Arrivée à Zouhan [Solo]

Arrivée à Zouhan

Après quelques mésaventures pour arriver jusque-là, Lexi Hil’Feyan se trouvait désormais à vue de Zouhan. Cette ville était encerclée par une enceinte de pierre d’une hauteur impressionnante, et sa largeur en imposait, laissant deviner seulement son étendue réelle. Pour quelqu’un venant de Jiban, une capitale un peu plus petite et surtout située dans les entrailles de la terre, la ville des rebelles était monumentale et s’élevait dans le ciel avec force. Il s’agissait désormais d’une véritable forteresse qui abritait le camp des rebelles, et de nombreux réfugiés qui venaient chercher un peu de paix. Un lieu sûr, gardé, protégé et surveillé par les hommes de Jayna Tekina, mais qui souffrirait probablement de contre-attaques de Zang en premier en cas d’affrontement avec les rebelles. Cela créait un dilemme auquel avait probablement fait face les nombreux shuzajins qui étaient venus ici sans être à proprement parler des rebelles : valait-il mieux les murs de Zouhan et son implication concrète contre Zang, ou la discrétion d’une ferme au milieu des champs ? Pour sa part, Lexi aurait vite tranché : si elle avait voulu éviter la tyrannie de Zang, elle aurait plié bagages et serait simplement partie, son arc dans le dos comme gagne pain.. Mais elle savait que tout n’était pas si simple pour tout le monde.

Elle approcha d’un pas rythmé de l’entrée principale de la forteresse, qui était bien gardée. En effet, une dizaine de soldats en filtraient l’entrée, et le sens d’observation aigü de la jeune femme remarqua également un homme en tunique ample qui se tenait sur le côté, et semblait activer un objet magique à l’aide de sa mana en visant le flux de passant. Probablement une sécurité magique. La marchombre se mit au bout de la file ralentie par le contrôle et attendit patiemment son tour. Globalement, les soldats vérifiaient que rien de louche n’était caché dans les marchandises et que rien ne sortait de l’ordinaire. Lorsque vint le tour de Lexi, on l’arrêta cependant avec plus d’attention.
“ - Vous êtes très armée mademoiselle, puis-je vous demander ce qui justifie un tel équipement ?”

En effet, l’élue portait son arc dans son dos et n’avait pas pris la peine de dissimuler ses deux poignards jumeaux qui pendaient à sa ceinture. Sa tenue - si ce n’était pas sa forme de combat optimisée - n’était pas celle d’une jeune femme lambda qui vaquait à des occupations habituelles, et ce peu importe sa classe et son rang. Pendant un court instant, elle réfléchit à trouver un mensonge crédible, comme le fait qu’elle venait chercher un travail d’éclaireuse ou encore de garde privé. Mais pour quoi faire ? Jayna devait avoir prévenu qu’ils attendaient de la visite étrangère. Elle répondit donc en toute honnêteté.
“ - Je suis Lexi Hil’Feyan, élue de Shintân, et je viens apporter mon aide aux rebelles. Ces armes … elles font partie de mes outils de travail disons.”

Les soldats qui s’occupaient d’elle pendant que leurs collègues continuaient de gérer l’entrée échangèrent un regard de connivence, puis l’un d’eux héla l’homme qui restait en retrait avec son objet magique. Celui-ci sinua entre les voyageurs qui franchissaient les grandes portes et s’approcha d’eux.
“ - Oui ? s’enquit-il auprès des hommes en armure.”
“ - Cette jeune femme dit être une élue. Tu as ce qu’il faut ?”
“ - Oh euh oui bien sûr ! répondit-il avant de se tourner vers la concernée, et de sortir un anneau de métal de sa poche. Mademoiselle si vous voulez bien apposer les mains sur cette anneau jusqu’à ce que je vous dise que ce soit bon.”

