Travailler les yeux du rêve [quête PV Lexi & Alathea]

Mission du conseil :

Suite à son entrevue avec le conseil, Shiro s’était tout simplement installée à Jiban. Après tout, la capitale était peut-être un lieu comme un autre pour elle, mais c’était un lieu qui disposait d’une habitation spécialement prévue à son attention. Les jours étaient passés. Elle s’était rendue à la bibliothèque, et s’était sentie écrasée par tout le savoir qu’elle y voyait accumulé, sous la forme de parchemins, de livres, de tablettes et autres supports ou instruments étranges dont elle ne comprenait pas le fonctionnement ou l’utilité, mais qui lui inspiraient tout de même le respect. Elle avait passé des heures à lire, parfois des fictions écrites par des auteurs fantaisistes, parfois des traités de géographie, d’histoire ou de sciences. Elle était même, à plus d’une reprise, allée voir la bibliothécaire pour demander si l’information qu’elle venait de lire dans son traité était une certitude … ou une spéculation. Pour quelqu’un venant d’une civilisation moderne, certains « faits scientifiques » de Kosaten sonnaient au mieux douteux. A côté de cela, elle apprenait un peu le fonctionnement de la technomagie, et de la magie en elle-même … Ou en tout cas, la théorie. Ses pouvoirs semblaient de nature un brin différente.

Des semaines passèrent. La nourriture n’étant pas gratuite, l’albinos se chercha un petit boulot à faire, histoire de gagner quelques sous … Et à sa surprise, elle en trouva sans grand mal. Elle n’avait pas un éventail de compétences très large, ni diplôme, ni qualifications d’aucune sorte … Mais ça ne semblait pas déranger le commerçant local, qui avait besoin d’une paire de bras supplémentaire pour son inventaire. Ou le forgeron, qui voulait qu’on livre les commandes qu’il avait reçu pendant qu’il travaillait. Ou un jeune couple, qui déménageait dans un nouveau domicile et avait besoin de monde pour déplacer les meubles. Bref … Elle était loin de manquer d’opportunités de toucher un petit pécule, qui fondait cependant rapidement en étant massivement dépensé chez le boulanger – pâtissier du bout de la rue. Plus ou moins une fois toutes les deux semaines cependant, elle ne pouvait s’empêcher de rendre visite au groupe de techno-mages que le conseil de Jiban avait dédié à une tâche bien précise à sa demande : étudier l’apparition des élus. Le groupe n’obtenait pas des résultats très probants, mais la jeune deadman ne perdait pas espoir pour autant. Elle avait déjà attendu des années, alors ça, ce n’était pas grand-chose … Cependant, tous ne partageaient pas sa patience, et lors d’une de ses visites, un érudit un peu irrité de la voir passer si régulièrement soupira franchement en la voyant franchir la porte d’entrée de leur lieu de travail.

Bonjour messieurs, bonjour Saïa !
Ah, bonjour Shiro … Nous attendons encore les résultats de l’expérimentation dont nous vous parlions la dernière fois.
Ah bon ? ça prend si longtemps que ça ?
Hm hm, qui l’eut cru, n’est-ce pas ? Les barrières entre les différentes dimensions ne sont pas du style à se laisser franchir sans effort … Et oui, cela prend du temps. Parlant de temps d’ailleurs, où trouvez-vous celui de nous rendre visite avec une telle fréquence ?
L’albinos, qui s’était approchée et regardait – à distance respectueuse – les instruments de mesure auxquels elle ne comprenait pas grand-chose, se tourna vers le scientifique, fronça les sourcils. … Comment ça ? Je ne viens pas si souvent que ça, si ?
Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais cela va faire des mois que vous venez au laboratoire de façon régulière. Ce qui m’étonne, c’est qu’il m’avait semblé que le conseil vous avait chargé avec des tâches qui vous auraient fait voyager un peu hors de Jiban … Mais pourtant, vous revenez toujours ici avec la même régularité.

D’une légère perplexité, la deadman passa à un petit sourire légèrement figé … Tandis qu’intérieurement, elle se mettait légèrement à hurler.

Des … Des mois ? Mais quand ? Je veux dire, c-comment est-ce …
Oh, je ne disais pas que vous n’avez rien fait à la capitale, au contraire. Mes voisins vous donnent une ou deux courses à faire de temps en temps d’ailleurs, ils vous trouvent adorable … mais vous gardez bien les missions que le conseil vous a donné à l’esprit, n’est-ce pas ?
O-oui, bien sûr, bien sûr … Heum … Je … Vais vous laisser, d’ailleurs, j’ai … heu, j’avais prévu d’en commencer une très bientôt, je passais juste très rapidement une dernière fois pour, heu … Savoir où vous en étiez. A la prochaine tout le monde !

Certains n’avaient pas fini de lui répondre qu’elle avait déjà franchi la porte dans l’autre sens en la claquant derrière elle. L’érudit avec lequel elle avait discuté soupira un peu de soulagement en glissant ses doigts dans sa barbe … Puis revint au texte ancien qu’il avait commencé à déchiffrer.

La jeune deadman, de son côté, avait foncé chez elle, et … Avait dévasté ses réserves de sucreries. Il ne s’agissait nullement d’une crise de boulimie ou quoi que ce soit de ce genre, mais … Le sucre l’aidait à réfléchir. Et elle avait besoin de réfléchir. Comment avait-elle réussi à rester des mois sans rien faire sans même s’en rendre compte ? Mais ce n’était pas le moment de s’apitoyer sur le passé : c’était fait, tant pis, elle allait rectifier le tir ! Le plus vite possible … Fouillant ses affaires personnelles, elle ressortit l’armure de l’homme en rouge, et l’enfila. D’une part, parce que la laisser à la maison n’allait pas vraiment rendre la tenue plus utile, alors que si elle sortait de l’enceinte sécurisé de la ville, la jeune femme allait sûrement en avoir besoin. A côté de ça, tous ceux qui l’avaient vu ainsi s’étaient doutés que la jeune femme était élue … Elle ne savait pas si c’était systématiquement une bonne chose, mais qui sait, peut-être que ça allait lui ouvrir une porte ou deux. Fourrant quelques vêtements dans un balluchon de voyage, elle quitta son domicile en marchant rapidement dans les rues …

Et s’arrêta au beau milieu d’un carrefour. Elle se souvenait de ce qu’elle avait à faire : trouver un minerais bizarre, aller parler à un forgeron qui vivait très loin, et aller chercher des breloques dans une ville. … Bon, heureusement qu’elle avait, une fois rentrée chez elle suite à l’entrevue avec le conseil, pris des notes un peu plus précises. Mais dans l’absolu, ses tâches étaient claires … La question, maintenant, était de savoir ce qu’elle faisait en premier. S’acheter des vivres pour le voyage ? Aller parler aux autorités de la ville pour demander l’autorisation d’en sortir ? (c’était nécessaire, d’ailleurs ?) Peut-être qu’un garde ou deux pouvaient l’escorter … non, ça semblait peu probable qu’ils lui fournissent des renforts. Elle aurait peut-être besoin d’une carte ou d’un moyen de s’orienter, ceci dit, choses qu’elle pouvait sûrement trouver à la bibliothèque …

Partir à l’aventure semblait bien moins compliqué dans les romans, tout de même.

La priorité de l’albinos aux longs cheveux blonds n’avait pas été difficile à trouver. Enfin. Pour être exact, elle avait eu beaucoup de mal à la trouver, ne sachant pas à quel aspect du voyage accorder la priorité. Comme pour beaucoup d’éléments de sa nouvelle vie, elle n’avait pas la moindre expérience par rapport à la situation dans laquelle elle se trouvait, et elle se voyait en conséquence incapable de prendre une décision … Jusqu’à ce que son estomac ne lui rappelle qu’elle n’était plus dans son monde d’origine, et que manger un quart de kilo de pâte de coing en 5 minutes n’était –pas- une bonne idée. Son corps n’était plus vraiment adapté à être maltraité de toutes les façons possibles sans en subir la moindre conséquence, et elle n’avait que trop tendance à l’oublier … Mais cela lui rappela aussi quelque chose qui lui avait cruellement fait défaut lorsqu’elle était arrivée ici : les vivres. Elle avait passé ses premiers jours sur kosaten avec l’estomac plus souvent creux que rempli, et maintenant qu’elle pouvait y remédier de façon préventive, elle préférait ne pas avoir à subir ça à nouveau.

Elle se dirigea donc tout naturellement vers un des marchés de la ville, où elle s’approvisionna du mieux qu’elle put en nourriture. Du moins, jusqu’à ce qu’elle ne se rende compte qu’elle avait prooobablement de quoi manger à la maison, et qu’elle n’annule certains de ses achats. Une fois chez elle, elle se rendit cependant compte que ce serait loin de suffire, et dû donc revenir racheter les pâtisseries sèches qu’elle avait reposées quelques minutes plus tôt. Elle se rendit ensuite à une des casernes de gardes de la ville, où on l’informa que le cristal qu’elle avait sur la poitrine et qui l’identifiait à coup sûr comme élue était amplement suffisant pour entrer et sortir de la cité … plus ou moins à sa guise. Elle ne saisit pas très bien les détails, mais remercia tout de même la personne qui l’avait informé et se dirigea donc vers la cible suivante de sa liste : la bibliothèque.

Le rayon dédié aux cartes ne fut pas difficile à trouver, mais pour dégotter la bonne en revanche … Elle en sortit plusieurs, mais soit elles étaient à une trop grande échelle et représentaient les trois continents, soit elles détaillaient une vue précise d’une ville, d’une île ou d’une région particulière. Alors qu’elle était en train de se gratter le crâne devant les trois rouleaux qui correspondaient le plus à ses besoins en cherchant lequel elle gardait, un des bibliothécaires passa derrière elle, se raclant la gorge.

Vous savez que ces documents ne sont là que pour consultation, n’est-ce pas ?
Hm ? Comment ça ?
Et bien, vu votre tenue, votre sac qui déborde et les parchemins que vous avez sorti, vous préparez une expédition … Vous n’avez pas le droit d’emporter les cartes qui sont ici, vous le savez ?
… aaaaah … Heum … Je, oui, b-bien sûr. Je regardais juste … Heu … la géographie ?
hm. Si vous cherchez à avoir une carte à vous, nous avons quelqu’un qui en vend, à deux ou trois rues d’ici … Ainsi que de vrais sacs de voyages, et des boussoles. Entres autres.
Ah … Je … Parfait, merci beaucoup.

