Vacances [Ft Rinkyu]

Vacances

Raikou n’était pas une véritable île, puisque reliée à Kosaten par la grande route, mais quand bien même cette mince bande terre n’aurait pas existé, Lexi n’aurait pas qualifié cet endroit d’île. Car au vue de la carte qu’elle tenait, c’était immense, et cela avait donc presque le mérite d’être un continent. Evidemment, elle n’était pas géographe, et personne ne lui avait demandé son avis sur la dénomination de l’endroit, elle se contenterait donc de son nom, “Raikou”, “l’aurore”.

La marchombre avait toujours eu une grande curiosité pour le monde, mais puisque Kosaten avait déjà son lot de découvertes à voir, et qu’elle y avait beaucoup de choses à faire, elle n’avait pas encore pris le temps de visiter le Mukaï. Alors quand la date de son mariage avait été choisie, elle en avait profité pour se prévoir des “vacances”. Loin de Shintân et le conseil, loin de Reïfuu et l’alliance, loin de Shûza et les rebelles, et loin de Kaën parce que pourquoi pas ? Les jumeaux avaient été confiés à Taka et leur nourrice, puisque l’endroit n’était pas vraiment prévu pour accueillir des jeunes enfants, surtout des purs rejetons d’élus.

Elle marchait d’un pas rythmé depuis des heures sans se fatiguer, tout comme Rinkyu à ses côtés. Ils étaient des combattants aguerris, doublés d’élus arrivés sur Kosaten avant même le cataclysme, autant dire que tout leur voyage était des promenades de santé s’ils voulaient avoir un peu l’occasion de profiter de l’endroit. Sinon, leur vitesse de pointe était telle qu’ils n’auraient pas vu grand-chose des paysages nouveaux que le Mukaï avait à offrir.

Le ninja était déjà venu sur ces terres, pendant la longue absence que Lexi avait cru définitive. Elle se souvenait parfaitement de la lettre qu’il lui avait laissée, bien avant que leur relation ne soit devenue claire, et des mots qu’elle avait écrit sur sa falaise. Des mots qui avaient presque disparu de la roche avec les intempéries et les chutes de pierre, mais restaient gravés dans sa mémoire - et probablement celle de son époux puisqu’il avait pu lire le poème marchombre à son retour.

Les mains posées sur les bandoulières de son sacs de voyage peu rempli, la petite blonde venait de ranger la carte et de conclure qu’il n’y avait pas grande chose d’autre à faire que de vagabonder au hasard. Elle voulait découvrir cet endroit. Ses gens et ses paysages. Cette nation qui avait un rapport si étrange avec les élus. Évidemment, il était en théorie dangereux pour ces derniers de visiter l’Empire, mais Rin et Lexi ne craignaient rien à ce sujet.

Ils habitaient ce monde depuis assez longtemps pour se fondre dans le décor, ils étaient suffisamment doués pour devenir invisibles s’ils le voulaient, suffisamment puissants pour se tirer d'affaires dans presque toutes les situations, et suffisamment rapides pour fuir les rares autres. Enfin, l’île de Raïkou était tout de même réputée pour être plus modérée vis à vis des élus, et depuis que la chronopyrose avait disparu - et qu’on savait que les élus n’y étaient pour rien - le risque d’avoir des problèmes était minime.

Les festivités du mariage avaient duré trois jours, et auraient pu durer encore davantage si on avait laissé faire Taka et Adam. Lexi, qui n’était pas du genre à supporter la foule davantage, s’était éclipsée sous prétexte d’avoir du travail à Shintân. Ce n’était pas tout à fait faux : les deux récents époux avaient décidé qu’ils prendraient le temps de laisser leurs affaires en ordre avant de se faire la malle.

En fait, cela promettait presque d’être trop tranquille … Mais Lexi saurait toujours trouver de quoi les occuper. Elle se tourna d’ailleurs vers le ninja avec un sourire.

“ - S’il n’y a rien à faire dans le coin, on pourra poursuivre vers Senshi. Kanzêtsu est de là-bas, ils ont les meilleurs guerriers du monde …”

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A l’évocation des guerriers Senshijin, un sourire en coin étira les lèvres du shinobi qui provoqua sa demoiselle avec un air amusé. A cela, la concernée ne pouvait que répondre de la même manière. Elle fit briller discrètement le reflet du soleil sur un anneau gris qui avait été passé à son index droit, avec l’anneau noir du maître d’arme.

“ - Ne t’inquiète pas, moi aussi j’ai une surprise pour toi.”

Il s’agissait d’un petit gadget Shintânjin dernier cri qu’elle avait pu obtenir à Jiban, moyennant finance et réputation. Elle avait mis quelques temps avant de maîtriser son utilisation, car il fallait un bon sens du timing et lui insuffler de l’énergie de manière efficace, mais désormais elle avait l’habitude. Il en ferait les frais quand ils prendraient le temps de s’entraîner.

