L'avenir n'est pas un long fleuve tranquille [Feat Zoro, Amun et Damsel]

Le roi de Reifuu, Rhadamanthys, avait récemment informé Zoro, l'isolé de service qui apprenait tout après tout le monde, des actualités internationales. Il lui partagea notamment la donnée la plus capitale : à savoir le changement de souverain à Shuza, la nation du serpent. Mais la plus grosse surprise fut de connaître l'identité du fameux remplaçant, ou devrions-nous dire de LA remplaçante puisqu'il s'agissait d'une femme et pas n'importe laquelle. Tout d'abord, il fallait souligner l'exploit qu'une femme prenne le pouvoir d'une nation millénaire. Une première ! Certains citeraient Jayna et son village rebelle il fut un temps mais ce n'était pas un territoire aussi ancré et puissant que Shuza.

Mais en plus, la femme en question ne fut nulle autre qu'Eleanor Burns, la fameuse vampire au tempérament aussi enflammé que sa chevelure. Il savait que cette fille possédait de nombreux ennemis, tantôt qui la redoutaient, tantôt qui la jalousaient, tantôt qui la haïssaient alors il imaginait tout à fait la réaction certainement mitigée de quelques personnages. A titre personnel, il ne s'en étonna guère. Eléanor détenait l'ambition d'une reine et Zoro la savait particulièrement bosseuse en plus de lui attribuer d'autres caractéristiques complémentaires comme la persévérance, la stratégie et la soif de pouvoir. Une telle combinaison ardente débouchait nécessairement sur une issue de grande ampleur. Qu'on l'aime ou pas, il ne doutait pas sur sa légitimité dans le sens où elle avait sans doute mérité sa promotion en fournissant les efforts adéquats. Cela ne lui était certainement pas tombé comme du pain béni dans la bouche. Elle méritait donc au moins le respect pour ce travail, quand bien même sa manière de régner ne convenait pas. Sur ce dernier point, le Roronoa ne possédait aucun avis puisqu'il venait d'apprendre la nouvelle.

Bref, dirigeante ou non de Shuza, le pirate prévoyait depuis un certain moment de passer la voir. En effet, il ne l'avait pas revu depuis la bataille contre Vakeran dans lequel elle avait péri. Légèrement inquiet pour elle, il avait guetté son retour du royaume des morts et s'était décidé de lui rendre une visite une fois certaines affaires familiales réglées. La chose faite, il ne faillit pas à son devoir et fut emmené en cariole vers la capitale des verts. Il redécouvrit par ailleurs les rues, qu'il n'avait pas vu depuis 1000 ans. En effet, le sabreur n'avait jamais remis les pieds ici depuis le cataclysme et l'architecture, bien que fidèle à un esprit passé, ne ressemblait plus réellement à ses maigres souvenirs.

A l'entrée, il s'était présenté comme un allié de la dirigeante et un collier lui avait été installé autour du cou. Il en ignorait la réelle utilité mais soit, il s'y pliait. Comme dit, Eleanor possédait de nombreux ennemis, il était logique de prendre des précautions alors les respecter ne représentait pas un problème pour lui.

Incapable de se guider par lui-même dans une capitale de cette envergure, le jeune homme fut escorté par une patrouille jusqu'au siège impérial tandis qu'on lui demanda de patienter à l'entrée, le temps qu'un homme aille probablement se renseigner au sujet des disponibilités de sa supérieure, et surtout, savoir si elle acceptait de recevoir ce mystérieux invité qui se présentait comme " le sabreur aux cheveux verts " qui suffirait à l'identifier. Evidemment, les gardes avaient très certainement capté qu'il s'agissait d'un des empereurs de Reifuu et le rapporterait sans doute à leur dame mais désintéressé par les statuts de pouvoir, le samouraï ne pensait quasiment jamais à se présenter par son titre.

Le palais traversé, le samouraï fut tenté de tourner dans un mauvais couloir mais l'un des gardes le rappela à l'ordre. Sa propension à s'égarer ne perdait pas en puissance, même quand il s'agissait simplement de suivre un pelo sur une ligne droite. Amené à un salon, on lui demanda de patienter comme dans une salle d'attente médicale. Quand il repensait aux fois anciennes où l'on pouvait croiser Eleanor dans une taverne directement tandis que maintenant, il fallait limite prendre rendez-vous, il constata combien la demoiselle avait pris en grade. Ce n'était plus la clampine du coin. Elle enchaînait les rendez-vous politiques, très sollicitée.

