Seule parmi les décombres ? [Ft. Svenja]

La demoiselle avait l'étui de sa trompette en main lorsque sa vision vira au blanc complet pendant de longues secondes. Elle s'était préparé à sortir pour aller voir son professeur pour son cour de la semaine après avoir embrassé une dernière fois Izaya qui était concentrée sur le montage de sa nouvelle vidéo. Leur relation s'était naturalisé avec le temps et si au début les voisins étaient assez médisants, ils s'étaient enfin calmés après deux ans de vie commune. Fini le temps où on venait la voir pour lui dire de sortir des griffes de la trentenaire qu'elle aimait. À force de doux sourires rassurants, elle était parvenu à les convaincre que non, la Miyamoto n'était nullement mal intentionné, que c'était une femme géniale qui méritait tout son amour et non la crainte et la haine.

Mais alors qu'elle mettait le bras devant ses yeux pour limiter l'éblouissement et qu'elle se réhabituait doucement à la luminosité ambiante, cette dernière se dévoila bien moins agressive qu'elle ne s'y attendait. Perturbée, la demoiselle aux cheveux d'un noir profond portait une chemise ouverte blanche au dessus d'un t-shirt violet et une jupe mi-longue blanche elle aussi lorsqu'elle dût faire face à une réalité absurde. La ville qu'elle avait face à elle ne ressemblait en rien à Tokyo, mais à une ville médiévale partiellement en ruines. Se retournant face à cette surprise absurde pour aller chercher l'aide d'Izaya, la demoiselle sentit son coeur se serrer violemment alors qu'elle découvrait qu'elle était sur le palier d'une maison totalement inconnue, elle aussi médiévale. La porte était ouverte, mais surtout, la demeure était totalement vide. Une brise légère et plutôt fraîche lui donna un frisson de terreur alors qu'elle se demandait si elle n'avait pas oublié de faire sa quête hebdomadaire, mais non, elle avait bien réussit sans trop d'efforts le marathon qui lui avait été demandé. Si seulement toutes les quêtes pouvaient être aussi faciles d'ailleurs...

Sa réaction fut alors de chercher à ouvrir son panneau d'informations mais... Après la réalisation de l'habituel mouvement de main qui accompagnait la pensée pour requérir son déploiement, rien ne se passa. La jeune femme fronça alors les sourcils, interdite. Qu'est-ce que... Elle réessaya alors une fois, puis une autre, puis encore une autre... Sans succès. Il n'y avait rien à faire, le panneau désormais si commun n'existait plus... Ou du moins elle n'y avait plus accès. Aucun autre pannel d'information, de quête ou de quoi que ce soit ne l'entourait. Qu'est-ce qu'il se passait ? Où était-elle arrivé ?

Se mordant la lèvre d'inquiétude, la demoiselle prit sur elle et souffla un grand coup, pensant à Izaya pour essayer de se rassurer et de se dire que sa bien-aimée ne tarderait pas à venir la chercher ou à trouver une solution pour la ramener. Allez, tout irait bien, il fallait juste patienter...

Décidant de le faire en se baladant dans cette cité fantôme puisque l'ennui vint rapidement toquer à sa porte, la jeune japonaise de vingt-trois ans dirigea ses pas ruelle après ruelle pour tâcher de trouver un semblant de repère qui saurait l'aider à se diriger. Finalement, après une longue demi-heure à lutter pour ne penser à rien et ne pas laisser partir son esprit dans la panique comme il lui arrivait encore de le faire parfois lorsqu'Izaya n'était pas là, elle s'arrêta finalement devant un haut bâtiment où une tour semblait accessible, en suffisamment bon état pour ne pas s'écraser. Elle essaya alors de déployer ses ailes mais découvrit avec une certaine terreur qu'elle n'y parvenait pas. Elle qui comptait dessus pour s'enfuir en cas de danger du se rendre à l'évidence, elle ne pourrait se reposer dessus. Tentant alors de prendre un peu d'élan pour sauter, elle comprit bien vite qu'elle était revenu à un stade où elle n'était qu'une jeune fille sans puissance, elle ne pourrait donc compter que sur ses connaissances et son expérience pour se sortir de situations risquées.

Cependant, elle se baladait ici depuis une demi-heure et elle n'avait rien entendu, rien perçu sinon quelques rats qui traînaient çà et là. Donc la ville semblait véritablement abandonnée. Grimpant donc dans la tour par l'escalier de cette dernière, elle arriva tout en haut de celle-ci et, la main en visière, elle tâcha d'observer les alentours. La ville était grande, mais aucune fumée sortant d'une cheminée alors que le soleil se rapprochait de l'horizon pour aller s'y fondre doucement, aucun signe de vie à la ronde. Prenant quelques instants pour réfléchir, elle décida finalement de sortir sa trompette de son étui qu'elle avait gardé avec elle tout ce temps pour en jouer un peu. Sa peur grandissant en elle, elle savait qu'elle aurait besoin de ça pour rester calme et ne pas totalement perdre les pédales en paniquant face à cette situation qui lui paraissait de plus en plus horrible qu'elle continuait sans qu'elle ait la moindre idée de quand elle pourrait retrouver la femme qu'elle aimait.

Les yeux fermés, face au soleil couchant, Haruna joua alors à pleins poumons pour exorciser cette crainte qui montait en elle. Il fallait qu'elle reste rationnelle dans cette situation potentiellement dangereuse pour pouvoir ensuite rentrer aux côtés de sa belle.

La jeune demoiselle était lancée dans sa musique, aussi ne capta-t-elle pas le son des pas de l'inquisitrice en armure qui arrivait dans le haut de la tour sur laquelle elle était perchée. Sursautant en entendant une voix derrière elle, Haruna se retourna pour voir face à elle... Une boite de conserve complètement fermée. Totalement surprise, craintive face à ce potentiel ennemi, la jeune femme eut un sourire un peu gêné et baissa son instrument.

« Oh euh... Bonsoir... »

Restant interdite quelques instants, ignorant comment réagir, elle fut légèrement rassurée de voir l'inquisitrice ranger son arme puis enlever son casque. Bon. Elle n'allait peut-être pas mourir de suite...

« Je... Euh... Hajimemashite, Svenja de Maribor-sama... Je... Je m'appelle Arai Haruna je viens de Tokyo... C'est... La capitale du Japon... Vous connaissez ?.. »

Plutôt gênée, l'Arai cherchait quoi dire, par quoi commencer au milieu de toutes les questions qui fourmillaient dans sa tête. Soutenant tant bien que mal le regard de cette inconnue de ses yeux pourpres, la musicienne se mordit la lèvre, des tremblements commençant à l'habiter. Maintenant qu'elle était face à une humaine qui semblait capable de communiquer bien qu'elle ne sache d'où venait son accent, une partie de la pression qui écrasait Haruna jusque là s'envola. Celle qui lui faisait craindre une mort par un monstre ou une bête quelconque au milieu de la nuit. Restait cependant celle de l'inconnu total qui l'entourait. Sa respiration s'accéléra alors et les larmes montèrent à ses yeux. La peur se liait à son soulagement, la laissant dans un état d'incertitude.

