été aussi redoutable et efficace qu’actuellement. Ce n’était pas un excès de confiance ou une défaillance au niveau de son auto-jugement. Depuis son retour à la vie, son pragmatisme et sa volonté de survivre avaient été poussés à leur paroxysme, tant et si bien qu’il lui arrivait de plus en plus de raisonner comme le leader de Kougaku, avec des pourcentages et des statistiques alambiqués, dans une moindre mesure que lui, naturellement. Ainsi, ici, elle estimait ses chances de survie supérieures à quatre-vingt-quinze pourcents, seuil qu’elle ne dépassait jamais, à cause de toutes les variables imprévisibles que comportait la vie.

Le trait doré fila à toute allure et plongea dans la tête de la bête la plus proche, la privant instantanément de toute fonction cognitive primaire. Le cadavre était déjà chu au sol avant même que le reste de l’effectif ne comprenne ce qu’il s’était passé. Alathea avait déjà préparé une seconde flèche, qui se chargea d’éliminer en une nouvelle seconde écoulée un deuxième Hizoubutsu d’un autre tir ultra précis. Il ne restait plus que huit créatures affamées en vie, alors que l’affrontement réel n’avait même pas encore commencé… Celui-ci semblait désormais plus déséquilibré que jamais et tout prédateur sensé aurait normalement senti à cet instant précis qu’il s’élançait au-devant d’une mort plus que certaine. Malheureusement, ces charognards ne réfléchissaient qu’à la dégustation tendre et juteuse que serait l’engloutissement de la belle aux yeux d’or. Malheureusement, pour eux…

La native d’Erdrigoth fit apparaître deux nouveaux projectiles étincelants, qui s’occupèrent de liquider deux autres monstres. Elle réitéra l’opération et il ne resta plus que la moitié de l’effectif précédent. Les quatre se ruèrent sur Alathea et se heurtèrent entre eux, alors que celle-ci esquivait avec grâce et délicatesse, sans s’essouffler outre mesure. Le combat était totalement unilatéral et son issue n’avait jamais été aussi certaine. Il ne dura en tout et pour tout que deux maigres minutes, avant qu’une dizaine de corps gisants sur le sol n’en soit que l’unique trace. La nonagénaire rangea alors son arc à sa place et reprit tranquillement le chemin vers la surface. Ce léger tracas n’existait déjà plus dans son esprit, alors qu’elle s’estimait heureuse d’avoir eu un peu de réussite dans ses recherches, surtout en ce qui concernait l’amas mémoriel.

Un dernier regard porté dans la direction de la lointaine Jiban, où il faudrait tôt ou tard qu’elle réapparaisse, ne serait-ce que pour honorer l’engagement informel qu’elle avait avec Reisha. Il ne lui restait plus qu’à rentrer à Kougaku, pour laisser les technomages étudier ses trouvailles et les transmettre à Tyr, en attendant que ce dernier lui donne de nouvelles instructions. Entre temps, Alathea devait aller rendre visite à Kuri, retrouver Frisk et poursuivre ses recherches personnelles… La vie d’élue n’était clairement pas de tout repos…

“La mémoire la plus profonde est une mémoire de toute notre destinée.”