Mort sur le fil

Le moment de partir pour Uruk était donc enfin venu. Ça faisait un moment maintenant que le jetboard était réparé et nous permettait de voyager plus rapidement entre les villes, je pouvais à nouveau me servir de mon arme, même si ça se limitait encore au pulvérisator et donc la courte portée. Et en prime l'éco noire et blanche étaient aussi revenues pour me permettre de voler et même de me téléporter sur une courte distance.

Ceci dit, puisque ces deux dernières capacités étaient encore du genre instables, je préférais éviter de m'en servir pour le moment. C'est donc en jetboard qu'on voyageait Daxter et moi, avec évidemment toujours ces gens qui pensaient halluciner de voir une planche en lévitation au-dessus du sol. Ça peut sembler être de la magie, mais n'importe quelle technologie suffisamment avancée peut passer pour telle dans un monde comme celui-là.

Ça n'a aucune importance de toute façon. On a beau pouvoir voyager plus vite qu'à pieds, on en est pas encore à faire le trajet Jiban-Uruk en une journée. Alors forcément, fallait s'armer de patience, et faire attention à la distance qui séparait les différents villages marquant les étapes de notre trajet. Qu'on aille pas se retrouver à devoir camper à la belle étoile sans matériel alors qu'il aurait suffit de s'arrêter juste une heure plus tôt que d'habitude quand on en avait l'occasion.

Ceci étant dit, les croisements commerciaux étaient l'une des dernières étapes du voyage. Après ça, on aurait sans doute un ou deux arrêts grand max à faire avant d'atteindre la cité où nous devons enfin rencontrer ce Gilgamesh en personne. A priori, s'il n'a pas menti dans sa réponse, nous n'auront qu'à nous présenter et les gardes nous laisseront passer.

Avec ou sans arme ça reste à voir, dans tous les cas ça ne fera aucune différence puisque je suis le seul à pouvoir m'en servir, et que de toute manière, je ne devrais pas en avoir besoin pour cette entrevue. Mais va savoir, puisqu'il a décidé qu'il serait seul juge de notre caractère pour décider si oui ou non on fera partie de l'équipe qui doit se préparer à entrer dans cette période sombre à pieds joints comme il semble l'annoncer...Nous auront peut-être droit à des tests ou des épreuves pour juger la vaillance ou la force.

Après tout c'était comme ça à Spargus. Si nous n'avions pas réussi dans l'arène, Damus ne nous aurait jamais accepté et nous serions repartis mourir dans le désert. Prouver qu'on peut être un atout pour la communauté pour mériter sa place en somme. Mais ça, on y est pas encore. Comme je le disait, une nouvelle étape nous attend ce soir. Nous descendons du jetboard à l'entrée de la ville pour marcher un peu, et trouver un endroit convenable où passer la nuit.

Rapidement, on nous avait recommandé une auberge au nom peu racoleur, mais à l'offre complète et plutôt alléchante.  Déjeuné, dîné, chambrée et j'en passe, tout ça pour un prix relativement abordable à l'auberge du Poney qui Tousse...Inutile de dire que Daxter n'aura pas arrêté de rire chaque fois qu'il entendra ce nom, au point que certains penseront qu'il se paye leur tête en nous croisant. Sans causer de débordement heureusement.

Mais même si cette auberge possède une offre intéressante pour les touristes de passage et un nom prêtant à rire...Une fois la nuit tombée, c'est à une toute autre ambiance qu'on aura eu droit. Car après avoir été réveillé par un étrange bruit d'objet traîné au sol dans le couloir, et constaté que la porte de la chambre était entrouverte, je me saisit d'un poignard que j'avais laissé à portée de main sous mon oreiller.

Il valait mieux être prudent et toujours s'assurer d'avoir de quoi se défendre rapidement en cas d'urgence en pleine nuit. Prendre mon fusil et m'en servir prendrait trop de temps si on ne me laissait qu'une seconde pour réagir si on me sautait dessus en pleine nuit. Daxter ne semblait plus être dans la pièce, mais je peux garantir que s'il était en danger je l'aurai déjà entendu hurler. Simplement vêtu de mon pantalon, cheveux lâches mais rapidement attachés en queue de cheval pour des raisons pratiques, je m'aventurait donc méthodiquement vers le couloir, prêt à me défendre s'il le fallait.

Je constatait rapidement en m’accroupissant pour toucher les planches que quelque chose avait effectivement rayé le plancher du couloir. Mais même si je penchait plutôt pour une lame lourde, ça pouvait plus ou moins être n'importe quoi. Toucher ces rayures ne pouvait pas tout dire, surtout dans le noir et sans même une lueur de bougie pour éclairer.

Je constatait cependant qu'une des portes de l'étage était ouverte. Mais pas qu'un peu, grande ouverte en fait. Je doutait donc que quelqu'un ait pu oublier de la fermer à ce point. Alors au cas où, surtout si Daxter était parti en vadrouille je n'sait où, j'étais allé voir si je le trouvait là. Puis aurait simplement refermé la porte si je n'avait rien trouvé pour aller me recoucher, ou alors chercher où avait bien pu passer Dax. Mais au final, je ne m'attendais pas vraiment à trouver ça...

Un cadavre, visiblement attaqué dans son sommeil. Si cette femme ne s'était pas réveillée, elle n'avait aucune chance. Et ça avait dû être le cas, puisque de prime abord, il ne semblait pas y avoir eu lutte. Quelqu'un aurait forcément entendu quelque chose de toute façon. Et comme si ça ne suffisait pas, il fallait qu'un type se mette a beugler dans le couloir, histoire de bien réveiller tout le monde et de nous mettre dans la pire situation, celle des suspects principaux.