« Je... J'étais chez moi et... Et je suis sortie et... Et je me suis retrouvé... Là... »

Reniflant un peu, frottant ses yeux du revers de sa main, la frêle demoiselle qui n'avait même plus la moindre de ses capacités ne s'était jamais sentie aussi faible qu'en cet instant, aussi fragile, et cela la terrifiait énormément au milieu de ce monde inconnu. Loin d'Izaya, loin de ses points de repère, elle sentait la tristesse l'envahir de plus en plus au point où les larmes devinrent trop lourdes pour être supportées.

La réponse négative de la femme en armure serra le coeur de la demoiselle. Elle n'avait même pas connaissance du Japon ?.. Comment... Comment s'était-elle retrouvé là en quelques pas ?.. Comment pourrait-elle rentrer chez elle ?.. Lorsqu'elle avait tenté de repasser le pas de la porte où elle s'était trouvé, rien ne s'était passé... Contenant encore ses sanglots pour l'instant, elle continua l'échange avec la femme qui lui faisait face.

Mais alors que la conversation continuait et que la douleur et la peur devenaient de plus en plus difficile à supporter, Svenja l'enlaça et lui enjoignit de se laisser aller. Craquant sans plus de retenue, elle posa son front contre les plaques de métal froid et éclata en lourds sanglots, terrifiée par ce qu'elle était en train d'apprendre. Elle n'avait aucune certitude sur le faire de pouvoir revenir chez elle, aucun moyen de savoir si elle reverrait Izaya. Une avalanche était en train de s'effondrer sur elle et elle ne parvenait à sortir la tête de la neige, ne savait où creuser pour espérer revoir le ciel avant de manquer d'air. Transie d'un froid profond, elle paniquait de plus en plus, son coeur s'emballant à nouveau comme il le faisait deux ans plus tôt. Comment allait-elle survivre ?..

Se rappelant tant bien que mal les exercices de respiration que lui avait apprit Izaya, elle trouva difficilement la force de s'extraire de ce tombeau glacé dans lequel elle était coincée jusqu'à entendre les mots de Svenja qui la paralysèrent sur place. C'était à peine si elle avait la force de respirer lorsqu'elle entendit les mots de l'inquisitrice qui n'avait, de toute évidence, pas de bonnes nouvelles à lui annoncer suite à ces premiers coups de matraque qu'elle lui avait asséné. Avalant sa salive difficilement, repoussant l'évidence de toutes ses forces, elle trouva en elle une force suffisante pour murmurer une réponse.

« Di... Dites-moi... Svenja-sama ?.. »

Incapable de parler plus en cet instant où la peur ne faisait que grandir dans ce monde qui perdait progressivement ses couleurs, les améthystes ne se cachaient cependant plus pour essayer de chercher le moindre brun d'espoir dans les yeux de celle qui l'enlaçait. Y avait-il une chance, si mince soit-elle, pour qu'elle ait au moins une bonne nouvelle pour elle ?..

Écoutant tant bien que mal les informations que lui transmettait la femme armurée, la demoiselle à la tenue légère. Elle accusa ainsi un premier coup terrible, elle n'était plus dans le même monde. Elle se trouvait à Kosaten, dans une nation nommée Shûza... Et elle avait été invoquée pour être une héroïne du peuple... De manière toute aussi brutale qu'elle avait été désignée éveillée sur Terre, elle se retrouvait là, forcée à endosser un rôle qu'elle ne voulait pas, arrachée à son cocon qu'elle avait enfin fini de tisser aux côtés d'Izaya. Pourquoi avait-elle été choisie ?.. Et par qui ?.. Personne visiblement puisque les dieux d'ici n'étaient plus là... Juste par un destin odieux qui s'acharnait sur elle, qui brisait ses rêves et ses espoirs.

Sa respiration s'emballait alors que Svenja continuait de l'abreuver de connaissances qu'elle aurait préféré ne jamais avoir à entendre. Mais alors qu'elle cherchait le regard de l'inquisitrice pour y trouver une once d'espoir, cette dernière commença par éviter le sien, ce qui coupa l'arrivée d'air de l'Arai. Incapable de respirer sous la panique qui montait, elle resta suspendue aux lèvres jusqu'à ce que le verdict tombe. Personne n'était parvenu à partir d'ici.

Reniant cette vérité de toute son âme, ne trouvant aucune malice dans le regard ou les mots de celle qui la tenait encore, Haruna avala difficilement sa salive. Non... Non... Il devait y avoir une solution.

« D'a... D'accord mais... E... Est-ce que des... Gens ont déjà essayé de... Faire venir quelqu'un ?.. Est-ce que c'est... Possible de ramener une autre personne... De là d'où on vient ?.. »

À vrai dire, retourner là-bas ne l'intéressait pas plus que ça pour le lieu en lui-même. Non. Elle s'en moquait éperdument. Que la Terre aille au diable avec ses démons et ses donjons, ses quêtes et ses punitions. Mais... Mais Izaya... Elle avait besoin d'elle. Plus que de boire, de manger, de respirer. Plus que de vivre. Elle avait besoin d'elle. Plus que tout.

« J'ai... Juste besoin d'elle... Si elle peut venir, même si c'est dur... Même si c'est dans longtemps... J'ai besoin d'elle... Je peux la faire venir, Svenja ? »

Plus qu'une réponse sincère, c'était une réponse positive qu'elle cherchait sur les lèvres de celle qu'elle avait rencontré en premier dans ce monde inconnu. C'était uniquement à cet espoir, même faux, qu'elle pourrait se rattacher pour ne pas sombrer dans la folie pure et se jeter immédiatement du haut de cette tour damnée.

La question de la demoiselle qui vacillait entre panique et folie en ces instants de doute voyait que la réponse tardait à venir, et ce doute chez Svenja suffit à lui redonner un peu de cet espoir qu'elle avait massacré un peu plus tôt dans leur échange. Si elle doutait, c'était que la réponse n'était sans doute pas un non catégorique. L'inquisitrice explicita alors sa réflexion sur le sujet qui se basait sur un constat simple : personne à sa connaissance n'avait un jour tenté de faire venir quelqu'un précisément. Personne d'autre que les dieux en tous cas selon ce qu'elle lui avait expliqué plus tôt.

« Si personne n'a tenté... Alors on ne peut pas être sûr que c'est impossible... Je... Je ferai tout pour y parvenir... »

Si beaucoup auraient pu lancer ce genre de phrase dans le vent, l'Arai était effectivement prête à absolument tout pour revoir celle qu'elle aimait. Affronter la mort, faire les pires horreurs, rien de cela ne l'arrêterait tant qu'elle pouvait cultiver l'espoir de revoir Izaya. Elle seule comptait. Et si elle n'aurait jamais cru avant ce jour ne serait-ce qu'imaginer faire volontairement du mal à un autre humain, aujourd'hui, cela ne l'aurait même pas fait frémir que d'arracher les yeux de la première personne venue si cela lui permettait de concocter une quelconque potion d'invocation pour lui permettre de la rejoindre.

La suite ne la fit même pas broncher. Si ce Zang pouvait lui apporter des réponses et des solutions, alors elle irait le voir. Calmant petit à petit ses sanglots, se forçant à retrouver une certaine contenance, la demoiselle parée de blanc hocha doucement la tête. Oui. Aller voir ce Zang n'était certes pas rassurant, mais s'il pouvait l'aider, qu'importe ce qu'il lui demanderait, elle le ferait. Ce n'était cependant pas quelque chose à expliciter, elle le savait bien. Ce serait juste la porte à devenir un outil jetable pour lui, et elle ne comptait pas laisser voir son désespoir trop en détails.

