Stars Collide - feat Hécate

Hécate s'étira, assommée par la chaleur. Pourtant, après avoir connu les étés grecs, on pourrait s'attendre à ce que la déesse la tolère mieux que le commun des mortels, non? Et bien... disons que "oui" dans les grandes lignes mais ces heures de voyage dans le désert auraient assommé Héphaïstos en personne. Heureusement, malgré ses aventures dans la forêt cendrée, la voyageuse était parvenue à s'intégrer à un convoi partant pour la capitale. Cela avait eu un certain prix mais au moins, elle était certaine de ne pas s'égarer dans ces étendues de sable.
A sa propre surprise, une jeune fille du convoi s'était prise d'affection pour elle, et inversement. Zélia, le nom de la petite âgée d'à peine 8 ans, disait adorer "les belles chansons qui parlent de gens bizarres" que chantait la déesse. Ces dernières étaient simplement ce qu'elle avait entendu encore et encore lors de ses voyages sur Terre. Il faut dire que ça passait le temps et permettait aussi d'oublier l'orage menaçant grondant au dessus de leurs têtes ou la tempête qui pouvait renverser leur navire. La forme et le fond de ces chants n'étaient pas spécialement recherchés, mais ils avaient le mérite d'être entraînants. Lors des longs voyages comme celui-là, Hécate avait tendance à y repenser et donc les entamer sans forcément s'en apercevoir.

- Et ta famille alors, elle est où?

Aaah les enfants... leur curiosité était toujours débordante mais, de bonne humeur, la divinité répondait du mieux qu'elle pouvait sans pour autant en dévoiler trop. Parfois, les parents de la petite intervenaient pour lui dire de se calmer et respecter un peu la vie privée de l'étrangère mais pas cette fois.
Hécate et Zélia avaient profité d'une pause du convoi pour remonter une rivière, avec bien sûr l'accord des parents de la petite. Si la déesse marchait à côté et surveillait les alentours, la demoiselle marchait joyeusement dans l'eau peu profonde pour profiter de l'eau fraîche faisant un bien indéniable après de longues heures de marches. On aurait du mal à le croire, pourtant la divinité s'en sortait bien avec les enfants et celui l'avait aidée à plusieurs reprises sur Terre. Une jeune femme capable de s'occuper des enfants était toujours bienvenue et n'éveillait quasi jamais de soupçons, quand bien même on pouvait trouver étrange qu'elle voyage seule.

Leur petite balade durait depuis une bonne demi-heure. La caravane n'était plus visible mais celle-ci ne repartirait pas avant trois heures, aussi elles avaient le temps de revenir à cette dernière. L'enfant s'amusait comme une folle, projetant de l'eau sur Hécate de temps à autre qui s'était permise de s'asseoir sur un rocher. Ses yeux se fermèrent même quelques instants sous la chaleur, comptant sur son ouïe pour savoir où était Zélia.
Tout semblait aller pour le mieux quand un cri strident tira la déesse de sa pause, la faisant bondir pour trouver sa protégée face à plusieurs créatures. Elles étaient cinq et toutes tournées vers la jeune fille, sifflant dans sa direction et, lentement mais sûrement, étaient en train de l'encercler. Hécate tira sans ménagement l'enfant derrière elle, dague levée et prête à attaquer. Après avoir combattu des chevaliers d'or et survécu à leurs attaques, cinq pauvres bêtes n'allaient pas l'intimider...

- Reste derrière moi, il faut pas se séparer!

Surtout, si la fille se mettait à courir vers la caravane, cela risquait d'alerter d'autres bêtes et leur surnombre pourrait devenir problématique. Quoiqu'il en soit, à peine eut-elle fini sa phrase que l'une d'entre elle l'attaqua. La déesse la blessa facilement d'un coup de dague, arrachant un cri de douleur à la créature. Deux autres attaquèrent et, à nouveau, grâce à son armure lui permettant d'éviter les morsures, elle réussit à les repousser et les tuer sans problème. Malheureusement, le premier cri de la bête blessée en avait attiré d'autres qui avaient surgi derrière les deux femmes.

- Aaaah!

Hécate fit volte face en entendant un autre cri de l'enfant. Une de ces bêtes était en train de la mordre à la jambe. Zélia tenta de la faire partir en la bougeant mais cela ne réussit qu'à la faire tomber sur les rochers de la rivière. Si la déesse parvint à s'en débarrasser sans souci d'un coup de dague au travers de la chair, les autres semblaient encore plus agressives.
C'est alors qu'elle tira la petite d'une main hors de l'eau et la mit contre le rocher où elle s'était assise plus tôt, évitant de justesse d'autres morsures de ces créatures.

- Ferme les yeux.

Terrifiée, la petite obéit quand même et la déesse se mit alors à chasser ces monstres. Les achever n'était pas difficile mais leur nombre était gênant et devenait problématique car chaque cri de douleur semblait en attirer dix autres... Honteuse d'en arriver à une telle extrémité face à de simples bestioles, Hécate augmenta son cosmos pour le leur faire ressentir. Son corps fut alors entouré de volutes noires alors que de l'énergie s'en dégageait. Cela était malheureusement plus impressionnant qu'autre chose, le cosmos dégagé n'étant rien comparé aux attaques qu'elle avait déjà pu déclencher sur Terre, mais cela fonctionna. Les créatures restantes sifflèrent mais à l'exception de deux/trois intrépides, les autres finirent par fuir.