Côte à côte, on ne pouvait pas avoir l’impression qu’ils puissent être plus différents. La petite tête blonde de Lexi arrivait bien vingt centimètres sous celle, brune, de Rinkyu, si ce n’était davantage. Elle était fine et discrète, vêtue de simples vêtements de voyage confortables et aux teintes sombres. Si pour une fois, le shinobi s’était également vêtu discrètement, il ne pouvait faire disparaître sa carrure plus large et plus haute que celle de sa partenaire.

Et comme si on chasse le naturel, il revient au galop, l’absence de symbole Uchiha sur les vêtements de Rin ne l’empêchait pas de penser avec fierté à son clan. Il espérait que sa renommée se soit étendue jusqu’ici. Lexi ne put s’empêcher de profiter de l’occasion pour faire briller sa répartie et se flatter un peu au passager.
“ - Bien sûr qu’ils connaîtront le nom Uchiha. Comment ne pas avoir entendu parler de moi?”
La jeune femme faiait aussi référence à leur très récente union, et son changement de nom de famille. Désormais, c’était Lexi Uchiha, après avoir passé tant d’années sur le sol Kosatenien sous son nom de jeune fille. Ce n’était pas grave, elle restait la seule Lexi, du moins la seule dont le prénom suffisait à rappeler qui elle était.

Un petit village finit par se dresser devant eux. Entouré d’une palissade aussi inutile que fragile, Lexi fut étonné de trouver pareille protection inefficace. Autant ne pas s’embêter et ne pas mettre de muraille. A Shintân, ce qui protégeait les petits villages ou hameaux, c’était les villes vers lesquelles il fallait se réfugier en cas de mauvaise surprise, ou alors la présence de garde, de soldats, ou d’élus dans le coin.

Une banderole se tenait au niveau de l’entrée, et une demoiselle tout à fait solaire se planta devant le couple d’élus pour se présenter et leur souhaiter la bienvenue. Immédiatement, la marchombre se méfia. Mais qui faisait ça ? Avait-elle le temps de faire cela pour tous les voyageurs ? N’était-ce pas le boulot des gardes que de se pointer en premier ? Ce maire ne devait pas tenir à sa fille pour l’envoyer ainsi aux devants de tous les inconnus qui se présentaient à leur porte.

Lexi jeta un regard en biais à son époux, tâchant de savoir s’il pensait comme elle. Et ce guerrier Reïfuujin en puissance demanda de la bouffe, ce qui manqua de faire soupirer sa compagne. Allons-y pour la nourriture, songea-t-elle.
“ - Bonjour, c’est vrai que nous voulions nous arrêter déjeuner. Pouvez-vous nous conseiller ?”
La demoiselle répondit avec son enthousiasme visiblement inégalable et tourna les talons pour les guider. Lexi profita qu’elle ait le dos tourné pour frôler la main de Rinkyu du dos de la sienne.

“ Elle est louche.”

La marchombre emboîta le pas de la native et commença à lui poser des questions d’un air innocent.
“ - Comment ce village a-t-il été fondé ? Vous avez dit qu’il était récent, et je vois encore beaucoup de travaux.”

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A la réaction de Rinkyu, la marchombre comprit qu’elle était la seule à trouver le situation louche. Ou du moins, la seule qui en avait quelque chose à faire. Elle se retint de lever les yeux au ciel, peu étonnée de l’attitude du Reïfuujin. Plus prudente que son époux, elle réveilla son armure, sans la déployer pour autant. Mieux valait rester discrète, tout en ayant sous le coude les multiples capacités de Rawen.

Bien qu’elle semblait marcher tranquillement dans les traces de la fameuse Hana, un œil averti saurait qu’elle était désormais à l’affût. Il suffisait de connaître Lexi pour savoir que désormais, chaque détail était analysé finement, et mis en relation avec toutes les informations qu’elle avait. Personne n’était heureux ainsi tout le temps, ou en tout cas, pas tout un village qui travaillait et menait des travaux à la sueur de son front.

C’était impossible qu’il n’y ait pas une seule personne grognon. Pas un charpentier qui râle que son apprenti avait fait une erreur. Pas un seul cri de colère quand le petit orteil se tapait dans la table basse. Rien du tout. Lexi fronça les sourcils, et cette seule grimace détonnait dans le paysage tant on aurait dit que tout le monde ici fumait de l’herbe.

“ - Je le rencontrerai bien ce maire si généreux,” lâcha l’élue d’un ton plat.

Qui faisait ça ? Ces natifs étaient-ils contrôlés d’une manière ou d’une autre ?

“ - Oui nous venons de Kosaten,” répondit-elle en faisant au plus court.

De joviale avec son mari, Lexi était redevenue la dame mystérieuse qu’elle montrait au monde extérieur. Elle aurait pu détailler, dire qu’ils étaient deux combattants en route vers Senshi par exemple, mais elle n’en avait pas l’envie. Tant de joyeusetés au sein d’un même endroit la hérissait, elle avait l’impression qu’elle allait vomir un arc-en-ciel. Elle compensait donc en retrouvant son petit côté taciturne.