Lexi ne répondit pas immédiatement et observa l’objet un court instant. Le métal était gris foncé, presque noir à certains endroits, et ne brillait quasiment pas. Y étaient gravées des sortes de runes qu’elle ne savaient pas lire, et qui ressortaient très faiblement d’un gris plus clair et moins mat. Il faisait environ un paume de rayon, et le - probablement - magicien le lui tendait à plat, ses mains à lui tenant fermement le cercle à hauteur de poitrine. Puis elle hocha la tête et saisit l’objet magique, en miroir à celui qui le lui avait demandé.
Dans un premier temps elle ne ressentit rien, puis l’anneau noir à son majeur se réchauffa doucement, puis plus fort, jusqu’à ce qu’elle lâche l’objet en reculant.
“ - Qu’est-ce que c’est que ça ?!”
“ - De quoi parlez-vous ? Répondit le magicien. Pourquoi avez-vous lâché je n’avais pas fini…”
“ - Vous nous cachez quelque chose ? s’inquiéta l’un des soldats en portant la main au pommeau de son épée.”
Face à cette attitude, et alors que son doigt refroidissait tout juste, elle se mit de profil et monta une garde légère.
“ - Vous osez poser la main sur votre arme alors que je me soumets à votre test ? Vous plaisantez ?”
“ - Tout le monde se calme ! intervint le magicien. Laissez-moi expliquer.”

Les soldats semblaient être en présence d’un supérieur hiérarchique, car celui qui s’était méfia le premier repris une posture neutre et ne fit aucun commentaire. Lexi de son côté reprit également une attitude moins agressive, et fit une moue en attendant les explications promises. Celles-ci ne tardèrent pas.
“ - Bien. Cet objet a pour objectif de voir si vous êtes une élue ou non. Il arrive en effet que des charlatans tentent de profiter de votre statut. Comme vous le voyez, son utilisation contraignante n’en fait pas un détecteur automatique à élus, mais permet d’éveiller les soupçons en cas de refus de test, ou de dévoiler la supercherie d’un menteur. Il fonctionne en reconnaissant la signature magique que vous portez et que ne portent pas les natifs. Dans votre cas, j’avais besoin d’encore quelques secondes pour confirmer, mais il semble que l’anneau que vous portez ait interféré. Que vous le sachiez déjà ou pas, j’en suis certain, c’est un bijou magique. Si vous voulez bien reprendre le test en l’absence de cet anneau, je vous en serai reconnaissant.”

L’homme avait parlé avec calme d’une voix qui se voulait rassurante. De son côté, la marchombre comprenait tout à fait de quoi il retournait et s’apprêta donc à retirer son anneau et le glisser dans sa poche. Mais la voix de Rawen s’éleva doucement dans son esprit.
“ - L’anneau n’est pas le seul responsable des interférences magiques. J’ai eu un rapide dysfonctionnement pendant que tu touchais son anneau.”
“ - C’est grave ? Est-ce que je peux recommencer où on peut avoir des problèmes ?”
“ - Un instant”.
“ - Un instant s’il vous plaît, demanda donc à voix haute la marchombre aux gardes de l’entrée”
“ - Après calculs suite au premier test, tu peux retester. Il est juste probable que je sois plus joignable pendant quelques minutes.”
“ - Mais tu te rétractes pas ?!”
“ - Normalement non”

La jeune femme finit donc de passer le test de l’anneau magique, et bien que le magicien constata en effet quelques interférences, il ne commenta pas, et elle put donc enfin entrer dans Zouhan. Elle avait beaucoup à découvrir, et encore plus à faire, alors elle se dirigea d’un pas dynamique vers le centre de la cité.

Arrivée à Zouhan

La ville de Zouhan semblait de prime abord tout ce qu’il y avait de plus normal : une cité dynamique et pleine de commerce, des badauds dans les rues et des toiles de couleurs, des épices en vente sur les échoppes. Mais ce qui marqua la marchombre était le nombre de non-humains qu’elle croisa. Leur intégration dans la société humaine était loin d’être simple et n’était pas toujours tolérée. A Bashô Tokaï - ou plutôt, Shutô Tokaï désormais - leur présence était déjà plus courante, ce qui collait avec l’élection du dernier maire, un non-humain. Mais ailleurs, et notamment à Shintân, il était rare de croiser un non-humain, et c’est pourquoi leur présence déconcerta la marchombre. De plus, cette dernière avait depuis toujours du mal avec eux, il fallait dire qu’en Gwendalavir, les peuples d’espèces différentes ne se mélangeaient pas : au mieux ils se toléraient, au plus courant ils se tapaient dessus. Les Faëls se pensaient supérieurs aux humains, et l’inverse était vrai également, mais aucun n’avait de prétention belliqueuse envers son voisin, et si un individu se trouvait dans le second peuple, il était certes reluqué sans grande discrétion mais ne s’attirait pas spécialement de problèmes. Les T’sliches étaient peu nombreux - une dizaine environ - mais était redoutables et manipulaient les Raïs - une espèce populeuse mais pas intelligente, considérés comme des animaux savant manier les armes et armures qu’ils volaient. Ici, ils auraient été considérés comme des ogroïdes. Enfin, les géants du Septentrion étaient loin au Nord de l’Empire, et il n’y avait aucun combat avec l’empire humain - chose fort souhaitable.