- Pas trop tôt...

Enfin débarrassée, la 'jeune' femme retourna auprès de la petite qui put rouvrir les yeux. La morsure n'était pas très profonde bien que ça serait à surveiller. Ce qui était plus inquiétant en revanche était sa cheville qui était un peu enflée, sans aucun doute une foulure en ayant voulu se débattre. Hécate allait annoncer leur départ pour le trajet retour vers la caravane où on pourrait la soigner quand elle s'immobilisa, les yeux écarquillés alors que sa nuque était parcourue de frissons. Cette énergie... elle ne la connaissait que trop bien.

- Hécate, ça va?
- Quelqu'un approche, reste là et ne dis rien.

Un chevalier d'Athéna, ici? Par tous les dieux, fallait-il vraiment qu'elle en croise un maintenant? Elle ressentait son cosmos qui se rapprochait, dans son dos. D'une main, elle ramena alors un voile sur sa tête et son visage, ce qui dissimulerait ce dernier aux yeux du chevalier à l'exception de sa bouche et sa gorge.

- S’attaquer à plus faible que soi est facile, n’est-ce pas ? Que diriez-vous d’affronter quelqu’un de votre niveau ?

La déesse se releva et fit face à son ennemi, s'approchant de quelques pas pour s'éloigner de l'enfant. Prompt à l'action donc... bien... cela promettait d'être une journée épuisante. Elle allait répondre mais à nouveau, son corps s'immobilisa en reconnaissant l'armure... sans reconnaître le chevalier qui la portait. Pourtant... elle avait connu, elle avait même parlé au chevalier des Gémeaux de son époque alors qui était-il celui là? Ce temps à s'interroger lui porta préjudice car il permit à son adversaire de la frapper en premier. Ce coup la sonna plus qu'elle ne l'aurait envisagé mais cela eut le mérite de réveiller complètement ses réflexes.
Hécate décocha un crochet du droit à son tour, profitant qu'il ne porte pas son casque.

- Pour qui vous prenez-vous? Ignorez-vous donc qui je suis?

A nouveau, elle réutilisa son cosmos malheureusement incapable de déclencher une quelconque attaque. Le chevalier présent semblait particulièrement prompt au conflit, aussi Hécate se saisit à nouveau de sa dague, prête à l'abattre si nécessaire... et même à bluffer.

- Athéna ne vous a jamais appris à ne pas attaquer plus fort que vous? Osez m'attaquer à nouveau et votre armure devra vous trouver un remplaçant.

Hécate jura intérieurement. De tous les Chevaliers d'or, il avait fallu tomber sur:
1 - le seul qui, au cours de toutes les guerres, avait réussi à la mettre en mauvaise posture un jour sans aucune aide
2 - avait toujours été loin d'être le plus faible du lot
3 - avait la fâcheuse tendance de ne pas être très équilibré entre le côté "chevalier" et le côté "spectre" car, soyons honnête, le potentiel maléfique d'un chevalier des Gémeaux serait un atout non négligeable pour l'armée infernale.  
4 - était en pleine crise devant elle

La déesse observa son adversaire changer, muer en une autre personnalité, sans doute. Cette hypothèse fut de toute façon bien vite confirmer lorsqu'il rouvrit la bouche. Pensait-il vraiment pouvoir lui interdire d'user du nom d'Athéna? Lui qui n'avait jamais vu son vrai visage? Les mortels avaient une extraordinaire capacité à enfler leurs prétentions... un peu comme certains dieux d'ailleurs... mais elle ne citerait pas de noms.
La divinité eut toutefois un frisson désagréable en ressentant le cosmos doré et constatant la différence de puissance. Décidément, tout, à chaque instant, allait lui rappeler sa faiblesse et cette frustration n'allait pas tarder à exploser. Pour le moment, seul le silence répondait au chevalier avant de le laisser engager le combat, ne pouvant pas résister à l'idée de "remettre à sa place" son ennemie. S'il s'agissait là de la personnalité qu'avait rencontré cette brute de Zayro Jinn, alors elle n'était guère étonnée que le terme "vermine" lui ait été attribué. Certains chevaliers étaient si belliqueux que la différence avec les spectres, les marinas ou les berserkers était mince, et pourtant, sous prétexte qu'Athéna voulait la protection de la Terre, eux-même se considéraient "meilleurs"... si ce n'était pas de l'hypocrisie...

- Saga des Gémeaux, anobli dans sa fière armure d'or, n'est donc qu'un être dominé par son côté mauvais... J'avoue être déçue de ne pas savoir quel dieu a pu vous jeter pareille malédiction, mais à coup sûr il espérait que ça se retourne contre Athéna un jour...

En dehors de son nom, à vrai dire elle ignorait tout de lui si ce n'est que Rhadamanthys et l'autre brute empoisonnée l'avaient croisé. Si ces deux là s'en étaient sortis, pourquoi en serait-il autrement pour elle?
La vermine était malheureusement réellement plus forte que la déesse et les premiers coups furent difficiles à encaisser. Titubante, Hécate porta ses doigts au liquide s'écoulant de son nez dont le craquement à lui seul avait signalé qu'il était cassé. Son sang bleu teintait sa peau et cette vision lui déplaisait fortement. Outre de signaler que ce corps était son corps originel, il était extrêmement humiliant de savoir qu'un mortel était parvenu à ce résultat. La jeune femme essuya ce sang d'un revers de la main mais, profitant de cet instant, son adversaire se saisit de sa gorge et ses jambes quittèrent alors soudainement le sol.

