Un cobaye pour les soldats - Quête

Un cobaye pour les soldats

Dans la forêt non loin de Zouhan, la nature semble s’éveiller peu à peu. Le bruit des écureuils qui grignotent des noix ou du bois, accompagné des premiers chants des oiseaux, sonne le début de la journée. Les rayons du soleil lèvent peu à peu le léger voile de brume de l’aube, comme une couverture qu’on enlève au petit matin. Mais malgré une heure si matinale, et et le réveil progressif de la plupart des animaux aux alentours, la chasseuse présente dans ces bois est déjà réveillée depuis un moment.

Comme à son habitude, Lexi s’était levée aux aurores, avant de se munir de son arc et de partir en quête de gibier. Elle marchait dans un silence absolu depuis près d’une demi-heure, parcourant les sentiers de la forêt avec une discrétion quasi-parfaite. Ainsi, alors que les animaux s’éveillaient doucement, elle n’eût aucun mal à tirer le lièvre sauvage un peu engourdi. Elle l’avait tué d’une seule flèche, et le mis dans sa besace avant de reprendre sa chasse. Elle essayait toujours d’avoir au moins deux proies, histoire de continuer de fournir gratuitement le boucher du coin. Elle lui ramenait toujours un petit quelque chose, parfois il dépeçait la proie et la mettait en vente, et parfois il la gardait pour sa famille. Mais aujourd’hui, la jeune femme fut particulièrement chanceuse. Au détour des rochers jouxtant un petit ruisseau, elle aperçut des traces fraîches de daim. Il venait probablement de passer pour se désaltérer, à peine quelques minutes auparavant d’après les marques dans le sol humide.

Elle se mit donc à traquer l’animal. Parfois il lui semblait l’entendre, mais ne voulant pas courir le risque de confondre avec un autre quadrupède, elle suivait rigoureusement les traces laissées. Enfin elle l’aperçut : un daim jeune, mais adulte. Elle banda la corde de son arc, et y matérialisa une flèche à l’empennage noir, ancrée dans la réalité grâce à l’anneau du maître d’arme - ce formidable bijou gagné lors de la loterie de Pump et Kin. Mais un bruit venant de sa droite fit réagir le daim, qui commença à fuir. La marchombre retint son grognement de frustration et suivit sa proie, avec une vitesse et une agilité qui n'entachaient pas sa furtivité parfaite. Elle le suivit, restant à distance jusqu’à ce qu’il s’arrête à nouveau. L’animal regarda autour de lui, et se pensant en sécurité recommença à manger les végétaux autour de lui. Sans un bruit, la chasseuse s’approcha, discrètement, le vent de face, et se ménagea une fenêtre de tir.

Le bruit de la corde qui claque en se relâchant fit peur au daim, mais il était trop tard pour lui. Alors qu’il se ramassait sur ses appuis pour décamper, une flèche traversa son encolure de part en part, et il s’écroula, commençant à suffoquer. Lexi ne le laissa cependant pas s’étouffer dans son sang : en un instant elle l’avait rejoint, et l’achevait proprement avec son poignard. C’était une belle prise. Une bonne chasse, rapide et fructueuse. Elle passa déposer le daim au boucher, qui faillit la prendre dans ses bras de joie. Une pièce comme celle-ci allait lui rapporter beaucoup d’argent. Puis elle le laissa, et retourna à la petite caserne où elle logeait.

Elle se présenta aux cuisines, où l’on avait l’habitude de la voir arriver avec une pièce de viande pour agrémenter le repas des soldats, et où elle prenait un rapide petit-déjeuner après sa chasse matinale. Elle était attablée dans la salle à manger commune, devant un verre de lait, du pain et - oh délice inhabituel - des framboises, quand le commandant de la caserne la rejoint. Elle avala avec empressement la bouchée de pain qu’elle mâchait pour le saluer, et il s’asseya en face d’elle. C’était étonnant. Ne travaillant pas avec les soldats, simplement pour la ville, les interactions avec le commandant se résumaient aux rapports qu’elle lui faisait sur ses activités - pour justifier le logement et la nourriture - et aux formules de politesse lorsqu’ils se croisaient.