« Si c'est possible... J'aimerais bien le rencontrer... Je n'arrive à rien depuis mon arrivée mais... Avant... J'avais des ailes et... Et je sais me battre... »

S'écartant doucement de Svenja, Haruna essuya ses larmes de ses mains pour mieux retrouver une vue claire avant de glisser ses mains dans l'intérieur des pans de sa veste, dévoilant ainsi deux dagues qui s'y camouflaient avant de les replacer là. Elle voulait que cette femme comprenne qu'elle n'était pas juste une troubadour mais bien quelqu'un de compétent, qu'elle ne la prenne pas juste en pitié.

« Je me sens vraiment faible depuis que je suis là d'ailleurs... Vous savez si c'est normal ?.. Je n'arrive même plus à utiliser ma magie, pas même un tout petit peu... Je pourrais retrouver mes capacités ?.. »

En vérité, alors qu'elle lui présentait ses doutes, elle ne put s'empêcher de se dire qu'il devait s'agir là d'une forme d'acclimatation à un monde nouveau et que potentiellement, tous les élus étaient passés par là. Donc si des élus étaient capables d'être "très puissants" comme ce Zang, cela voulait dire que travailler ses capacités pour les recouvrir était largement faisable.

« Pour rencontrer votre dirigeant... Est-ce qu'il y a des choses que je dois savoir, une manière de s'adresser à lui ou de se présenter ?.. Je ne voudrais pas qu'il soit contrarié par mon manque de connaissances sur l'étiquette... »

Prête à suivre Svenja où qu'elle le souhaite, la jeune femme tenait cependant à bien se présenter pour ne pas partir d'un mauvais pied avec celui qui serait peut-être la clef pour faire venir Izaya à elle. C'était, après tout, la seule chose qui lui importait vraiment.

La demoiselle aux yeux violets craignait que sa faiblesse ne fut un motif de refus mais les mots de l'inquisitrice la rassurèrent bien vite. C'était un processus normal et chacun devait passer par là à son arrivée. Chacun des élus du moins. Elle hocha alors la tête, les yeux encore rougis de ses pleurs précédents. L'effort ne lui faisait pas peur contrairement à l'idée que sa faiblesse temporaire ne fut une raison pour le dirigeant de la refuser avant même de la rencontrer. Elle avait besoin de le voir pour augmenter ses chances de trouver une solution, aussi lente soit-elle, de ramener Izaya auprès d'elle.

Elle observa avec attention les flammes sortir de la main de sa nouvelle protectrice, regardant avec un certain intérêt la magie de feu qu'elle venait de lui dévoiler. Si en effet elle ne pouvait rien faire à son arrivée, elle était maintenant capable de gérer des flammes qui étaient loin d'être ridicules, ce qui était plus rassurant encore. Une preuve que tout ceci était un processus normal pour ceux qui avaient été choisis.

« L'entraînement ne me fait pas peur, le danger non plus... »

La seule chose qui l'effrayait actuellement, c'était cette pensée qu'elle ne pouvait atteindre Izaya, qu'elle ne pouvait se réfugier dans ses bras. Svenja enchaîna alors sur une description un peu plus précise du dénommé Zang qui était visiblement cannibale, ce qui ne dérangeait pas tant que ça la japonaise. Si elle était dans un monde où tout pouvait être rassemblé, alors il ne fallait pas qu'elle soit déroutée par ce qu'elle voyait. Et au fond, c'était juste un zombie capable de penser qu'elle lui décrivait. Elle avait déjà eu l'occasion d'en voir dévorer certains chasseurs vivants, ce qui était sans doute bien plus horrible que de voir un dirigeant se régaler avec de la viande cuite. Même si elle n'avait aucunement envie de partager un repas similaire, elle saurait s'y faire. L'absence d'étiquette bien précise la mit cependant plus mal à l'aise, préférant avoir une ligne stricte à suivre que le flou que lui proposait cette femme aux magnifiques cheveux blancs.

« D'accord... Je ferais de mon mieux pour ne pas vous faire honte alors... »

Si elle était introduite par l'inquisitrice, elle estimait que ce serait sans doute néfaste pour cette dernière si elle venait à mal se conduire et elle ne voulait absolument pas lui faire cet affront. Après tout, en un sens, elle n'avait aucune idée de quelles créatures se promenaient ici et le danger pouvait être partout. Svenja prit alors les devants et l'invita à la suivre, prenant sa main pour mieux la guider. Elles descendirent alors de la tour avant de traverser les ruines qui semblaient être millénaires tant la végétation y était dominatrice. Et en même temps, alors qu'elle y prêtait plus attention sur leur trajet, l'Arai ne put s'empêcher de remarquer que les bâtiments étaient plutôt en bon état lorsqu'ils n'étaient pas détruits par une énorme racine qui les traversaient. Il y avait une sorte de mix entre une certaine nouveauté et une ruine ancienne qui était des plus perturbants.

« Demain... D'accord. »

En vérité, la jeune femme aux longs cheveux bruns aurait même accepté de partir immédiatement, mais si cette guerrière magicienne faisait ce choix, c'était sans doute que le danger la nuit était plus grand. Ou que la route était longue. Ou les deux. La suite du chemin fut un peu plus animée avec des bruits de vie çà et là autour du duo, mais sa guide lui confirma vite ses suspicions. Il s'agissait là de ses hommes dont elle avait parlé quelques minutes plus tôt, pas de quoi paniquer.

« Oh euh non, aucun problème. Vous me protégez et m'héberger en plus de me guider à une personne qui pourrait m'aider, et vous m'offrez un toit convenable pour la nuit, je ne peux que vous remercier pour toute cette aide que vous m'apportez... »

Se montrer exigeante là aurait été un choix bien irrespectueux, surtout que les tentes militaires, si elles étaient similaires à celles qu'elle avait connu, étaient bien plus larges que les tentes civiles qui laissaient à peine la place de se mettre assis à deux ou trois côte à côte. Et puis c'était toujours mieux que de dormir à même la pierre dans un de ces bâtiments ou seule dans une tente là où un homme pourrait décider de s'inviter au milieu de la nuit, quand sa commandante dormirait. Non, elle serait bien plus en sureté aux côtés de cette guerrière qui était visiblement la cheffe de ce groupe et qui, par conséquent, devait être puissante.

« Je n'ai cependant pas grand chose à vous offrir pour vous remercier de toute cette aide que vous m'apportez... Est-ce que je peux vous proposer de cuisiner pour vous et pour vos soldats en échange ? Ou je peux jouer de ma trompette si jamais vous en appréciez les sonorités et que ça ne risque pas d'attirer des créatures maintenant... »

Tant qu'ils avaient un couteau et des ingrédients, quels qu'ils soient, la demoiselle saurait se débrouiller pour faire un plat plus que recevable, quel qu'il soit. Après tout, voilà bientôt douze années qu'elle cuisinait tous ses repas ainsi que ceux de son père quand elle avait été à ses côtés, et elle avait passé une partie de ses deux années au côté d'Izaya à s'exercer avec plus de cœur encore pour faire plaisir à celle qu'elle aimait. Si elle n'avait plus sa puissance pour l'heure, ses connaissances en cuisine étaient demeurées intactes.