Le natif poussa un grognement qui se voulait approbateur mais fut perçu par la deadman comme un début de toux, puis s’éloigna d’un pas lent et quasi silencieux. Regardant une dernière fois « la géographie » comme elle l’avait dit avec tant d’éloquence, l’albinos soupira en voyant le chemin qu’elle aurait à parcourir, puis se mit à rouler les rouleaux pour les ranger précautionneusement sur les rayons.

C’est à peu près à ce moment-là qu’elle entendit une nouvelle série de pas, bien différents de ceux du monsieur qui venait de la quitter. Se tournant vers ce qui semblait être une autre visiteuse de la bibliothèque, elle lui adressa un sourire poli en guise de salut, puis revint à ses affaires. Ce à quoi elle ne s’attendait pas en revanche, c’était à ce qu’on l’accoste et qu’on connaisse son prénom. Ouvrant de grands yeux en se tournant cette fois totalement vers la blonde, l’albinos ouvrit la bouche pour répondre … Mais une autre femme, qu’elle n’avait même pas repérée, les rejoint avant qu’elle n’ait trouvé quoi que ce soit de pertinent. Ceci étant, vu le temps qu’elle aurait mis à réagir, ce n’était pas étonnant. La nouvelle venue semblait également la connaître, et introduisit le duo qu’elle formait avec l’autre fille aux oreilles pointues : la première s’appelait Alathea, l’autre Lexi. Le nom fit tiquer légèrement la deadman, comme si elle l’avait déjà entendu quelque part, mais la suite de ses paroles la déstabilisa trop pour qu’elle s’attarde dessus … Elle sentit une légère panique s’emparer d’elle, et se mit brusquement à continuer de ranger les cartes, bien plus maladroitement qu’avant.

J-je oui ! Les missions. Du conseil. Je suis dessus, j’ai pas oublié, c’est promis ! J-j’étais justement en train de me … heum .. de trouver, enfin d’acheter du matériel pour finir de préparer mon départ pour aller chercher le minerais chez le forgeron qui vit sur une île … Heum, non, attendez, c’est …

Alors qu’elle s’interrompait en réalisant qu’elle avait parlé trop vite et mélangé au moins deux choses au demeurant assez différentes, la jeune albinos eut un geste maladroit, et deux rouleaux lui tombèrent successivement sur le crâne … Sans la faire réagir. Parvenant à en rattraper un au vol, elle fronça les sourcils en regardant le deuxième … Puis les deux femmes face à elle.

Une minute … C’est … vraiment le conseil qui vous envoie ? Vous n’avez pas la tête de … heum, comment ça s’appelle. Scribes ? Fonctionnaires. Vous n’avez pas la tête des fonctionnaires qui travaillent pour eux … J-je veux dire, d’habitude. Ni leur uniforme. Sans vouloir vous offenser, hein … Aaah, et … Qu’est-ce que vous voulez dire par « faire équipe » ? Vous voulez m’accompagner ?

L’idée qu’elle soit face à deux autres élues ne semblait toujours pas avoir ne serait-ce que traversé l’esprit de l’albinos, qui trouvait de plus en plus étrange de croiser deux femmes avec une dégaine pareille. Elles avaient l’air bien trop expérimentées en combat pour être des grattes papiers. Non pas qu’elle soit particulièrement expérimentée à reconnaître des gens forts au combat ou pas … Mais elle l’avait dit elle-même. Elles n’avaient définitivement pas des têtes de scribes.

Peut-être qu’elle allait avoir droit à ces renforts auxquels elle songeait un peu plus tôt, au final.

Les paroles des deux archères rassurèrent la jeune albinos, lui confirmant d’une part qu’elles étaient bien des femmes de terrain vouées à travailler avec elle, et aussi que leur présence, même si elles étaient envoyées par le conseil, ne signifiait pas que la deadmen avait des soucis. Elle fronça cependant un peu les sourcils aux détails qu’ajouta Lexi, répliquant avec un ton incertain, mais qui exprimait tout de même clairement ses doutes.

Dans un monde aussi hostile ? … Vous envisageriez de rédiger quel genre de livres, au juste, pour qu’ils soient aussi dangereux ? Enfin … Oui, je suis une élue, A … Latha ?

Entendre une fois le nom d’une parfaite inconnue venue d’un autre monde et ne portant pas un prénom dont on avait l’habitude n’aidait pas vraiment à le retenir. Ceci étant, qu’elle corrige l’albinos ou pas, l’archère se mit à clarifier le rôle qu’elles étaient supposées remplir, ce qui apporta un soulagement non négligeable à la jeune étourdie, qui ne pouvait pas prétendre qu’elle n’appréciait pas le coup de main.

Alors là, pas le moins du monde … Je vais être honnête, c’est un peu la première fois que je fais quelque chose de ce genre … Le monde où je vivais était vraiment très différent de celui-ci, plus … Moderne. Confortable. Ya plein de choses qui sont plus faciles, comme voyager d’une région ou d’un pays à un autre, nourrir beaucoup de monde, produire rapidement et pour pas cher plein d’objets … J’ai eu besoin d’un peu de temps pour m’habituer à … Comment se passent les choses, ici. A vrai dire, c’est un peu pour ça que j’ai traîné pour faire cette mission, le temps d’au moins me sentir à l’aise ici … ça, et je l’ai un peu oubliée. En fait, je pensais que vous veniez pour me gronder de la part du conseil, à la base, ha ha … Heum, mais sinon, je … Oui. Tout à fait pour avoir des bras supplémentaires. Je crois.

La formulation qu’elle avait elle-même employé lui laissa un petit doute, et lui fit se tapoter le menton avec un doigt ganté de son armure … Mais elle finit par soupirer, et laisser couler. Lorsque l’hybride face à elle pointa la carte qu’elle tenait –toujours- en main, Shiro réalisa qu’elle avait oublié de la ranger, ainsi que de ramasser celle à terre. Se penchant donc pour le faire, elle hocha pourtant positivement la tête en regardant les rayonnages.

J’ai regardé les endroits où il y avait des mines, dans la région. Certaines sont un peu abandonnées, mais j’avais lu un traité il y a quelques temps nommant les endroits où on pouvait trouver du Baranite, et les coordonnées correspondent … Plus ou moins. Si j’avais ma propre carte, je pourrais marquer les endroits avec précision …

C’est à ce moment-là que Lexi intervint, à la fois pour mentionner une façon d’optimiser grandement leur temps de préparation d’une façon qui ne serait pas venue à l’esprit de la deadman, et aussi pour mentionner les moyens de transport éventuels, point qu’elle n’avait pas prévu. Enfin … Elle pensait faire l’intégralité du trajet à pied, à vrai dire. La marchombre conclut avec une proposition pertinente : mettre en commun leurs ressources, celles qu’il leur restait à acquérir, et se répartir les tâches. Se grattant la nuque, la jeune femme hocha la tête, approuvant l’idée sans hésiter. Clairement, faire cette mission accompagnée par des gens plus expérimentés n’allait pas simplement lui faciliter les choses, mais aussi lui permettre d’en apprendre beaucoup.

Bien sûr que je veux de votre aide ! Et pour les réserves, j’ai pris tout ça déjà. Faisant passer le sac qu’elle avait dans le dos devant elle, elle le posa sur une table à proximité, et l’ouvrit de façon à en exposer le contenu. C’était … Ce n’étaient pas des réserves qui auraient permis à quelqu’un de normal de se nourrir bien longtemps. Ce n’était pas équilibré. Ni même sain, quand on regardait les quantités de produits sucrés … Accessoirement, c’était des réserves pour une personne, bien entendu. Pour les cartes, j’ai les références de celles qu’il me faut. Enfin, qu’il nous faudrait, du coup … On pourrait revérifier si vous voulez, mais je pense savoir où aller. Il y a un magasin qui vendrait ce genre de documents à proximité, de ce que m’a dit le bibliothécaire. Voyant passer ce dernier entre les rayonnage, qui lui fit d’ailleurs signe de faire un peu moins de bruit, l’albinos eut un petit rire mal à l’aise et reprit sur un ton plus calme. Pour les moyens de transport … je n’ai pas beaucoup d’argent, et je ne sais pas monter à cheval de toute façon. Je … je pensais tout transporter dans mon sac. Elle ne savait pas si c’était, ou non, une pratique courante … Mais le naturel avec lequel Lexi en avait mentionné d’autres lui faisait ressentir une légère honte de ne même pas y avoir songé. Elle rajouta cependant, plus énergiquement : Mais si on prend une mule, je participerais aux frais, bien sûr. Pour le reste, je … Je n’ai pas encore acheté de matériel supplémentaire. Du coup, je m’en remets un peu à vous pour cette partie-là… Si ça vous va, bien sûr.

« A-la-the-a ». Au moins, découpé comme cela, il était difficile pour la deadman de mal interpréter le nom de ce qui, visiblement, allait être sa compagne de voyage pour les quelques jours, sinon semaines à venir. Opinant rapidement du chef pour signifier qu’elle avait cette fois bien compris, la jeune femme essaya de l’imprimer dans sa mémoire, de même que le patronyme de l’autre aventurière, Lexi. Outre bien sûr les éléments d’ordre général, tels que le genre, la couleur de cheveux ou la forme du visage de ses partenaires, l’albinos essayait également de repérer des détails plus ou moins subtils pour se donner une meilleure idée d’à qui elle avait à faire : les tenues qu’elles portaient, les armes et équipements qu’elles affichaient, leurs postures, des tics ou gestes involontaires mais répétés … L’image d’un jeune homme trop souriant qui claquait régulièrement ses mains ensemble et disait s’appeler « toto » lui revint en tête. Elle s’attarda un instant sur le souvenir, mais finit par le chasser. Ce n’était rien de plus qu’un autre homme mort, désormais.