A peine le couple fut-il entré dans l’établissement conseillé par Hana que les serveuses leur annoncèrent leur bonne chance de la journée - c’était encore pire qu’une arnaque facebook. Lexi se permit de répondre sans cacher son sarcasme.
“ - Cent quatre vingt dix sept ce n’est même pas un nombre particulier. Si vous faites ça pour tout vos clients, vous ne devez pas gagner grand-chose.”
Quelle rabat-joie celle-là. Il fallait dire que si elle n’essayait pas d’équilibrer un peu, on aurait bientôt une bataille de polochons avec des pyjamas licornes et des jets de chamallow partout dans l’auberge.

Et puis elle avait cette drôle de sensation. Depuis qu’elle était marchombre, elle avait affiné ses sens à un point inimaginable, puis elle avait développé son intuition jusqu’à un point où elle se trompait rarement. Et ici, elle savait que tous les regards se posaient sur eux dès qu’ils avaient le dos tournés. Elle détestait le poids de ses regards, et elle comptait bien s’en débarrasser rapidement si cela ne cessait pas.

“ - Bon et bien, j’imagine qu’après nos efforts de début de voyage on mérite bien un bon repas !” s’exclama-t-elle en déposant bruyamment son arc contre une table.

“Essayez donc de me la faire à l’envers,” songea-t-elle, “ on va bien se marrer …”

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Puisqu’il fallait bien laisser l’estomac de Rinkyu se remplir avant d’être tranquille, Lexi le laissa passer un bras autour de ses épaules étroites puis s’installa en face de lui après avoir débarrassé la table de son arme. Puisque c’était ainsi, elle allait le laisser gérer, et pourrait se rengorger de fierté quand elle le narguerait avec un “je te l’avais bien dit” bien senti.

Et puisque c’était gratuit - et donc probablement empoisonné - elle feuilleta le menu pour garder le rôle de l’invitée qu’on venait de lui refiler. Elle fit un sourire moqueur à Rin, qui savait très bien ce qu’elle devait penser, et lui demanda innocemment.
“ - Alors qu’est-ce que tu prends ?”

Le temps qu’il réfléchisse et se décide, Lexi sonda la salle d’un coup d'œil rapide, tandis que ses autres sens prenaient bien plus leur temps pour analyser la situation. C’était l’avantage de l’ouïe : personne ne savait dans quelle direction on écoutait, et avec quelle insistance. Et si quelqu’un avait un don pour analyser les gens, c’était bien la marchombre.

Pour des gens heureux, elle nota donc avec attention leur respiration, leur rythme cardiaque ou encore la vitesse de leurs pas. Elle écoutait le débit de parole, les intonations, les rires. Rien n’allait, elle en était certaine. Elle choisit néanmoins de garder ses réflexions pour elle … pour le moment.

Lorsque Rinkyu se fut décidé, elle fit signe à l’une des serveuses - Marcella ou Mirella, elle ignorait laquelle était laquelle - et lui rendit son menu.
“ - Je vais vous prendre une tourte de Gibier, un verre de saké, et …”
Elle fit mine d’hésiter, puis montra l’homme immobile dans le coin de la salle, dont elle n’avait pas entendu le cœur battre, qu’elle n’avait pas vu bouger, ni respirer même, depuis qu’ils étaient arrivés.
“ - et le pouls de ce monsieur, s’il vous plaît.”

Évidemment, la remarque de la marchombre surprit tellement la native que celle-ci en resta bouche-bée un moment. Avant qu’elle ne puisse réagir, Lexi fit mine de répéter.
“ - Et le même dessert que ce monsieur, s’il vous plaît.”
La fameuse Marcella - ou était-ce Mirella - laissa échapper un soupir de soulagement qui n’échappa pas au couple d’élus, en comprenant qu’elle avait mal entendu. La petite blonde fit mine de se justifier.
“ - J’aime bien laisser au hasard certaines découvertes, alors parfois je commande la même chose que des inconnus.”

Après avoir rendu la carte à la serveuse, et que celle-ci s’était éloignée en ayant pris la commande du ninja, Lexi jeta un regard entendu à ce dernier.
“ Tu vas me faire croire que tout est normal ?” disait-elle rien qu’avec ses yeux.
Il faudrait être fou pour espérer tromper l’esprit de la marchombre.

Maintenant, la question était de savoir si ces natifs autour d’eux étaient des victimes ou des complices de la situation tordue à laquelle ils avaient à faire.

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A la tête que fit Rinkyu quand Lexi prononça sa petite provocation, avant de faire mine que la serveuse avait mal entendu, elle su qu’elle aurait dû viser plus haut. Elle aurait voulu le voir s’étrangler de surprise ou de gêne, mais visiblement ce n’était pas suffisant. Elle plissa les yeux une fraction de seconde et nota pour plus tard de faire pire.

Néanmoins cela ne l’avait pas laissé indifférent puisque, désireux de faire taire les soupçons de sa reloue préférée, il finit par se lever et s’approcher du voyageur qui semblait complètement éteint. Lexi le suivit sur sa demande, et en profita pour jeter un œil au contenu de la tasse. Était-ce du poison qui avait ainsi comme endormi celui-là ?