Les mots de la louve furent rassurants pour la demoiselle habillée tout de blanc. Elle qui doutait fortement, elle put profiter d'un appuis qui serait sans aucun doute puissant de cette inquisitrice qui semblait jusque là parfaitement disposée à l'aider dans ces moments d'incertitude.

Haruna présenta ses doutes quant à sa capacité à rendre la pareille pour l'heure, mais Svenja vint à nouveau lui indiquer sa compréhension dans cette arrivée inattendue où le monde en lui-même ne lui rendait qu'une partie de ses capacités à son arrivée. Ce serait à elle de les récupérer avec le temps et l'entraînement, ce qu'elle ne manquerait pas de suivre assidument pour être à la hauteur des attentes de sa protectrice et montrer qu'elle méritait l'aide qu'elle recevait pour l'heure. De plus, sa proposition d'apporter ses talents de cuisinière fut acceptée, ce qui la rassura d'autant plus que c'était sans doute sa meilleure carte tant qu'elle n'avait pas récupéré ses facultés physiques comme magiques.

Continuant la marche vers ce qui serait leur lieu de repos, la jeune femme à la peau claire observait avec une certaine curiosité tout ce qui l'entourait. Elle découvrait cette cité en ruines étranges qui dénotaient fortement de tout ce qu'elle avait pu voir dans sa vie jusque là. Les quelques ruines qu'elle avait exploré que ce soit à travers des donjons ou juste par curiosité n'avaient rien à voir avec celles-ci de par cet étrange mélange d'ancien et d'actuel. Sur le trajet, elle osa donc finalement poser cette question qui la taraudait.

« Vous sauriez et accepteriez me dire ce qu'il s'est passé dans cette cité ?.. Je... J'ai l'impression que la ville est assez récente mais la végétation... Elle est beaucoup trop présente... C'est un magicien qui a fait ça ? »

La discussion continuait tranquillement lorsqu'elles arrivèrent enfin au campement où quelques soldats préparaient déjà une viande à la broche. Il n'y avait que onze tentes, c'était donc un simple détachement qui était venu là pour fouiller les ruines d'après ce qu'elle entendit comme ordres venant de la louve qui déclara immédiatement à ses hommes qu'elle était sous sa protection. Leur réaction, parfaitement disciplinée, rassura elle aussi la trompettiste qui eut sa réponse quant à sa musique. Ce serait un ajout supplémentaire pour la bonne humeur de tous et cela devrait contribuer à éviter le moindre incident alors qu'une étrangère s'incrustait dans leur groupe qui devait avoir un fonctionnement bien huilé. Le genre de personne qui, involontairement, pouvait faire éclater un équilibre.

Hésitante alors que Svenja lui proposait une place autour du feu, Haruna joignit ses mains comme une sorte de prière, doigts entremêlés.

« Serait-il possible de me montrer ce que vous avez comme ingrédients et comme matériel pour cuisiner ?.. J'aimerais bien vous repayer un peu de votre aide dès ce soir et je vois que la cuisson de votre chasse est déjà avancée alors... »

Elle ne voulait pas trop faire attendre les soldats qui devaient avoir faim pour avoir ainsi lancé un repas carné sans attendre que leurs collègues soient tous présents. Elle ne voulait pas non plus spécialement se reposer et laisser son esprit divaguer puisqu'elle aurait alors tôt fait de recommencer à pleurer la perte, ne serait-ce que temporaire, de celle qu'elle aimait. Les mots de la sorceleuse avaient cependant un impact bien différent sur la demoiselle au cœur fragile qui eut alors en tête une mélodie qu'elle appréciait normalement, une mélodie francophone d'une certaine Isabelle Pierre, une chanteuse qui venait des Amériques. Mordant sa lèvre inférieure et essuyant immédiatement d'un revers de manche les larmes qui menaçaient de couler, elle se força à afficher un sourire qu'elle ne put empêcher d'être triste avant de répondre avec autant de force qu'elle le pouvait, chassant de tout son cœur les tremblements qui menaçaient de s'en prendre à sa voix.

« Oui c'est... Appréciable... Je... Je vais commencer à cuisiner... Si vous le voulez bien... J'ai besoin de faire quelque chose de mes mains... »

Essuyant une nouvelle fois les débuts de larmes puis se dirigeant vers le lieu où se trouvaient les quelques provisions et matériels de cuisine qu'avaient les soldats pour le campement, l'Arai défit le foulard qui ceignait son bras droit, un large foulard blanc qu'elle gardait toujours avec elle et qui lui servait tant au travail qu'à sa demeure pour protéger sa chevelure et éviter que l'un de ses cheveux ne se perde malencontreusement dans un plat. Elle s’enquit du nombre de soldats pour faire la quantité suffisante de préparations puis se lança. Attachant ainsi ses cheveux en queue de cheval avec son chouchou avant d'ajouter à l'avant sur son front et retenant également sa tignasse le foulard en question, la demoiselle attrapa un couteau de cuisine et le fit tourner avec grande dextérité. Si elle avait perdu en puissance et que sa magie était inaccessible, sa précision demeurait bonne et sa vitesse d'exécution l'était tout autant.



L'Arai se mit alors à fredonner cette musique mélancolique comme pour l'expulser de son coeur et arrêter d'y penser avant de se mettre à l'ouvrage. Choisissant ainsi quelques légumes qui semblaient proches de leur fin de vie, elle en coupa une partie en cubes grossiers qu'elle écrasa de son mieux pour commencer une sorte de purée qui serait le liant du plat et qui allait progressivement devenir une sauce au fur et à mesure qu'elle ajouterait de l'eau. Elle prépara alors le reste en petits cubes d'un demi centimètre de côté, très réguliers, qui viendraient agrémenter le ragoût et lui donner une certaine mâche. Elle préférait toujours les plats où elle n'avait pas l'impression d'être une mamie qui avait perdu toutes ces dents. Une fois sa mixture prête, elle la mit sur le feu sur une marmite et demanda l'aide d'un soldat pour y glisser le lapin désormais bien grillé dont le goût viendrait s'ajouter et se diffuser dans le plat de légumes en train de monter progressivement en température. Il faudrait une bonne heure pour que le tout commence à être mangeable même s'il faudrait sans doute un peu plus de temps pour mieux en profiter.

S'asseyant sur la chaise qui lui avait été préparé plus tôt pendant quelques instants pour souffler, elle baissa un peu les yeux, jouant machinalement avec le couteau qu'elle avait encore en main.

« J'espère que... ça vous plaira... Il faudra encore attendre une heure environ par contre, désolée... »

Réalisant alors qu'elle avait encore sa lame de cuisine entre ses doigts, elle se releva prestement.

« Où est-ce que je peux le laver ?.. Ainsi que le reste des ustensiles que j'ai utilisé ?.. »

À l'écoute de l'histoire du lieu, Haruna regardait encore ces ruines étrangement récentes. Ainsi il y avait des entités suffisamment puissantes pour engloutir une capitale qui étaient à l’œuvre dans ce monde... C'était le genre de nouvelle peu rassurante qui aurait facilement pu l'effrayer si elle ne venait pas de passer deux ans sur une Terre en partie dévastée par des hordes de monstres en tous genres et qui n'avaient de cesse de gagner en puissance.

