Mauvaise surprise sur le sable [Chasse]

Mauvaise surprise sur le sable

La mer intérieure de Shintân était séparée de l’océan par un mince cerceau de terre sur la majeure partie de ses côtes, mais la chute de l’île céleste n’avait pas seulement éparpillé ses cristaux en ces endroits. Bien que cela la surprit, la marchombre trouva des plages de cristaux jusque très au sud de la nation. A vrai dire, elle se demandait même si elle était encore à Shintân ou si elle se trouvait sur les Terres Neutres, car les cartes ne faisaient pas état de frontière vraiment nette. A mesure que l’élue se dirigeait vers le sud à une vitesse folle - les joies d’être une élue puissante - la température se réchauffait à vue d’oeil. L’air s’asséchait, et bien qu’on en était pas encore à l’aridité extrême des déserts de Seika - ou plutôt de Kaen, mais la jeune femme n’était pas encore accomodée à tous les changements qui avaient eu lieu pendant ces mille dernières années, le climat était déjà digne d’attirer du tourisme de soleil. De plus, la plage sur laquelle se trouvait était pauvre en cristal brillant, et il y avait beaucoup d’éclats bien plus mats, ce qui réchauffait significativement l’air ambiant.

La marchombre commença à avoir chaud, c’est pourquoi Rawen se rétracta en partie et s’affina, la laissant les bras et le dos nus. Elle fixa l’horizon, et eût beau chercher elle ne voyait pas la terre de Kaen se dresser de l’autre côté du détroit, pas même la pointe d’un volcan - oui votre narrateur fait donc l’hypothèse d’une planète ronde pour Kosaten. D’après les cartes, il y avait moins de cent cinquant kilomètres. Trois jours de nage, en se reposant en planche. La jeune femme se demanda si c’était jouable. Si ça l’était, c’était alors le chemin le plus court pour atteindre Kaen. Elle soupira. Avec ce qui se passait à Shintân, elle devait rester dans le coin. Elle se baissa, et saisit un galet mauve dans le sable, avant de fixer la mer, trop agitée pour tenter des ricochets. Elle se contenta donc de jeter son caillou le plus loin possible.

Mauvaise surprise sur le sable

Alors que le soleil descendait lentement à l’ouest, un nuage passa et étendit son ombre au-dessus de la région. L’air se rafraîchit légèrement alors, privé de son rayonnement, et bien que le sable était encore chaud, la brise humide venant de la mer dominait alors. Puis les vents chassèrent le nuage et il fit à nouveau beau. L’endroit était paisible. Lexi se plaça alors face à la mer, les pieds ancrés dans la plage, et ferma les yeux. Elle prit une profonde inspiration en montant les mains vers le ciel, s’étira verticalement jusqu’à se tenir sur un pied ; puis elle expira lentement en redescendant vers le sol, une jambe repliée sous elle et la seconde qui s’étirait sur le côté. Elle recommença une seconde fois, changeant la jambe d’appui et celle d’étirement, et continua ainsi, changeant parfois de mouvement.

Puis un bruit étrangement de cisaillement dans le sable l’interpella. Elle rouvrit les yeux et cessa sa gestuelle marchombre pour analyser avec attention son environnement. Dans un premier temps, elle ne remarqua rien, puis la chose bougea à nouveau. Quelque chose se mouvait sous terre, quelque chose de vraiment gros. Sans un mot, elle dégaina ses deux lames jumelles tandis que Rawen la couvrait à nouveau entièrement, prenant sa forme optimale d’armure de métal sombre. A pas de loup, la jeune femme s’écarta de la source du bruit, tachant de mettre de la distance entre elle et la créature. Mais cela ne l’aida pas lorsque celle-ci sortit du sable.