La remarque vis-à-vis « d’arriver à destination en plusieurs morceaux » fit sourire la jeune femme, qui se contenta de lever les deux mains pour pointer sa comparse avec ses index, répondant presque sans battement un petit « Oarf, au pire je recollerais, j’ai l’habitude. ». Elle n’était pas sûre de ce que voulait dire le clin d’œil de sa partenaire, mais elle l’imita en baissant les mains, ne poussant pas sa réflexion plus loin que « en général, c’est un signe de complicité, ça doit vouloir dire qu’elle veut bien faire amie-amie ». Bien sûr, même sans expérience en équitation, elle se doutait que les chevaux ne coupaient pas vraiment les gens en morceau … Mais ce qui l’amusait réellement, dans ce petit échange, c’était le choix de mot et à qui ils s’adressaient. La peau de la jeune femme, couverte de bien trop nombreuses cicatrices qui entouraient entièrement ses membres ou ses doigts, prouvait qu’elle avait bel et bien de l’expérience dans le domaine. Mais sans cette information, les deux aventurières penseraient sûrement qu’elle répondait juste en surenchérissant un peu, offrant de remédier à un problème déjà disproportionné grâce à une solution qui virait à l’absurde. Quelque part, c’était un peu ce qu’elle faisait, d’ailleurs. Mais ces échanges de plaisanteries mis à part, la discussion se concentra de nouveau sur des aspects techniques de la mission qui se présentait, points sur lesquels la demoiselle en armure répondit lorsqu’elle pouvait.

Aller acheter les cartes, ça marche. Et plus de recherches sur la Baranite … Pourquoi pas. Je me suis surtout consacrée aux archives qui traitaient du commerce de ce matériau et aux rapports d’excavation des mines. En gros, des colonnes et des colonnes de chiffres et de rapports pour dire où on en a trouvé, dans quelles quantités, à qui ça a été vendu … J’avoue qu’après ça, je ne me suis pas penchée sur ce que c’était précisément, à part un métal rare et précieux pour le conseil. Peut-être que vous trouverez quelque chose d’intéressant dans les ouvrages qui parlent de ce sujet.

Après Alathea, ce fut Lexi qui ajouta un commentaire sur, d’une part, leur répartition des tâches qui était en effet un peu inégale, ainsi que sur les recherches sur le métal qui leur tenait lieu d’objectif. A l’évocation de matériel, la deadman voulut répondre, mais elle préféra laisser la parole à la jeune femme qui l’avait sans l’interrompre, et attendit donc la fin de sa réplique avant de lever un doigt.

Pour ce qui est des outils … Les gens qui en ont miné n’ont jamais parlé de pioches particulières ou autres. En revanche, le conseil voulait bel et bien des outils spéciaux, mais pour travailler le métal. Il faut aller les chercher chez un forgeron à l’est, dans le pays … heum … ah, zut, j’ai oublié son nom. Il est vraiment très loin à l’est, même pas sur le continent. Et pour ce qui est de la destination et du climat, on ne se rendra ni trop au nord, ni trop au sud, on reste sur la même … Loon … heum. Latitude. On reste sur la même latitude. Légèrement incertaine, la deadman fit une rapide vérification mentale, mais il lui semblait avoir employé le bon terme. Ce qui ne l’empêcha pas de se masser le menton pendant un instant. Je pense. Dans tous les cas, beaucoup de mines intéressantes pour nous sont du côté des zones neutres, voire de la frontière de Shuza. Ça devrait aller pour la météo.

La jeune femme avançait cela … Avec deux failles de taille dans sa logique. Premièrement, contrairement à son monde d’origine, celui-ci semblait avoir un problème notable avec les saisons, qui semblaient plus localisées dans l’espace que dans le temps. Et ensuite … Et bien, elle ne s’était tout simplement jamais rendue dans ces régions, et ne pouvait donc connaître le climat qui y régnait. Elle s’était surtout fiée au code couleur de la carte du continent qu’elle avait observé pour se donner une vue d’ensemble. Ceci étant, même si elle ne pensait pas se diriger vers une zone aux températures trop basses, l’idée d’avoir une tenue pour les climats froids n’était pas dénuée d’intérêt … N’ayant pas beaucoup voyagé dans sa vie, la deadman ne se rendait pas bien compte d’à quel point un manteau de fourrure ou une paire de gants pouvaient devenir nécessaires, mais elle allait avoir l’occasion de s’en faire une idée. Restant sur le topic de la chaleur, Lexi demanda à leur camarade si elle avait de quoi faire du feu, ce à quoi la jeune femme aux longs cheveux blancs ne put s’empêcher de répondre.

Ah, je … Dois pouvoir faire ça ! Je crois.

En premier lieu, elle pensa à approcher sa main droite de sa bouche … Mais elle se souvint qu’elle portait des gants. Regardant l’autre avec un air grognon comme si elle était moins protégée, elle hésita un instant à les retirer … puis abandonna l’idée, et se contenta de se mordre la langue en tirant une légère grimace. Elle ne tarda pas à avoir le goût du sang en bouche, et ouvrit un peu cette dernière pour laisser sortir un filin de liquide rouge sombre … Légèrement dilué dans de la salive. Bon, elle ferait avec. Faisant léviter le fluide jusqu’à une de ses paumes ouvertes, elle le fixa, se concentrant un peu. Elle n’avait pas effectué ce tour depuis … très longtemps. A vrai dire, imiter les pouvoirs d’un autre deadman, en particulier un qu’elle n’avait pas beaucoup côtoyé, n’était pas quelque chose qu’elle avait pensé refaire un jour … Mais elle pouvait bien tenter le coup, non ?

Comme pour répondre à ses attentes, une sorte de plaque cristalline, translucide et de forme hexagonale, se forma dans sa paume, en dessous des gouttelettes en lévitation. Se concentrant un peu plus, l’albinos vit une étincelle se produire, une lueur orange naître dans le liquide à l’origine si sombre … Mais avant que la moindre flamme ne parvienne à se produire, le cristal se brisa et se désagrégea, et elle perdit le contrôle, laissant le sang retomber dans sa paume, inerte. Ce ne fut qu’à ce moment qu’elle réalisa qu’elle avait retenu son souffle pendant tout ce temps, problème auquel elle remédia par une grande expiration un peu maladroite, suivie d’une inspiration rauque. Elle avait toujours le truc … Mais elle se sentait incapable de le compléter. Reprenant en quelques instants une respiration normale, elle déglutit un coup … et essuya sa main dans sa cape.

Ou pas … Je n’ai vraiment pas encore beaucoup récupéré. Un petit sourire triste et un haussement d’épaule ponctuèrent sa phrase. Désolé d’avoir répondu pour rien.

Elle se tourna presque instinctivement vers Alathea pour dire cela, comme si l’avoir empêché de répondre avait été si grave que ça. N’ayant pas grand-chose à ajouter de son côté, elle se contenta de hocher la tête pendant le reste de la discussion, signifiant qu’elle était tout à fait prête à partir dès que les autres seraient prêtes, et notant mentalement le point de rendez-vous qu’elles se donnaient pour se retrouver avant le départ. Après être passée chez le cartographe, elle pensait revenir ici retrouver Alathea, mais elles n’allaient pas passer des heures à attendre Lexi à la bibliothèque après tout, n’est-ce pas ?

L’achat de cartes, d’une boussole, d’un compas et de matériel d’écriture pour noter définitivement les endroits où elles se rendaient (sur un support séparé bien sûr) se déroula sans accroc particulier, si on mettait de côté le temps que mit la deadman à trouver la boutique, et le fait qu’elle dû attendre qu’un capitaine de navire mal embouché finisse ses propres … « transactions » avec le vendeur avant de pouvoir lui parler. A tout hasard, la deadman acheta également une carte du ciel, supposée l’aider à se repérer même dans l’obscurité nocturne ou l’absence de repères la plus totale. Elle ne savait pas les lires, mais elle supposait que ses camarades, si : cela leur ferait quelque chose pour occuper leurs soirées … Ou au pire, elle trouverait quelqu’un d’autre pour lui apprendre. Une fois ces quelques maigres achats effectué, elle revint à son point de départ, pour y retrouver l’archère qui, de son côté, leur avait loué une mule pour transporter leur matériel. Dans la mesure où elles allaient établir un itinéraire précis une fois en route, la deadman se contenta de ressortir les rapports qu’elle avait trouvés intéressants pour y recopier – maladroitement – coordonnées, quantités de minerais potentielles et autres informations intéressantes sur les feuilles supplémentaires qu’elle avait prises. Puis, elle se mit à chercher des infos supplémentaires conjointement avec la demi-elfe, en évitant de se montrer trop curieuse, même si elle se demandait bien d’où pouvaient venir ces oreilles en pointe qu’elle avait vaguement vu dépasser de sa chevelure, ici et là.

Alors qu’elle parcourait les nombreux documents géologiques et autres traités de minéralogie et de métallurgie qui étaient disponibles à la bibliothèque, la deadman réalisa quelque chose … Heureusement que sa tentative de faire du feu, un peu plus tôt, s’était soldée par un échec. Entre tout le bois sec, la poussière, et bien sûr le papier et parchemin dont était rempli cet endroit, elle se serait retrouvée dans de beaux draps s’il y avait eu la moindre trace d’accident. Comme quoi, être privée de la plupart de ses pouvoirs n’était pas entièrement une mauvaise chose … Lorsqu’ils seraient de nouveau à sa disposition, il faudrait qu’elle se surveille d’autant plus.

Le sujet quitta cependant les pensées de la deadman plus vite encore qu’il n’y était arrivé, remplacé par une frustration légitime … Elles ne dénichaient vraiment pas beaucoup d’informations pertinentes. Plus tôt, la deadman seule avait réussi sans trop de mal à mettre la main sur des archives de transactions et autres historiques des mines : comme ces infos étaient pertinentes, elle s’était basée dessus … Mais maintenant qu’elle et Alathea cherchaient explicitement à savoir ce qu’était la baranite, elles ne trouvaient rien de plus que des références éparses, un paragraphe par ici ou par là, dans des volumes de pourtant parfois plusieurs centaines de pages. L’efficacité avec laquelle l’archère pouvait parcourir de tels ouvrages finit d’ailleurs par attirer l’attention, puis provoquer la perplexité de l’albinos, qui eut clairement l’impression de se traîner, en comparaison. Après tout, elle était une adolescente exceptionnelle, certes … Mais la lecture n’avait jamais été son passe-temps favori, et l’éducation partielle qu’elle avait reçue ne faisait pas d’elle une très bonne érudite. Encore quelque chose qu’elle pouvait viser à corriger pendant son séjour potentiellement sans retour dans ce monde étrange. La question de l’hybride la sortit cependant de ses pensées, et, se rendant compte qu’elle ne lisait de toute façon pas le livre qu’elle avait dans les mains, la deadman le referma avec un claquement sec.