Endormi et non pas tué, puisqu’il sortit de son songe en un sursaut de frayeur. Plutôt cauchemars terrifiants que doux rêves alors … Il semblait tout à fait paniqué, et Rinkyu dut donc lui montrer patte blanche pour tenter de le rassurer. Lexi eu presque envie de lui rire au nez, mais se contint pour ne pas en rajouter au loufoque de la situation pour le pauvre natif qui reprenait pied avec la réalité.

“ Tu parles d’une situation normale,” songea-t-elle, ignorant si son époux pouvait alors l’entendre ou non.

L’envie de se moquer de ce dernier, qui avait voulu lui prouver que tout allait bien et avait fini par lui donner encore plus de raisons de se montrer prudente, la chatouillait sérieusement. Elle retint son fou rire mais pas le regard appuyé qu’elle lui lança, où la lueur d’amusement dans le gris de ses iris était une moquerie bien suffisante pour qui savait la décoder.

Lorsque le patron de l’établissement tenta d’expliquer ce qu’il venait de se passer - alors qu’il avait clairement menacé le pauvre monsieur et l’avait jeté dehors pour trouble au bonheur public - Lexi balaya son explication du revers de la main.
“ - Très bien, merci, passons.”
Qu’avaient-ils à tous leur offrir des trucs ? Avaient-ils l’air dans le besoin ? On parlait tout de même d’un empereur Reïfuujin et d’une conseillère de Shintân, ils n’avaient pas besoin de la charité.

Lexi perçut le soupir de Rinkyu, et se décida à faire un effort … pour le moment. Elle posa une main sur son épaule et lui confia un petit sourire avant de montrer leur table d’une main.
“ - Allons manger, je te laisse tranquille.”
La demoiselle proposait une trêve, à la vue du désespoir affiché de son mari. Elle ne promettait pas de la tenir longtemps, si ces tarés continuaient d’exagérer, mais elle ferait un effort.

Leurs plats et leurs boissons arrivèrent, et la demoiselle saisit son verre avant de trinquer celui de son compagnon, avec un signe de tête entendu. “ T’as vu je bois sans fourrer ce truc inconnu dans le gosier de la serveuse pour vérifier,” disait son regard. Ou plus simplement “T’as vu je fais un effort,” pour ceux qui n’avaient que le niveau A2 en langue Lexi. Elle entama même son plat avant lui, signe qu’elle allait arrêter de la ramener sur l’éventuel poison.

Et si elle mourrait, et bien ce serait sa faute.

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Sous la foule d’évidences que relevait Lexi au sujet de la situation plus qu’étrange dans laquelle le couple se trouvait, le faux borgne finit par admettre que quelque chose de pas net se tramait dans le coin. Voyant bien qu’il faisait un effort, la demoiselle esquissa un sourire qui se passait de moquerie et lui répondit tranquillement.

“ - Okey, restons ici pour la nuit, pas de problème.”

La marchombre n’était plus méfiante : on ne se méfiait que quand il y avait un doute, mais ici elle savait que quelque chose allait leur tomber sur le coin de la figure. Elle s’y préparait donc et pourrait se défouler un coup quand les idiots qui leur tournaient autour tenteraient leur chance. Également en peignoir, elle se hissa sur la pointe de ses pieds nus pour planter un baiser sur la joue de son mari.

“ - Et quand ils nous tomberont dessus, je considérerai ça comme une distraction offerte par le hasard,” ajouta-t-elle en tâchant de se montrer aimable.

Les manches de l’habit en éponge dépassait de ses bras, et le tissu descendait jusqu’à ses genoux. Il avait clairement été découpé sur un modèle plus grand qu’elle, ce qui n’était pas étonnant. En revanche, elle n’avait pas tenu à ressembler à Rinkyu et son petit monticule sur la tête, et après avoir frictionné ses cheveux blonds dans une serviette pour qu’ils ne dégoulinent pas complètement, elle les laissait sécher à l’air libre, sa coupe au carrée désordonnée ne changeant pas forcément de d’habitude.

Le ninja releva l’avantage d’avoir un lit sur place, et se moqua gentiment des habitudes de la demoiselle qui pouvait dormir n’importe où, du fond de la grotte la plus humide à la cime d’un sapin en forêt. Pas vexée puisqu’il ne disait que la vérité, elle lui répondit avec un regard taquin.
“ - Tu dis ça comme si je ne te rejoignais pas régulièrement au lit… J’en connais les avantages tu sais.”

Elle ne put mettre en œuvre sa pensée puisqu’un projectile passa leur fenêtre et la marchombre sentit immédiatement le changement, tout en voyant une étrange fumée se disperser. Son esprit, qui s’était préparé pour cet instant depuis le moment où Hana les avait accueillis, fit jouer ses réflexes presque avec délice. Elle laissa tomber son peignoir à terre, se retrouver nue comme un ver pendant une fraction de seconde.