Il s’agissait d’un vers sableux immense - bien qu’elle n’avait pas vraiment de comparaison en tête, vu que c’était le premier qu’elle croisait de sa vie - qui l’attaqua immédiatement avec un jet de bave. Rawen déplia son bouclier de métal depuis son épaule, deux fois face aux deux crachats. Bien que cela aida grandement la jeune femme, la substance était en fait très acide et perça les défenses de la jeune femme, avant de venir lui brûler la peau des bras et d’un tibia. Elle grimaça mais resta en mouvement malgré la douleur. Lorsque le vers se jeta sur elle tout crocs dehors, elle repoussa l’attaque avec ses avants-bras protégés par Rawen, puis se mit à virevolter pour éviter les coups de crocs du géant des sables. Malheureusement, si elle ne voulait pas passer son temps à se défendre et ce, jusqu’à l’épuisement, elle devait passer à l’attaque. Plusieurs fois donc, elle consentit à laisser les crocs de la chose lui attrapper ici le bras, ici lui griffer la hanche ; en contrepartie de quoi elle put placer ses propres coups.

La jeune femme se mouvait avec rapidité et agilité, mais cela ne l’empêchait pas de frapper avec force et puissance. Elle frappa de ses lames jumelles en visant la nuque du monstre, puis bondit à nouveau et chercha à porter deux coups simultanés au niveau de sa mâchoire. Puis elle bougea encore, vive comme un serpent, pour frapper de l’un ou de l’autre de ses poignards aiguisés. Ceux-ci étaient nimbés d’une pâle lueur, qui les rendait plus tranchant encore qu’ils ne l’étaient déjà avec l'entretien soigneux de la marchombre. En effet, à l’index de celle-ci brillait l’anneau du maître d’arme, gagné lors des jeux de Pump et Kin aux marécages. Un bijou puissant qui de plus, lui permettait d’invoquer une arme de son choix en cas de besoin.

Le vers avait frappé fort, elle allait lui montrer qu’elle en était capable aussi.

Mauvaise surprise sur le sable

La bave acide du vers sableux, ainsi que les nombreux coups qu’elle avait dû encaisser avaient fait du mal à la jeune femme. Sa peau la brûlait, son corps saignait là où les crocs de son ennemi l’avaient coupée, et des hématomes allaient apparaître sur ses bras avec lesquels elle bloquait régulièrement. Mais pour autant, sa stratégie paya. Devoir encaisser pour pouvoir placer ses propres attaques était certes risqué, mais elle avait réussi à faire reculer son adversaire. Celui-ci se protégea comme il put des coups les plus rapides de la marchombre, avant de se terrer dans le sable pour l’empêcher de lui infliger d’autres blessures.

Mais il ne fuyait pas non, il sortit à nouveau du sol et cracha encore son acide sur la marchombre, dans une pluie toxique qu’elle ne pouvait pas éviter. Rawen la protégea une première fois avec un bouclier, mais la jeune femme l’empêcha d’en générer un second et se tourna sur le côté pour protéger son visage, sacrifiant ses côtes droites et la jambe du même côté à l’acide du monstre.
“Pourquoi ne me laisses-tu pas faire ?!” s’indigna Rawen dans son esprit.
La marchombre ne répondit pas immédiatement, concentrée sur son adversaire pour en éviter les trois prochains coups, avec une rapidité inhumaine.
“J’ai besoin de mon énergie, tant que ta récupération n’est pas prête, minimise les boucliers” répondit-elle dans un court instant de répit.
Cela collait avec ses choix précédents : minimiser sa défense, pour mettre le paquet sur l’attaque. Elle voulait que le monstre sente qu’il était passé de prédateur à proie, et elle voulait qu’il se sente dépassé par la situation. Ses dernières esquives l’avaient poussée à reculer, et elle était désormais à une distance de tir raisonnable.

Dans un seul mouvement fluide, elle rengaina ses poignards et décrocha son arc de son dos. Elle attrapa la corde, et grâce à l’anneau à son doigt, invoqua deux flèches qu’elle tira en simultanée sur le vers. Deux autres flèches jumelles volèrent côte à côte, venant trouver la chair du  monstre. Puis la jeune femme continua de bouger et de se repositionner, avec une vivacité et une agilité hors norme, et de tirer flèche après flèche. Il ne pourrait désormais plus la noyer d’attaques, comme il l’avait fait en la prenant par surprise. Elle était désormais sur un pied d’égalité avec lui - avec quelques PVs de retard néanmoins…

Mauvaise surprise sur le sable

La jeune femme commençat à exulter. Si d’abord le vers l’avait submergée d’attaques, qu’elle avait été obligée de prendre de plein fouet pour une bonne partie d’entre elles, elle menait désormais la danse. Elle alliait sa vitesse inhumaine avec une endurance incroyable au combat, et profitait de la montée d’adrénaline pour ignorer pleinement ses blessures et se battre comme si sa chair ne se nécrosait pas à cause de l’acide craché par le monstre.