Mon sang, pour être précis. Entendant des pas non loin, elle se rendit compte qu’elle avait répondu un peu fort, et baissa un peu le ton pour poursuivre. Depuis que je suis arrivé j’ai déjà vu une personne ou deux s’inquiéter que je manipule leur sang pour faire des choses étranges … Mais non. Chez moi, je suis ce qu’on appelle une « deadman » : mon sang est spécial, et je peux faire des choses hors norme avec. La plupart des deadman n’ont qu’un seul pouvoir propre, outre le fait de faire bouger leur sang, mais je suis un cas un peu spécial.

Elle n’était ceci dit pas la seule … Son meilleur ami, Ganta, avait techniquement deux branches du péché différentes, et son grand-père avait appris à en copier un nombre semblant illimité … Enfin, dans son dernier corps, en tout cas : cette histoire était confuse et même si le péché originel avait reçu des explications ici et là, elle ne s’était pas intéressée à tous les détails. La finalité était, en tout cas, que pour la question posée, la réponse qu’elle venait d’apporter devait être suffisante. Ne désirant pas laisser cette curiosité rester à sens unique dans la mesure où elle-même n’était pas en manque de questions à poser, l’albinos rangea le volume qu’elle tenait, et prit un instant pour formuler sa propre question correctement.

Hmmm, du coup … Si j’ai bien compris, les élus sont tous … Des êtres un peu exceptionnels, dans leurs monde d’origine, c’est bien ça ? Vous, qu’est-ce qui vous … Disons, différencie d’un humain normal ? Elle tira une petite moue, incertaine, mais poursuivit tout de même. J’ai remarqué que vous aviez des oreilles très fines et très pointues, et du coup ça me rendait un peu curieuse …

Après tout, c’était bien la première fois qu’elle croisait une elfe, ou une sang-mêlé appartenant partiellement à cette race, en tout cas. Un détail amusant était qu’en revanche, les yeux dorés et à l’aspect si peu commun de la jeune femme ne semblaient pas perturber l’albinos outre mesure … Mais après tout, elle-même avait des pupilles d’un écarlate peu commun, même pour les gens souffrant de sa maladie, et elle connaissait une autre personne sur son monde qui avait des yeux de chat à la couleur si chaude et proche de l’or.

Quelques instants plus tard, ce fut Lexi qui revint à la bibliothèque, apportant avec elle le –visiblement plutôt lourd- matériel dont elles auraient besoin. La deadman ne remarqua que deux pioches et deux casques … Mais plutôt que de poser une question qui s’avèrerait sûrement idiote, elle se dit tout simplement que Lexi devait bénéficier de pouvoirs lui permettant d’extraire la roche et de se protéger sans matériel. Certes, elle n’avait pas l’air d’une montagne de muscle capable de briser des murs avec son front, loin de là … Mais ce monde étrange n’était-il pas rempli de surprises ? La question du poids étant cependant soulevée, l’albinos prit les manches des deux outils de minage, et les souleva pour les poser sur ses épaules, après en avoir utilisé une pour se lancer un casque sur la tête. Un grand sourire encadré par d’innombrables mèches blanches vint illuminer son visage alors qu’elle prenait la parole pour répondre.

Dans ce cas, je prends cette … Partie de l’équipement ? Son expression passa de joyeuse à perplexe, et elle souleva une des pioches de son épaule pour l’étudier avec une certaine curiosité, ainsi que le casque métallique qu’elle avait sur le crâne. Ah oui, quand même … A deadman wonderland, les outils de chantier n’étaient pas si lourds que ça … Et ils avaient l’air plus solides, aussi, vu que les manches n’étaient pas faits en bois. Les casque par contre avaient l’air moins résistant … Tapant sur celui qu’elle portait avec un poing fermé, elle émit un petit « gong » assez sonore. Mais ils n’étaient pas en métal, et je crois qu’ils ne reposaient pas directement sur la tête comme ça … C’est drôle de voir ces changements directement. Vivement que Kosaten invente le plastique.

Il n’y avait pas que le matériau et le poids qui changeait : les casques de Lexi étaient dénués de tout moyen d’éclairer ce qui se trouvait devant leur porteur, ne disposaient pas d’un « sous-casque » réglable à la tête du porteur qui formait un espace entre la tête du porteur et la coque protectrice, et les pelles et pioches avaient de simples manches de bois sur lesquels aucune sorte d’antidérapant n’avait été rajouté. Ce n’était pas une question de facture du matériel : juste d’époque … Ce genre d’améliorations n’avait pas encore été inventé. La jeune femme haussa les épaules et retrouva le sourire, posant l’outil de nouveau sur son épaule.

Enfin, au moins, si on fait une mauvaise rencontre, j’aurais une arme pour me défendre ! La plaisanterie lui tira un sourire … Jusqu’à ce qu’elle réalise que, privée de ses pouvoirs, elle était techniquement désarmée de façon générale, et ne s’en était tiré sans problème jusqu’ici que grâce aux circonstances. Enfin … J’espère qu’on ne fera pas de mauvaise rencontre, bien sûr … ha ha … Accueillant le changement de sujet de la marchombre avec un léger soulagement, l’albinos hocha négativement la tête pour répondre aussitôt : Je pensais partir dès que possible honnêtement, si vous êtes toutes les deux prêtes je pense qu’on peut y aller.


La traversé de la mer intérieure avait été une expérience un peu étrange pour la deadman. Et pour cause : de mémoire, c’était la … 2nd fois de sa vie qu’elle prenait le bateau. Et la première avait été la même traversé, mais dans l’autre sens, pour se –rendre- à Jiban. La deadman n’était pas sujette au mal de mer, mais le roulis léger mais constant de l’embarcation n’était pas très agréable pour autant, et elle ne s’était pas plainte en retournant finalement à la terre ferme. Prenant bien entendu quelques affaires en plus des deux pioches et du casque afin de répartir le plus équitablement possible les charges, la jeune femme s’était calée sur le rythme de marche de ses deux compagnes … Ce qui, sur le moyen à long terme, aurait pu entamer son endurance, si elle n’avait pas profité du trajet pour consommer une quantité hallucinante de sucre. Pas assez pour sérieusement entamer ses réserves, mais bien trop pour quiconque ayant une petite idée de comment quelqu’un était supposé se nourrir. Pourtant, cela lui permettait de rester énergétique et de porter sa part du matériel sans trop de souci, même si elle allait de toute évidence finir à un moment ou un autre par tomber à cours de pâtes de fruit à se mettre sous la dent.

La question de Lexi fit cligner des yeux à plusieurs reprises à la jeune albinos. Non pas qu’elle était si surprise que cela que ses pouvoirs ne soient pas communs … Mais c’était bien la première fois qu’on lui disait qu’elle faisait de la magie. Elle avala ce qu’elle avait dans la bouche, et se frotta un peu le menton, avant de répondre.

Et bien … Heum, déjà pour moi, c’est … Pas vraiment de la magie ? Je veux dire. J’ai vu plein de gens qui étaient des « mages » ou « techno-mages » sur kosaten, et des objets qui étaient clairement enchantés ou autres … Mais chez moi, ce genre de choses, ça n’existait pas trop. J’ai jamais très bien compris comment on m’avait fait développer mes pouvoirs, mais ils n’étaient pas « magiques » à proprement parler … Pas du point de vue des gens qui les étudiaient, en tout cas. Mais après, peut-être qu’un truc est « magique » justement si les autres ne comprennent pas comment il fonctionne … Heu, enfin bref.

Moi je n’ai jamais eu de souci avec ça. Par contre, Ganta, quand il est devenu Deadman, si … Il y a eu plusieurs fois où il a perdu connaissance pendant ou à la fin d’un combat à cause de … Heum … « l’anémie », c’est bien ça ? Quand on perd beaucoup de sang ? L’air légèrement perplexe sur le visage de l’albinos témoignait de ses doutes sur le terme à utiliser, mais elle reprit rapidement. Bref ça oui ça lui a beaucoup posé problème. Après, tout dépend du pouvoir, aussi … Un des autres deadman pouvait fabriquer des lames avec son sang. Et quand il avait fini de se battre, et bien … Les lames revenaient dans ses veines. Du coup, il ne perdait pas de sang. Et il y en avait pas mal comme ça, de mémoire. Dans mon cas … Même si elle continuait à marcher à un rythme égal, la jeune femme devint parfaitement silencieuse. Ses yeux rouges se perdirent dans le vague un instant, regardant quelque chose qu’elle seul pouvait voir. Puis, après une pause trop brève pour signifier une conclusion, mais trop longue pour être normale, elle haussa les épaules. M’nan, j’ai jamais eu ce genre de problèmes.

Cette « conclusion », un brin brève par rapport au reste de ses explications, sembla être la seule que l’albinos voulait apporter au problème soulevé par Lexi … Pour le moment, du moins, ou alors tant qu’on ne lui poserait pas de questions supplémentaires. Ceci dit, plutôt que de laisser la conversation s’éteindre là-dessus, elle laissa parler une de ses propres interrogations, qui l’avait un peu tenaillé la veille au soir, sans qu’elle n’ose prendre la parole sur le sujet.

Et vous, qu’est-ce que vous savez faire toutes les deux ? Vu que vous vous connaissiez, je suppose que vous savez déjà pour l’une et l’autre, mais j’ai pas vraiment pu vous voir agir, moi.

L’albinos se retourna pour marcher à l’envers et faire passer son regard curieux d’une élue à l’autre, curieuse. Après tout, il n’y avait pas de raison qu’elle soit la seule à détailler plus ou moins rapidement ce qu’elle pouvait faire, n’est-ce pas ? Encore qu’elle ne pouvait pas faire grand-chose, à l’heure actuelle … Mais ça ne semblait pas la déranger outre mesure.