« Je... Vois... C'est courant que des créatures comme cet élémentaire de la nature agissent ?.. Ça à l'air extrêmement puissant... Il y a quelque chose à faire pour s'en défendre ? Et... Est-ce que vous savez pourquoi il s'est mêlé d'un combat entre hommes ?.. Enfin pardon, vous venez de me dire que vous n'en saviez pas plus... »

Un peu embêtée de s'être laissée embarquer pendant quelques secondes par sa curiosité alors que Svenja s'était déjà montrée très avenante à son égard, elle préféra ne pas plus insister et continuer leur chemin en changeant de sujet. S'inquiétant de son utilité pour remercier l'aide qu'elle recevait, elle fut rassurée de se sentir utile en cuisinant pour le groupe. Malgré l'absence d'épices et de plantes aromatiques pour le groupe, il y avait un fort surplus d'ingrédients du fait de leur séjour écourté à cause de son arrivée impromptue dans ces ruines.

Passant donc à la cuisine, la demoiselle montra sa dextérité au maniement du couteau affutée par dix ans à l'employer quotidiennement, bien que ce furent surtout les deux dernières années où elle se mit à employer ses dagues pour défendre sa vie qu'elle passa au niveau supérieur. En vérité, elle n'avait plus rien à envier aux meilleurs chefs du monde d'avant les donjons. Enfin... De son monde précédent.

Terminant ses préparations en fredonnant sa mélancolie, elle s'excusa tout en indiquant le temps à patienter à ces soldats qui assureraient sa protection jusqu'à ce qu'ils arrivent chez ce dirigeant dont lui avait parlé Svenja. Son régime alimentaire n'était certes pas des plus encourageant, mais si Svenja pouvait parler de lui sans crainte dans sa voix, c'est qu'il ne l'avait jamais inquiétée, donc si elle était introduite par cette dernière, normalement, ça devrait aller pour elle.

Lorsqu'elle mentionna vouloir s'occuper de laver son matériel, la jeune femme se vit retirer le couteau des mains par l'inquisitrice eut une petite moue défaite, se retrouvant ôtée d'une de ses chances de repayer Svenja et ses hommes. Elle estimait encore en faire trop peu pour ces gens qui, en un sens, lui avaient sauvé la vie. Ou à minima, lui avaient épargné une expérience similaire à son premier donjon punitif, un enfer long de vingt-quatre heures pendant lesquelles elle avait dû fuir une horde de zombie enfermée avec eux dans un vieux paquebot perdu au fond d'un océan. Sans doute le milieu le plus terrifiant qu'elle avait du affronter d'ailleurs.

« D'accord... »

Cédant puisqu'elle n'avait de toute façon aucun moyen de protester ou de leur forcer la main, la jeune japonaise rougit et baissa les yeux, triturant ses mains alors que cette inconnue la couvrait de compliments. Ses forces étaient bien modestes et si elle savait un peu jouer de la musique, elle estimait avoir encore énormément à apprendre bien que ce serait plus complexe ici. Elle n'aurait plus jamais accès aux montagnes de partitions qui existaient dans son monde, au mieux pourrait-elle essayer de refaire à l'oreille, avec ses souvenirs, les morceaux qu'elle avait aimé sans pour autant avoir eu le temps de les travailler.

Cependant, alors qu'elle était un peu gênée face aux compliments de Svenja, elle fut bien vite replongée dans sa douleur alors que cette dernière lui demandait si elle acceptait de lui parler d'Izaya. Sentant immédiatement les larmes lui monter aux yeux, la demoiselle prit quelques instants pour respirer et se calmer avant de tenter de formuler une réponse convenable, retenant ses sanglots tant la peur de ne jamais la revoir, ou pas avant longtemps, la tiraillait. Elle ne savait même pas comment parler d'elle.

« Elle... M'a sauvé... De bien des façons... Elle a été là pour moi quand... Quand le monde me tournait le dos... Quand je n'étais plus certaine... D'avoir la... la force de continuer. »

Reniflant un peu, elle prit une pause un peu plus grande pour stopper les sanglots qui montaient, essayant de les calmer au mieux.

« Elle aussi était une chasseuse... Une éveillée... »

En vérité, leur statut était différent. Mais ce n'était qu'un détail d'un monde qu'elle ne reverrait plus, alors à quoi bon préciser.

« Elle prenait soin des gens... c'était ça, son métier avant que le monde ne soit détruit par... Les monstres... Elle était très travailleuse alors... Je l'aidais comme je pouvais... Quand je n'étais pas en train d'aller en donjon ou d'aider des gens qui se faisaient attaquer dehors... Mais... Mais surtout... Je... Je me sentais si bien... Avec elle... »

Avec Izaya, elle n'avait presque plus peur. Elle avait presque réussi à se débarrasser de ses crises de panique qui déjà, en quelques heures, commençaient à la menacer à nouveau. Que pouvait-elle faire sans sa sauveuse, sans son amoureuse, sans sa femme ?..

« Pardon je... Je n'arrive pas à... À rester calme... »

Se frottant les yeux, se recroquevillant sur elle même comme pour ne plus voir la réalité qui l'entourait et essayer de retrouver en elle les souvenirs si proches et pourtant si lointains de la Miyamoto. Restant ainsi prostrée pendant un petit temps, elle finit par se détendre à nouveau pour essayer de se reconcentrer sur son plat en train de mijoter, vérifiant que la quantité d'eau dedans était suffisante et que rien n'accrochait au fond de la marmite, mélangeant le tout pour que la viande s'imbibe de la mixture et que le ragoût ait cette infusion de l'arôme de lapin dans son ensemble.

Gênée par ses propres pleurs, encore perdue dans cette spirale étrange de malêtre qui venait la taquiner et lui rappeler à chaque pensée qu'elle ne pouvait se réfugier dans les bras d'Izaya, Haruna préféra se concentrer sur sa cuisine. Elle n'avait de toute façon pas la moindre idée de comment relancer la conversation, trop chamboulée pour parvenir à mener un échange. Elle n'était pas de ceux qui aimaient le plus les petits échanges courtois, peu à l'aise en société à cause de ses crises d'angoisse qui avaient parsemé son adolescence puis sa vie d'adulte qui était encore bien courte.

Un petit mouvement de tête timide fut sa réponse à l'explication de Svenja qui répondait à sa question sur l'élémentaire, question qu'elle avait tenté de rétracter immédiatement mais à laquelle l'inquisitrice avait malgré tout accepté de répondre de son mieux.

La cuisine faite et la vaisselle prise en charge, elles restèrent près du feu avec quelques soldats qui surveillaient d'un œil intéressé le plat en train de mijoter que la demoiselle laissait tranquille la plupart du temps, ne vérifiant que de temps en temps qu'il n'accrochait pas au fond de la marmite posée sur le feu central.

La question de la louve la perturba cependant, remontant des souvenirs qui, bien que très récents, paraissaient déjà trop lointains à la demoiselle parée de blanc. La douleur était grande aussi manquait-elle de s'effondrer en sanglots à chaque phrase, si ce n'était plus souvent. Elle tint bon jusqu'à la fin de ce qu'elle avait trouvé à dire sur l'instant, s'excusant avant de recevoir le soutien de sa sauveuse. Ses mots la bousculèrent à nouveau dans leur simple gentillesse. Si on lui permettait de pleurer aussi explicitement, alors à quoi bon retenir des larmes qu'elle ne parvenait de toute évidence pas à cacher.

