Petit bout de terre

Ces derniers mois ont vraiment été des plus compliqués à vivre pour Anastasia. L’absence d’Armin dont elle ignore toujours l’état de santé, Melody à élever seule ou presque, mais surtout, le sanctuaire à faire tourner. Bien sûr, personne ne lui a dit de se démener comme elle l’a fait.

D’autant plus qu’il y a de nombreux bénévoles qui sont à pied d'œuvre à longueur de temps pour des patients toujours plus nombreux. Seulement voilà, Ana ne sait pas s’arrêter, elle veut toujours en faire trop, sauver tout le monde tout en étant une bonne mère. Seulement voilà, élue ou pas, chaque corps à ses limites.

Celles d’Anastasia, elle les a déjà atteintes plusieurs fois, jusqu’à faire des burnout à répétition. Malgré le fait que tout le monde lui disait par tous les dieux de se reposer. Il aura tout de même fallu qu’elle se brouille avec Ruby et fasse un nouveau malaise pour qu’enfin, elle commence à entendre raison.

Le plus dur dans une dépendance, c’est de se décider d’arrêter, mais plus encore, d’agir dans ce sens. Mais puisqu’il fallait l’y obliger, Sakin, son intendante au sanctuaire, a réussi à lui imposer des vacances. Un bon voyage loin de ses responsabilités pour se ressourcer avec sa fille et enfin retrouver le sourire et les idées claires.

Un petit voyage introspectif si on peut dire. A son retour, elle avait clairement changé. Elle semblait plus détendue, mais aussi, elle a choisi de remettre le masque. Ce masque que l’on impose aux femmes chevalier au sanctuaire d'Athéna, avec une règle simple si elles choisissent de révéler leur visage à quelqu’un. Tuer cette personne, ou l’aimer.

Un masque qu’elle n’avait pas remis lorsque Saga lui a fait comprendre que les lois d’Athéna ne s’appliquaient pas sur ce monde. Bien avant de rencontrer Armin, qu’elle a rapidement choisi d’aimer. Mais aujourd’hui, ce n’est pas parce qu’elle s’estime veuve qu’elle l’enfile à nouveau.

C’est plutôt pour s’aider à s’endurcir. Faire le nécessaire pour libérer Kaen, quitte à se salir les mains. Mais plus encore, ne plus montrer de signe de faiblesse. Que les gens ne puissent plus la voir pleurer l’absence de son mari, ou voir son visage adorable être tiraillé par des décisions trop difficiles à prendre.

Les seules personnes face auxquelles elle s’autorise encore à apparaître à visage découvert, ce sont sa fille et son intendante. En attendant le jour où Armin pourra le lui retirer lui-même. Mais ce n’est pas tout. Désormais, elle se fiche éperdument de ce que les autres peuvent penser de ses valeurs chevaleresques et de ses principes.

A présent, s’ils ne plaisent pas, ce sera le même tarif pour tout le monde. Elle assumera pleinement ses décisions, quand bien même on estimerait qu’elle se la joue “bisounours”, naïve, ou idéaliste. Elle revient aux fondamentaux en quelque sorte. Mais les résolutions, beaucoup en font sans les tenir.

Le premier test sérieux auquel elle va devoir confronter ses résolutions, ce sera une affaire de familles. Littéralement, puisque deux familles se livrent à une véritable guerre de voisinage pour un pauvre lopin de terre qu’elles ont pourtant partagé depuis des décennies.

Mais le souci là-dedans, c’est qu’à force de laisser la tension grimper, ils risquent d’en venir aux mains. Il risque donc d’y avoir des blessés, ou pire, des morts, si un jour une famille décide d’en avoir assez et d’éliminer l’autre pour s’approprier ses terres.

Anastasia fait donc le voyage jusqu’au village, en volant sous la forme d’un éclair fendant les cieux et faisant gronder le tonnerre, sans qu’il n’y ait pour autant de nuage à l’horizon. Elle se pose comme à son habitude à l’extérieur du village, pour éviter les dégâts collatéraux.

Bien qu’avec le temps, elle a fini par suffisamment maîtriser sa technique pour atterrir sans encombre, presque comme une plume. Déjà vêtue de son armure d’or, puisqu’en “intervention officielle” de chevalier, elle traverse la rue principale jusqu’à apercevoir un attroupement.

Elle peut entendre un homme expliquer la situation à une inconnue, mais celle-ci semble avoir le mérite de réussir à calmer les échauffourées. Plus besoin de chercher les deux familles au moins, elles sont déjà réunies. Et elles ont même un lieu tout trouvé pour parlementer.

Car oui, Anastasia compte bien les convaincre de régler cette histoire à l’amiable, et non au détriment de l’une ou l’autre des familles. Et la taverne semble être toute indiquée pour résoudre ce problème. Des négociations en terrain neutre, il n’y a que ça de vrai, pas vrai ? Il n’y a donc plus de temps à perdre, les présentations doivent être faites.



Sa question est bien sûr davantage rhétorique. Rien qu’au ton employé, on peut se douter qu’en vérité, elle attend que chacun entende raison et accepte de repartir chez soi. Hormis les deux chefs de famille à qui elle a demandé de rester bien sûr. On peut donc comprendre qu’elle utilise une certaine notion de passif agressif. Comme si elle disait qu’en cas de réponse négative, elle s'occuperait de leur cas…à l’amiable également.

Quoi il s’exécutent comme ça ? Sans chercher à s’étriper avec un outil de jardinage rouillé ? On peut légitimement se poser la question en voyant la scène. Est-ce le combo masque, armure d’or et le ton employé ? Un charisme naturel ? Ou bien la réputation de la rouquine est parvenue à transpercer les frontières ?

Non, rien de tout ça. Enfin, peut-être que ça aurait suffit, mais cette fois, c’est simplement qu’elle use de son aura pacifique pour apaiser les tensions. Au moins le temps que tout le monde puisse s’attabler, et que Calamity puisse se présenter sans la moindre fioriture.



Salue-t-elle d’un geste respectueux de la tête…Seulement, dès qu’elle cesse d’utiliser le chant du Lion, les tensions se ravivent comme un feu de forêt. Elle qui voulait s’assurer qu’ils puissent trouver une solution sans “tricher”...la voilà bien déçue. Dans tous les cas, la solution ne peut venir que d’eux, car si ce sont les élues qui doivent leur en imposer une, elle ne sera sans doute pas à leur goût.









Comment le maire et le village ont-ils fait pour supporter ça aussi longtemps ? Ca ne fait pas deux minutes qu’ils sont attablés, avec seulement un membre de chaque famille, et il y a déjà des claques qui se perdent…Mais plutôt que de perdre son sang froid et de taper du poing sur la table, Anastasia envoie simplement un petit arc électrique vers la main des deux hommes.