Consumée par une amertume décennale à force d'observer sa solitude et ses erreurs, la méfiance d'Océloth s'est muée en une certaine curiosité à l'égard du moindre intru venu troubler les eaux qu'il garde. Les percevoir -d'office- comme une menace l'arrange bien inconsciemment puisque cette impression le contraindra toujours à vérifier par lui même. Ce fut le cas cette nuit encore, à l'écoute d'une suite de pas sur la surface de son domaine. Aucun navire se trouvait à proximité. Pourtant, plus il s'approchait plus l'écho raisonnait clairement. Le monstre plissait des yeux jusqu'à se rendre compte que ce qu'il voyait était le dessous de quatre semelles. Deux paires bien distinctes.
Y a t il réellement deux personnes en train de.. macher, sur l'eau? Exceptionnellement, sa tête émergeait non loin des inconnus, face à eux. A la lumière de la lune il reconnaissait deux hommes emmitouflés dans de longs draps noirs. L'un semblait plus grand que l'autre. Un garde du corps? Si leur but était de se déplacer discrètement alors ils ne sont pas bien malins. Deux étrangers au milieu de l'océan, ça se remarque, surtout si ceux là cherchent à se couvrir entièrement. Néanmoins, ces suspects n'ont pas eut l'air surarmés et aucun n'a encore véritablement réagit à son apparition. Emprunteraient ils simplement un raccourci où... sont ils en chasse? Non, ça n'aurait aucun sens.
Océloth préservait une distance entre eux, jusqu'à les voir reprendre leur marche. En un battement il se retrouvait nez à nez avec le plus en avant. Cette fois, son buste dépassait hors de l'eau:
- Allez vous en. Vous n'avez rien à faire là.
Océloth ne s'expliquait pas encore cette prise de décision. Depuis qu'il a rencontré ces simplets au village, il se fait un devoir d'exclure toute menace potentielle de leurs côtes et de leurs plages. Une manière peut être, de s'approprier leur vie sans leur porter atteinte. Qui sait?
L'esquisse d'une méfiance s'estompe aussitôt qu'il fût identifié comme moins que l'ombre d'un animal. Pensent ils vraiment qu'il ne les a pas entendu parler distraitement? Océloth se fiche tout autant de leurs conventions sociales tant qu'il est ce qu'on voit de lui. Qui plus est, quel être imbu de lui même réclamerait un semblant de respect sans en démontrer autant? Encore une de ces prétentions puériles qui veut que l'on se moque des règles que l'on prône tant jusqu'à ce qu'un autre en fasse usage le premier. Une habitude déplaisante à laquelle, ironiquement, le monstre finit toujours par se plier, peu adepte des conflits si il existe un moyen apparent de les éviter.
- Nulle voix ne saurait porter celles des océans. Je vous demande simplement de partir. Vous dérangez la sérénité de ces lieux.
Océloth jaugeait plus amplement les deux individus: sous la capuche de l'un d'eux, une lueur rouge semblait se refléter quelque part. L'autre quant à lui, eut tantôt le réflexe de s'accrocher au manche d'une arme blanche rangée dans un fourreau couvert par son drap sombre. Néanmoins, leur manque de charge prouve à lui seul qu'ils ne savent rien de ce que recèle ces eaux qu'ils foulent de leurs bottes crasseuses. Ils lui rappellent ces insouciants qui y aurait volontiers jeté tout ce qui leur encombrait les bras. Déchets qu'il aurait pu se plaire à leur faire avaler de force si il ne préférait pas éviter leurs regards...
- Sur cette rive vous ne trouverez rien qui puisse satisfaire une quelconque forme de cupidité. Allez vous en.
Ceci dit, quelle raison, ou quel but amènerait des étrangers vers les abords de Reifuu? Ce n'est pas chose courante, une traversée comme celle qu'ils font actuellement. Leur allure ressemble à celle de ces bandits de sentiers qu'il a connu dans son monde d'origine. Le monstre ne s'agitait cependant pas davantage, sachant déjà que prévoir si leur prochaine action devait être une erreur. Après tout, les apparences ne trompent rarement que les yeux.