Le défi de l'ultime dragon[Chasse feat Lexi / Zoro]

L’entité divine était et n’était pas dans le même temps. Une puissance incommensurable et instable, irradiant la zone entière de son aura, tantôt ardente et mortelle, desséchant les alentours, tantôt givrante et meurtrissante, piégeant ce même décor dans une glaciation éternelle. Toute cette zone avait depuis bien longtemps été purgée et désertée par sa faune et seuls les éléments les plus robustes de sa flore survivaient tant bien que mal à ces conditions extrêmes. La simple présence des Ossements suffisait à écraser spirituelle tout être présomptueux ayant tout de même désiré approcher ces reliques antiques, rappelant très vite à cet individu la place qu’il avait en ce monde. Si divinité il n’était plus depuis sa déchéance, le dragon n’avait toutefois toujours pas rencontré quelqu’un ou quelque chose en mesure de le surpasser, aussi restait-il au sommet de l’échelle.

L’entité divine était et n’était plus dans le même temps. Sa puissance instable se manifestait par intermittence, en lien avec les énergies circulant sur le continent de Kosaten. Réaction à la présence d’êtres de puissance respectable, éveil d’une autre divinité terrée aux quatre coins de ce monde, distorsion de l’espace-temps et fracture de la frontière entre le monde des vivants et le Royaume des Morts… Tels étaient quelques exemples de situations l’ayant tiré de sa torpeur millénaire. Parmi ces différents cas de figure, l’un d’entre eux était effectivement à l’initiative de l’apparition des Ossements aux Ruines du Ciel.

Si les Ossements de Long étaient généralement inanimés, bien qu’empreints en permanence d’une énergie capable à elle seule de briser l’âme, ils prenaient forme dès lors que la créature s’éveillait. Ainsi, suite à la convergence de trois élus surpuissants ayant marqué de leur empreinte l’histoire de ce monde à plusieurs reprises, le dragon squelettique reprit forme peu à peu, ses différents morceaux s’assemblant jusqu’à reformer l’image de celui qu’il était auparavant, celui que l’élu nommé Rhadamantys avait déjà rencontré une fois depuis son réveil. Le dieu était là, faisant face à son petit comité d’accueil, son regard givrant et perçant inspectant tour à tour les trois élus, percevant au-delà de leur âme, tout leur être, toute leur conscience, tout ce qui faisait d’eux ce qu’ils étaient aujourd’hui.

Son regard avait naturellement fixé l’homme à l’initiative de son appel, celui se dressant, une fois encore, farouchement et fièrement face à lui. L’élu à l’âme d’un dragon, qui avait déjà été maté une fois, avant que les Ossements ne lui confient une mission et ne lui rappellent quel dieu il servait. Rhadamantys affirmait avoir accompli cette fameuse mission et venait requérir l’aide de la divinité pour faire face aux conflits à venir, notamment ceux avec Tenkasuru. Au moins, s’il n’était pas très malin, le courage ne lui faisait pas défaut. L’entité divine souffla sur lui un épais blizzard, nullement destiné à mordre autre chose que l’esprit si assuré du gaillard.

« Rhadamantys, élu de la wyverne… Il faut avoir du cran pour se présenter une nouvelle fois devant ton dieu, qui plus est, lui formuler une requête. Qui crois-tu donc être pour me demander quoi que ce soit ? Je t’ai épargné une fois, croyant que tu saurais rentrer dans les rangs et rendre à cette nation sa splendeur d’antan… Mais je constate avec déception que cette même nation est aujourd’hui en péril… Ton existence ne la dessert en rien... »

La voix était caverneuse et rauque, résonnant directement dans l’esprit des élus, tandis que l’étreinte froide du souffle du dragon venait meurtrir cet esprit si solide et donnait davantage de puissance à ses paroles.

Le second à être observé était également le second élu le plus proche de sa position actuelle. Le gaillard n’avait pas l’air de prendre conscience de sa situation, mais ce qui frappait surtout les Ossements, c’était l’intensité de sa marque qui luisait sur le corps du sabreur. Si, généralement, les élus d’antan parvenaient, à terme, à se défaire peu à peu de l’emprise du dieu dragon en récupérant leurs pouvoirs, celui-ci, devant lui, semblait toujours profondément soumis à sa nation. Le même traitement qu’à Rhadamantys lui fut réservé.