Ce dernier était désormais tailladé de partout. Aucune blessure en soi n’était grave, mais puisque la marchombre visait des points stratégiques, nerveux ou musculaires, chaque coup le gênait un peu plus dans ses mouvements, et puisqu’il essayait aussi de se défendre, il n’avait plus beaucoup le loisir d’attaquer la marchombre. Celle-ci avait fait des sacrifices en début de combat pour retourner la vapeur, et désormais, elle enclenchait l’effet “boule de neige”, profitant que le monstre ralentissait pour continuer de l’attaquer toujours plus.

Il cracha encore son acide deux fois, et deux fois Rawen déplia un bouclier d’énergie pour adoucir l’attaque, mais celle-ci était chimique, et face à ça elle ne pouvait pas faire plus. Lexi grogna donc sous la douleur, sentant la salive du monstre ronger sa peau, mais elle resta concentrée sur le combat. Elle bloqua de ses avant-bras armurés l’attaque suivante, puis eût le champ libre.

La marchombre avait gardé des distances et encocha deux nouvelles flèches noires à son arc, avant de viser. Les yeux. Deux nouvelles flèches, la bouche. Elle bondit sur le côté pour prévenir qu’il se rapproche trop, repris ses appuis dans le sable, et tira trois flèches consécutives sans lui laisser de répit. Lorsqu’elle les matérialisait avec l’anneau, elle songeait à des flèches noires simples mais puissantes. Puis, elle activa l’anneau du maître d’arme d’une façon différente, et cette fois-ci les projectiles étaient blancs, comme irréels, avec des pointes bodkins. Elle en tira quatre, puis voulut en invoquer une cinquième, ce qui ne fonctionna pas. Alors elle tira une dernière flèche normale et se prépara à la riposte.

Mauvaise surprise sur le sable

Le combat semblait toucher à sa fin. En effet, le vers sableux était désormais débordé par les attaques de l’élue de Shintân, et ne trouvait plus le temps de se défendre correctement. Ses blessures s’accumulaient. D’une part elle lui faisait perdre son sang par litres désormais, et d’autre part, elles le gênaient dans ses mouvements. De son côté en revanche, Lexi avait le champ libre pour se battre. Elle avait de moins en moins d’attaques à gérer, de plus en plus de libertés de mouvement. Pour le monstre de la plage, cela avait été un engrenage infernal dans lequel elle l’avait fermement maintenu.

L’intervention de Rawen lui permit une énième fois de se protéger des projections acides de son adversaire, puis un bond sur le côté la mit hors de portée des crocs du monstre. Elle avait à nouveau la possibilité de le submerger, et s’apprêtait à le faire avec toutes les ressources qu’elle possédait, mais Rawen la retint. Méfie toi Lexi, qu’il ne te sorte pas un coup foireux au dernier moment. Réserve toi.

La marchombre l’écouta sans commenter, et si elle garda un rythme soutenu, elle cessa de se donner à fond. Après tout son armure avait raison, si elle s’épuisait maintenant et que le vers lui préparait une mauvaise surprise - comme un collègue de la même taille - mieux valait en avoir encore sous le pied. Et si il s’avérait que le monstre était vraiment à court d’astuce, elle le finirait. Elle ne comptait pas laisser quelque chose d’aussi dangereux rôder sur les cotes de Shintân.

Peut être pouvait-elle en profiter pour se faire un peu d’argent ? Elle n’allait évidemment pas transporter le cadavre jusqu’à la ville commerçante la plus proche, mais elle pouvait récupérer la substance acide - si le verre y résistait - où donner la localisation du combat à un intéressé contre de l’argent. Cela lui permettait de se renflouer, car elle dépensait son argent presque aussi vite qu’elle le touchait - en arme, en soin aussi, en nourriture ou en équipement …

Mais vous savez ce qu’on dit. Il ne faut pas vendre la peau du vers avant de l’avoir tué.