Puis Rawen, qui était déjà réveillée mais pas encore déployée, s’étendit rapidement sur le corps de la marchombre, en partant de la plaque de métal dans sa nuque qui était le point de départ de la greffe. En un temps record, Lexi était devenue une véritable statue vivante, recouverte d’un métal gris sombre souple. Si d’habitude elle laissait la tête blonde de sa porteuse libre, qui détestait le sentiment d’être enfermée dans une boîte de conserve, elle recouvrir cette fois Lexi d’un masque pour essayer de filtrer un peu le produit qui se dispersait dans l’air.

Sa voix désormais légèrement modifiée par l’écho métallique du casque, elle lança une réplique joueuse à son compagnon.

“ - Habille-toi décemment avant de me rejoindre sur la place,”

Puis elle se jeta sur l’oignon détraqueur pour le saisir dans sa main, et disparaître avec lui dans un filet de brume. Car si la demoiselle ne pouvait pas s’éclipser en emmenant Rinkyu avec elle, elle pouvait chevaucher la brume en emportant un objet, laissant ainsi le ninja libre de ses mouvements.

Quant à elle, à peine s’était-elle dirigée vers la sphère qu’elle avait senti tout son corps se faire lourd, très lourd. Heureusement, elle pouvait toujours bouger parce que ses muscles étaient entraînés, et plus puissant que probablement ceux de tous les natifs de ce village réunis. Elle réapparut sur la place centrale du village, comme indiqué au ninja.

Lexi jeta immédiatement la boule loin d’elle, mais affaibli par cette dernière, ne put s’en débarrasser tout à fait. Elle se sentait faiblir, et poussa un juron avant d’activer les différentes régénérations et analyses de son armure technomagique. Elle se redressa et fit rouler ses épaules en arrière, tentant de s’extirper de l’attraction de l’objet, puis jeta un regard autour d’elle. Combien seraient-ils à tenter de l’abattre ? Avec satisfaction, elle invoqua une dague dans sa main droite, celle qui portait l’anneau du maître d’arme.

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Rapidement, Lexi se retrouva entourée d’une foule de partisans. L’oignon avait été jeté au loin, puis son effet se tarissait. Il fallait dire que les villageois n’avaient aucune envie d’en subir l'effet, et pensaient à tort que leur surnombre suffisait. Ils n’étaient pas très inquiets de voir une armure vivante se pointer au milieu de leur place de marché.

“ - Si peu d’instinct de survie…” sembla critiquer la marchombre en secouant la tête de droite à gauche.

Le Maire s’avança légèrement dans le cercle formé par les badauds venus se délecter de la violence proposée par leur meneur. Et en prétendant que Rinkyu était mort, il tenta de déstabiliser la marchombre qui ne se gêna pas pour leur rire au nez. Si le ninja était parti pour le Royaume des Morts, elle le saurait. Elle le sentirait au plus profond de ses entrailles, comme un séisme qui l’aurait secouée de part en part. Rinkyu était bien vivant, et il était même probablement dans le coin, habillé de préférence pour éviter de se faire remarquer par un peignoir blanc au milieu de ces fous.

“ - Le sacrifice se fera un plaisir de vous faire redescendre sur terre bande de dégénérés.”

Comment ce gros lourdaud pouvait-il se tenir devant elle avec tant de suffisance ? Ne voyait-il pas l’armure autour d’elle ? La dague dans sa main dominante ? Déçue d’être si peu prise au sérieuse, et fit rouler la lame contre le dos de ses doigts, jouant avec l’arme comme si ce n’était qu’un stylo. Le maire continua son petit discours - faisant comprendre un peu mieux la situation aux deux élus de passage - que la marchombre coupa plusieurs fois de rires ou de soupirs.

Lorsqu’enfin il s’adressa directement à elle, lui demandant sa dernière volonté, elle fit retirer son casque technomagique d’une pensée pour qu’il puisse voir son sourire carnassier.
“ - Oui. Que les enfants se retirent.”
Puis sans laisser une seconde de répit, elle bondit vers le maire, trop près et trop gros pour pouvoir réagir quand elle lui trancha le tendon d’achille de sa lame et le balaya de sa jambe gauche tendue.

Cette petite démonstration de rapidité laissa un court instant les habitants hagards, puis leur penchant pour le sang et la violence les rappelèrent à leur folie et ils se ruèrent sur elle, enfants compris malheureusement. Et dans ce mouvement de foule, un seul homme ne se mit pas à courir vers elle avec les yeux enragés. Elle lui fit un clin d'œil puis se mit à danser.

Pas certaine que ces natifs ne soient pas manipulés, et pas vraiment motivée pour raser un village et se retrouver avec les problèmes qui pourraient suivre, Lexi ne portait que des frappes bien pensées pour ne faire aucun mort. Elle tranchait des tendons, faisait chuter ses adversaires, les assommait à la première occasion, mais elle veillait à ce que sa lame évite les artères.