Marcher à l’envers sur une route avait des côtés amusants, mais Kosaten n’était pas la terre, et ici, même les chemins et routes fréquentées … n’étaient pas goudronnées. Ayant le pied roulant sur un caillou un peu plus gros que la moyenne, la deadman perdit –brièvement- l’équilibre, baissant rapidement le regard, avant de le relever et de se remettre à progresser normalement. Tant qu’à vivre une aventure, autant éviter de se fouler une cheville durant la partie la moins dangereuse de cette dernière. Ceci étant, si la route inégale et parfois traitresse venait de la déstabiliser physiquement, les questions qu’on lui posait réveillaient des questions qui, elles, la secouaient plus sur le plan émotionnel. Rien de bien sévère … Mais on touchait plus ou moins au pire aspect de sa brève existence. En particulier via le choix de mots sur les limites et la puissance … Aussi la réponse ne fut peut-être pas celle à laquelle les deux archères s’attendaient.

Oh, heum … Ne … sois pas trop pressée, Lexi. Et Alathea, pour les … Limites … Disons que j’ai déjà essayé de les atteindre, une fois. Pour se suicider. Ce qui avait été un échec. Un échec qui avait néanmoins relâché à peu près autant d’énergie qu’une bombe nucléaire, dans le centre-ville de la capitale d’un des pays les plus densément peuplés au monde. ça … ne s’est pas très bien passé. Pour tout un tas de gens. Du coup … Depuis, j’évite de trop expérimenter.

Cette partie-là était un mensonge … Du moins, dans ses sous-entendus. La jeune femme n’avait pas « évité d’expérimenter » parce qu’elle n’en avait pas l’envie, mais parce qu’elle en était incapable. Ses pouvoirs avaient été scellés par sa créatrice, la femme qu’elle considérait comme sa mère … Et le système permettant de la brider n’avait été détruit que très récemment. Il n’avait pas fonctionné à plein régime durant toutes ces années, mais il n’avait jamais laissé à l’albinos l’opportunité de faire « beaucoup » de dégâts avec ses capacités. C’était probablement pour cela que l’idée de repartir « sans pouvoir » sur Kosaten ne la dérangeait que très légèrement : elle avait déjà l’habitude. Lorsqu’elle avait retrouvé une partie de ses capacités en compagnies des autres deadman ceci dit, elle s’était un peu amusée à voir si elle pouvait reproduire leurs talents uniques … Et à sa grande surprise, sa maîtrise du sang s’était avérée suffisante pour que cela soit possible. Dans certains cas, tout du moins. Elle avait gardé cela pour elle-même, à l’époque … inutile d’attirer l’attention sur son côté exceptionnel au sein des deadmen. Sans parler du fait que son pouvoir « unique » à elle était probablement le plus puissant de tous, ce qui réduisait beaucoup le besoin de se diversifier.

Et maintenant que mes pouvoirs sont scellés, ici, je vais devoir patienter un peu avant de tester quoi que ce soit … Donc je ne peux pas trop répondre à ta question pour le moment, désolée.

Elle conclut avec un petit sourire amical en se tournant un peu pour faire face à la demi-elfe … Mais ce n’était pas trop convainquant, si on avait l’œil. Il n’y avait qu’à remarquer le fait que durant sa réponse, la deadman avait fait sauter le vouvoiement sans même s’en rendre compte, tant elle était secouée. Les échanges entre les trois demoiselles ne s’attardaient cependant pas que sur les pouvoirs de la plus jeune, et ce fut au tour de Lexi et d’Alathea de répondre. Mais les réponses en questions s’avérèrent … décevantes. Le fait qu’elles soient concises n’était, en soit, pas un souci, mais … Cela manquait un peu de capacité à voler, à soulever des montagnes, ou à projeter de l’énergie pure ? Le visage de la jeune femme en armure reflétait d’ailleurs assez bien son sentiment : elle avait l’air d’un écolier devant une équation pour laquelle il avait trouvé une réponse … qui ne collait pas, pour une raison qui lui échappait.

Donc … Tu sais tirer à l’arc, et tu es une hybride … D’une main, elle avait pointé la jeune femme aux oreilles pointues, mais elle la redirigea vers la marchombre. Et tu sais te battre, tirer à l’arc aussi, et plein d’autres tours … Elle marqua une pause après ces résumés de résumés, qui manquaient un peu de panache … Puis reprit. Je … Veux … pas être méchante ou quoi hein … Mais pourquoi est-ce que les dieux vous ont fait venir ici, exactement ? Je veux dire … On dirait un peu des trucs que peuvent faire des soldats « normaux », dans l’ensemble … Enfin, à part être un peu elfe. … C’est quoi, d’ailleurs, un elfe ? Oh, et si tu n’as pas de carquois Alathea, qu’est-ce que tu utilises comme flèches ? Des branches ? Tu sais faire des … Elle voulait dire « tirs de sang », mais si l’hybride était si curieuse par rapport à ses pouvoirs, il était peu probable qu’elle en ait des similaires. Tirer son sang, c’était le truc de Ganta surtout … l’albinos utilisait le sien de façon un peu différente, lorsqu’elle ne copiait pas quelqu’un d’autres. Essayant d’imaginer d’autres capacités compatibles avec un arc, elle laissa un donc un peu sa bouche sortir des termes au hasard. heum, des flèches d’os ? Ou de vent ? Ou heum … Des projectiles de plasma qui explosent ?

Il était fort possible que l’hybride n’ait aucune idée de ce que pouvait bien être un « projectile de plasma » … Et pour cause : elle n’avait pas été élevée à regarder des dessins animés de robot justicier, elle. Tout comme Shiro n’avait eu que très peu d’intérêt pour les œuvres de fiction fantaisistes basées sur un autre folklore que le sien, expliquant son absence de connaissance de tout ce qui aurait pu être « elfique ». Pour le vent, la question avait été inspirée par Yone, un élu un peu âgé et à l’air très sérieux qu’avait rencontré la deadman à son arrivée sur ce monde. Et pour les os … L’un dans l’autre, Shiro ne connaissait qu’une seule façon d’obtenir des pouvoirs : celle qu’elle avait subie. Pas étonnant qu’elle ait parfois des idées légèrement macabres.


Il était difficile de dire que Shiro ne « voyait pas le temps passer », mais l’effort physique soutenu et les conversations la distrayaient assez pour qu’elle ne réalise pas que la journée touchait progressivement à sa fin. Restant silencieuse lors des échanges concernant l’endroit où elles allaient camper, ou comment elles allaient s’approvisionner en nourriture, l’albinos se contenta d’observer et d’écouter afin d’apprendre. Après tout, si elle voulait se débrouiller de façon autonome la prochaine fois, la première étape était de le faire avec quelqu’un d’autre, n’est-ce pas ? Aidant naturellement à l’établissement du camp, elle passa plus de temps à chercher du bois raisonnablement sec que de la nourriture, n’étant pas vraiment au courant de quelles baies pouvaient servir de dessert, et desquelles pouvaient empoisonner quelqu’un. Elle coupa également plusieurs fougères pour la mule … Mais cette dernière ne sembla pas intéressée, aussi la deadman se contenta-t-elle de les répandre par terre, formant un genre de « tapis » suffisamment sec et épais pour pouvoir s’asseoir et s’allonger dessus de façon confortable. Enfin. C’était loin d’un vrai lit … Mais après tout, elles campaient en forêt, ça n’avait rien de surprenant.

La question de Lexi tira la deadman de ses pensées – qui étaient focalisées sur le dîner – et la laissa silencieuse pendant un petit instant. Déjà, parce que « la » question en contenait en réalité une multitude, qui demandaient chacune une réponse. Et ensuite, parce que Shiro était loin de maîtriser tous les concepts technologiques qui avaient mené jusqu’à son époque. Et il y en avait un bon paquet qui lui venaient en tête. Venait ensuite un point notable de sa réponse … Shiro ne savait pas très bien ce que signifiait être une marchombre, quelle était la différence entre une arme d’hast et un couteau, ou qu’est-ce qui définissait une « tunique », au-delà du fait que c’était un vêtement. De la même façon, Lexi n’avait jamais entendu parler de plastique, de téléphones, de voitures ou de béton … Alathea non plus d’ailleurs, probablement. Il fallait donc adapter son langage en conséquence. Après un petit moment de réflexion cependant, qu’elle passa avec une moue reflétant bien son manque d’habitude avec ce genre d’exercices, la deadman répondit finalement du mieux qu’elle put.

Alors, heu. Je vais être honnête, il y a … beaucoup de choses que je vais avoir du mal à expliquer. Parce que bon, par exemple, c’est pas parce qu’on porte des vêtements qu’on sait en fabriquer par exemple, hein ? Mais je vais faire de mon mieux.

Déjà, dans mon monde … Il n’y avait pas de … « magie », de manière générale. Ça n’existe pas du tout. On fait du feu avec un briquet, si on envoie un message ce sont des gens, ou des télé- heu … Des appareils spécialisés qui le transmettent, si on veut de l’énergie elle est produite quelque part à partir de quelque chose, comme du charbon, du pétrole ou du … nucléaire … Parfois c’est vraiment très compliqué, mais il y a toujours une explication scientifique. Comme pour mes pouvoirs de deadman. C’est pour ça que j’ai réagi comme ça, plus tôt.

Pour répondre à ta question … Je pense qu’il y a des différences … heu, « d’existence », comme tu disais. Comme la magie, par exemple. Mais je pense aussi que la plus grosse différence, ce sont les découvertes et innovations. En fait … à part, par exemple, la géographie, la magie, ou les animaux et plantes, ce monde est comme le mien … Tel que le mien était il y a plusieurs centaines d’années. Et puis, on a découvert des tas de trucs. Par exemple, je sais qu’on ne « trouve » pas le plastique comme ça par terre : il faut extraire une matière spécifique du sol, y rajouter des produits chimiques et la faire cuire. Je ne sais pas si la matière spécifique et les autres produits existent ici, mais je pense que oui ? On en a juste probablement pas trouvé. Ou alors, on l’a trouvé, sans savoir quoi en faire. Alors qu’il suffirait de connaître la bonne recette pour la transformer. Bon, certes, la recherche ça prend du temps et des efforts … Mais une fois que c’est fait … et bien, le plastique, c’est pas cher, on peut le mouler dans toutes les formes qu’on veut, c’est plus souple et beaucoup plus léger que le métal … On peut en changer la couleur, l’élasticité ou la flexibilité, aussi. On peut en faire des assiettes, des bols, des morceaux d’outils ou de vêtements, voir des vêtements entiers … Tiens, regardes.