Il fut par ailleurs rejoint par deux inconnus, une rouquine à la chevelure bordélique, lui conférant une silhouette sauvage et un homme à la musculature dessinée, ressemblant à un guerrier archaïque. Il n'était pas le seul à la quémander visiblement, elle était devenue la femme la plus désirée de la contrée. Un revirement de situation significatif mais qui lui sied bien au teint. Il se doutait qu'elle appréciait sa nouvelle vie de dirigeante, la connaissant, une manière de prendre sa revanche sur ce monde qui l'avait traîné dans la boue comme une moins que rien.

Il se contenta de saluer d'un hochement de tête les deux autres individus, sans deviner qu'il s'agissait d'élus. Il ne percuta pas de puissance particulière chez ces personnes, incapable donc de discerner s'ils sortaient du lot ou non. Il les prit pour des villageois random revendicateurs ou encore des soldats venus lui faire un rapport, à moins que ce ne soit des nouvelles recrues fans d'Eleanor dont le rêve était de rejoindre ses rangs ? Peut-être que cette rousse s'identifiait à la rousseur d'Eleanor ? Allez savoir..

En réalité, il ne se doutait pas une seule seconde qu'il croisait le chemin de deux autres élus. Et inversement, ces bleusailles ignoraient probablement que derrière cette face de pelouse se cachait un empereur de Reifuu.

Une femme séduisante, toute vêtue de noir, le style gothique débarqua dans la pièce afin d'avertir de l'organisation à venir. Elle fit passer les deux autres avant le bretteur et l'invita à prendre ses aises dans un salon, surtout que la raison de sa venue était davantage amicale que politique donc aucune urgence en perspective. Peu impatient pour un sou, il s'en contrefichait d'attendre alors il approuva sans faire d'histoire et fut surtout intéressé par l'activité proposée en compensation : c'est à dire boire. Eleanor savait lui parler et surtout le brosser dans le sens du poil. Ravi, il prit place et s'enquilla plusieurs verres mis à disposition le temps que la dame de Shuza termine ses entrevues professionnelles.

Son ouïe de chauve-souris ne se trompait pas, des portes s'ouvrirent, certainement celle du bureau dirigeant pour passer au rendez-vous suivant. Son tour ? Il ne s'avança pas, terminant sa gorgée l'air de rien. On viendrait le chercher. Ce qui ne manqua pas d'arriver quand la  dirigeante en personne se déplaça pour le cueillir. Il la salua d'un regard appuyé et respectueux et la suivit dans le silence jusqu'à la pièce, inutile de perdre du temps en courbettes et formalités et si la vampire connaissait le sabreur, elle savait qu'il était fait ainsi. Il ne verbalisait pas ses salutations mais il n'en pensait pas moins, et cela se percevait dans sa posture.

Il croisa le chemin des deux individus qui le précédèrent et les scruta d'une prunelle attentive. Lorsqu'ils furent hors de portée, il lança à la shuzajin :

- Tu ne perds pas de temps toi, déjà entrain de recruter pour renflouer les rangs et construire l'avenir de demain ?

Ils pénétrèrent dés lors dans la salle administrative, à la décoration particulièrement sobre mais professionnelle. Il balaya les étagères emplis de livres et paperasses d'un vif coup d'oeil afin de prendre connaissance du nouveau milieu de vie de la demoiselle. Elle avait radicalement changé de condition, un revirement de situation brutal mais certainement guère démérité. Il serait curieux d'entendre son petit récit à ce sujet car occupé avec des affaires royales, il ignorait les circonstances de son ascension. Il entendit simplement parler de son accession au pouvoir, assez brutalement, au détour d'une conversation avec son roi, mais sans détails avancés.

Cependant, chaque chose en son temps. Il se rappela de la bouteille à moitié vidée présente dans sa main et la déposa sur le recoin de son bureau :

- Je te remercie pour cette attente agréable. Ta promotion ne t'a rien fait perdre en ta capacité de recevoir...

Commenta le samouraï au sourire discrètement affiché sur le visage. Ce n'était un secret pour personne : l'alcool était une boisson magique capable de lui rendre sa bonne humeur et lui retirer son air bougon. Jamais il ne souriait autant que lorsqu'il buvait et une vampire aussi maline que cette rouquine le savait que trop bien.
Il se retourna alors vers elle, pour lui faire face.

- Les rumeurs disaient vraies, tu es à la tête de Shuza. Il fallait que je le vois par moi-même.