En bref, l’éducation et le passé de la marchombre ne l’avaient pas préparé à un milieu aussi hétéroclite. Elle fit cependant son possible pour ne pas les dévisager et passer son chemin en feignant l’indifférence. Elle continua de se balader dans les rues en observant la cité, tout en réfléchissant à la suite. La première question était : comment allait-elle se loger ? Vivre à l’auberge pendant des semaines n’était vraiment pas rentable, et revenait vite très cher. Elle pouvait demander à quelqu’un de l'héberger contre du travail, mais si elle devait travailler pour payer son logement, elle n’aurait plus le temps d’agir pour Zouhan et ses rebelles, ce qui perdait tout l’intérêt de son déplacement. C’est en croisant une patrouille de soldats que lui vint l’idée d’approcher une caserne. Après tout, si elle mettait ses compétences au service de la résistance, elle était un peu comme un soldat à leur solde. Elle ne demanderait même pas de salaire, simplement un toit et de la nourriture quand elle serait en ville - ce qui ne constituerait même pas la totalité de son temps. Cela devait bien pouvoir se négocier. Elle mit donc son nouveau plan à exécution et déambula dans la ville à la recherche d’une caserne. Elle en trouva une, de taille plutôt importante pour un camp peu militarisé, et se présenta à l’entrée. Évidemment, cette dernière était gardée par une sentinelle qui lui refusa l’entrée, malgré qu’elle se soit présentée. Élue ou pas élue, les points militaires n’étaient autorisés qu’à ceux qui y travaillaient ou d’autres personnes plus habilitées. Elle lui exposa donc son problème et son idée, ceux à quoi il répondit.
“ - Ecoutez ici ça fait quand même partie d’un des points de décisions, vous ne pourrez pas vous incrustez comme ça. Mais je vous conseille de vous rapprocher des casernes plus petites situées près des remparts, qui constituent les logements des soldats en service dans la zone concernée. Vous serez peut-être entendue.”

Suivant le conseil du soldat, elle retourna près des remparts et trouva un poste de garde auprès duquel elle s’enquit de la possibilité d’être logée comme militaire, puisqu’elle venait aider les rebelles. La première personne qu’elle rencontra contacta son supérieur après une longue attente, qui lui-même contacta son supérieur. Finalement, elle fut admise au campement. Elle dormirait dans le dortoir commun, mangerait dans la salle commune, tant qu’elle se montrerait utile aux rebelles. Cependant, elle fut encouragée à demander un logement un peu plus digne de ce nom si elle venait à effectuer des missions spéciales pour les hautes sphères des rebelles. Mais Lexi n’était pas attachée au confort, et elle s’était contenté d’hausser les épaules à la proposition. Pour l’heure, maintenant que la question du logement était réglée, elle voulait en apprendre plus sur la ville.

Arrivée à Zouhan

Une fois une partie de ses affaires déposées dans la caisse du lit qui lui avait été attribué au dortoir, Lexi partit se promener en ville. Elle déambula presque deux heures dans les rues de Zouhan, laissant traîner ses oreilles ici et là et profitant de son ouïe surdéveloppée pour collecter un maximum d’informations. Elle put ainsi comprendre que plus que la quartier général des rebelles, la cité était aussi un refuge pour de nombreux habitants de Shûza qui fuyaient la dictature, ainsi que pour toute une flopée de non-humain qui avait trouvé en Zouhan un endroit où vivre en toute tranquillité. Ainsi, il y avait une grande ouverture d’esprit et une grande tolérance dans cet endroit, qui était étranger à l’alavirienne. Mais cela commençait déjà à lui donner des idées, car elle comprenait ainsi que la part réelle de rebelles ici était trop faible pour mener une révolution. Tous ces gens qui se protégeaient derrière les murs fortifiés de la ville, profitaient gratuitement de cette protection. Il allait falloir les remuer un peu.