Le problème, c’était les enfants. Même les assommer l’embêtait, elle aurait pu leur fendre le crâne sur un malentendu. Elle veillait donc à ne pas entrer en contact du tout avec eux, mais ce n’était pas si simple, car eux voulaient à tout prix leur part du gâteau et lui cogner dessus avec leurs petites mains inoffensives. Et puisqu’ils n’y mettaient pas du leur, elle finit par en gifler un qui finit à genoux dans la poussière.

“ - Croyez-moi vous ne voulez pas que je demande un coup de main à Rinkyu !”

Ce dernier ne faisait pas dans la dentelle, elle le connaissait très bien lui et ses techniques de combats qui défiguraient un paysage sans difficulté. Après quelques minutes à bouger dans tous les sens, elle avait mis suffisamment de villageois hors combat pour que la panique s’infiltre enfin dans leurs rangs, et ils firent demi-tour, laissant là leur maire et ceux qui ne pouvaient plus marcher. Lexi épousseta son armure, elle ignorait s’ils allaient chercher des renforts mais elle allait poser quelques questions au Maire.

Elle s’approcha du gros bonhomme qui était à genoux dans la terre, le sang s’échappant de ses jambes blessés, et elle lui attrapa sa veste avant de le traîner dans le sable jusqu’à Rinkyu.
“ - Tu seras plus rapide que moi pour savoir ce qu’il se passe ici.”

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Alors que la demoiselle traînait le gros sac - qui ne méritait pas un nom si gentil- jusqu’aux pieds de Rinkyu, ce dernier la regarde d’air air ahuri.
“ - Qui diable êtes-vous donc ?” balbutia-t-il en manquant de s’uriner dessus de justesse.
“ - Lui-même,” répondit la marchombre avec un sourire malicieux, ne cherchant pas à s’expliquer davantage.
Que ce porc croit que ses péchés allaient être examinés, qu’il pense que son jugement était venu. La demoiselle ne prétendait pas rendre la justice, mais elle se satisfaisait de voir un homme ivre de pouvoir, qui avait abusé les autres de leur liberté, croire que le Destin venait se charger de lui.

D’un simple contact, le ninja appris tout ce qu’il avait besoin d’apprendre sur la situation, et en fit un résumé à sa femme qui n’avait pas suivi tout le processus en direct. De son point de vue à elle aussi, ce contact n’avait duré qu’une seconde, tandis que pour Rinkyu, le temps s’était rallongé autant qu’il en avait eu besoin pour fouiller la mémoire du psychopathe. Le ninja commença par découper proprement le majeur du maire, et Lexi se fendit d’une remarque sarcastique.
“ - J’espère que tu ne voudras jamais reprendre mon alliance. Tu sais qu’un bijou peut être enlevé sans découper de morceau humain ?”

Évidemment, elle ne plaignait pas l’homme qui venait de perdre un doigt, et quand elle apprit ce qu’il avait fait, elle fut même assez contente qu’il geigne comme une petite truie sur son membre amputé. Il finit par vieillir à vue d'œil, mais de manière tout à fait disproportionnée et mal répartie selon les organes, ce qui le fit se rétracter avec un certain ridicule. Lexi ne dissimula pas une grimace dégoûtée, puis cessa de lui accorder son attention.

A la suite des informations délivrées par Rinkyu, il sembla lui présenter un cruel dilemme. Les villageois seraient toujours ainsi, toujours prisonniers du porteur de la bague. Il semblait croire qu’il était de leur responsabilité de les abattre, à cause de la menace qu’ils représentaient. Lexi haussa les sourcils et attrapa la bague des mains de son homme pour l’observer.

“ - Le seul problème me semble être sous nos yeux. Autant s’en débarrasser.”

Elle se doutait que c’était presque trop simple pour être vrai. Mais elle devait essayer. Consciente que ce n’était pas son idée la plus brillante du siècle, elle s’entoura d’un bouclier juste avant de coincer la bague contre son coude gauche, puis d’y abattre son poing opposé de toutes ses forces, le tout avec suffisamment de vitesse pour que Rinkyu ne tente pas de s’approcher trop près. Le bouclier était pour le protéger lui, puisque la bague était à l’intérieur.

Dans une explosion de vert sombre, la bague se brisa en morceaux tandis que Lexi était projetée en arrière. Elle se réceptionna en une pirouette habile, puis se redressa et jeta un œil à Rinkyu. Pas de conséquences visibles.

“ - Bon et bien une bonne chose de faite. Allons voir les villageois.”

Elle ne dit rien, mais elle était trop consciente d’elle-même et connaissait trop son corps par cœur pour ne pas sentir cet étrange fourmillement dans son corps et sur sa peau. Elle préféra ne pas en parler pour l’instant. Cela passerait peut-être. Avec un clin d'œil insolent pour masquer son inquiétude, elle prit la direction des fuyards qui menait vers l’auberge. Elle y trouva une partie des villageois, qui avaient retrouvé leur état normal, et qui semblaient bien déboussolés.