« Roronoa Zoro, ne te serais-tu pas égaré une fois encore ? Je sens sur toi ma marque, la marque de ton dévouement envers cette nation. Que crois-tu accomplir en te présentant ainsi devant ton dieu ? Prosterne-toi devant moi ou tu subiras le même courroux que bien d’autres avant toi ! »

Quant à la dernière aura du trio, elle provenait d’un coin légèrement en retrait. C’était une élue, à n’en point douter, mais il ne sentait pas en elle la même aura caractéristique des servants de Fuyu. Sans doute était-elle issue d’une autre nation ? Dans tous les cas, celle-ci semblait persuadée que se terrer comme un lapin allait lui suffire à surprendre l’entité divine. Une approche pitoyable pour un raisonnement tout aussi ridiculement minable. Long ne s’abaissa même pas à s’exprimer à cet être lâche et impuissant. Seules comptaient à présent pour lui les réactions des deux autres, et en fonction d’elles, dépendrait leur survie.

De l’orgueil… De la confiance placée en une puissance durement acquise, mais surtout beaucoup d’orgueil… Voilà ce qui faisait face au grand Dieu Long, ou plutôt à ses Ossements, héritiers de la volonté de l’ancienne divinité fuyujin. Rhadamantys avait déjà été vaincu, à plusieurs reprises même… Son âme de guerrier avait été profondément meurtrie par ces multiples défaites, d’autant qu’aucun de ses adversaires n’avait pris la peine d’achever le perdant, le laissant, gisant dans son propre sang, maudissant sa propre faiblesse et absolument pas maître de son propre destin. Ainsi, le bras droit de Sul Hei venait réclamer de lui-même cette mort qui lui glissait entre les doigts depuis le début. Ainsi espérait-il surtout pouvoir triompher de la puissance même à l’origine de son arrivée en ce monde… Si de courage, il ne manquait pas, il en était de même pour sa stupidité.

Et pourtant, Rhadamantys avait conscience de sa faiblesse, puisqu’il n’était pas venu seul, mais bel et bien accompagné de deux autres élus aux auras au moins aussi ardentes que la sienne. Un trio de légendes vivantes qui avaient marqué le continent de leurs poings ou leurs lames chaque fois que l’on avait fait appel à eux. Un trio monstrueux qui avait perdu de vue la loyauté et la fidélité envers les institutions supérieures, préférant se soumettre à des substituts explosifs si fragiles et bien souvent mis à mal par autrui. Un trio qui s’apprêtait à commettre la plus grossière erreur de son existence, mais qui, fort heureusement, n’aurait même pas le temps de s’en rendre compte.

Ainsi, ces élus, venus de différents horizons, tentaient aujourd’hui de triompher de l’ultime épreuve qui puisse leur être imposée, espérant qu’en ce jour encore radieux la légende s’écrirait. Les Ossements avaient très bien compris la décision du guerrier en armure, aussi n’insistèrent-ils pas vraiment à son sujet. Futile. De même pour la demoiselle trop pleutre pour venir croiser le regard de la divinité, qui tenterait sûrement de prendre cette dernière à revers dès qu’elle en aurait l’opportunité. Futile. Seule comptait désormais la décision du troisième luron, celui qui semblait baigner le plus dans l’amour enneigé de Long. Malheureusement, lui aussi préférait attribuer son allégeance à un dirigeant fébrile qui, tôt ou tard, serait renversé par plus fort que lui. Futile.

« Qu’il en soit ainsi !!! » répondit simplement le dieu, rugissant jusqu’à en déchirer les cieux.

Aussitôt, sans perdre de temps, la gueule béante du dragon squelettique s’ouvrit autant qu’elle le pouvait, déchaînant un souffle putréfiant d’une puissance spectaculaire, qui balaya toute la zone aux alentours, soulevant d’épais nuages mêlant les résidus de l’attaque à la neige environnante. Pour dissiper tout ceci, les Ossements absorbèrent une quantité faramineuse de givre, avant de la libérer brutalement tout autour de lui. La bataille avait commencé, mais peut-être était-elle déjà finie ?