Autre chose qui allait probablement faire changer la vision des choses de la marchombre, en dehors de la forte présence d’espèces non-humaines, c’était la réputation d’Eleanor à Zouhan. Presque tout le monde savait que c’était à elle que les rebelles devaient l'existence de Zouhan. Certes, c’était les Tekina qui menaient la révolte, mais c’était bel et bien la vampire qui leur avait offert un toit, une protection grâce à de hauts murs de pierre. Cela paraissait anodin : il ne s’agissait que de matière que l’on trouve partout. Mais monter une telle cité aurait pris des années, pendant lesquelles Zang aurait pu venir attaquer en profitant de la faiblesses des rebelles, retardant ainsi mois après mois la construction de ces lieux. Lexi comprenait donc peu à peu à quel point l’élue de Shûza était appréciée de ses pairs, et combien ils lui étaient reconnaissants.

Quant à la question du “comment”, il y avait toutes sortes de rumeurs à ce sujet. Puisque c’était une vampire, certains habitants supposaient qu’elle avait utilisé sa force et sa rapidité inhumaine pour construire à elle seule la cité, en quelques jours s’il fallait. Mais c’était irréaliste. D’autres pensaient que l’élue du serpent avait utilisé ses pouvoirs magiques, démontrant alors l’étendue de ses capacités en matérialisant la cité, et en l’ancrant définitivement à la réalité. Cependant, bien qu’Eleanor était puissante, Lexi doutait grandement qu’elle ait pu réaliser un tel exploit. Quelques badauds murmuraient dans les tavernes qu’elle avait pactisé avec des démons, vendant son âme au plus offrant, se sacrifiant pour la ville. Ceux-là parlaient de la vampire avec un frisson d’effroi - au sujet de son hypothétique contrat avec les enfers, et une lueur d’admiration pour son altruisme. La marchombre quant à elle, n’avait pas besoin de démêler le faux du vrai dans ces hypothèses. Elle était là quand Eleanor avait reçu des mains de Pump et Kin deux artefacts précieux. Si la sphère des anciens ne correspondait pas vraiment au profil de l’objet à l’origine de Zouhan, le cœur cristallin était en revanche tout désigné. Mais cet objet était limité, cela signifiait que, bien qu’il ne s’agisse pas de vendre son âme, Eleanor avait en effet fait un généreux don aux rebelles. Elle avait en effet utilisé l’un de ses trois vœux pour créer Zouhan, alors qu’elle aurait pu penser à elle exclusivement.

Côtoyer les habitants de Zouhan la poussait à la réflexion au sujet de la vampire.

Arrivée à Zouhan

Après avoir passé la journée à découvrir Zouhan et à la parcourir en long en large et en travers, Lexi rentra au camp militaire où elle s’était installée. Le soleil commençait à décliner, et un brouhaha s’éleva de la petite tente où on lui avait indiqué que les repas seraient servis. Elle y entra donc, et s’approcha de la zone où le cuistot distribuait les rations. Ce dernier avait été prévenue de la présence de la marchombre, qui ne s’étonna pas de voir une femme débouler pour demander à manger. Sans un mot, il lui tendit un bol où se trouvait du riz et des haricots rouges, une portion adaptée aux hommes de la salle, mais que la jeune femme allait avoir du mal à terminer. Elle resta cependant silencieuse : la prochaine fois elle préciserait avant d’être servie qu’elle mangeait moins que la dizaine de gloutons qui l’entouraient. Ces derniers l’avaient fixée un court instant quand elle était rentrée, avant de rapidement retourner à leurs conversations respectives, et seuls quelques-uns changèrent de sujet pour parler d’elle. Elle déduisit de ce comportement que l’information avait circulé, ainsi les soldats n’étaient pas étonnés, bien qu’encore curieux à  son égard. Puis elle s’installa seule dans un coin et mangea son repas en paix.

Une fois finie, elle se leva et ramena sans un mot son bol aux deux soldats de corvées de vaisselle ce soir-là. Elle s’apprêtait à sortir lorsque le commandant l’arrêta.
“ - Vous avez un instant pour discuter ?”
La marchombre acquiesça et ils s’éloignèrent un peu des autres soldats.
“ - Vous savez, le deal qu’on vous héberge si vous vous rendez en effet utile à la ville ?”
“ - Oui ?”
“ - Comment … Comment on s’organise ? Je vous fais faire quoi moi ?”
“ - Oh vous savez, je suis une particule libre moi. Ne vous inquiétez pas, je vous ferai des rapports de mes activités et vous jugerez si je mérite de garder un toit sur la tête. Par exemple, je peux ramener à manger pour le campement, je suis assez bonne chasseuse. Ca ne sera pas ma contribution principale à la rébellion, mais si ça peut aider le campement c’est aussi à prendre non ?”
“ - Donc, des petits services pour le campement et la ville, et une vraie participation à la rébellion ?”
“ - Exactement.”
Les deux interlocuteurs échangèrent une poignée de main vigoureuse et un hochement de tête, puis la jeune femme s’en alla dans le dortoir. Elle s’y reposa deux petites heures, puis lorsque la nuit fut complètement tombée, elle se leva et sortit.