Se saisissant précipitamment du bras qui l'avait empoignée, son arme était tombée dans le sable. Il lui fallait le faire lâche le plus rapidement possible avant qu'elle manque d'air. Le fait qu'il l'attaque uniquement au corps à corps était une preuve en soi qu'il n'avait pas non plus assez de puissance pour utiliser son cosmos, et c'était sa chance pour lui échapper, et éloigner Zélia toujours près de la rivière.
Malgré la douleur et l'air quittant rapidement ses poumons, Hécate parvint à asséner un violent coup de talon au visage du chevalier, la libérant sur le coup même si elle tomba lourdement au sol, lui coupant la respiration quelques secondes. L'hésitation n'était toutefois pas permise et elle se mit d'emblée à chercher sa dague du regard, la trouver, s'en saisir et plonger sur son ennemi, visant la zone non protégée de sa cuisse droite, déterminée à lui sectionner l'artère. Ce n'était pas un coup dont elle pouvait être fière, mais il lui permit de gagner du temps et reculer de quelques pas pour reprendre son souffle.

- Un simple mortel à peine plus puissant... un mortel sans sa déesse pour lui accorder le pardon... un mortel qui ne vaut pas mieux qu'un spectre puisque vous tuez pour le plaisir et l'autosatisfaction.

Au final, Rhadamanthys, Jinn, Saga,... tous les mêmes à différents degrés d'hypocrisie... Au moins les deux premiers assumaient leur violence alors que lui prétendait... prétendait quoi? Défendre la petite fille dont il n'avait même pas remarqué qu'Hécate ne lui voulait aucun mal?
De plus en plus en colère, la déesse l'attaqua à nouveau, visant chaque faille de l'armure, chaque centimètre de peau non protégé que cela soit le bras, les jambes ou même les yeux. Sa force brute était inférieure à celle de l'Or mais elle ne plierait pas devant lui. Elle pouvait le renverser, lui briser des os ou planter une dague dans un poumon, mais il paierait en litres de sang les blessures qu'il lui infligeait.
Hécate se saisit d'une poignée de sable qu'elle lança au visage du chevalier pour se jeter à nouveau sur lui, sa dague se dirigeant sans hésitation sur sa trachée.

Si Hécate n'était pas autant retranchée dans son orgueil, elle aurait vu bien plus tôt que sa défaite était inéluctable. Mais que serait un dieu sans la prétention qui l'accompagne? Avait-elle réellement tort d'ailleurs? Ses faits d'armes parlaient d'eux-mêmes mais en cet instant, aucun souvenir de bataille en Grèce ne pouvait l'aider.
La conversation avec Rhadamanthys lui revint brièvement. La déesse avait alors parlé de se rapprocher du chevalier d'or, s'il était encore vivant, pour s'en faire un allié et partir d'ici. En cet instant pourtant, elle lui souhaitait surtout une très lente noyade dans la cascade de sang. Si seulement elle s'était plus entraînée au corps à corps, peut-être s'en sortirait-elle mieux. Il était quasi certain qu'elle aurait pu prendre le dessus ou du moins épuiser bien plus vite le chevalier en sachant mieux se déplacer, attaquer et esquiver.
Tout ce qu'elle parvint à faire fut une entaille à la cuisse qui, certes, demanderait des soins mais était loin de l'artère fémorale tranchée qu'elle avait souhaité. Pour tout le reste, ce furent des échecs lui valant d'autres os brisés, son coude.
Le cri qui échappa ses lèvres lui sembla étranger tant le son était nouveau. Hécate avait déjà été blessée, parfois, mais un os cassé? Jamais. La dague gît donc dans le sable alors que son bras tentait désespérément de bouger. Malheureusement, la douleur était bien trop aiguë pour envisager un quelconque mouvement et faisait en plus écho à la douleur de son visage, son nez saignant encore depuis le coup de genou qu'il avait reçu.

Dans une scène qui devait faire pitié à voir, la déesse tenta de se débattre avec son bras valide encore moins entraîné que l'autre. Ce fut bien entendu en vain, le chevalier d'or prenant aisément le dessus pour la plaquer au sol, visage dans le sable. La jeune femme se débattit du mieux qu'elle le pouvait, aggravant par là même ses blessures malgré la douleur lui arrachant des gémissements. Son corps réagissait lui aussi, cherchant à échapper à cette poigne impitoyable en voulant canaliser tout le cosmos qu'il pouvait ressentir. Seulement, il ne parvint à rien en dehors des mêmes effets qu'auparavant, à savoir les volutes d'ombres qui l'entouraient. Cela l'épuisa même encore plus et, ne pouvant plus résister à la pression l'amenant contre le sable, la déesse se retrouva avec l'arcade sourcilière droite ouverte à laquelle collait les grains du désert qui s'insinuait également dans son nez et sa bouche.
Lorsqu'il la fit se redresser enfin, Hécate se débattit encore, sans relâche. Le sang brouillait en partie sa vision mais heureusement l'armure d'or n'était pas difficile à repérer... si seulement cela faisait une différence.

