Roi et reine. (chasse)

Dans Kosaten, il n’y a pas vraiment de saisons. Peut-être est-ce parce qu’il n’y a pas d’histoire de rotation autour d’une soleil avec un axe incliné, qu’en sait-on, mais toujours est-il que cela implique une certaine monotonie dans la météo d’une zone donée. Au nord ouest du continent, protégée des ennemis par les montagnes, la nation de Reifuu vit toujours dans le froid, souvent dans la neige et la glace. De l’île tombée à l’est de Shuzâ, le climat est tempéré, la végatétation présente et verte, l’hygrométrie suffisante mais pas étouffante. Enfin les territoires du sud sont arides, chauds et secs. Il suffit alors que les relations entre les nations se tendent, et voilà la population cantonnée à son climat habituel et monotone.

Heureusement, ce tableau déprimant n’est qu’une peinture grossière de la réalité. Le climat se rafraîchit fortement sur le territorie de Shuzâ se situant proche de la frontière avec Reifuu, et il ne neige pas que d’un seule côté des montagnes. Mais aussi, une excroissance de terre au sud descend au niveau de Kaen, et sa pointe se situe même au même niveau que Feng, la capitale de la nation du sud. C’est à ce niveau qu’a décidé de s’installer un Seiba Royal, qui profite du climat chaud mais suffisemment humide des calanques.

C’est un endroit parfait pour s’installer, fait de terre souple et herbeuse, mais aussi de roches, d’arbres et d’eau. La vie y foisonne : les poissons comme les oiseaux et certains mammifères y trouvent leur pain quotidien. Seule l’eau peut poser problème - contrairement à ce que pourrait laisser penser l’étendue bleue qui s’étend à perte de vue. En effet, l’océan est trop salé, et les cours d’eau qui s’y jettent le sont également sur la partie proche des côtes. Cela provoque souvent des rencontres entre ceux qui cherchent à se désaltérer, et fait souvent l’objet de lutte de territoires… ou simplement de remise à jour de la hiérarchie, sans véritable combat.

C’est d’ailleurs ce qui se passe à l’instant entre le Seiba et l’ours qui se croisent sur un ruisseau d’eau douce qui sinue sur un lit de pierre. Le félidé vient s’abreuver sans se poser de questions : il est partout chez lui. Mais l’ours grogne en le voyant s’approcher : ceci est son repère, hors de question de laisser un autre prédateur en profiter. Alors le Seiba daigne noter sa présence, et immédiatement montre les crocs et s’approche à pas de velours. Hors de question de laisser passer cet affront, on ne lui commande pas son attitude ou encore s’il peut boire ici ou non. L’ours se dresse sur ses deux pattes et bombe le thorax, et mesure alors entre trois et quatre mètres de haut. De quoi impressionner n’importe quel animal. Mais le Seiba Royal n’est pas n’importe quel animal. Il est fier et majestueux, mais aussi puissant et dangereux. Il continue de s’avancer et se tient droit, son garrot culminant à presque deux mètres de haut, son poitrail gonflé. Presque trois-cent kilos de muscle s’avancent sans le moindre doute. Il avance une patte, et pousse un rugissement d’intimidation.

L’ours pousse un grognement frustré et se remet à quatre pattes avant de baisser la tête en signed e soumission. Il recule sans tourner le dos au Seiba, puis lorsqu’il s’estime assez loin, tourne les talons et s’en va. Le Roi des calanques -autoproclamé bien sûr - se désaltère tranquillement, plus personne ne viendra l’embêter. Il se lèche les babines et grimpe sur les rochers qui bordent le ruisseau non loin. Fièrement dressée sur ses quatres pattes, il laisse le vent qui vient de derrière lui lui ébourriffer les poils et se tient droit. Mais lorsque la bourrasque cesse, une odeur se diffuse au niveau de son museau, la trace venant du sol. Il bondit alors dans le sable et se tourne … face à la vampire qui sortait de sa sieste. Pas inquiet, l’animal l’observe avec curiosité.

Le Seiba humait l’air autour de lui, tâchant d’en savoir plus sur l’être qui se tient face à lui. L’odeur et l’aura qui se dégageait de la créature ne collait pas avec son apparence humaine,  c’est pourquoi il ne l’identifiait pas à un homme, ou une femme. Ce n’était pas le genre de cet animal de se fier plus à sa vue qu’à ses autres sens, et ici, il sentait qu’il était face à un être qu’il n’avait jamais croisé, ou alors trop rarement. Toujours immobile, fièrement dressé sur ses pattes face à l’inconnu, il sursauta lorsque, non loin, un flash de lumière attira son regard, accompagné d’un bruit retentissant. Un petit être, lui aussi pas vraiment humain, était apparu là où un instant plus tôt ne se tenait que le vent qui caressait l’herbe des calanques. Méfiant, le Seiba Royal se baissa sur ses appuis, prêt à bondir, et les poils sur son échine se hérissèrent, tandis qu’il feulait avec méfiance. Le petit être s’approcha du moyen, et les deux discutèrent tranquillement, comme si le bête face à eux n’était pas connue pour être mortellement dangereuse. Cette dernière, toujours méfiante suite à l’appirition innopinée de Reecon, commença à montrer les crocs, et alors Eleanor choisit ce moment pour activer sa magie, modifiant de manière importante son apparence au passage. Le Seiba Royal décida alors que c’était assez, et comme face à l’ours, décida de s’imposer avec classe et efficacité. Il montra les crocs et poussa un grognement de menace.