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Comme Rinkyu l’avait précisé, la mort du maire ne suffisait pas à régler la situation. C’était bien la bague maudite qui conférait leur transformation aux habitants et les contrôlait selon la bonne volonté de son porteur. Lexi n’aimait pas l’idée d’exterminer un village entier. La mort était inévitable, mais elle n’était jamais juste. Et si quelqu’un pensait que ces habitants méritaient la peine capitale, ce n’était pas ses affaires. Elle n’était ni juge ni bourreau.

En revanche, régler son compte à un caillou magique, c’était dans ses cordes et ne posait aucun problème à sa conscience. Au moins la situation serait réglée vite fait bien fait. Et d’ailleurs le couple d’élus put en effet constater que briser l’émeraude avait également rompu la malédiction. Les villageois n’étaient plus croisés avec les pires sirènes du royaume des morts.


« - Que veux-tu je suis tellement efficace! » fit mine de se rengorger la marchombre.

Elle jeta un regard circulaire et s’apprêtait à prendre de quoi entraver les villageois purifiés lorsque la remarque de époux lui serra les entrailles. Elle glissa un doigt léger sur le pli de peau qui n’était pas là une heure auparavant. Rinkyu savait. Et maintenant elle sasonvait qu’il savait.


« - Que veux-tu c’est à force de m’inquiéter pour toi ! » lui répondit elle avec une grimace avant de poursuivre. « Je retourne entraver ceux de la place, je te laisse ceux-là. On se retrouve dans la chambre, j’y ai laissé mes affaires. »

Elle n’avait pas répondu à sa question : finir leur nuit ici ou non. Mais quelque chose lui chuchotait qu’ils n’étaient pas prêts de se recoucher. La marchombre tourna les talons et revint sur ses pas. Elle ignora le cadavre hideux du maire, et comme promis, entrava tous ceux qu’elle avait mis hors combat et qui traînaient encore dans la poussière. Puis, elle se dirigea vers l’endroit où elle avait brisé le bijou et s’accroupît après avoir trouvé les morceaux dans le sable.

« Espèce de garce… » maugréa t elle a l’intention de la vague avant de sortir une petite gourde de son sac.

Elle but le contenu d’une traite et ramassa ensuite précautionneusement les débris d’émeraude maudite pour les mettre dans le récipient. Puis avec un soupir, la demoiselle remonte dans sa chambre et récupéra ses affaires, en particulier son arc qu’elle n’avait pas pris le temps de saisir lors de l’attaque. Lorsque Rin la rejoignit, elle s’était résignée à devoir admettre qu’il y avait un problème.

Lexi lui adressa un sourire las et des pattes d’oie inhabituelles décorèrent son regard.
« - Je crois qu’on à mieux à faire que finir notre nuit ici. J’ai remplacé un problème par un autre. »
Elle sortit la gourde qui contenait désormais les restes de l’anneau maudit.
« Tu as quelque chose à ce sujet ? Après avoir fouillé dans la tête de l’espèce d’animal ? Comment il l’aurait obtenu ? »

Ils devaient trouver quelqu’un de calé sur le sujet. Le fabricant de ce bijou ou tout autre sorcier lié de près ou de loin à cette affaire.

Vacances

Rin n’eut qu’à poser un regard sur sa femme pour se rendre à l’évidence, et perdre sa bonne humeur. Ses pensées reprirent ses réflexes de ninja et de chef, et il analysa immédiatement la situation, comme l’avait fait sa compagne. Ils n’étaient pas seulement deux excellents combattants, et leur esprit était tout aussi entraîné que leur corps.

La première idée de Lexi était de se servir des informations du précédent propriétaire de la bague, mais le shinobi n’avait rien de plus qu’il ne lui avait déjà dit. Sans se décourager, le couple eut ensuite la même idée : il fallait rapidement trouver quelqu’un de compétent en la matière. Quelqu’un qui saurait les aider. Mais c’était le milieu de la nuit, et ils étaient en terres inconnues. Si encore ils avaient été à Shintân, Lexi aurait immédiatement porté les débris maudits au laboratoire du palais…

Rinkyu s’enquit de son état. Elle haussa les épaules puis observa ses mains.
“ - C’est encore subtil.”
Elle avait brisé le bijou depuis plus d’une demi-heure, mais sa peau était légèrement plus rêche, ses veines plus visibles et ses doigts plus tendineux. Elle les plia et les déplia, et elle se connaissait trop pour ne pas sentir le cartilage de ses articulations qui contenait des fissures supplémentaires. Et la suite, son époux le voyait sur son visage, où seuls ses yeux d’acier demeuraient parfaitement inchangés.

Elle interrompit son introspection au bruit du véhicule qui approchait. Rinkyu leva la main pour l’empêcher de s’en occuper, mais elle leva les yeux au ciel et se tint près de la fenêtre avec lui alors qu’il envoyait son clone à la rencontre de l’inconnu. Elle attendit patiemment que le natif les rejoigne, et avant qu’il ne soit tout à fait à portée d’écoute, elle chuchota à son mari.
“ - Étrange coïncidence qu’il débarque maintenant non ?”