Il constatait les faits en levant la tête vers le lustre mais impossible de savoir ce qu'il pensait de cette situation, tant ses expressions faciales demeuraient toujours aussi impassibles.

- La tyrannie de Zang est enfin terminée. Je serais curieux d'entendre ce qu'il s'est passé et comment tu t'y es prise, j'présume que c'est une histoire croustillante... Comme à ton habitude..

Un nouveau sourire arpenta furtivement sa mâchoire avant de reprendre une mine étonnamment plus sérieuse. Il se racla dés lors la gorge comme pour recentrer le sujet et la raison principale pour laquelle il se présentait à elle aujourd'hui.

- Mais te bile pas, le motif de ma sollicitation n'est pas de jouer les commères. En fait...

Il aspira grandement, en guise de pause :

- Je suis venu te présenter mes plus sincères excuses... Pour Vakeran. Tu y as perdu la vie temporairement, et bien qu'en tant que guerriers,  nous savons ce dans quoi nous nous engageons lors de ces quêtes dangereuses, je pense que d'la casse inutile aurait pu être évitée si je n'avais pas pris certaines décisions égoïstes.

Il faisait notamment référence à sa propre arrogance quand il avait refusé de jeter le collier et s'était pavané comme un nigaud devant l'ennemi. Sans ce foutu collier que Zoro apporta sur un plateau d'argent, la bataille se serait écourtée, et la galère bien moins colossale. Et Eleanor, sans doute vivante, à leurs côtés.  

- Tu as en partie payée pour mes fautes, et même si ton sacrifice n'a pas été vain puisque nous avons fini par le vaincre, tu méritais d'être debout à nos côtés pour savourer ce triomphe qui est le tien aussi. Quand j'ai su que tu étais revenue, et qui plus est, au sommet de ta nation, j'me suis dit qu'un détour s'imposait.

Des excuses très sobres et solennelles, il ne versa pas non plus dans la culpabilité dramatique, assumant ses responsabilités mais il se disait que s'excuser était la moindre des choses auprès d'une alliée aussi précieuse.

- N'hésite pas à faire appel à moi au besoin, je viendrai, mes katanas seront tiens, je te le dois bien. Sauf si la requête consiste à nuire à Reifuu..

Précisa-t-il en dernière instance sous un semblant humoristique. En résumé, il lui offrait ses services pour la mission de son choix pour son compte personnel (tant que ça ne jouait pas contre Reifuu) ou celui de Shuza, en compensation pour les dégâts occasionnés.

- En tout cas, je remarque que la mort ne t'a pas empêché de concrétiser tes objectifs. Peu de choses te résistent..

Même la mort se trouvait bien impuissante face à sa soif de pouvoir.

Si l'humeur du sabreur était au beau fixe aujourd'hui, renforcée par la bouteille durant l'attente, Eleanor ne se trouvait pas sur la même longueur d'onde. Dés ses premières réponses, il sentit l'atmosphère s'emplir d'électricité, comme si la météo annonçait un orage prochainement. Vraisemblablement, sa consultation précédente ne s'était pas déroulée comme bon lui semblait. Zoro cligna de l'oeil, par trois fois, ne s'attendant pas à se manger autant d'énergie colérique bien qu'elle n'était pas spécialement tournée contre lui. Mais le contraste de son humeur massacrante contre son état d'esprit détendu le laissa pantois durant cinq bonnes secondes. Il n'en rajouta guère, inutile d'allumer la mèche d'une dynamite déjà prête à exploser.

Face aux excuses qu'il prononça à son égard, sa réaction demeura sur la même lignée : très fermée. Ce n'était définitivement pas sa journée. Il la vit s'enfoncer d'exaspération dans son siège et entendit son sous-entendu " tu as fait tout ce chemin pour des excuses " assez méprisant, comme si ces excuses n'en valaient pas la peine et qu'elle les minimisait. Pourtant, elle devrait être flattée par la rareté de son geste puisque un pardon de la part de cette face d'algue arrivait toutes les 408 lunes. Il constata une nouvelle fois combien cette femme fut mal entourée par le passé. Parcourir des kilomètres pour assumer ses responsabilités n'était rien d'exceptionnel pour un homme d'honneur, il s'agissait simplement d'un devoir mais elle, elle semblait juger la démarche risible, inutile, voire exagérée.