Se rapprochant de la marchombre et farfouillant un peu sa tenue, la jeune femme décrocha sa cape pour la laisser tomber sur le « siège » de fougère un peu plus loin, avant de lever un pied pour … Montrer la semelle de sa botte. Ce n’était pas exactement du plastique, mais c’en était bien assez proche. Appuyant avec un doigt, elle démontra à la fois la souplesse du matériau, tout comme sa résistance.

Ici, je suppose que je ne trouverais jamais deux paires de chaussures parfaitement pareilles … Mais dans mon monde, on a des bâtiments qu’on appelle des « usines » qui produisent rapidement des milliers de fois le même objet. Du coup, c’est facile et pas cher de s’acheter des chaussures par exemple, ou des vêtements, des meubles … Nos bâtiments sont aussi plus grands et plus solides, nos routes sont entièrement couvertes de bé ... heum, ce qu’on appelle du « béton », qui est une sorte de … pâte qui devient tout comme de la pierre une fois qu’elle a séché. Ça aussi, on peut lui donner la forme qu’on veut. Ça nous permet de faire des constructions très grandes, bien plus que les châteaux qu’on trouve ici. Et heum … Tout ça, ça a été inventé quoi. Ce que j’essaie de dire, je crois … C’est que le monde d’où je viens a … été changé pour être plus facile à vivre. Il y a un accès facile à de l’eau courante pour tout le monde, les maisons sont chaudes en toute saison, c’est facile de se procurer beaucoup de choses dans des magasins qui vendent de tout …

Marquant une pause, la deadman se demandait ce qu’il y avait à rajouter. Elle pouvait encore parler de l’électricité, des moyens de transport, de communication, d’internet, de comment avait évolué l’argent, la politique, la recherche scientifique, la religion … Mais trop d’éléments ne rendait pas son explication plus simple : au contraire. Et puis, elle pensait avoir déjà plutôt bien répondu à la marchombre, en soit … Si cette dernière avait d’autres questions, elle les poserait. Finissant par hausser les épaules et sourire, la deadman replia la carte sur laquelle elles avaient planifié le reste du trajet.

du coup, voilà. Je suppose que mon monde est juste plus vieux … Ou … Ou ma société est plus vieille ? Plus … évoluée ? Quelque chose comme ça. Je me demande s’il y a des élus qui viennent de mondes avec une technologie encore plus développée … Ou encore moins, aussi ? ça doit exister … enfin bref, voilà. Qu’est-ce qu’on mange du coup pour dîner ? C’est prêt bientôt ? J’ai faim …

L’ignorance d’Alathea quant aux raisons qui avaient conduit à son invocation dans ce monde faisait échos à celle de … Bon nombre de gens qu’avait croisé Shiro, en fait. Personne ne semblait vraiment savoir ce qu’avaient les dieux derrière la tête … Surtout que visiblement, leur rôle dans l’apparition des élus semblait avoir changé, depuis le temps. Certains élus avaient été invoqués ici un millénaire plus tôt, d’autres n’apparaissaient que maintenant, visiblement pas pour les mêmes raisons … Le concept qu’une divinité immortelle dont la conscience englobait des fractions du monde tout entier n’était pas irréaliste aux yeux de Shiro, ni même véritablement incompréhensible. En tant que péché originel, elle avait très tôt saisi qu’elle-même n’était pas « du même acabit » que les humains normaux. L’idée qu’un être lui étant en tout point infiniment supérieur n’accordait pas la même valeur à son existence qu’à la sienne lui apparaissait donc comme naturelle … Mais tout de même. Pour des êtres supérieurs, elle les trouvait soit bien stupides, soit bien maladroit de changer l’existence de gens au pif dans d’autres dimensions sans les laisser savoir pourquoi.

La description des elfes et de leurs caractéristiques n’en apprenait pas beaucoup à la jeune albinos, mais cette dernière supposa simplement qu’ils n’étaient, au final, pas très différents des humains au niveau de l’aspect. Après tout, si Alathea était une hybride des deux races, c’est que ces dernières devaient être proches, comme un cheval et un âne pouvaient donner une mule uniquement parce que les deux espèces n’étaient pas trop éloignées. Etrangement ceci dit, elle n’avait pas envie de faire cette comparaison à voix haute … Silencieuse, elle regarda donc la flèche de lumière se former avec de grands yeux, et la suivit lorsqu’elle partit dans le ciel. Restant un petit moment muette, elle finit par hocher la tête, et sourire un peu.

Ah, bah voilà … Vous aussi, vous savez faire des trucs qui ont l’air magiques pour les autres, au final. Et puis ça doit être pratique de ne pas avoir besoin de munitions, en plus.

Ce qu’elle ne disait pas … c’était que ça ressemblait un petit peu à un projectile de plasma, de son point de vue … mais bon, ce n’était pas comme si c’était très important, quel nom chacun donnait à ses pouvoirs.


hmm … L’écureuil sent plutôt bon, pourtant. Je vais le prendre, si vous trouvez la volaille meilleure.

Y avait-il un petit côté « je prends ce que je préfère » dans son geste ? Un peu. Tout comme elle avait effectivement, grâce aux conseils de l’hybride, trouvé quelques baies un peu plus tôt … Même si ces dernières n’avaient pas survécu jusqu’au repas. Après tout, le partage n’avait jamais été son point fort, lorsqu’il s’agissait de nourriture … Pas plus que l’envie de se restreindre. Elle était cependant suffisamment intelligente pour comprendre que les autres aussi devaient manger, et n’avaient pas que cela à faire de chasser 12 portions pour qu’elle puisse leur en laisser deux. Sans compter qu’on lui rendait un fier service en lui évitant d’avoir à débourser de l’argent pour obtenir sa nourriture.

Pourtant, plutôt que de directement se mettre à manger sa « brochette » une fois cuite, elle l’observa et la renifla rapidement … Avant de fouiller son sac, et d’en sortir un pot de verre. De la confiture. Sans se gêner ou attendre un avis ou conseil, elle en recouvrit la viande, la remit au-dessus du feu un bref instant, avant de mordre dedans à pleine dents … Et de commencer à dévorer son écureuil comme cela. Visiblement, le goût « spécial » de la viande ne la dérangeait pas plus que cela, une fois cette dernière recouverte de confiture de pommes … C’était peut-être même encore meilleur à son goût, vu l’entrain avec lequel elle dévora la plus grande partie du met en quelques instants à peine, passant le reste du repas à décortiquer les os minuscules des petits lambeaux de chair qui se trouvaient dessus.

La discussion que voulut lancer lexi après le repas était sûrement des plus intéressantes … Pour quelqu’un qui s’intéressait à des problèmes de plus grande envergure que ce qu’ils allaient faire la semaine prochaine. Mais en l’occurrence, Shiro ne s’était pas le moins du monde posé ses questions … Et le peu d’expérience qu’elle avait de la politique et de ce genre de choses dans son monde ne l’aidait pas à se demander ce qui se tramait, à grande échelle, sur Kosaten. Haussant les épaules, elle répondit donc avec son innocence habituelle.

C’est la nation du savoir et des découvertes, non ? Peut-être qu’ils ont besoin des outils particuliers pour étudier les artefacts … Ou qu’ils pensent que ça appartient à Shintân. Je ne me souviens plus trop de s’ils en avaient parlé lors de la réunion …

Il faut dire qu’à l’époque, elle avait écouté avec un intérêt … restreint. Elle était plus focalisée sur le côté « rendre service à sa nation en échange de quelque chose » que sur ce que cherchait à faire la nation en question. Et sur l’énervement causé par les quelques … « ratés » qu’avaient comporté son affiliation à la nation en question. Rétrospectivement, elle regrettait un peu d’avoir mis un coup de boule à un fonctionnaire, d’ailleurs … il ne le méritait pas … bon, si, il aurait pu la prévenir que la poudre qu’elle allait ingérer la reliait « définitivement » à shintân. Avant qu’elle ne la mange. Et il aurait pu envisager un peu plus sérieusement l’idée qu’elle venait ici pour se faire une idée du genre d’endroits que c’était, avant d’y jurer allégeance … bon, en fait, il avait totalement mérité ce coup de tête, et elle regrettait surtout que ce coup de sang lui ait valu d’être assommée peu avant la réunion. C’était moyen, comme arrivée. Mais elle ne pouvait pas changer le passé … Et elle avait totalement divagué du sujet originel de la discussion. Preuve d’à quel point son attention se montrait volatile, pour ce genre de choses. Plutôt que de continuer à intervenir – à moins qu’on ne l’interpelle, bien sûr – elle décida plutôt de se préparer pour la nuit, retirant pièce par pièce son armure pour la déposer à côté de son sac. Sous les couches de métal et de vêtements, qui étaient somme toute bien plus légères que ne l’aurait été une armure médiévale – mais offrait une protection moindre – elle portait un collant intégral blanc, agrémenté de cercles concentriques rouges ici et là. Seul son cou, ses mains et ses pieds étaient laissés à l’air libre. Après avoir déposé ses deux gants d’ailleurs, elle observa un instant ses paumes et ses doigts … Couverts de cicatrices. Des morceaux d’elles qui semblaient avoir été totalement recousus au reste de son corps après en avoir été retirés. Ce qui n’était pas loin de la vérité.

… Il faudrait peut-être que je me trouve des moufles comme ceux que j’avais avant. Ça ne devrait pas être trop difficile à se procurer … ou bien des gants, peut-être … hm.

Sa petite réflexion à voix haute, clairement dite à un volume trop bas pour s’adresser à quelqu’un, trahissait deux choses : premièrement, qu’elle avait visiblement totalement déconnecté de la géopolitique … et secondo, qu’elle arrivait au bout de ses forces. Presque par réflexe, elle s’allongea sur le flanc sur son tapis de fougère, se recouvrit un peu de sa cape … et s’endormit après à peine une minute ou deux à regarder les flammes.

Au moins, les restes de nourriture, s’il y en avait, étaient probablement en sécurité … pour les huit prochaines heures.

