Déception était le maître mot qui planait sur l'esprit de l'Arai tandis qu'elle se retrouvait à croupir en prison. La dirigeante avait, en une décision, prouvé à ses yeux qu'elle ne devait pas être à la place qu'elle occupait aujourd'hui. Pour autant, Haruna ne nourrissait aucune envie de la détrôner. Car si la femme s'était montrée en despote dès lors qu'elle savait qu'elle avait l'avantage de la puissance sur les élus qui avaient tous promis de la servir en faisant sa petite crise autoritaire, la japonaise espérait toujours que cette vampire ait un minimum d'attention à offrir aux natifs.

Quand enfin on était venu les sortir de leur prison après vingt quatre heures, la fée n'avait toujours pas dit le moindre mot depuis son arrestation. Alors qu'on leur enlevait enfin ces menottes désagréables qui avaient fait perdre de leur éclat aux ailes de la jeune femme l'espace de cette journée d'attente à croupir sans raison valable, Haruna releva les yeux, toujours en silence, pour voir qui était venu les libérer.

Elle reconnu alors Svenja qui se tenait, encore silencieuse, à côté d'un homme qui lui était inconnu et derrière lequel se tenait une certaine troupe de gardes. Mais plus qu'eux, c'était Saiko que la féerique élue surveillait du coin de l'oeil. Maintenant qu'elle avait retrouvé sa liberté, comptait-elle se jeter à nouveau sur Night ou sur elle-même ? Cette possibilité n'avait visiblement même pas traversé l'esprit de leur dirigeante qui n'avait prit aucune disposition à ce sujet, preuve supplémentaire qu'elle se moquait en réalité de ce qu'il pouvait leur arriver.

En vingt quatre heures, l'Arai avait eu le temps de réfléchir, de se demander à quel point la vampire pouvait mettre de la valeur sur eux, élus, et sur ce qui leur importait. Elle avait eu le temps de faire le comparatif entre Night qui, dès leur rencontre, avait promis de l'aider et avait effectivement fait des efforts en ce sens, entre Svenja qui, le jour de son arrivée, l'avait guidé, conseillé, protégé, et Eleanor qui avait accepté soit disant d'être sa professeure mais n'avait en réalité presque rien fait. Certes elle n'était personne d'important. Certes elle n'avait pas fait grand chose d'impressionnant. Mais c'était normal, c'était une dirigeante, elle était occupée. Cette justification avait été bien suffisante jusqu'à la veille. Maintenant, elle ne l'était plus.

La musicienne se demandait par ailleurs ce qu'elle avait bien pu raconter à Damsel et Amun qui avaient du se présenter au vu de son absence, puisqu'elle n'avait pu tenir sa promesse de les aider à s'entraîner, depuis la prison. Comment avait-elle pu justifier qu'elle avait envoyé plusieurs élus venus écouter ses requêtes et promettre qu'ils l'aideraient directement dans les geôles de la capitale sans un quelconque jugement autre que son envie passagère de montrer une autorité qui tenait plus du caprice colérique que de la décision éclairée.

Être dirigeant ne signifiait pas pouvoir enfermer ses sujets sans raison, les maltraiter juste par pur égo. Ou en tous cas, pas en tant que dirigeant juste. C'était là un comportement digne de Zang en un sens. Sur cette crise de nerfs, elle n'était pas si différente de lui. Serait-ce ainsi leur avenir ? Devoir se plier au bon vouloir d'une trop puissante femme sous peine de finir dans les cachots, voire pire ? Le discours de Reecon ne venait en aucun cas la rassurer, pas plus que les paroles de Svenja qui semblait d'accord avec ce qu'il se passait. Nouvel élément qui n'allait pas améliorer la motivation de la japonaise aux yeux violacés.

À la demande de Svenja, la brunette fit un pas en avant puis disparut. L'instant d'après, elle se tenait à côté de l'inquisitrice, dans son ombre. Elle battit très légèrement des ailes, comme pour les dégourdir après une journée d'immobilité, leurs couleurs retrouvant progressivement leur panache avec le retour de ses pouvoirs. Le visage fermé, elle jeta un œil à la troupe de gardes et aux autres victimes de l'envie d'Eleanor.

« Ai-je vraiment le temps de discuter, ou dois-je d'abord affronter les gardes d'Eleanor avec les autres ? Si un combat doit commencer maintenant, je ne compte pas les abandonner. »

À vrai dire, seuls Arba et Night étaient importants à ses yeux. Saiko était un danger dont elle se serait volontiers passé et Cell... Elle ne savait qu'en penser. Mais son comportement ne lui laissait rien présager de bon. Quant à Velvet, elle ne la connaissait tout simplement pas encore, difficile donc de lui passer un jugement. Elle ne l'abandonnerait pas pour autant non plus.

Sans plus de paroles, attendant de voir la réaction des gardes et de Svenja, il était facile pour quiconque avait un peu parlé avec elle de remarquer tant la disparition de la marque de respect suite au nom de la vampire que de voir que son visage n'avait pas de trace de l'habituelle bienveillance souriante qu'elle s'efforçait de conserver constamment. La désillusion qu'elle avait vécu en l'espace d'une fraction de seconde alors qu'elle avait été plaqué au sol n'avait été qu'un prémisse face à son désappointement lorsqu'elle avait entendu la sentence absurde lancée par Eleanor. Si elle lui aurait pardonné bien volontiers la première étape qui aurait été bien suffisante à ses yeux pour calmer le jeu, les mettre aux fers ainsi, même pour une si courte durée, avait bien montré sa vision des élus.

Le respect, l'estime et l'espoir qu'elle avait pour cette nouvelle dirigeante avaient été balayés. Que restait-il maintenant ? Haruna elle-même l'ignorait encore.