Alors que le saint la traînait vers la rivière, la jeune femme chercha Zélia du regard, voulant lui dire de fuir. Cependant, le dire attirerait l'attention du chevalier sur la petite et s'il décidait de la prendre en chasse, Hécate serait impuissante et ne pourrait pas la défendre. Bien qu'il l'ait attaquée pour, en théorie, protéger la petite, le Gémeaux avait changé de personnalité depuis, et celle-ci semblait d'une cruauté qui n'aurait pas fait tâche chez les spectres, quoiqu'il prétende. Faute de mieux, la déesse fit donc des gestes semblant désordonnés mais bel et bien dirigés vers la fille pour lui signaler de repartir à la caravane.
La manipulant toujours par ses cheveux, le chevalier la força à s'agenouiller dans la rivière, et plaqua son visage contre un rocher. La roche, brûlante d'être exposée au soleil du désert, lui brûla la peau et contrastait avec la fraîcheur de l'eau qui s'écoulait le long de ses jambes. Cela ne la soulageait pas pour autant de la pression sur son visage ou sa poitrine, elle aussi collée au rocher à cause de la forme de ce dernier. Allait-il lui comprimer la tête jusqu'à ce qu'elle explose? C'était un châtiment que la déesse avait toujours détesté et interdit chez ses spectres, bien que certains y avaient sans aucun doute eu recours dans son dos. Et voilà qu'un chevalier d'Athéna, défenseur autoproclamé des faibles, allait lui infliger ce sort alors qu'elle faisait partie des innocents?
Faiblement, toujours faiblement, Hécate tentait de se redresser, poussant sur son bras valide avec la force du désespoir et une rare lucidité quant au sort qui l'attendait.

Puis le coup vint.

Elle ne s'en souvient qu'à peine. Son visage ne touchant plus rien puis le bruit de craquement, encore, avant que sa vue se brouille et que son ouïe ne perçoive les sons comme s'ils se situaient à une lointaine distance. Sa peau la brûlait, l'air entrait et sortait par sa bouche qui laissait aussi s'écouler un liquide chaud granuleux, un de ses yeux s'ouvrait et se fermait sans vraiment regarder quoique que ce soit, tandis que l'autre était toujours contre le rocher, et sa poitrine... sa poitrine lui faisait mal dès qu'elle inspirait, coupant ses respirations, les rendant saccadées, irrégulières... ce n'était pas... ce n'était pas normal... son armure aurait dû tenir, aurait dû résister alors pourquoi... pourquoi avait-elle si mal.

On la manipula encore et la lumière soudaine perçant ses deux globes oculaires la ramena à un semblant de réalité. Le saint des Gémeaux avait à nouveau changé d'apparence, ses paroles étaient plus douces et surtout, Zélia était toujours là, bien visible. Hécate ne comprit pas ce qu'il lui dit, obsédée par l'idée de partir, de ramener la petite à la caravane. Il l'avait allongée mais, s'arrachant un râle de douleur, la déesse se releva, bras droit immobilisé, bras gauche sur sa poitrine comme si ça pouvait l'aider à mieux respirer et se rapprocha de la jeune fille pour lui faire reprendre le chemin du retour.

- On retourne à la caravane. Je te suis... ne t'arrête pas... ne t'arrête surtout pas et rejoins tes parents.

Ignorant la présence du chevalier, la blessée suivit la petite qui lui avait pris la main, comme pour s'assurer qu'elles rentreraient bel et bien ensemble. La jeune femme n'avait aucune intention de la laisser rentrer seule mais... quelque chose n'allait pas... tout faisait mal en dehors de ses jambes qui la faisaient avancer plus par automatisme qu'autre chose. Son visage faisait mal, sa tête... sa tête semblait être bloquée dans un étau qui se resserrait de plus en plus, son bras droit et sa poitrine la lançaient à chaque pas qu'elle faisait et sa respiration bruyante était régulièrement coupée par la douleur à sa poitrine.
Mais elle avançait.
Que ce soit par l'adrénaline du combat ou son caractère borné, Hécate continuait d'avancer, se répétant qu'elles n'étaient pas si loin du convoi et qu'elles pourraient souffler pour de bon une fois arrivées. Son esprit se concentrait uniquement sur ça et sur des appels à Rhadamanthys, espérant que le Juge pourrait l'entendre ou percevoir son énergie et venir l'aider... l'aider... elle... mise à mal par un seul chevalier d'or dont elle ne se préoccupait même pas de s'il les suivait. Lui n'était pas important, Zélia l'était, elle devait aller à la caravane.
Le chemin aurait pu se faire intégralement ainsi si son état n'empirait pas à chaque seconde. Combien de temps s'était écoulé? Cinq minutes? Dix? Quinze? Ca n'avait pas vraiment d'importance car la déesse voyait de moins en moins bien, sa vue masquée par des tâches blanches de plus en plus présentes, recouvrant le paysage désertique. Chaque pas accentuait la douleur qui parcourait ses os et la chaleur l'accablait à chaque seconde qui passait.
Sa marche se mit à ralentir au point que même la petite le remarqua. Elle lui dit quelque chose qu'Hécate ne comprit pas.
Son coeur battait à tout rompre.
Elle avait peur, une des rares fois de sa vie,
Elle avait peur.
Allait-elle.... Allait-elle mourir ici?
Non, on ne peut pas mourir de simples plaies au visage et quelques os cassés,
Mais elle était si faible,
Son ouïe ne parvenait plus à saisir les mots qu'on lui disait,
incapable de faire obéir son corps,
incapable de dire ce qui lui faisait le plus mal
incapable de voir
tout était blanc
ses propres pieds ne parvinrent plus à faire un pas correctement
elle s'effondra.