Cédant ainsi pendant quelques longues minutes, la jeune fille se calma finalement, incapable de trop s'épancher hors des bras de celle qu'elle aimait. Sans Izaya, même pleurer lui semblait difficile, voire douloureux. Les attentions de la soldate, malgré son armure, étaient un peu réconfortantes, elles alimentaient l'espoir que nourrissait la japonaise d'un jour revoir la Miyamoto. Calmée, elle s'écarta un peu de ce câlin qui lui avait été offert en soutien pour retrouver une certaine contenance, essuyant mollement ses joues et le coin de ses yeux pour en faire disparaître les larmes restantes.

« Merci... Je ferai de mon mieux pour être à la hauteur alors, Svenja-sama... »

Après s'être redressée et avoir remit un peu d'aplomb sa tenue décalée par une posture relâchée le temps de ses pleurs, la jeune femme respira profondément.

« Oui... Merci... »

Elle se sentait un peu plus apaisée, mais les doutes et la peur demeurait. Bien qu'elle ait longuement pleuré, Izaya n'était pas apparu de nulle part pour la consoler. Elle n'avait pas accouru pour la prendre dans ses bras, la réconforter. Pour partager un peu de sa chaleur si réconfortante pour la musicienne éperdument amoureuse de la psychologue. Pour l'heure, elle ne pouvait qu'accepter cet état de fait.

Maintenant qu'elle était de nouveau calme, la sorceleuse se pencha à nouveau vers elle pour récupérer son attention et lui parla de la possibilité qu'elle pourrait avoir si elle le souhaitait, celle de recevoir un entraînement d'un autre élu. Si elle ne le dit pas immédiatement, l'hésitation qu'elle eut sembla laisser penser qu'elle avait quelqu'un en tête. Et après un bref silence, ce doute fut balayé puisqu'elle pensait véritablement à quelqu'un en particulier.

« De... L'élue la plus puissante ?.. Je ne sais pas si je le mérite... Je ne suis personne en particulier... Et je ne voudrais pas m'imposer... »

Comment accepter une telle chance, un tel honneur ?.. Si elle apprenait de la meilleure, il y avait tout à parier qu'elle-même deviendrait à son tour puissante. Après tout, elle connaissait son potentiel, et si ce changement de monde ne l'avait pas affecté, alors il était théoriquement sans limite. Contrairement aux chasseurs normaux, les éveillés comme elle grandissaient constamment et rien ne semblait pouvoir arrêter leur croissance. Seule la mort pouvait y mettre un terme.

« Si cette personne a du temps à m'accorder, alors j'en serai honorée et je ferai de mon mieux pour être à la hauteur... Mais... C'est que... Vous la connaissez ?.. »

La manière qu'avait Svenja d'en parler lui mettait le doute. En fait, c'était surtout le fait même qu'elle lui propose une personne en particulier sans lui en avoir parlé auparavant qui lui laissait penser qu'elle devait la connaître personnellement. Sans quoi, elle ne pourrait savoir si cette dernière accepterait ou non une apprentie comme elle.

Surveillant le plat tout en discutant avec sa protectrice de cette éventuelle professeure, elle en goûta légèrement le contenu avant de chercher des yeux d'éventuels condiments, mais elle fut bien vite obligé de réaliser qu'elle n'aurait rien ici à moins que quelqu'un n'aille fouiller une ruine proche. Sans doute y avait-il là-bas de quoi améliorer ce plat, mais elle se voyait mal le leur demander alors qu'ils rentraient à peine d'une longue journée de travail et que cela ne changerait pas non plus énormément le goût. Un peu déçue, elle reposa simplement la cuillère de service sur le côté.

« Ça devrait être prêt dans une dizaine de minutes je dirais... »

La puissance nécessaire pour être respectée à Kosaten... Un lieu où la puissance était si valorisée qu'elle en devenait l'échelle sociale là où l'argent demeurait toujours important même dans son monde partiellement détruit. La demoiselle hocha la tête, pensive. Son objectif de pouvoir se moquait éperdument des velléités d'autrui. Il ne se basait que sur une volonté simple, celle d'être en mesure d'appeler Izaya à elle. De pouvoir à nouveau se blottir dans ses bras et de se laisser protéger par celle qu'elle aimait d'un monde cruel qui n'avait rien à lui apporter.

« Je comprends. Je ferai de mon mieux pour en être digne. »

La suite des informations concernant cette éventuelle professeure surpris Haruna qui ne s'attendait pas du tout à ce que ce la compagne de cette personne. Elle aurait pensé à une amie, quelque chose du genre, mais directement celle qui partageait sa vie... Elle l'envia alors pendant quelques instants. Être dans le même monde que la personne qu'on aime... Comment quelque chose de si évident pouvait ne plus être vrai pour elle ?.. Cette constatation lui brisa le moral l'espace de quelques instants, lui faisant baisser la tête, défaite. Elle prit une grande et lourde respiration pour essayer de refaire face, la suite des explications n'attendant pas.

C'était donc une vampire qui allait potentiellement la guider. La louve dériva ensuite sur un petit cours d'histoire de Kosaten qui aiderait sans doute à comprendre quelques éléments de ce qui l'entourait. Elle tiqua un peu à la mention d'un millénaire écoulé. Comment était-ce possible de survivre si longtemps ? Comment était-ce possible de garder sa sanité d'esprit ? Même endormi, les rêves ne risquaient-ils pas de les changer ? Enfin... Si un pouvoir surpassant les limites du compréhensible et de l'imaginable en avait décidé ainsi, peut-être fallait-il juste l'accepter et faire avec...

Svenja apporta alors quelques précisions supplémentaires sur Eleanor. Une vampire volage donc. Soit, Haruna n'était pas intéressée par les autres femmes et encore moins les autres hommes. Seule Izaya avait pour elle son amour tout entier. Son amour indéfectible. Incommensurable. Inaltérable. Un amour sans limite et sans partage. Possessif, maladif, inscrit au plus profond de son âme si bien que nul n'aurait pu espérer la remplacer dans son cœur.

« D'accord... Je veillerais à faire attention à mes mots. »

Alors qu'elles continuaient de discuter tranquillement pour faire passer le temps, Haruna signala que le repas allait être prêt et rapidement la troupe s'agita pour se préparer à festoyer. Face à leur enthousiasme, l'Arai eut un peu peur de les décevoir. Elle savait bien qu'elle pouvait faire beaucoup mieux. Se recoiffant d'un geste où la gêne était camouflée avec maladresse, elle essaya d'amoindrir leurs attentes. Elle n'aurait pas non plus souhaité qu'ils pensent que c'était là l'étendue de ses capacités. Non, elle était bien meilleure cuisinière que cela.

« Oh je... Avec des condiments, des épices ou des herbes, j'aurais pu faire bien plus agréable en goût... Je n'ai fait qu'un léger assemblage ici avec les moyens du bord, même si je comprends bien que ça doit être plus travaillé que ce que vous pouvez vous permettre habituellement lors de vos expéditions militaires... »

Se mettant alors au service pour les aider à être tous rapidement attablés, la jeune femme fut un peu gênée des compliments qu'elle reçut simplement pour l'odeur du plat ou même ceux des premiers servis dont certains ne purent s'empêcher de goûter directement quand bien même le ragoût était bien chaud. Veillant à mettre un peu de viande pour chacun, elle proposa finalement à Svenja de la servir avant de faire de même pour sa propre assiette. Elle remarqua alors avec un peu de gêne qu'elle avait eu la main lourde sur les quantités.