- Peu importe ce que tu penses, je me dois d'assumer mes responsabilités auprès de toutes les personnes qui ont subi pour mes décisions ce jour là, et tu n'en fais pas exception. Ce n'est pas la faute de ce collier, j'aurais pu m'en débarrasser en toute conscience avant qu'il m'en empêche et j'aurais surtout dû être plus fort pour résister à sa volonté...

Affirma-t-il en serrant du poing. Enfin, il avait de toute façon dit ce qu'il avait à dire, inutile d'y passer des semaines. Eleanor avait entendu et accepté ses excuses, peu importait son jugement sur leur nécessité, au moins le chapitre put se clore.

De toute façon, ce n'était pas le sujet qui la préoccupait actuellement. Emmêlée dans une nouvelle rage, celle de découvrir ce qu'il en incombait de diriger une nation au bord de la guerre, elle semblait s'enfoncer dans sa colère au fur et à mesure que son corps s'enfoncait dans ce fauteuil. Elle rectifia les rumeurs au sujet de Zang, non vaincu mais porté disparu. Un tyran si accro à la domination déserterait par lui-même ? Cette histoire ne tenait pas debout. Il en fronça des sourcils, cernant davantage les causes de l'irascibilité de son interlocutrice. Du jour au lendemain, elle se retrouvait seule face à des fantômes planant au-dessus de sa tête sans savoir quand ni comment allaient-ils frapper, tout ceci dans la plus froide des solitudes si on se fiait à ses dires à propos des élus et de leur aide insignifiante. Le poids qui reposait sur ses épaules était démentiel et nageant en plein doutes, elle ne savait visiblement plus vers qui se tourner. De plus, Shuza vivait une guerre civile depuis des années, entre la rébellion et tout le bordel, bien que le samouraï avait suivi ce sujet de très loin et n'était pas très à jour sur l'instabilité politique de la contrée verte.
Cette explication lui permit de mieux saisir la situation et les origines de ce courroux sous-jacent. Il l'écouta d'un air on ne peut plus sérieux, considérant notamment les doutes émis lors de sa dernière réplique :

- Tu viens de prendre la tête d'un pays divisé, où plus personne ne fait confiance à son voisin depuis des années, mystérieusement et soudainement déserté par un despote imprévisible, comment veux-tu que l'ordre apparaisse immédiatement dans un contexte aussi instable ? Tu as récupérés les clés d'une maison en ruines, tout est à retravailler, jusqu'aux fondements. Le peuple ne te connaît pas encore, et les élus... Tu sais comment on est faits... Laisse-leur le temps de te connaître, de comprendre tes projets pour qu'ils t'accordent leur confiance... Et surtout, donne-toi le temps de poser les bases par des faits concrets afin de retracer clairement l'identité de votre nation trop longtemps obscurcie et bafouée par l'égoïsme de ton prédécesseur, et ainsi obtenir la cohésion générale que tu sembles rechercher. La volonté ne peut guère fleurir dans le flou, l'incertitude et la désillusion et elle peut mettre un certain temps avant de se rallumer après une aussi longue période de tumultes. N'oublie pas que ce peuple a souffert..

Eleanor brûlait comme le feu, c'était ce qui la caractérisait depuis toujours et ce trait pouvait en effrayer plus d'un, quand bien même les intentions derrière s'avéraient bonnes. Et puis, tout comme Zoro, ils partageaient ce point commun : ils étaient des billes en communication. Ce n'était pas lui qui la réprimanderait à ce sujet par ailleurs.

- Je n'ai pas de suite adhéré lorsque Rhadamanthys est monté sur le trône de Reifuu. Je n'ai pas ployé le genou devant lui lorsqu'il m'a nommé empereur. Il avait besoin de ma puissance à ses côtés mais lui, qu'est-ce qu'il m'apportait ? Il a dû faire ses preuves pour accéder à mon respect. Quant à son projet, il a fallu qu'il se concrétise avec le temps, progressivement, pour que je le comprenne, cela ne s'est pas fait en un claquement de doigts.

Il s'avança alors de nouveau vers son bureau, où elle était assise de l'autre côté :

- Il n'y a pas de raison pour que tu n'y arrives pas non plus. Les doutes que tu traverses sont nécessaires et sont de bonne augure, tu te soucies réellement de ce peuple laissé à l'abandon... Mais ils ne le savent pas encore, ils n'ont plus l'habitude qu'on se préoccupe de leur sort, ils ne sont plus habitués à se réunir pour un idéal commun. Alors en attendant, continue de faire ce que tu as à faire, continue de marcher en direction de la nation à laquelle tu aspires et tu constateras au fur et à mesure que la foi perdue du peuple, et de certains élus, s'éveillera naturellement pour suivre tes pas.