Les ultimes soubresauts du souffle putréfiant de l’entité divine se dissipaient lentement, la visibilité reprenant le dessus sur l’épais brouillard de neige qui s’était levé en réponse à la puissance démesurée des Ossements. Ceux-ci savaient qu’aucun des trois challengers du jour n’était encore tombé sous ses coups, chacun parvenant à sa façon à se protéger des attaques mortelles lui étant destinées, la méthode la plus efficace consistant à imiter la lâcheté des élus de Shuzâ en se terrant hors de portée.

Les restes de Long ne s’étaient pas donnés à pleine puissance, mais pourtant, la puissance de l’attaque était bien là, ce qui forçait le respect quant à la résistance de ses adversaires. Peut-être méritaient-ils un tant soit peu de respect, même ce déchet de Rhadamantys qui se présentait à nouveau face à lui semblait s’être beaucoup entraîné depuis sa dernière défaite. L’œil du dieu squelettique scrutait attentivement ses adversaires, laissant son souffle s’accumuler, tout en défiant ceux-ci de jeter leurs forces à corps perdu dans une bataille dont l’issue ne faisait aucun doute.

Ce fut, une fois encore, le guerrier en armure et à l’aura draconique qui se lança le premier, utilisant ses forces sans compter, afin de lancer à son tour une série de violentes attaques qui parvinrent à esquinter une partie de la carapace robuste des Ossements. Ce n’était pas grand-chose toutefois, mais cela semblait être le maximum dont le chevalier était capable. Là où Long fut le plus surpris, ce fut par la seconde élue, celle qui jusqu’ici faisait acte d’absence en se dissimulant à l’abri des coups es moins dangereux de l’arsenal de l’entité. Cette même élue, faisant preuve d’une impressionnante vélocité, parvint à trouver une véritable faille dans les défenses de la créature, le blessant encore plus grièvement que ne l’avait Rhadamantys, malgré un épais bouclier de mana, mais surtout, affichant ouvertement et à vue de tous l’un de ses points faibles.

Le dernier élu ne tergiversa alors pas, ayant bien repéré la faille mise en évidence par la fine lame précédente, se ruant à son tour vers ce point faible pour infliger des coups critiques. Les Ossements ne purent qu’à grand-peine se défendre, et l’ultime attaque du dénommé Zoro parvint à le jeter à terre, tandis qu’une partie de son énergie s’envolait pour de bon. Le trio avait complètement été surestimé par l’entité, et venait de le surpasser dans l’état actuel des choses.

…

Un rugissement profond du colosse de Reifuu déchira les cieux et la terre en deux, tandis qu’il se relevait, animé d’une énergie nouvelle. Ces élus l’avaient poussé à dévoiler sa véritable puissance, ils n’allaient pas être déçus. L’aura bleuâtre visible au sein de son corps s’intensifia, tandis que ses ailes s’accroissaient et s’animaient d’une nouvelle force. Long s’éleva dans les cieux, surplombant encore davantage ses ennemis. Déjà maître sur terre, il l’était aussi dans les airs.

Les Ossements de Long intensifièrent leur aura divine, jusqu’à ce que la pression même de la gravité augmente, afin de clouer les élus au sol. La température chutait de plus en plus brutalement, et quiconque n’était pas préparé à subir un froid aussi intense ne survivrait pas. D’ailleurs, le trio pouvait déjà, le temps que leur cerveau s’accumule au ralentissement de son rythme sanguin, être victime d’illusions en tout genre, et d’autant plus Zoro, dont le sceau du Sennou réagissait en harmonie avec la nouvelle aura du dragon.

Mais le monstre ne s’arrêta pas en si bon chemin. Sans laisser de répit à ses adversaires, il piqua vers eux, afin de les écraser sous sa masse, puis s’éleva à nouveau dans les cieux, libérant sur les élus un souffle encore plus glacial que tout ce qu’il avait pu cracher auparavant.

Ainsi, les Ossements de Long avaient dévoilé la pleine mesure de leur puissance actuelle. Oh, ce n’était rien en comparaison de la divinité si parfaite et invincible que le dragon avait été autrefois, et quiconque y aurait été ne serait-ce que légèrement confrontée, en ayant eu par la suite la chance de survivre, rirait aujourd’hui de ce que le dieu de Fuyu était devenu. Toutefois, les trois élus faisaient bel et bien face à leur ennemi au maximum de ses capacités, un ennemi qui les avait d’abord, à tort, sous-estimé grandement, avant de constater la force individuelle de chacun, mais surtout la cohésion de cette équipe plus qu’hétéroclite, qui avait été capable de le faire tomber, même sous sa forme incomplète, et ce, en très peu de temps. Ainsi donc, pour la première fois depuis que les Ossements existaient, ceux-ci étaient contraints de sortir le grand jeu.