« Désolée... Je crains en avoir trop fait... C'est la première fois que je cuisine pour plus de deux personnes, j'ai dû mal calculer... »

S'excusant ainsi pour l'éventuel surplus à gérer, embêtée par son manque d'expérience, la demoiselle se contenta alors de manger calmement, satisfaite malgré tout de voir que les soldats ne semblaient pas trop sévères avec sa préparation rapide. Elle se détendit alors un peu et écouta un peu les conversations qui allaient entre eux, essayant sans trop de maestria de participer quand elle en avait l'occasion pour se montrer sociable et ne pas être juste une fille qu'on devait protéger.

Lorsque le repas fut fini et que le camp commença à se calmer, la fatigue d'une longue journée commençant à frapper, Haruna se retourna vers Svenja qu'elle avait un peu plus laissé en paix dans cette seconde partie de soirée pour ne pas être le pot de colle qu'elle n'aurait pas aimé recevoir elle-même. Fatiguée par toutes ces émotions qu'elle avait dû affronter aujourd'hui, elle serait bien allée se coucher rapidement mais elle voulait faire bonne figure devant sa sauveuse. Elle attendit donc que cette dernière l'invite à aller se reposer, n'osant faire le premier pas.

« Puis-je vous demander combien de temps de voyage nous attend avant d'arriver face au seigneur Zang ?.. »

Intriguée par ce voyage qu'elles allaient entreprendre avec la troupe, elle profita de ce temps d'attente pour lancer la conversation à ce sujet et ainsi se faire une idée de ce qui l'attendait.

Un peu attristée de la première réponse de Svenja qui lui signalait qu'elle ne mangeait que peu, Haruna fut rassurée de l'entendre dire qu'elle acceptait d'y goûter au moins un peu. La servant à la quantité demandée, elle s'installa ensuite pour profiter du repas assez simple à son goût. Elle avait l'habitude de plus travailler les plats que d'en faire de simples ragoûts, mais c'était tout de même correctement réussi. Heureusement, les ingrédients étaient sensiblement les mêmes et les goûts étaient identiques, elle n'aurait pas besoin de tout réapprendre de zéro pour être une cuisinière convenable quand Izaya reviendrait.

Discutant un peu plus avec les soldats le temps du repas, elle revint finalement vers Svenja pour la questionner à propos du voyage de retour qui les emmènerait là où se trouvait le seigneur Zang, là où elle pourrait avoir peut-être une première piste pour sa quête. Ce serait aussi son point de départ pour retrouver ladite Eleanor, compagne vampire de Svenja. C'était d'ailleurs un peu surprenant pour elle qu'une vampire s'entiche d'une humaine. Des légendes qu'elle avait entendu, ils cherchaient plutôt à les dévorer ou à minima, à boire leur sang jusqu'à la mort. Cette Eleanor était donc plus mesurée.

« D'accord. Je n'ai jamais monté à cheval, mais j'ai eu l'occasion de faire de la moto... Je suppose que c'est un peu pareil... »

Elle se rendit alors compte que ce qui était naturel pour elle ne l'était pas forcément pour des gens qui vivaient dans un monde médiéviste. Pour se rattraper, elle enchaîna immédiatement.

« Enfin... Vous connaissez ça, les motos ?.. »

Elle pourrait alors expliquer de son mieux ce que c'était si cela s'avérait nécessaire sans pour autant forcer des explications inutiles si jamais Svenja connaissait déjà ces engins ou si cela ne l'intéressait pas. Après tout, elle ne risquait pas d'en voir ici... L'idée de camper ne la dérangeait nullement. Elle s'était déjà retrouvé dans des situations bien pires, à dormir dans des endroits horribles, entourée de zombis, protégée seulement par une porte en bois. Alors entourée de soldats expérimentés en armure... Il y avait pire comme conditions pour se reposer.

Haruna suivit alors l'inquisitrice dans sa tente lorsqu'elle décida finalement de se retirer pour la nuit, découvrant ainsi le modeste confort des lieux. Le lit était large et les draps étaient plutôt propres, elle n'avait aucune raison de se plaindre d'être si bien accueillie avec des conditions pourtant précaires de ses hôtes. Elle haussa les épaules à la question de Svenja, n'ayant jamais réfléchi à la chose. Elle avait tendance à dormir dans les bras d'Izaya, plus ou moins au milieu du lit, sans prêter attention au reste... Et avant ça, elle avait toujours dormi seule...

« À gauche ? Je n'ai pas vraiment de préférence en vérité... »

La japonaise laissa la guerrière retirer ses pièces d'armure, n'osant lui proposer son aide puisqu'elle ignorait totalement comment les détacher et ne voulait pas être une gêne dans une tentative de bienveillance non requise. De son côté, elle retira sa chemise blanche mais garda le t-shirt ainsi que sa jupe. Elle n'avait rien pour se changer et elle n'aurait jamais osé se mettre nue en présence d'une inconnue qu'elle avait rencontré quelques heures à peine. Même pour Izaya, il avait fallu presque dix jours pour qu'elle accepte enfin de se dévêtir à ses côtés... Et cette dernière s'était montré assez insistante à ce sujet.

Après quelques instants d'hésitation, elle retira ses chaussures et se mit pieds nus avant de s'assoir sur le côté du lit de camp. Elle ne savait pas trop comment se tenir ni quoi attendre. Ce serait la première fois qu'elle allait dormir dans le même lit que quelqu'un qu'elle ne connaissait que depuis quelques heures et cela la rendait nerveuse, gênée même si elle savait que rien n'allait se passer.

C'est alors qu'elle attendait et que la combattante chevronnée l'interpela qu'elle remarqua finalement toutes les blessures que cette dernière avait reçu au cours de sa vie, comme une longue liste de ses succès face à des créatures qui l'avaient certes atteinte mais contre lesquelles elle l'avait emporté, sans quoi elle ne serait pas là. Trop peu expérimentée en seulement deux ans de combats, l'Arai n'aurait su différencier les différentes plaies pour en connaître les origines, mais une chose était sure, Svenja n'était pas une débutante.

Sa question eut enfin une réponse après ces quelques secondes où l'esprit d'Haruna s'évadait en mille et une questions à ce sujet.

« Je veux bien si c'est possible oui... »

La chaleur ambiante et le travail auprès du feu de la cuisine l'avaient atteinte et elle ressentait le besoin de s'alléger un peu de cette sueur poisseuse contre laquelle elle ne pouvait rien faire.

Patientant le temps que l'eau arrive, elle ne l'utilisa alors qu'en toute petite quantité, la prenant à la main pour s'en passer dans le cou, sur les bras et sur les jambes, les laissant sécher à l'air libre, les fesses toujours posées sur le lit. Elle regarda finalement le plafond de la tente, pensive, se perdant auprès de celle qui lui manquait déjà terriblement. Elle avala sa salive difficilement à l'idée qu'elle devrait s'y habituer pour un certain temps. Son cœur se serra alors, sa respiration s'accéléra un peu. Elle ne voulait pas passer pour une pleurnicharde mais elle ne pouvait retenir cette douleur de l'absence de sa bien-aimée. Absence soudaine, inattendue, non désirée par elle ou par Izaya. Elles étaient juste séparées par une force injuste et sans pitié qui ne leur avait même pas offert l'opportunité de se dire au revoir.