Et lorsque la coïncidence se présenta devant eux, la marchombre enfila son masque d’indifférence et le laissa parler. Lorsque le “guérisseur” observa les restes de l’émeraude brisée, il ne put retenir une exclamation. Lexi lui répondit avec nonchalance.
“ - Il faudrait arrêter d’appeler ce genre de magie comme ça. Cette pauvre couleur n’a rien demandé et se traîne toujours une sale réputation.”

Son attitude décontenança un peu le natif, qui balbutia quelques mots d’un semblant d’approbation puis se tourna à nouveau vers ses instruments. Puis il se tourna vers l’élue, une pierre sombre dans chaque main et un air intimidé sur le visage.
“ - Je peux ?”
Lexi l’invité à s’approcher d’un geste de la main, et se laissa gentiment faire - pour une fois.

L’inconnu posa lui fit tenir les deux pierres, puis ferma les yeux et murmura une sorte d’incantation. Il ne se passa rien de visible pour Lexi qui ne maîtrisait aucune sorte de magie, mais le natif fronça les sourcils comme s’il était présenté face à une énigme. Il fit d’autres tests étranges, dont un où il voulait analyser le sang de la demoiselle, mais n’osait pas la toucher à cause de son air froid et des armes qu’elle portait.

La concernée lui prit alors l’aiguille des doigts et se la planta d’un mouvement sec dans le doigt avant de lui rendre.
“ - Là, prenez, je ne suis pas en sucre.”
En réalité, il avait plus peur pour lui que pour elle, ce qui était souvent l’objectif de la demoiselle quand elle arborait son masque.

Pendant qu’il attendait une certaine réaction entre le sang de celle qui était maudite, et de ses instruments, Lexi commença à lui poser des questions.
“ - Qu’est-ce que vous faisiez dans le coin ? Étrange habitude que de sonner aux portes d’un village à cette heure-ci et de demander s’il y a quelqu’un. Vous aimez réveiller les gens ?”
Ou alors, il savait ce qu’il se passait ici la nuit. Il savait qu’il arriverait juste après le rituel, qu’il ne réveillerait personne. Il s’attendait alors à trouver les villageois réunis et il leur vendait du matériel.

Ou alors, la chance de Lexi avait tourné, mais elle était sceptique.

Vacances

Peu confiante, Lexi n’avait pas d’autre choix que de laisser l’inconnu faire son étrange rituel pour la débarrasser de la malédiction. Pour une fois, elle devait reconnaître qu’il était plus compétent qu’elle en la matière. Et puis après tout, elle n’avait pas grand chose à perdre. S’il s’agissait d’un Tenkasurien chasseur d’élus, il aurait pu se contenter de la laisser vieillir. Allongée sur le dos, elle épiait ses faits et gestes à la recherche de la moindre entourloupe, comme un faucon prêt à fondre sur sa proie.

En l’absence de signe suspicieux - du moins, autre que son arrivée providentielle - la marchombre n’interrompit pas le natif. La magie maudite sembla sortir de son corps pour se rassembler en une sphère étrange, dont le sorcier se débarassa prestement avant d’annoncer qu’elle était guérie. Avant de sauter de joie, la marchombre se leva et s’observa dans le reflet métallique de son arme. Pas de signe de vieillesse prématurée.

Toujours silencieuse, l’élue fit quelques pas, s’accroupit puis se releva, et fit ainsi jouer muscles et articulations afin de vérifier leur fonctionnement. L’inconnu semblait avoir fait le travail nécessaire. Rinkyu se permit une boutade maintenant que l’inquiétude était passée. Son épouse leva les yeux au ciel en faisant mine d’être offusquée.

“ - Il en faut bien plus pour venir à bout de l’increvable carne que je suis, voyons.”

Et bien que ces échanges n’étaient que des boutades, le regard qu’elle lui lança ensuite était cette fois sérieux lorsqu’il proposa au guérisseur de discuter un peu avec sa patiente. “ Mais je n’ai rien à lui dire moi !” cria le regard d’acier de la marchombre qui tourna les talons pour aller attraper sa veste.

Elle chercha dans les poches dissimulées de cette dernière, cousue dans une double épaisseur, la bourse qui contenait ses pièces de plus grande valeur. Après l’avoir récupérée, elle l’allégea bien franchement en payant l’inconnu rubis sur l’ongle. Elle n’avait aucune envie de marchander, et aucune envie qu’il s’attarde ici non plus. Sans la moindre once de regret, elle s’approcha de Rinkyu et laissa courir une main sur sa nuque.

“ - On peut dire qu’une telle expérience donne envie de fêter la levée de la malédiction,” commenta-t-elle en le déshabillant exagérément du regard.

Il n’en fallut pas plus pour que le natif s’excuse prestement et débarrasse le plancher en balbutiant quelques salutations maladroites. Un sourire satisfait marqua le visage de la marchombre, désormais dénué de rides, et elle planta un rapide baiser sur la mâchoire du ninja.

“ - C’est si facile ! Mais je ne comptais pas l’avoir dans les pattes plus longtemps, ce n’est que le début de notre lune de miel …”