La situation n’était pas pour autant désespérée pour le squelette draconique, bien au contraire. Prendre cette forme signifiait désormais qu’il passait aux choses sérieuses et que les ennuis allaient véritablement pleuvoir sur ses adversaires. L’illusion de glace n’était qu’un avant-goût de ce dont il était capable en ce moment. Les Ossements connaissaient très bien les forces et faiblesses de deux de leurs adversaires, élus de sa nation depuis si longtemps, tandis que la variable inconnue que représentait la troisième ennemie, sans doute protégée par les charmes de leur vieil ennemi Manshe, au vu de son approche du combat quelque peu sournoise, n’était pas suffisamment grande pour l’effrayer.

Comme attendu de la part des restes divins, aucun de ses adversaires du jour n’avait succombé encore sous ses coups répétés. Un rictus diabolique s’afficha sur le faciès du dragon, qui se satisfaisait du divertissement que lui offraient ces élus. Si les dénommés Lexi et Zoro n’avaient pas l’air d’être mal en point plus que cela, en revanche, Rhadamantys, celui-là même qui avait déjà été vaincu une fois en ces lieux, celui-là même qui était venu réclamer un nouveau combat, celui-là même était dans un état piteux et proche de l’évanouissement. Un combattant qui ne poserait sans doute plus de problème à la divinité, si toutefois l’on considérait qu’il en avait posé à un moment donné. Ce fut cette erreur de jugement des Ossements qui manqua de peu de leur faire perdre le combat.

De fait, alors que ceux-ci reportaient leur attention sur les deux autres élus, attendant de voir quelle serait leur prochaine contre-attaque, Rhadamantys matérialisa soudain une énergie gigantesque, semblable à celle qui émanait du dieu, surpassant tout ce qui avait pu être lancé juste avant, avant de projeter ce concentré de puissance éthérique vers les Ossements à une vitesse sidérante, les prenant de court et les contraignant à déployer temporairement la protection divine et écailleuse qui faisait autrefois sa fierté. Malgré cela, la force pure de l’attaque était telle qu’elle surpassa cette défense jadis impénétrable, commençant à ronger le squelette volant.

Une fois encore, les dommages ne semblaient pas incommensurables, mais l’attaque servit à ouvrir une brèche dans laquelle purent se frayer les assauts répétés des deux alliés de Rhadamantys, qui avaient ajusté leur tempo à celui de son assaut ultime, pour maximiser leurs dégâts. Si les Ossements purent minimiser un tant soit peu les nombreux coups reçus, le corps d’os qui leur servait de réceptacle ne serait bientôt plus en état de grand-chose. Ils ne ressentaient aucune douleur, mais la rage et la rancœur de se trouver ainsi acculés par trois malheureux humains lui arrachèrent un nouveau rugissement à glacer le sang.

Les Ossements n’avaient plus aucun moyen d’être certains de leur future victoire, l’hypothèse même de perdre ici-même commençaient à germer dans leur esprit. C’était inacceptable, inimaginable ! La colère draconique qui les animaient désormais prenait peu à peu forme, sous forme d’une aura noirâtre, tout autour de son corps. Les alentours se déformaient peu à peu, l’espace et le temps eux-mêmes semblaient se plier à la nouvelle puissance déployée par le monstre. Une énergie encore plus incroyable vint figer les mouvements de ses ennemis, comme si l’univers lui-même voulait les soumettre à sa volonté. C’est alors que le dragon disparut devant leurs yeux, réapparaissant instantanément dans leur dos, les chargeant aussi promptement et férocement qu’il le pouvait.

Sans leur laisser aucun répit, il tenta à nouveau de les piétiner jusqu’à ce que mort s’ensuive, avant de geler de son souffle infernal les corps qui pourraient subsister de cet assaut. Sa rage commençait à se dissiper lentement, tandis que l’incarnation de Long reprenait de la hauteur, pour admirer l’œuvre de ses émotions.