Entre le fait que l'arme du crime se soit avéré être la sienne et moi qui avait un poignard, même s'il n'avait pas servit, contrairement à l'épée du gamin, on aura eu vite fait de se placer en haut de la liste des potentiels coupables. Évidemment, les autorités avaient rapidement été prévenues, personne ne pouvait plus sortir, mais Daxter manquait encore à l'appel.

J'avais dû en plus leur laisser mon poignard et mon fusil en attendant que tout soit tiré au clair. Tout le monde s'était fait confisquer ses armes en fait, mais ça encore, je comprends. Mais alors qu'on s'apprêtait à être interrogés lui et moi, le jeune se mis à m'accuser d'être l'assassin, avec pour seul argument que j'étais sur les lieux avant lui...Une chose est sûre je ne paierait pas cher pour le voir me défendre à un tribunal celui-là. Peut-être qu'il se basait sur les cicatrices héritées de deux ans de torture en prison, qu'il avait pu voir sur une bonne partie de mon torse et de mon dos avant qu'on ne m’ait autorisé à enfiler mon t-shirt aux manches déchirées et mes bottes. Ou bien était-ce mon air naturellement menaçant en raison des circonstances ? Quoi qu'il en soit, je ne lui fait pas plus confiance qu'à n'importe qui d'autre ici.



On nous ordonne évidemment de nous taire, pour que les gardes puissent nous interroger. En commençant par vouloir savoir ce qu'on faisait là en pleine nuit devant la chambre de la victime.











A tel point qu'ils n'ont visiblement pas pensé à fouiller partout, puisque les ronflements si caractéristiques de Daxter se font entendre derrière le bar. Je le soupçonne donc de s'être levé en pleine nuit pour aller boire en cachette, et se serait endormis dans le meuble du comptoir. Ça expliquerait pourquoi un garde se retrouve obligé de justifier qu'il n'avait vu personne, avant d'être sommé d'aller voir à nouveau. Il ne tarde pas à tirer une drôle de tête, avant de saisir Daxter par son cou fin et de le brandir en disant qu'il avait trouvé un rat bizarre. Bien entendu, il ne tarde pas à voir rouge et à se tortiller dans tous les sens en agitant les poings pour en découdre.

C'est vraiment une bonne grosse situation d'merde...On se croirait revenu à la case départ, comme quand j'ai dû me défendre face à Veger et ses juges corrompus pour ne pas être banni d'Abriville. Sauf qu'ici, c'est ce gamin qui serait Veger malgré lui, et moi je dois toujours clamer mon innocence face à un groupe d'imbéciles. Surtout que ce gamin m'a l'air d'être resté trop longtemps devant la télé, à me parler de scénario cliché.



Au moins lui, rien qu'à voir sa carrure, sa tête, sa façon désespérée de vouloir trouver un coupable facile...je l'imagine mal faire ça. Surtout pour au final laisser des preuves contre lui-même qui sont aussi évidentes que le ciel est bleu. Je sais reconnaître quelqu'un capable de tuer de sang froid, je ne l'imagine pas comme ça. Il n'a pas l'air assez tordu pour préparer tout un coup monté comme celui-là.

Il m'a l'air un peu trop premier degré avec ses suppositions à côté de la plaque. Comme quoi je serai "aller pisser" au milieu de la nuit. Ou encore son sabre, qu'il s'étonne



Au moins, Daxter allait finalement bien, ça fait au moins une bonne nouvelle dans le tas. Il a l'air assez en forme pour faire sa grande gueule, et en plus il apporte peut-être un indice sur la façon dont on s'y est pris pour tuer quelqu'un cette nuit. Visiblement, un somnifère aurait été versé directement dans une bouteille de jus de pomme. Ce qui aurait donc permis d'atteindre la victime sans qu'elle ne se réveille.

Seulement, y'a un truc qui colle pas. Si on avait voulu l'endormir elle, on aurait juste eu à verser le somnifère dans son verre, mais là c'est carrément dans la bouteille. Donc...peut-être que le but était d'endormir le plus de gens possible pour être tranquille. Et même en dehors de ça, les bouteilles sont stockées sous le comptoir, derrière ou en réserve, donc personnellement, je pencherai pour un employé, ou même le propriétaire.

C'est trop mince comme preuves pour accuser formellement, mais ça viendra peut-être. Même pour le mobile, y'aurait un tas de raison pour qu'un mec comme le propriétaire veuille faire ça à une femme. Mauvaise payeuse, refus d'avances, chantage, les possibilités sont légion. Il va falloir affiner la liste des suspects, et surtout trouver des preuves...et les gardes n'ont pas l'air très doués pour ça. Mais avant ça, il faut déjà prouver que je n'ai rien à voir là-dedans, et ça, c'est déjà une autre paire de manche. C'est plus simple de trouver un coupable qu'un innocent.

Le gamin se fait d'ailleurs interroger, pendant que Daxter fait les cent pas sur la table à essayer de trouver la solution lui-même, mais sans succès. Il sort plutôt des hypothèses plus farfelues les unes que les autres. Mais on est rejoint par le gamin, qui change bizarrement de comportement en semblant dire qu'on était dans le même bateau maintenant.



Je tapote alors de l'index sur la table, observant les gardes tout en cogitant de mon côté. Il fallait passer à la vitesse supérieure et prendre les choses en main si on voulait éviter d'y passer l'hiver et manquer le rendez-vous avec Gilgamesh. Je me levait donc en tapant du plat de la main sur la table pour parler aux gardes, ce qui n'avait pas l'air de leur plaire évidemment. Mais vu que je restait calme et que j'évitais d'être menaçant, ça n'éclatait pas en bagarre ou en arrestation brutale.