Le voile qui se déposait sans un bruit sur l’esprit de l’albinos, provoqué par la fatigue et source – partielle – de son manque de concentration, ne l’empêcha pas de réagir lorsqu’on appelait son prénom et la fit revenir dans la discussion. Clignant des yeux en relevant ses deux grands yeux rouges pour aviser la demi-elfe, la deadman écouta la question d’un bout à l’autre … Mais tira juste une moue ennuyée. On pouvait difficilement dire que cela la « dérangeait » vraiment d’en parler … Mais elle n’avait pas de réponse satisfaisante à apporter, ce qui était un poil frustrant.

Pas … Vraiment. Ils ont juste dit qu’ils avaient besoin de Baranite, et sont passés à la suite je crois … On a parlé de beaucoup de trucs, en même temps … Il y avait le fait que les élus revenaient sur Kosaten, qu’ils appartiennent à une « nouvelle vague » comme moi, ou à l’ancienne, comme les deux autres élus … heum. F … Frisk ? Une jeune femme ? Et … Neee … eh … comment s’appelait-il. Un jeune homme aux cheveux blonds, ou blancs, pas très vieux, à peu près de ma taille … Eux aussi avaient plein de questions, à propos de comment avaient changé les choses … d’une … organisation qu’ils haïssaient, aussi, je crois … Et de … Reisha ? Une prêtresse de shintan, si j’ai bien compris ? Ils disaient … le conseil et elle n’étaient pas trop d’accord sur ce qu’il fallait faire, à propos de plusieurs trucs … Et je ne savais pas très bien si elle était … heu … Au même niveau que le conseil, ou au-dessus, non plus ?

Il y avait beaucoup d’éléments différents qui s’étaient mélangés de façon plutôt confuse dans l’esprit de la jeune femme, et si cette dernière faisait de son mieux pour remettre de l’ordre dans ces souvenirs disparates et hétérogènes … elle ne parvenait pas pour autant à en tirer une histoire cohérente. Elle était venue, avait juré allégeance à une nation, en échange de quoi cette dernière consacrait des ressources à des recherches spécialisés vouées à lui permettre de revoir son meilleur ami … C’était ce qui l’avait motivé, l’intéressait, et par conséquent ce qu’elle avait retenu de façon durable. La façon dont les deux autres élues discutaient de tout cela, cependant, la mettait légèrement mal à l’aise, précisément car cela mettait en lumière son manque d’implication … Et, si elle ne réagissait pas ou ne parvenait pas à se montrer utile, la façon dont son inaction pouvait participer au déclenchement d’évènements grave. Ou en tout cas, c’était le sentiment général qu’elle en tirait, même si elle était totalement incapable de mettre des mots précis dessus, ou de réellement saisir l’ampleur de ce qui se tramait peut-être … La preuve en était que la fatigue recommençait déjà à prendre le contrôle de son train de pensée, le détournant de toute problématique plus sérieuse que l’inconfort qu’elle ressentait après avoir porté son armure et marché toute la journée. Elle soupira tout de même, repensant une nouvelle fois à la fin étrange de cette entrevue, dans un petit jardin hors de la salle du conseil.

Dans tous les cas … c’était bizarre. Je ne connaissais ni cette lumière violette et … pas très humaine, ni cette grande femme avec un cristal au milieu du front … Mais je n’avais pas l’impression qu’ils voulaient la même chose. Ou … qu’ils se faisaient vraiment confiance pour tout. Même moi ça me mettait un peu mal à l’aise, alors que je m’en fiche un peu de qui dirige quoi, tant que c’est bien fait … Je ne sais pas. J’espère que c’était rien de grave.

Il était difficile de dire plus à propos d’un sentiment de malaise, né d’une scène difficile à comprendre dans son intégralité et datant de plusieurs mois. Pour l’instant, la deadman n’avait pas spécialement été « maltraitée » par sa nation d’accueil, et les citoyens plus ou moins ordinaires qu’elle avait côtoyé lui étaient sympathiques, surtout vu le contexte. Elle n’avait qu’une très vague notion de ce qu’aurait été « penser à une plus grande échelle » … Et si son monde d’origine ne l’avait pas épargné sur nombre de sujets, la guerre et la politique étaient deux notions qui n’avaient jamais directement impacté sa vie. Elle avait donc du mal à se représenter ce qu’impliquait une potentielle course à l’armement, comment pouvait se dérouler un combat à grande échelle, ou les raisons d’un tel conflit.

Ne lui restait donc que les étranges souvenirs qu’elle avait de son entrevue avec le conseil et Reisha, et ce sentiment d’insécurité lointaine, mais présent, que lui inspirait cette discussion. C’était trop pour vraiment lui échapper … Mais pas assez pour monopoliser toute son attention bien longtemps. La démonstration en fut d’ailleurs faite très rapidement, lorsqu’elle se rallongea, repensa à voix haute à ce qu’elle utilisait d’ordinaire pour couvrir ses mains … et s’endormit.


Le voyage fut … Long, éreintant, et ennuyeux au possible. Malgré son organisme un peu spécial et son incapacité à ressentir de la douleur, la deadman percevait tout de même clairement que ses jambes avaient de plus en plus de mal à la porter au fil des heures, et, chose rare, la quasi-totalité du sucre qu’elle ingurgitait était converti en énergie, la laissant chaque soir trop épuisée pour réellement assister ses compagnes de voyages au-delà des tâches basiques, et participer à l’élaboration du trajet ici et là. Elle appréciait aussi bien la compagnie de Lexi que celle d’Alathea, et faisait de son mieux pour retenir ce qu’elles cherchaient à lui inculquer … Avec un succès parfois mitigé. Le cœur y était, bien entendu. La mémoire ou la capacité à se concentrer longuement … Pas … Toujours. Mais elle appréciait grandement l’aide qu’on lui apportait pour s’adapter, et cherchait à se montrer utile du mieux qu’elle pouvait. Et à l’exception d’une fois où elle confondit des groseilles avec d’autres petites baies rouges beaucoup moins comestibles, les choses semblèrent se dérouler sans accroc particulier. Si on met de côté le fait qu’elle fut un peu forcée de régurgiter lesdites « groseilles » derrière un buisson.

L’arrivée à leur destination inspira cependant un regain d’énergie à la jeune élue, qui fit preuve d’une motivation démultipliée pour chercher ce fameux minerai précieux. Lorsque Lexi souleva une question par rapport à leurs recherches, la demoiselle en armure se retourna, marchant dans le bosquet au pied d’une des montagnes de la région.

Si je me souviens bien, le conseil parlait d’un minerai sous-terrain, et recommandait de le rechercher … et bien, sous terre, du coup. On parle plus de grosses plaques que de pépites, dans les archives … Et dans les rapports que j’ai épluché, ils disaient qu’ils abîmaient souvent leurs pelles ou leurs pioches à cause de ce métal et devaient les remplacer, ils ne parlaient pas trop d’autres types d’outils. Et même s’il est très dur, ils disaient aussi que la présence de Baranite provoquait des maladies chez les employés, donc … Quand ils en trouvaient, ils n’exploitaient pas toujours l’entièreté du filon, je pense. On devrait assez facilement en retrouver dans une vieille mine. Il faudrait juste en trouver une …

Alors qu’elle disait cela, elle repéra à quelques dizaines de mètres de là un bâtiment étrange, visiblement abandonné. Fronçant les sourcils, elle chercha à comprendre de quoi il s’agissait … Peut-être un moulin ? Mais elle était pratiquement certaine que ce n’était pas supposé ressembler à cela … Sans parler du fait que celui-ci était presque totalement à l’abandon. S’en approchant avec curiosité, elle ne s’arrêta qu’à quelques pas de l’étrange structure en ruine … En posant le pied sur une sorte de grille. De plus en plus perplexe, elle scruta pendant quelques instants cet étrange trou dans le sol, sur lequel on avait posé quelque chose ressemblant à une plaque d’égout rudimentaire. Jusqu’à ce qu’il ne craque. Ce qui lui fit juste hausser les sourcils. Quelqu’un d’autre se serait sûrement immédiatement éloigné …

Mais la deadman avait perdu certains réflexes, à force de ne pratiquement jamais souffrir les conséquences de ses actions.

La grille rouillée et vétuste céda sous son poids en quelques instants, et avec un grand cri, l’albinos tomba dans le trou semblant sans fond. Enfin … « semblant » : il n’était juste pas très éclairé, et très en pente, ce qui changea sa chute libre en longue glissade incontrôlée dans un boyau étroit et anxiogène … Au terme duquel elle « tomba » à nouveau sur un mètre ou deux, et percuta … du sol. Stable. Solide. Désagréablement humide … Mais parfaitement immobile et à même de supporter qu’on se tienne dessus. Clignant des yeux et se donnant quelques instants pour retrouver ses esprits, la deadman se redressa, cherchant à se repérer dans une obscurité quasi complète … Elle venait, sans s’en rendre compte, d’emprunter le tunnel de ventilation d’une des anciennes mines de la région. Elle avait de la chance que l’érosion provoquée par les précipitations et les années sans entretient ait assez élargi le tunnel pour qu’elle passe sans s’y bloquer … Et qu’elle atterrisse sur un dépôt de sédiments et de terre un peu molle, du coup. Le matériel qu’elle portait dans son sac ne semblant pas trop avoir souffert non plus, elle le déposa simplement à terre, avant de mettre ses mains en porte-voix et de se tourner vers le haut.

Je vais bien … Je sais pas dans quoi je suis tombé, mais ça résonne vachement, je crois que c’est un tunnel ! Ou plusieurs … Heu … Ya pas trop de lumière, par contre, ici, je sais pas si … Je crois que ce serait mieux que je bouge pas trop, pour le moment. Vous pouvez venir me chercher ?

Quelqu’un de renseigné sur le fonctionnement d’une mine aurait, assez aisément, pu établir un bilan de ce qu’il venait de se passer et de la situation globale. Dans l’ensemble, c’était assez simple : une mine qui n’est pas à ciel ouvert, c’est un trou profond dans le sol dans lequel on retire beaucoup de terre et de roc, dans l’espoir de trouver des filons de matériaux plus ou moins précieux : sel, charbon, différents métaux, pour ne citer que les plus évidents. Ces tunnels, qui peuvent parfois se révéler très long, et qui s’enfoncent à des profondeurs non-négligeables, ne sont clairement pas optimisés pour la ventilation. Dès lors, deux soucis se posent : il faut à la fois s’assurer que les mineurs ne suffoquent pas – que ce soit à cause d’une poche de gaz, ou tout simplement d’une stagnation trop importante de l’air qu’ils respirent – et aussi faire en sorte que la température reste supportable … Car, si juste en dessous de l’ancien tunnel d’aération, la différence n’était pas très grande, plus on allait loin sous terre, plus l’air était chaud.
 