Un cobaye pour les soldats

“ - Bonjour Lexi,” commença le commandant.
“ - Bonjour. Je peux faire quelque chose pour vous ? Vous trouvez mon dernier rapport trop ancien ?”
“ - Non pas du tout ne vous en faites pas, j’aurais un service à vous demander voilà tout.”
“ - Oh ! Et bien dites moi, je vous en prie.”
“ - On a discuté avec nos supérieurs et on se rend compte que nos soldats sont préparés aux batailles, à faire la sécurité … face à des gens normaux. Mais la stratégie de combat est très différente s’il s’agit d’affronter une unique personne, mais d’un niveau très supérieur au leur. On voudrait en fait qu’ils apprennent comment se battre à plusieurs contre un seul élu puissant. Vous seriez disponible ?”
“ - Oui bien sûr. Tant que je suis sur Zouhan, je peux faire ça. Une fois tous les deux ou trois jours ça vous conviendrait ? On commencerait doucement pour voir combien vous pouvez m’en mettre sur le dos, puis on augmenterait jusqu’à ce que ce soit mieux.”
“ - Parfait. On peut commencer dès cet après-midi ?”
“ - J’ai un truc cet aprem’, ce matin ça vous va ?”
“ - Euh, oui, d’accord, ok. Dans une heure au terrain d’entraînement ?”

La marchombre acquiesça, et le regarda s’éloigner pendant qu’elle finissait son petit-déjeuner. Elle termina tranquillement. Puisqu’elle avait rendez-vous dans seulement une heure, elle pouvait même se reposer un peu. Elle fit donc une petite sieste pour digérer, puis se présenta à l’entraînement en pleine forme. Les soldats étaient arrivés plus ou moins en même temps qu’elle, et l’instructeur leur demanda de s’échauffer. Puis il annonça le thème du jour : combat à plusieurs contre une menace puissante. Lexi étant la seule élue sur place, ils s’organiseraient par groupes, ceux ne l’affrontant pas poursuivraient donc leur entraînement habituel.

L’instructeur lui commença de suggérer par du combat en deux contre un.
“ - Ca dépend, ils sont bons comment vos soldats ?” s’enquit la marchombre.
Mais puisque ce n’était pas des choses qui s’expliquent, il fut convenu de commencer comme ceci. Ainsi, elle verrait bien le niveau des concernés, et ils augmenteraient leur nombre petit à petit.
“ - Prenez place” l’instructeur.
Mais alors que les deux soldats commençaient à se positionner pour la prendre en tenaille, la marchombre marcha simplement de manière à toujours avoir les deux dans le visuel. Comprenant ce qu’elle faisait, l’un d’eux s’étonna.
“ - Mais qu’est-ce que vous faites ?”
“ - Oh pardon, vous pensiez que votre adversaire allait gentiment vous laisser vous placer comme ça vous arrange ?”
Déconcerté, il jeta un regard interrogateur à son instructeur, qui haussa les épaules en hochant de la tête.
“ - Elle n’a pas tort. Quand vous voulez”.

Alors que dans la plupart des entraînements, elle laissait les adversaires venir à elle, la marchombre prit l’initiative. En un quart de seconde, elle était déjà sur le premier d’entre eux. Il avait monté sa garde à peine haute, protégeant son visage, et n’eût pas le temps de réagir lorsqu’elle plongea. Le combat avait lieu à mains nus, alors Lexi se contenta de frapper du poing l’endroit visé, se réceptionna en roulant et d’un pirouette, se retrouva en garde dans le dos de l’élève, qui faisait également demi-tour, mais trop lentement. Le second, s’il avait réagi pour la garder dans son champ de vision, n’avait rien fait de plus. Ils s’apprêtaient à reprendre le combat quand Lexi les interrompit.
“ - Attendez. Jeune homme, je vous ai frappé où ?”
“ - Sur la cuisse”, répondit-il en fronçant les sourcils, sans comprendre.
“ - Non, montrez le.”
Il s’exécuta, et l’instructeur esquissa un sourire amusé.
“ - Jeune homme, vous allez devoir revoir quelques leçons d’anatomie appliquées au combat. Si elle vous demande où elle a frappé, c’est parce que c’est l’aine. Je me trompe mademoiselle ?”
“ - Non. Ce qui signifie, reprit-elle à l’intention du soldat, que si j’avais combattu armée vous n’auriez pas fini cette conversation sans vous vider de votre sang. Alors un peu de vigueur.”
Le soldat blêmit, puis lui et son collègue se mirent en garde, prêt à reprendre.