C’est alors que quatre projectiles de sang filèrent droit sur le Seiba. Celui-ci évita d’un bond le premier, et en profita pour présenter son flanc armuré face aux deux suivants, qui s’écrasent sur les plaques de métal doré avec un bruit déjà conséquent. La dernière balle le toucha en plein dans la cuisse, mais bon, au pire il aurait un hématome le lendemain. Quant au coup de bâton du garçon, il ne le sentit même pas, l’attaque était risible. Rien de bien menaçant jusque-là, cependant c’était l’insulte de s’attaquer au Roi des calanques qui était insoutenable pour ce dernier. Il poussa un rugissement de colère à en faire trembler jusqu’à la biche la plus lointaine, et se jeta sur la vampire toutes griffes et crocs dehors, près à lui tomber dessus de tout son poids et de sentir son sang sur sa langue râpeuse de félidé. Il n’allait pas lui laisser de répit, et donc enchaîna les coups de pattes et tentatives de morsures, ignorant son rejeton qu’il ne considérait pas digne de son attention. Et puis, s’il faisait fuir la mère, un simple grognement devrait faire déguerpir le garçon.

Alors que le félidé avait chargé toutes griffes dehors, un dôme de sang entoura la vampire, et pour quelque chose de fluide, cela était pourtant bien solide lorsqu’il s’écrasa dessus, truffe la première. Le bout du nez sensible à cause du choc, il avait réitéré son attaque avec plus de méfiance, et s’était encore heurté à un mur de sang, poitrail le premier. Être ainsi repoussé par du sang était plus que frustrant, car c’est ce que le félin aurait voulu faire couler de lui-même, plutôt que de le voir ainsi étrangement manipulé par son adversaire. Adversaire qui dut ensuite se démener pour éviter les assaults du Seiba, et ne put les esquiver tous.

Il s’apprêtait à continuer ses attaques les unes après les autres, mais soudain le décor changea. Les deux vampires avaient disparu, et une magnifique femelle se pavanait près de lui. Il resta un court instant hésitant, mais bientôt le décor changea une seconde fois : les flammes envahirent la région, la chaleur était suffoquante … Le Seiba Royal était un animal intelligent, et il avait compris qu’on se jouait, le changement avait été bien trop brutal et pas assez naturel. Mais malheureusement, cela ne l’aidait pas à se sortir de l’enchantement, et la chaleur de l’incendie qui se propageait lui semblait bien réelle. Il commença à s’agiter… et tomba alors à cause de l’irrégularité du terrain qu’il ne voyait plus dans sa réalité. Il roula sur un petit mètre avant de se heurter à de la roche, ce qui le sortit de l’illusion non sans violence. Un nouveau tir de sang lui arriva droit dessus, et à nouveau, il n’eût que le temps d’exposer les parties armurées de son corps en priorité. Cela réduisit considérablement l’impact, et évita également que le poison qui se trouvait dans le sang ne commence à lui paralyser les membres, même si pour autant, il sentit l’attaque passer.

Il utilisa la même stratégie contre la balle suivante, mais à la douleur que lui fit l’impact, il décida ensuite de bondir sur le côté à chaque nouvelle attaque. Lorsqu’il vit une ouverture, il se jeta à nouveau avec rage sur Eleanor. Il se doutait qu’elle pouvait probablement invoquer à nouveau sa barrière magique, mais il espérait réussir à affaiblir la mage suffisamment pour finir par l’empêcher de se protéger. Il n’allait pas laisser cette allumette lui prendre son territoire tout de même !

La vampire ne cédait pas un pouce de terrain à son adversaire. C’était un mage puissant, capable de manipuler le sang avec précision au moment de tirer à l’aide de son sniper magique, et avec force lorsqu’il fallait en faire une barrière de protection. Sa maîtrise de la magie du sang couplée à son agilité rendait difficile de la blesser pour le Seiba Royal, qui était maintenant débordée par les tirs.
Il dût puiser dans ses ressources pour éviter un tir empoisonné, avant de se prendre le suivant dans les flancs et d’enchaîner les bonds pour éviter tout ce qu’il pouvait - et il n’y arrivait pas à chaque fois. Résultat, il ne lui restait que de très courtes fenêtres d’attaques, pendant lesquelles il donnait donc toute sa puissance, espérant que son ennemie finirait par être à court de ressources et se prendrait de plein fouet la puissance de sa machoîre dans l’abdoment. Bondissant et chargeant la gueule ouverte, il tentait également de placer des coups de pattes, toutes griffes sorties. Allait-il mourir aujourd’hui ? Il sentait que ce n’était plus un combat de territoire, mais qu’il se battait pour sa vie...

Le félidé devait désormais se rendre  à l’évidence : il n’avait aucune chance. Un nouveau tir de la snipeuse transperce l’armure de l’animal avant de tracer un trou dans sa chair et d’y empoisonner son sang. Sa vision devenait trouble, mais il crut voir un instant son adversaire tomber à genoux. Mais c’était impossible. Il secoua la tête. C’était impossible. Il se heurta à une racine et trébucha, avant de secouer à nouveau la tête, chassant l’illusion de son esprit non sans mal. Un deuxième tir. Il utilisa ensuite ses dernières forces pour éviter les balles de sang suivantes, mais il était complètement dépassé par les évènements. Il finit par s’effondrer, le corps criblé de balles magiques. Ses paupières se fermèrent, et son souffle raccourcit.

Même si la vampire ne l’achèveait pas immédiatement, nul ne doutait que le prochain prédateur qui croiserait sa route ne se gênerait pas pour l’éliminer. Sa vie de Roi se terminait aujourd’hui...