Il n'y connaissait pas grand chose en gestion de nation, et il ne désirait pour rien au monde être à sa place ou à celle de Rhadamanthys, mais il avait expérimenté et fréquenté assez de situations similaires auprès des monarques de son propre monde pour cerner les défis et difficultés. Elle devait faire ses preuves pour apprivoiser les coeurs des natifs et gagner la confiance des élus désunifiés qui n'étaient que le reflet des vestiges d'une ancienne gouvernance dispersée et individualiste.
Pour construire l'avenir, il fallait créer du sens. Telle était la tâche d'Eleanor.

- Je sais que reconstruire un pays est d'autant plus difficile quand on a un sombre abruti à l'autre bout qui déclare la guerre au monde entier, tu n'es pas dans un contexte favorable, ton défi est d'autant plus grand mais pas insurmontable. Concentre-toi sur ta nation, en interne et ne te fais pas trop de biles pour les autres de Tenkasuru pour le moment. Si Shuza manque temporairement de mains d'oeuvre puissantes et loyales dans ses rangs, tu auras le soutien d'un empereur de Reifuu et de son armée.

Il lui avait promis de lui prêter main forte, il ne se détournerait guère de son devoir. Cela n'engageait en rien une alliance avec la totalité de Reifuu, simplement de cet empereur qui disposait de sa propre armée, soit un quart de la force militaire. Et entre nous, ce n'était pas les plus mauvais.

Eleanor était une puissance alliée, en plus donc de sa dette, il avait tout intérêt à préserver des liens cordiaux, voire amicaux envers cette nouvelle dirigeante. Un engagement donc à la fois personnel, parce qu'il la respectait et l'appréciait en tant que personne, mais aussi politique, car elle dirigeait désormais une nation légendaire.

Roronoa Zoro n'y allait pas de main morte en temps habituel, et encore moins avec des tempéraments durs de la couenne comme cette énergumène aux dents aiguisées. Parfois, dans ses emportements dignes d'une tornade aveuglante, il fallait la rattraper et la secouer violemment pour l'aider à y voir clair, l'aider à replacer sa tête sur les épaules. Il arrivait régulièrement à l'épéiste de tenir ce rôle, comme messager de la raison, déjà auprès de son équipage à l'époque. Certes, il dissimulait ces compétences mais en tant qu'observateur, il accumulait certaines connaissances qu'il partageait uniquement à des moments clés et nécessaires, comme actuellement.

Son visage vint par ailleurs s'adoucir quand il entendit la voix de la demoiselle retomber, appréciant sincèrement sa prise de recul et sa remise en question. Elle prouvait une fois de plus qu'elle n'était pas l'horrible folle irraisonnable, réputation que ses détracteurs aimaient lui coller au cul. Il la voyait au-delà de ce qu'elle communiquait, par système défensif face à l'hostilité qu'elle se ramassait constamment en pleine poire.
Il sourit, en coin.

- Tout le monde sait que tu es une grande impatiente...

La requête qui s'ensuivit interloqua le sabreur, bien qu'elle ne lui déplaisait guère. Dans sa plus grande solennité, la nouvelle gouvernante de la mythique terre du serpent soumit à celui qu'elle qualifiait d'ami une proposition des plus alléchantes. Plus qu'une alliance avec le quart de l'armée de Reifuu, cette dernière jugea bon de s'allier avec l'entièreté de sa rivale de toujours. Face à la menace imposante qui planait sur eux, le bretteur trouverait idiot de cracher sur une force aussi colossale. Eleanor n'était pas la clodo du coin, et sa nation recouvrerait sa puissance d'autan, il n'y avait pas de raison que cela se passe autrement.
Evidemment, il n'était pas du tout certain que Rhadamanthys accepte une alliance avec celle qu'il tenait comme responsable de la destruction de son clan mais... Cela ne coûtait rien de demander ?! Il serait dommage de renoncer à une telle puissance, bien qu'il comprendrait le refus.

- Ecoute, je ne te promets rien mais je lui en toucherai deux mots, au moins pour établir cette rencontre. Je pense que, peu importe l'issue, refus ou acceptation, certaines choses doivent être mises à plat afin de repartir sur de bonnes bases.

Ne pas négliger la géopolitique et la diplomatie entre les nations dans des temps aussi troubles.

- Puisque tout est au clair entre nous, souhaites-tu me dire autre chose ?