Vérifiant que personne ne la suivait, elle sortit de Zouhan, et marcha une bonne demi-heure en s’éloignant de la cité. Elle s’enfonça dans une forêt, puis trouva une clairière. Elle s’avança au coeur de celle-ci, puis se plaça face à la lune, dont le croissant brillait à mi-course dans le ciel étoilé. Lexi s’ancra dans le sol, solide sur ses appuis, puis écarta ses bras à l’horizontal. Inspiration. Les mains montent, son corps s’étire vers le haut. Expiration. Ses bras redescendent à l’horizontal, une jambe se fléchit et la seconde s’étira vers l’Est. Peu à peu, elle entre dans la gestuelle marchombre, libère son esprit. Elle reste ainsi des minutes, des heures, des jours. Qu’en sait-elle ?

A travers les arbres, une douce lueur indiqua à la marchombre que le soleil se levait sur la nation du serpent. Elle avait passé des heures à travers sa gestuelle marchombre, avant de regagner la cité, elle voulait tenter quelque chose...

Arrivée à Zouhan

Alors que la rosée venait de se déposer lentement sur l’épais matelas d’herbe que foulait la marchombre, et que les premiers rayons de soleil illuminaient l’horizon, elle sentit que c’était un moment opportun pour retenter ce qu’elle avait essayé au bord de l’océan, quelques semaines plus tôt à Shintân. Comme lorsqu’elle se trouvait sur les plages de cristal à l’ouest du continent, elle ferma les yeux, se tint stable sur ses deux pieds, et se concentra. Elle tâcha de sentir son environnement, par ce sixième sens que les marchombres savaient développer. Les paupières closes, elle ressentit la fraîcheur de l’air sur sa peau, l’humidité de ce dernier. Elle entendait les bruissements des feuilles dans le vent, et les claquements de l’écureuil qui grignotait son petite-déjeuner. Elle ouvrit ensuite lentement les yeux, et observa le monde autour d’elle. Le vert foncé des arbres, le brun de leur écorce. Le vert plus clair de l’herbe, et le scintillement de la rosée sur chacun de ses brins. Elle inspira profondément, et se concentra toujours plus, ressentant chacun des liens qui l’unissaient à ce monde.

Puis tout doucement, une douce brume s’éleva grâce à la rosée de l’herbe et l’humidité de l’air ambiant. Venant du sol, et de la forêt, elle se mouvait lentement, comme portée par une douce brise, et peu à peu elle fut entourée d’un épais brouillard. C’était déjà plus que la jeune femme n’avait jamais réussi. Elle voulut poursuivre, mais rien que ce petit début la remplit de satisfaction, et à peine déconcentrée, un léger vent dispersa la brume et elle se retrouva seule au milieu de la clairière. Oscillant entre être satisfaite et frustrée, elle se machouilla l’intérieur de la lèvre, puis se décida à se mettre en mouvement. Il ne s’agissait pas de larver.

Son arc à bout de bras, la marchombre se déplaçait en silence dans la forêt la plus proche de Zouhan. Elle suivait les traces encore fraîches d’un lièvre sauvage, en veillant à être la plus discrète possible. Grâce à ses talents de furtivité, ce n’était pas un problème, et lorsqu’elle trouva sa proie, celle-ci ne se douta pas un seul instant de son sort tragique. Une flèche noire lui traversa le crâne au niveau de l'œil, laissant son corps intact. Elle le mit dans sa besace puis se mit en quête d’une autre proie. Elle ne trouva cependant rien de satisfaisant, et dû se contenter de compléter en cueillant des baies et des racines comestibles. Elle apporta le tout au campement où elle logeait, où elle confia la nourriture au cuistot.

La matinée commençait à peine, et la jeune femme avait la journée devant elle pour se rendre utile. Connaissant encore peu les rebelles, Lexi avait décidé de prendre une petite semaine à rendre service à la cité et ses habitants, et elle attendrait donc quelques jours avant d’organiser des évènements pour fortifier le camp rebelles ou y prendre part. Et pour trouver des habitants qui auraient besoin d’aide, il n’y avait pas de solutions magiques : il fallait marcher beaucoup, et tendre l’oreille. C’est donc ce qu’elle entreprit de faire.