Arrivés en vue de la caravane, Zélia ne tenait plus en place. La petite se mit à courir en appelant ses parents, se faisant remarquer par tout le monde qui dirigèrent alors leurs regards vers la jeune fille et l'inconnu. Les dits parents rejoignirent leur fille et écoutèrent ce qui s'était passé, comprenant immédiatement qu'il s'était passé quelque chose de grave. Le chef de la caravane lui-même les avait rejoints et était allé à la rencontre de l'inconnu pour observer l'état de la jeune femme.

- Par les dieux... qu'est-ce que vous avez fait?, gronda-t-il à l'attention du chevalier avant de se tourner sans attendre vers un de ses hommes. Thern! Vide ce chariot, on va la mettre dessus. Ragni! Sonne le cor, fais revenir tout le monde, on part dès que possible.

Les interpellés Thern et Ragni obéirent sans broncher. Le son du cor résonna dans l'air du désert, annonçant le départ prochain du convoi. Les parents de Zélia, eux, restèrent non loin du chariot transportant Hécate pour lui donner de l'eau avant de placer une toile au dessus d'elle. S'ils l'aidaient car leur fille leur avait expliqué contre quoi l'avait protégée la déesse, ils étaient tout de même inquiets face à ce sang bleu qu'aucun humain ne devrait avoir, et jetaient aussi des coups d'oeil méfiants à l'inconnu en armure d'or.

Est-ce que les dieux rêvent?
Un mortel lui avait posé cette question un jour. Ce n'était qu'une question lancée au hasard, dans le but d'entretenir la conversation, de discuter de ce que des êtres pouvant tout simplement créer pouvaient bien vouloir au point d'en rêver. Hécate n'avait pas participé à ce débat mais s'en souvenait. La réponse était simple... non. Le sommeil ne leur était pas vital bien qu'ils pouvaient s'endormir pendant des siècles. Morpheus avait toutefois pu déjà en insinuer dans les esprits divins, mais uniquement à leur demande.
Aujourd'hui, lorsque la déesse se sentit tout à coup cahotée aux grincements d'un chariot, entendant des voix autour d'elle, elle crut qu'il s'agissait d'un rêve, quand bien même il lui était impossible de voir. La réalité la rappela toutefois vite à elle lorsqu'un choc plus violent que les autres relança la douleur à son bras et sa poitrine.
Ouvrant difficilement les yeux, son regard balaya son environnement, remarquant des silhouettes autour d'elle, mais aussi des voix qu'elle mit plusieurs secondes à déchiffrer. Tout semblait si lent et flou. Elle pouvait parler, elle aurait pu mais sa tête était toujours lourde, comme si un cercle de fer la comprimait. Le paysage se mit d'ailleurs vite à tourner, la forçant à fermer les yeux à nouveau le temps que la sensation passe ; ce qui ne vint jamais au final.

Il faisait aussi chaud. Si chaud.
Enlever son armure l'aurait probablement aidée mais il était hors de question de demander de l'aide, encore moins la laisser entre des mains inconnues ou athéniennes. Les dites mains athéniennes se saisirent d'ailleurs de la sienne sans s'enquérir en premier de sa permission. L'aura qui s'en dégagea ensuite la soulagea, il aurait été hypocrite de dire le contraire, mais Hécate ne put s'empêcher d'assassiner le chevalier du regard et dégager sa main, préférant endurer la douleur que se laisser encore être touchée par celui l'ayant mise dans cet état. La déesse ne lui fit même pas la politesse d'une réponse, portant plutôt son attention sur Zélia qui s'était saisie d'une outre d'eau, et mettait tous ses efforts pour la faire boire sans en mettre à côté. Le liquide fut en effet un soulagement bienvenu bien que le goût du sang était toujours présent. Malgré cela, la conscience de la déesse s'effaça à nouveau.

Le convoi ne fit pas d'arrêt jusqu'à l'arrivée à la capitale qui, heureusement, put être rejointe en seulement quelques heures. Les voyageurs commencèrent alors à se disperser, à l'exception de la famille de Zélia qui, après discussion avec le chef de la caravane, fut autorisée à prendre le chariot pour amener la blessée jusqu'au guérisseur. Ils laissèrent le chevalier les suivre, n’ayant pas vraiment la force ni l’influence de l’en empêcher s’il décidait de leur résister de toute façon.
Hécate reprit conscience sur le trajet, l’esprit un peu plus clair que tout à l’heure maintenant qu’ils parcouraient des rues ombragées et un peu plus fraîches que le désert. La jeune fille lui demanda comment elle se sentait et la déesse, ne voulant pas l’inquiéter outre mesure, lui dit qu’elle se sentait bien mieux. La blessée constata par contre avec déplaisir que le chevalier était toujours présent, au moins respectueux de ses dires tout à l’heure, il semblerait.
Lorsque le chariot s’arrêta, le père de famille entra chez le guérisseur et Hécate se redressa avec la ferme intention de marcher.