En conséquence, les installations minières disposaient, lorsqu’elles étaient d’une taille suffisante – et creusée par des organisation qui en avaient quelque chose à faire de la vie de leurs « employés » - de tunnels presque verticaux qui permettaient une aération directe de la mine à la surface. Pour aider la ventilation à s’effectuer, on avait même perfectionné des machines dédiées exclusivement à souffler de l’air frais dans la mine, tout en expulsant celui qui se trouvait à l’intérieur grâce à des voies d’évacuation. Le moulin à vent en ruines qui avait capté l’attention de l’albinos était une de ces installations … Qu’on avait depuis longtemps désaffectée. Lorsque la mine dans laquelle elle se trouvait avait été abandonnée, on avait démonté tout ce qui était plus ou moins précieux et transportable, avant de l’emporter là où les mécanismes pourraient servir à nouveau. Le bâtiment, le moulin en lui-même avait été laissé là, et le temps et la nature avaient fait leur œuvre, le faisant progressivement tomber en morceau. Shiro avait marché sur la grille ancienne et en mauvais état qui bloquait une des voies d’évacuation, et était donc tombée dans une des vieilles mines de la région.
 
Bien sûr, elle-même n’avait aucune idée de tout cela, et se disait qu’il manquait quand même un escalier ou un ascenseur à ce trou dans le sol, si il avait été creusé par quelqu’un. Elle n’avait au final aucune culture sur le sujet … Et il était possible qu’elle se soit un peu cognée la tête en tombant. Pourtant, son cerveau n’eut aucun problème à comprendre lorsqu’une certaine demi-elfe lui recommanda de s’écarter, et elle s’exécuta dans l’instant, prenant la lanière de son sac pour le soulever et le déplacer d’un mètre ou deux. L’obscurité quasi-totale la gênait beaucoup, mais ses oreilles fonctionnaient encore très bien. Elle n’eut d’ailleurs aucun mal à entendre une glissade assez similaire à la sienne dans le tunnel, suivie d’une réception souple dans une flaque qui lui arrosa légèrement les cuisses. Entendant ensuite quelqu’un s’approcher d’elle, puis lui placer quelque chose contre le ventre, elle referma d’instinct les bras dessus, surprise … Avant de comprendre que c’était une lanterne. Logique : elles en avaient apporté pour ça, après tout. Manipulant l’objet dans le noir en cherchant à deviner où se trouvait la molette qui lui permettait d’allumer le cristal, elle finit par réussir, poussant un petit « Ah » soulagé lorsque la silhouette d’Alathea et les murs qui les entouraient apparurent enfin. La demi-elfe n’avait pas besoin de cette source de lumière pour y voir dans l’obscurité … Mais tout le monde ne venait pas d’un univers où certaines races avaient évolué de façon si … Efficace.
 
Hmm ? Non non, je vais bien … Je ne crois pas avoir entendu de bruit de casse dans mon sac non plus, mais il faudrait peut-être regarder, je ne suis pas sûre. Mais moi ça va !
 
Même si elle disait cela … L’albinos n’était pas indemne. Ses cheveux blancs / argentés avaient, pour quelques mèches partant du sommet du crâne en tout cas, commencé à changer de couleur pour un rouge profond, et un liquide d’une couleur similaire coulait d’une de ses narines. La grille métallique avait également quelque peu écorché une de ses cuisses lorsqu’elle était passée à travers, entre les parties plus renforcée de son armure. En soit, rien de grave, elle allait juste perdre un peu de sang pendant les prochaines minutes, voir heures pour sa jambe … Mais elle ne s’en rendait absolument pas compte. Ce qu’elle démontra d’ailleurs dans l’instant en s’accroupissant à côté de son sac, dont elle vérifia le contenu avec une méticulosité qui ne lui ressemblait presque pas. L’idée même d’avoir été blessée ne semblait pas l’atteindre. Le matériel pour miner ne semblait pas trop avoir souffert : les deux pioches étaient indemnes, la lanterne qu’elle transportait était quelque peu cabossée au niveau du cache métallique, mais encore parfaitement fonctionnelle, et le reste ne montrait aucun signe de détérioration. Elle poussa ceci dit une longue plainte en voyant un de ses bocaux de confiture fendillé, et à vrai dire assez proche de la rupture … Heureusement, il n’y avait pas de groseille pressée ou de sucre sur le contenu du sac, mais il allait falloir faire attention avec ce pot en particulier.
 
Alors qu’elle allumait sa propre lampe, et rangeait tout ce dont elles n’auraient pas besoin dans un avenir proche, la deadman fit tomber une goutte de sang sur sa main. Un peu surprise par la sensation et par la vision, elle leva les yeux au plafond un instant, puis observa sa main à nouveau … Faisant tomber une nouvelle goutte de sang rouge sur sa peau pâle. Fronçant les sourcils, elle observa quelques secondes de silence … Et le sang se mit à s’élever. Pas que celui dans sa main : son nez, également, vit ce qui en coulait se décoller de sa peau, de même que quelques – nombreuses – gouttes qui s’éloignèrent de ses cheveux. Passé un petit moment, même son armure, au niveau de sa jambe, laissa échapper quelques sphères sombres … D’une vérification visuelle, la jeune femme nota tous ces endroits d’où elle exposait son liquide vital à l’air libre, avant de relâcher son pouvoir, et de soupirer.
 
Heum … à la réflexion … J’aurais peut-être besoin d’un pansement ou deux.
 
Même si elle avait à plus d’une reprise dans sa vie reçu des soins plus ou moins important, Shiro n’avait jamais été formée pour devenir infirmière ou médecin … Encore que la perspective lui aurait sûrement plu, dans son monde d’origine. Tant qu’elle se limitait aux tâches qui permettaient à quelqu’un d’aller mieux … Mais dans tous les cas, elle était des plus facile à bander, ne bougeant que très peu, et se pliant sans broncher aux consignes. Il était à supposer qu’elle n’aurait aucun souci avec une potentielle suture non plus … Mais elles n’avaient ni le matériel, ni les conditions pour en effectuer une, et ce n’était pas nécessaire au final : un peu de pression continue sur ses plaies suffirait amplement. La seule manipulation nécessaire pour pouvoir traiter une blessure consista à retirer les protections qui entouraient la jambe blessée de l’albinos, mais heureusement, son « armure » se rapprochait plus du vêtement moderne que d’une véritable protection à toute épreuve, en retirer ou enfiler des éléments ne prenant que quelques secondes à chaque fois. Pendant cette brève séance de soin cependant, l’albinos fronça les sourcils, observant le trou dans le plafond … Puis l’elfe.
 
Au passage … Je ne veux pas me plaindre que vous ne m’ayez pas laissée toute seule, mais … Pourquoi ne pas être restée en haut avec Lexi ? A vous deux, vous auriez pu facilement explorer plus … Ou m’envoyer une corde pour que je sorte, je suppose. Je n’ai pas trop envie de m’éloigner de cette sortie pour me perdre dans le noir, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée de bouger pour le moment …
 
Bien sûr, « le noir » dont elle parlait était relatif, vu que la jeune femme était accompagnée d’une nyctalope et armée de lanternes … Mais il y avait une différence entre voir les murs des tunnels dans lesquels elles se trouvaient, et savoir s’y repérer et s’y déplacer sans mal. Et vu que le trou dans le plafond était le seul « lien » entre elles et Lexi … Cette dernière leur adressa d’ailleurs la parole peu de temps après, faisant lever les yeux par réflexe à l’albinos. Bien entendu, elle ne vit personne, mais les habitudes et autres …
 
On a pas bougé ! Il y a une entrée là-haut ?
 
De ce qu’elle entendait, non, mais la marchombre avait une autre solution : descendre elle-même, et qu’elles se mettent à fouiller ces tunnels et récupérer le minerais sans passer par la porte d’entrée « normale ». Un plan qui en valait bien un autre, et qui avait l’avantage de ne pas les faire patienter potentiellement des heures … Car même si les deux élues remontaient, il n’y avait aucune certitudes qu’elles puissent trouver une des vieilles entrées de la mine. La pensé vint même à l’esprit de l’albinos que les anciens propriétaires de l’exploitation les avaient peut-être condamnées pour empêcher que des gens ou des animaux n’y entrent et ne s’y perdent. En soit, elle laissa Alathea répondre si cette dernière avait quelque chose à dire … Et posa simplement ses fesses par terre pour patienter. Au bout d’un moment, un bout de corde tomba dans le trou … Puis remonta. Quelques instants plus tard, ce fut un sac qui fut descendu progressivement, détaché par la demi-elfe, puis remonté. Puis un des paquets que portait la mule. Puis un autre. Et finalement, Lexi elle-même descendit et se laissa tomber souplement. Clairement, des trois, l’albinos était celle ayant le plus raté son atterrissage … Mais des trois, c’était aussi la seule à ne pas être tombée exprès. Se relevant sans mal et brandissant une des pioches avec un grand sourire, elle hocha la tête à l’interjection positive de sa camarade.
 
Ouais, en avant !
 
Se dirigeant sans attendre vers l’intersection qui était visible depuis leur point d’arrivée commun, elle posa sa pioche sur son épaule, brandissant sa lanterne de l’autre main … Mais s’arrêta au croisement. Plusieurs choix. Difficile de prendre une décision, vu qu’il ne s’agissait que de boyaux tortueux partant dans la pierre, ne montrant pas vraiment ce qu’ils contenaient. L’albinos eut un instant de réflexion … avant de se tourner vers ses camarades.
 
Je suppose que ce serait mieux de prendre un chemin dont ce serait facile de se souvenir ? à moins qu’on marque par où on est passées ? Ce serait bête d’avoir attendu d’être toutes les trois descendues pour ensuite se perdre.
 
Elle n’était peut-être pas la plus fine du lot … Mais de temps en temps, elle préférait marquer un temps d’arrêt, plutôt que d’impulsivement prendre une mauvaise décision.