Mauvaise surprise sur le sable

Alors que le vers était clairement en position de perdre, il tenta le tout pour le tout. Quitte à ne pas pouvoir se défendre de la marchombre, il lui tourna le dos pour tenter de fuir, cherchant à creuser dans le sable pour se mettre à l’abri. Malheureusement, il ne fut pas assez rapide, et les flèches de Lexi perforèrent sa chair avec force. Le vers s’écroula dans le sable et ne bougea plus. Elle attendit quelques instants, puis replaça son arc dans son dos et dégaina ses lames, avant de s’approcher avec prudence. L’animal semblait hors combat, mais par prudence, elle l’acheva proprement, faisant courir sa lame sur toute la largeur de ce qui pouvait être son cou. Puis elle nettoya ses armes grossièrement et les rengaina, avant de se redresser. Comme elle venait d’y penser, elle allait trouver le village le plus proche et les informer de la présence du corps.

Elle se rendit en courant doucement au dernier village qu’elle avait croisé en revenant, et demanda qui dans le coin serait intéressé pour récupérer des morceaux de vers sableux géant. On lui indiqua un hameau non loin où vivait un alchimiste. Elle s’y rendit donc, ralentissant son rythme au fur et à mesure que l’adrénaline la lâchait. Elle trouva sans mal le natif, qui avait une petite boutique avec un écriteau gravé au nom de “Herbes et potions” et y pénétra.
“ - Il y a quelqu’un ?”
L’alchimiste sortit de son atelier en arrière-boutique et fronça les sourcils à la vue de la jeune femme.

“ - Vous avez besoin de soins mademoiselle non ?”
“ - Et vous, vous êtes intéressés par un vers sableux fraîchement mort ? Le corps est encore chaud. Sa salive était acide et son sang violet.”
“ - Bien sûr que je suis intéressé !”
“ - Vous me dispensez les premiers soins en cinq minutes et je vous y emmène. Une fois sur place vous me payez deux cents yens, car croyez-moi avec la quantité de matière première sur place vous allez en faire des potions. Salive acide, crocs et mandibules, membrane de protection, yeux … Un trésor pour un alchimiste je vous assure. Et comme je comprends que vous ne voulez pas que je vous arnaque, je ne vous demande pas de payer d’avance. Vous me réglerez une fois que vous avez constaté que la bête est encore fraîche. Cela vous va ?”
“ - Bien sûr ! Mais comment pouvez-vous être sûre que je vais vous payer si vous me montrez le lieu sans garantie ?”
“ - Je viens de me débarasser du vers en question. Ne croyez pas que je suis incapable de vous rattrapper et de vous détrousser si l’envie m’en prends.”
“ - Habile, habile … Laissez-moi prévenir mon assistant et ma femme, on ne sera pas trop de trois pour récoltez les ingrédients.”
“ - N’oubliez pas qu’il faut me rafistoler avant qu’on parte”.

Tout se passa comme prévu, même si le temps de l’aller-retour, des charognards avaient commencé à taper dans le vers. La marchombre les fit fuir sans difficulté, mais au grand damn de l’alchimiste, les yeux avaient été picorés. Il la payant cependant la somme prévue, admettant que le lot restait de grande valeur. Lui et ses deux comparses étaient venus équipés de fioles en tout genre, de sacs de tissus, de machettes et de couteaux pour disséquer la carcasse. La marchombre aurait aimé les laisser se débrouiller, mais l’alchimiste craignait que des charognards viennent les mettre en danger, et pas seulement des oiseaux. Elle restait donc dans le coin, le temps qu’ils finissent leur boulot.

Puis elle rentra à Shintân, et prévint le palais qu’un vers sableux avait été vu sur les côtes sud de la nation, car ce n’était pas un incident qu’on devait ignorer. Elle fit également prévenir Shutô Tokaï, qui pourrait ainsi prévenir les Terres Neutres de l’éventuel danger. Finalement, elle prit quelques jours pour laisser à son corps le temps de guérir, et s’acheta des pommades cicatrisantes pour les endroits de sa peau brûlés à l’acide. Ce n’était pas joli à voir, mais ce n’était pas si terrible, et quelques semaines plus tard il n’en resterait que de légères traces.