- Hey, hey, doucement là. Vous devriez rester allongée vu votre visage…

Un homme assez âgé, du moins assez pour commencer à avoir une barbe grisonnante, était sorti de la maison et s’était approché de sa future patiente. Toutefois, une fois à son niveau, il s’arrêta pour observer le dit visage.

- Mmh, je soigne des humains moi, je sais pas ce que vous êtes jeune fille, mais du sang bleu j’ai jamais vu ça et je tiens pas à savoir à quoi c’est dû.

La déesse lui aurait bien fait ravaler ses paroles, que ce soit pour son refus de l’aider -ce qui était paradoxal puisqu’elle aurait aimé qu’on ne l’aide pas, question d’ego divin- ou qu’il l’appelle si familièrement « jeune fille ». La colère divine fut néanmoins devancée par l’armure d’or qui s’interposa et en à peine une minute, le guérisseur leur permit d’entrer.
Enfoncée dans son ego, Hécate ne consentit qu’à s’appuyer sur le père de famille pour entrer debout, et non tenue dans les bras comme une vulgaire demoiselle en détresse. Cela raviva toutes ses douleurs et, si elle mettait tout en œuvre pour ne pas laisser échapper un son, la crispation sur son visage avouait à quel point l’effort était pénible.

- D’ordinaire je vais chez les autres pour prodiguer mes soins, ma maison n’est pas assez grande pour accueillir tout le monde. Une personne peut rester, mais pas tous.

La famille jeta un regard au chevalier et, devant ramener le chariot au chef du convoi, n’eut pas d’autres choix que de partir. Cela n’empêcha pas Zélia de se planter devant Saga et le menacer de « revenir le voir pour fondre son armure si son amie n’allait pas mieux quand elle reviendrait la voir ».
L’homme âgé lui commençait déjà à ausculter la déesse qui n’était pas du tout à son aise, que ce soit par la douleur ou la situation en elle-même. Il était toutefois professionnel et posait des questions sur ce qu’elle ressentait afin de comprendre ce qu’elle avait.

- Ces pertes de conscience sont inquiétantes, il faut absolument vous reposer pour les deux semaines qui vont suivre.
- Deux semaines ? Je ne peux pas rester là deux semaines…, s’emporta de suite la divinité.
- Pour le reste, ignora le guérisseur, vous avez beaucoup de fractures. Il faudra surveiller les plaies pour les infections mais seul le temps peut réparer vos os… Mmh votre œil gauche est injecté de sang, vous avez des difficultés à voir ?
- … non…
- D’accord… je vais devoir touc..

Le physicien approcha une main du visage d’Hécate qui la repoussa sèchement avec son bras valide.

- Ne me touchez pas.

L’homme s’arrêta alors, semblant abdiquer face à la mauvaise humeur divine.

- Bon… Votre énergie à me repousser ne veut pas dire que vous allez bien, en est témoin la sueur sur votre front. Je vais aller chez l’apothicaire chercher les plantes qu’il me manque pour les cataplasmes et les anti-douleurs.

Il se tourna ensuite vers le chevalier, quelque peu ignoré jusqu’à présent

- Comme vous avez exigé que je la soigne, je vais vous mettre à contribution. Surveillez la pour qu’elle reste au moins assise, aidez-la à nettoyer le sang et il faudra enlever cette armure. Je fais vite. Si quoique ce soit arrive, allongez-la et attendez. Si elle se met à avoir des convulsions, empêchez-la d’avaler sa langue.

Sur ces mots, il sortit sans attendre, laissant Saga et Hécate seuls chez lui. La déesse, qui se remettait d’avoir été totalement ignorée tandis qu’on parlait d’elle, fixa son bourreau avec le pire regard assassin dont elle était capable vu son état.

- Ne pensez même pas me toucher. Croyez-vous que m’amener ici et utiliser un peu de votre cosmos va vous racheter ? Défenseur de la justice… même les Spectres atteignent rarement ce niveau d’hypocrisie.

Cette soudaine envie de bavardage lui monta à la tête qui se mit à tourner. La déesse étant assise, cela n’était pas vraiment visible -mis à part son visage devenant de plus en plus pâle sous le sang sèché- même si son estomac n’appréciait guère tout ces tournis.  
Ayant l’impression d’avoir le visage en feu, elle tendit sa main valide vers une bassine d’eau.

- Approchez-la.

Son regard restait toutefois sur le chevalier en qui elle n’avait strictement aucune confiance, comme on s’en doute. Une fois la bassine à portée, la jeune femme y plongea le tissu qui était à côté et l’utilisa pour laver lentement, très lentement, son visage.

- Qu’est-ce que vous allez faire quand le guérisseur en aura fini ? M’utiliser à votre profit une fois que j’aurai repris des forces ?

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HRP: Code couleur du guérisseur: #009933

L'eau se teinta peu à peu en bleu alors que le sang divin se mélangeait au liquide. Jamais, non jamais, Hécate avait vu autant de son propre sang versé. La douleur, toujours présente, se concentrait désormais sur les zones les plus gravement blessées qui ralentissaient considérablement ses mouvements sur tout le haut de son corps.
La conversation du chevalier aurait pu être une excellente diversion si sa présence n'exacerbait pas le mauvais caractère divin. Celui-ci empirait au fur et à mesure que la douleur demeurait, peu habituée à la ressentir aussi vivement et aussi longtemps. Elle était malheureusement conscience que cela n'était que le début, puisque le guérisseur avait annoncé au moins deux semaines de repos, alors comment allait-elle pouvoir conserver un semblant de self control tout ce temps? Il y avait bien les remèdes et autres potions qu'on lui ferait sans doute prendre. Après tout, si son corps était aussi faible, il devrait donc en théorie réagir à la médecine des mortels, logiquement.