Un cobaye pour les soldats

Une fois que les deux soldats eurent compris que -puisque le but de l’entraînement était de les former à combattre quelqu’un de bien plus dangereux qu’un simple soldat - Lexi était une excellente combattante, ils firent preuve de davantage de vigueur. Elle ne se donna cependant pas à fond, et les mit à mal sans problème les deux petits combats qui suivirent. L’instructeur comprit donc qu’il fallait augmenter la difficulté pour Lexi. Après tout, elle entraînait les soldats, mais également leur chef, qui pouvait jauger grâce à elle combien d’hommes il aurait besoin pour faire tomber un élu de sa carrure.

On passa donc à un combat en quatre contre un. Si Lexi frappait toujours gentiment, elle devait désormais user de sa rapidité et de son agilité dans leur pleine mesure pour continuer de leur donner du challenge. Elle était insaisissable, et ne laissait jamais un coup l’atteindre sans se défendre. Elle bloquait, parait ou esquivait les attaques des soldats pour ne jamais les prendre de plein fouet, bien qu’elle aurait pu se le permettre. De plus, elle ne puisait pas encore dans ses réserves d’énergie et ne laissait pas Rawen exprimer ses talents - comme son bouclier puissant, qu’elle réservait aux combats sérieux, pour ne pas montrer l’étendue de ses capacités à n’importe qui.

Ils passèrent donc ensuite à six contre une. Ici, la marchombre n’eût d’autres de choix que de frapper avec force : elle devait mettre un voir deux hommes hors de combat dès le début. Elle ne leur laissa donc pas l’initiative, et se jeta sur l’un d’eux dès le début, et l’envoyant au sol en un court instant. Alors qu’il se relevait avec difficulté, le plus proche tenta d’attaquer la jeune femme dans le dos. Elle pivota et, ayant repéré sa position au bruit, le recula d’un violent coup de pied dans l’abdomen - tâchant de ne pas viser le plexus au risque de lui faire imploser un poumon. Elle continua ainsi, jusqu’à demander l’arrêt de l’entraînement d’un “stop” fort et ferme. Elle s’expliqua à l’instructeur.

“ - Je ne suis pas de ces combattants bourrins qui peuvent encaisser sans broncher, et contrôler quelqu’un simplement en lui attrapant les bras d’un poigne de fer et en le regardant gesticuler en vain. Si on continue à six contre moi, je vais finir par casser des nez ou ce genre de choses, ce qui je pense n’est pas souhaitable pour la santé de votre armée. Que dites-vous de repasser à quatre et de rester ainsi sur un entraînement plus “sécure” pour vos hommes ?”

L’homme réfléchit un instant, se frottant la barbichette qu’il avait au menton. Il acquiesça finalement, et ils firent comme elle avait proposé tout l’après-midi, tournant entre deux groupes de quatre qui améliorèrent ainsi leur synergie. Elle rentra au dortoir où ils logeaient épuisée d’avoir combattu si longtemps, et leur donna rendez-vous deux jours plus tard pour recommencer. Elle continua ainsi toute la semaine, variant les entraînements en restant sur l’idée d’entraîner des groupes contre une élue puissante. Elle aurait pu continuer les semaines qui suivirent, si la ville n’avait pas décollé du sol plusieurs jours plus tard ...