Quand enfin elle fut sèche, elle se blottit sous les draps pour essayer de se calmer, fermant les yeux pour laisser voguer ses pensées vers sa moitié manquante. Elle n'osait lancer une conversation avec Svenja, ne voulait pas se plaindre encore ni recommencer à pleurer. Elle devait être forte. Elle devait encaisser. Se relever. Continuer pour mieux la retrouver.

Izaya...

La question amusa la demoiselle aux yeux pourpre. Qu'est-ce qu'une moto ? Si l'image de l'objet apparaissait instantanément devant ses yeux lorsqu'elle y pensait, en décrire une lui demanda un petit temps de réflexion pour être comprise. La première idée qu'elle eut fut de mentionner un vélo, mais encore une fois, elle ne savait sans doute pas ce que c'était.

« Hmmm... Je dirais que c'est une machine qui sert à se déplacer. C'est un peu comme un taureau en plus petit dont on aurait remplacé les pattes par des roues. Les deux cornes qui partent sur le côté sont des poignées qui servent à accélérer ou à ralentir et il faut une béquille pour que ça reste debout quand c'est à l'arrêt. Dans la moto il y a toute une série de pièces mécaniques prévues pour donner de l'energie aux roues et leur permettre de tourner sans efforts. Selon les différentes motos, certaines peuvent aller à la vitesse d'un cheval et d'autres, plus chères avec beaucoup plus de puissance et de technologie peuvent aller plus vite que les oiseaux les plus rapide en plein piqué. Même un faucon se ferait rattraper par les plus rapides. Mais du coup c'est un véhicule dangereux, on est pas protégé comme dans un carrosse donc s'il y a un accident et qu'on est éjecté de la moto, on en meurt facilement. Après les sensations que ça procure sont assez indescriptibles. La vitesse, le vent... On profite du monde différemment et ça peut être sacrément rapide pour se deplacer. Et comme ce n'est pas plus large qu'un cheval et que ça fait arrive à peu près à nos hanches quand on est debout, c'est facile de se faufiler même dans les chemins les plus étroits. »

Terminant sa longue explication sur l'apparence, l'utilité et les plaisirs entourant les motos et leurs utilisations, la demoiselle observa un peu la réaction de Svenja qui devrait sans doute être assez surprise par un tel engin si son monde était plus reculé que celui de la japonaise aux cheveux coiffés en une queue de cheval haute. D'ailleurs, alors qu'elles discutaient, la demoiselle détacha sa chevelure pour se libérer de cette contrainte désagréable pour dormir.

Prêtes à dormir, Haruna ne parvint cependant pas à se laisser emporter par Morphée rapidement. Ses pensées de nouveau libres de toute stimulation se perdirent à nouveau vers Izaya et Svenja sembla percevoir immédiatement son mal-être. Se laissant apprivoiser comme un chaton effrayé, elle ne repoussa pas le câlin de l'inquisitrice.

Silencieuse dans un premier temps, elle hésita de longs instants puis céda à cette proposition qui brisa ses maigres résistances.

« Je... C'est la première fois depuis deux ans que je me retrouve loin d'Izaya et... c'est plus dur de l'affronter dans le silence de la nuit... Mais je dois juste l'encaisser parce qu'il n'y a aucune solution à ma portée pour l'instant... »

Elle avala sa salive avec difficulté, peinée par ce qu'elle venait de dire, mais elle savait que c'était la vérité et qu'elle devait l'accepter. Elle prit alors une grande respiration et ferma les yeux, essayant de se vider l'esprit de ses idées sombres mais elle ne put que les subir jusqu'à ce qu'enfin elle parvienne à sombrer dans le sommeil.

Quand elle se réveilla le lendemain, elle se frotta les yeux faiblement. Elle était seule dans la tente, chercha Izaya des yeux pendant de longues secondes avant que les larmes ne lui montent aux yeux en voyant le décor qui l'entourait. Elle n'avait pas rêvé, elle était toujours là. Le cauchemar continuait.

Après une soirée difficile et une nuit calme, la jeune femme revenait à la réalité, une réalité digne d'un cauchemar qui la plongea à nouveau dans la détresse. L'arrivée de Svenja dans la pièce l'aida à reprendre pied et alors que cette dernière lui tendait un bol de ce qui semblait être un gruau, Haruna essuya ses larmes d'un revers de manche avant de le saisir. Elle se laissait trop aller pendant ces deux jours et elle commençait à se sentir mal d'ainsi briser le tatemae. Montrer ainsi ses sentiments à une étrangère n'était pas digne d'une adulte respectable et responsable, elle devait causer de l'ennui à sa future supérieure et ce n'était pas une bonne chose. Se reprenant donc, la demoiselle aux yeux prune hocha la tête.

« Oui, ça va, merci.  Ne vous en faites pas, j'ai l'habitude de manger simplement. Dans les donjons on avait rarement de quoi manger correctement, je doute que ce soit pire que ce que j'ai déjà dû avaler pour survivre là bas. »

Offrant un sourire timide à l'inquisitrice comme pour la rassurer sur sa force mentale et son état actuel, l'Arai se mit à genoux pour commencer à manger ce petit déjeuner qui lui était offert et apporté au lit. Alors qu'elle mangeait, elle observa le rituel de mise en armure de Svenja, rituel qui semblait connu à la perfection puisqu'elle n'avait aucune hésitation sur comment placer chaque élément de protection autour de son corps. Une femme expérimentée à n'en pas douter.

« D'accord Svenja-sama... Je viens de finir, merci encore pour le repas. »

De nouveau maîtresse d'elle-même, Haruna se releva et se tint prête à partir pour ne pas ralentir le groupe qui la protégeait. Déjà se sentait-elle coupable de les forcer à arrêter leur mission actuelle par sa simple arrivée, elle n'aurait souhaité pour rien au monde être un poids supplémentaire sur les épaules de la guerrière cheffe de la troupe. La suite des informations la fit sourire et légèrement rougir. Elle était à la fois heureuse de l'attention que lui portait cette femme visiblement puissante et gênée de se voir ainsi offrir une telle aide. Elle était également sauvée de ce moment désagréable où elle aurait dû réclamer de l'aide à ce sujet puisqu'elle n'aurait certainement pas pu se vêtir comme une mendiante pour se présenter à l'élu le plus puissant de Kosaten si elle en croyait les mots de la femme combattante aux cheveux blancs.

« J'accepte volontiers votre proposition si nous en avons l'occasion... Je ne voudrais pas déplaire au seigneur Zang en me présentant à lui en guenilles... »

Si elle ignorait qui il était vraiment, elle savait avec certitude que la plupart des dirigeants prêtaient une certaine attention aux apparences et que se présenter devant un tel homme sans soins pouvait être synonyme de grave danger. Prudente, la demoiselle parée de blanc ne s'y serait pas risqué.

Elle accompagna finalement l'inquisitrice à l'extérieur de la tente lorsqu'elles furent prêtes pour commencer à demonter le camp. Aidant de son mieux, la japonaise montrait toujours la même envie de bien faire, la même motivation dans chacune de ses tâches bien qu'elle n'avait pour l'heure que peu de force. Lorsque toutes les préparations furent terminées, elle revint vers la cheffe de la troupe pour la suivre, ignorant encore comment et vers où ils allaient exactement. Elle avait bien retenu le nom de Xalao, leur destination, mais ce n'était pas assez pour elle pour savoir vers où diriger ses pas.

« Je suis prête à vous suivre, Svenja-sama. »