Le tissu gorgé d'eau tomba lourdement dans la bassine -éclaboussant l'armure au passage- lorsque le Chevalier des Gémeaux annonça qu'il resterait avec elle jusqu'à sa guérison complète... Comptait-il vraiment s'imposer ainsi?

- Partis d'un mauvais pied, un malheureux concours de circonstances... vous avez l'art de l'euphémisme.

Le ton était le plus acerbe qu'elle pouvait donner en cet instant. Etait-ce là vraiment les seules expressions qu'il était capable de sortir pour décrire leur rencontre? Son humeur ne s'arrangea lorsque, en plus d'imposer effectivement sa présence à ses cotés, il osa poser sa main sur l'épaule divine. En un dernier effort de patience pourtant épuisée, Hécate ne fit aucun mouvement pour se reculer, pensant avant tout à éviter de raviver la douleur.

- Ne pensez même pas pouvoir manipuler cette armure...

Hostile... et en même temps qui essayait de devenir plus diplomate, espérant que cette bonne volonté seule soulage au moins son mal de tête. C'est également pour cette raison que la déesse daigna prêter attention aux dires du chevalier et, sans même s'en rendre compte, la diversion fonctionna enfin. Il faut dire que les questions de son (ex?) adversaire étaient pour le peu étonnantes... Il ignorait qui était Athéna mais son autre personnalité en avait parlé et avait même défendu son nom, pourtant il se rappelait également de Rhadamanthys? Cela ne faisait pas grand sens dans son esprit dont le cerveau semblait être persécuté par un mini marteau invisible. Toujours dans l'optique d'ignorer justement son état, Hécate accorda une réponse... sans pour autant aller jusqu'à la draper de bienveillance et de compréhension non plus.

- J'ai du mal à croire que ça soit possible. Vous ne vous êtes pas demandé d'où venait cette armure? Pourquoi personne d'autre ne pouvait la porter? Et votre autre personnalité à la patience d'Arès, n'est-elle même pas assez réfléchie pour prendre la peine de vous écrire quelques explications?

Elle reprit brièvement le tissu gorgé d'eau pour essuyer son front sur lequel perlait à nouveau la sueur.

- Athéna est votre déesse, celle de la Sagesse et de la Guerre, celle que vous avez juré de protéger. Vous ne vous souvenez vraiment de rien? Pourtant, j'imagine que l'entraînement des recrues n'a pas dû être de tout repos... Maîtriser le cosmos, combattre votre double maléfique -car je serais surprise que ça ne soit jamais arrivé-, ça ne vous dit vraiment rien?

Elle passa le tissu sur sa joue, la fraîcheur apaisant quelque peu l'effet de brûlure.

- Votre mission est de protéger la déesse et accessoirement, la Terre. Il est possible que vous soyez d'une génération qui n'a pas connu de guerres saintes mais d'ordinaire, il y a deux menaces divines majeures qui pèsent sur votre maîtresse: Poséidon et Hadès. Pour ma part, je sers ce dernier, et Rhadamanthys est un de nos généraux. Il vous a mentionné lorsque nous nous sommes rencontrés ici. Je suis certaine qu'il sera ravi de connaître vos récents exploits. *Elle marqua une pause pour se redresser et tenter de soulager cette impression de poids sur sa poitrine qui se faisait de plus en plus forte* Votre double ne m'a pas reconnu, c'est que nous ne sommes pas de la même époque, mais vous n'êtes pas le premier Gémeaux que je croise, et vous n'auriez pas été le premier que je tue non plus... Dire qu'il y a un peu plus d'un mois, j'étais au Sanctuaire...

Cette durée, pourtant si ridicule au regard d'une divinité, sembla soudainement dater d'un âge révolu. Que ne donnerait-elle pas pour retourner là bas, quand bien même la guerre n'était pas terminée... Seulement la guerre était présente ici et les séquelles on ne peut plus réelles. Le poids sur sa poitrine s'intensifiait toujours lorsque la déesse vit le chevalier s'approcher un peu plus pour retirer son épaulière.
Tout à coup, tout son corps se tendit et eut un brusque mouvement de recul l'amenant à se lever et s'éloigner de l'autre. Elle percuta la bassine au passage qui malgré quelques dangereux balancements, ne se renversa pas.

- JE VOUS INTERDIS DE ME TOUCHER!

La pression dans son crâne se resserra un peu plus, sa vision devint blanche mais rien ne semblait passer au travers de son esprit en dehors de cette idée qu'il ne devait pas... ne pouvait pas la toucher. Serait-ce de la peur? Si c'était le cas, il était certain qu'Hécate le nierait en bloc quand bien même il n'y avait pas un grand choix de justification pour ces réactions épidermiques.
Malgré la confusion de ses sens, deux éléments étaient clairs: la commode de bois sur laquelle elle s'appuyait avec son bras valide et la tâche dorée face à elle indiquant la position du chevalier. Seulement, il fallait reconnaître que ce dernier avait certainement raison et l'armure devait être enlevée. Son bras valide se plia donc et elle glissa deux doigts sous le métal au niveau de son cou comme pour en détacher le plastron. Heureusement, son armure semblait avoir au moins gardé l'instinct de ces instructions, à l'instar de son rôle de protection. En un ensemble étonnamment fluide, les différentes pièces de son armure quittèrent son corps et allèrent s'assembler sous sa forme totem dans un coin inoccupé du logement.
La déesse se retrouva donc avec une simple tunique face au Gémeau. Son regard descendit tout d'abord vers son coude droit dont la forme et la couleur ne permettait aucun doute sur la présence d'une fracture, puis il descendit sur la dite tunique dont le haut était teinté de bleu et, au travers des pans du col, où ils pouvaient remarquer la formation d'un hématome au niveau de sa poitrine. Le poids sur cette dernière s'était toutefois bel et bien allégé.
Au bout de quelques minutes où il lui avait été difficile de faire vraiment attention aux alentours, son corps revint à un niveau de douleur... difficile mais acceptable tant qu'il était difficile.

- Sachant qui je sers, vous comprendrez que j'ai du mal à croire que vous puissiez simplement faire tout ça par bonté d'âme ou même simplement par remords. Cela dit à ne pas signer votre blessure, vous me mâchez le travail.

Si la douleur ne l'avait pas encouragée à se retenir de rire, Hécate l'aurait fait devant la naïveté touchante du chevalier d'or.

- Le Chevalier des Gémeaux de la dernière guerre croyait aussi en ma bienveillance pour avoir sauvé une femme lorsqu'il était enfant... Il a dû oublier les bandits dont je me suis débarrassée sans remords en même temps. Est-il si... inconcevable que le Sanctuaire ait volontairement gardé les histoires les plus sordides sur les Spectres pour... qui sait... s'assurer de l'hostilité de ses troupes envers ces derniers? On s'attarde rarement sur la générosité de son ennemi, surtout quand les enjeux sont planétaires.

La déesse était et demeurerait loyale à Hadès, quoique les autres essaient de prouver au travers de quelques actions "bienveillantes". Elle ignora d'ailleurs la dite bienveillance de son interlocuteur lui intimant de mieux s'installer. Au fond, entre les pics de douleur et les fluctuations de son esprit tentant de tenir la route au milieu des informations données tant physiques que sonores, Hécate était vexée. Vexée qu'il ne s'en sorte qu'avec une plaie "pas trop inquiétante" parce qu'elle avait manqué l'artère alors qu'elle se retrouvait dans cet état misérable...
Elle l'observa encore, alors qu'il venait de finir de panser sa blessure. Il était silencieux, comme s'il était dans ses pensées. Allait-il encore réitérer sa demande qu'elle s'allonge?
Si seulement.
Au lieu de cette invite qu'elle aurait bien entendu repoussé, les cheveux bleus laissèrent place aux cheveux gris et aux yeux rouges. Le regard de la déesse se fit alors plus dur, peut-être même inquiète. Qu'il ait ôté son armure juste avant avait largement contribué à la calmer intérieurement mais ce n'était plus si sûr désormais. Le ton qu'il utilisa ensuite pour faire sa "demande" ensuite n'aida pas à diminuer son sentiment de malaise. Pourtant... Hécate pouffa. C'était juste quelques... respiration, un rire très bref coupé par la douleur de sa cage thoracique mais incontrôlable.

- Vous me frappez presqu'à mort mais un vieil homme vous met mal à l'aise? Par tous les Olympiens... Donnez moi un verre d'eau.

Elle tenta de respirer de manière plus courte, afin de calmer la douleur qui s'était ravivée mais rien ne changea. Elle n'avait pas soif non plus d'ailleurs, mais entre la traversée du désert et son état actuel, mieux valait ne pas ajouter la déshydratation par dessus. Pendant qu'il était occupé à la servir, la déesse fit les quelques mouvements nécessaires pour au moins s'asseoir sur le lit. Etre réellement assise soulagea un peu la fatigue et sa tête fit un peu moins mal, signe que s'allonger allait très probablement être plus efficace. Malheureusement l'entêtement divin parvenait encore à la maintenir consciente.
Hécate se saisit de la coupe d'eau et en but quelques gorgées, observant plus en détail le chevalier face à elle maintenant que sa vision s'était stabilisée.

- Vous êtes le premier Gémeau que je rencontre avec une... affliction aussi prononcée.

Ce n'était pas non plus comme si elle s'était longuement attardée sur ces derniers, étant avant tout des ennemis mais la curiosité avait toujours été un de ses traits principaux.

- Comment ça fonctionne? Vous vous considérez... comme une même personne? Vous vous faites appeler comment? .... Comme l'autre? ... Je vous appellerai bien Mania... vous me le rappelez...

De mémoire, la divinité savait que les Gémeaux étaient, tout comme leur signe, toujours des jumeaux. Seulement avec une telle différence de personnalité, un tel changement, serait-ce possible qu'il n'ait pas de jumeau à proprement parler mais juste cette identité intérieure dont il ne pourrait jamais se débarrasser? Quand bien même elle n'aimait pas ce chevalier gris, il lui était difficile de contenir cette curiosité qui la maintenait encore assise.