Let it Be fear -黒い腕 – Kuroi Ude

Nous étions déjà un bon petit groupe. Je n’agissais plus véritablement seul. Et après notre opération Rakurai no Kawagari, nous avions de la ressource pour agir de façon plus organisée. Ces fonds nous ont permis une infinité de choses, parmi lesquels se fournir en armes performantes pour nos futures opérations. Et justement celle que nous nous apprêtions à faire aujourd’hui, était d’autant plus importante qu’elle nous apporterait plus de bras dans notre cause. Le chaos devait encore grandir.

Pour le moment, je devais d’abord être à la tête des opérations. Le groupe n’étant pas encore assez soudé et les membres n’étant pas encore assez puissants. Nous avions répété notre mode opératoire afin de minimiser les risques d’échecs. Pour un début, au vu de notre manque de puissance, nous devions encore nous montrer prudents.

Les profonds canyons…

Au millénaire précédent, ils se faisaient appeler les grands canyons. Mais aujourd’hui, il était un véritable labyrinthe pour ceux qui ne savaient pas y naviguer. Ces parcelles de terres abandonnées riches en ombres et en pierres hautes, renfermaient quelques soldats seulement et plusieurs cellules de prisonniers. Il y avait, dans les cellules, de ceux qui avaient commis les délits les plus graves à ceux qui n’avaient fait que des délits réellement mineurs.

L’organisation de ces cellules n’était pas très claire. Toutefois, il était sûr d’une chose. Chacune de ces âmes abandonnée et désespérée, allait rejoindre les rangs de Kuroi Ude. Connaissant plus ou moins les lieux, il n’était pas indiqué pour nous d’agir en pleine journée. C’est pour cela que, cet après-midi-là, dans les caves chaudes de Seika, nous revoyions nos plans.

Omoïchi : c’est bien vrai que nous avons besoin de plus de personnes… Mais avec l’argent qu’on a amassé, on ne peut pas simplement acheter des mercenaires pour s’occuper de ce genre de missions ?


Mon regard alla se planter vers celui qui était alors mon bras droit. Il était le premier que j’avais libéré des prisons dans les calanques troublées il y avait quelque temps. Maintenant plus gaillard, plus fort et plein d’assurance, il se sentait un peu plus courageux qu’il ne l’était auparavant. Il n’y avait pas à dire, il était plus redoutable. Mais par contre, il devait encore apprendre de la vision afin de mener les opérations comme je l’aurais fait.

- Les mercenaires œuvrent pour l’argent. Nous œuvrons pour le chaos… Les tâches aussi délicates que le recrutement permettent de façonner la vision des personnes que nous ajoutons à nos rangs. C’est une tâche qui ne peut être assurée que par des personnes qui voient le monde exactement comme nous…

Nos plans se faisaient oralement. Jamais rien d’écrit, de dessiné ou de schématisé. Nous essayions au mieux de ne pas trop formaliser nos opérations. Le chaos primait. La seule chose qui devait animer nos actions était la perspective de rependre plus de chaos dans le monde.

Assis au fond de la pièce derrière mon masque, j’inclinai légèrement la tête avant de souffler une dernière fois :

- Nous allons avoir besoin de plus de personnes pour monter d’un cran.

Les plans faits et peaufinés, tout le monde était armé pour passer à l’action. Il ne restait plus qu’à attendre un peu la tombée de la nuit pour agir

Garde 1 : Putain… C’est quoi cette arnaque ?!!

Garde 2 : Tu es foutu… je t’ai coincé mon p’tit…

Tous deux assis à proximité d’un feu, le duo tuait leur ennui de la plus belle des manières : un jeu de kwent. Bien que son fondateur ne fût pas très connu, le jeu en lui-même a subi un vent de mode qui a emporté tout le continent avec lui. Finalement, ne pas le jouer ou ne pas savoir le jouer était presque indécent. C’était sur cette pensée initiale que l’idée de jouer une partie est venue entre les gardes.

D’une façon ou d’une autre, l’un voulait montrer à l’autre à quel point son Deck était puissant et même, qu’il avait la capacité d’anéantir même les plus puissants de ce monde. Afin de régler ce problème, ils n’ont pas hésité à dégainer leurs armes et à se poser face à face pour un combat sans merci. Le survivant, s’il y en avait, aurait filé sa portion de nourriture l’autre. Et il fallait dire que pour la troisième fois consécutive, le deuxième était en train remporter la victoire. Peut-être une victoire de trop pour le premier garde.

À quelques mètres du duo, se trouvaient les cages. Étrangement enfoncés dans les murs de sorte à empêcher qui que ce soit d’en sortir. Pratiquement une vingtaine de cellules pour si peu de gardes. C’était inconcevable. Mais après avoir observé jusqu’au lointain, on sut qu’il y avait pas mal d’autres gardes qui rôdaient dans la zone afin de mener la surveillance.

L’ensemble de ces gardes-là, suivait une formation particulière. Mais dans la nuit, il était facile de les retrouver. Ils étaient contraints d’avoir une torche. En somme, c’était des phares qui brillaient ci et là, indiquant généreusement leurs positions respectives.

Garde 1 : Non non… tu dois certainement tricher. J’accepte pas ça. J’ai jamais perdu à une seule partie de toute ma vie !!!

Garde 2 : il y a un début à tout pourtant hé hé. Allez fais pas ton salop et finissons comme on a commencé.

Le premier se leva vite jetant les cartes sur le sol, quelques peu gêné de la situation.

Garde 1 : Mais qu’est-ce qu’on fou ? On doit surveiller les prisonniers et non jouer au Kwent…

Son interlocuteur se leva soudainement affichant un sourire taquin

Garde 2 : Ouais ouais… je vois bien le genre… tu veux échapper à ma victoire en nous rappelant notre boulot ? Rappelle-toi que si tu quittes la partie avant qu’elle ne soit finit, tu perds.

Garde 1 : QUOI ?!!! Enfoiré… Cette règle n’existe pas…

Dressé comme un i, situé à l’exact opposé de leur position, en haut, je les regardais. Les jambes soudées à la plaque rocheuse qui faisait office de toit aux gardes, Depuis l’unique orifice de mon masque, je sus que ces deux gardes allaient mourir.

- Votre insouciance est déconcertante…

À l’écoute de la voix, leurs visages devinrent soudainement plus sérieux. Et ils pointèrent simultanément leurs arcs dans ma direction pour me tirer des flèches. Leur réactivité était assez impressionnante. Ils faisaient les marioles, mais ils étaient assez forts.

Malheureusement pour eux, j’étais encore plus fort.

Avant qu’ils ne me voient, je m’étais déjà déplacé dans leur dos. Et quand ils me cherchaient dans le lointain, j’approchai doucement dans leur dos avant de les décapiter simultanément d’un coup d’épée. Leur corps, sans vie, s’écroulèrent sur le sol et leurs têtes roulèrent rapidement auprès de leurs cartes. Ils allaient régler leurs différends dans l’au-delà.

D’un soudain, mes éléments encerclèrent la zone, se déplaçant dans l’ombre de la nuit pour assassiner l’ensemble des gardes qui rodaient autour. Quelques-uns de mes hommes furent blessés. Mais chaque fois qu’ils devaient mourir, ils veillaient bien d’emporter dans la tombe, leur ennemi avec eux, le sourire aux lèvres.

En peu de temps, on avait fini de neutraliser l’ensemble des personnes qui étaient dans les parages. Avant l’arrivée des potentiels renforts, nous avions peu de temps. Je pris les clés, ouvrant les cages des prisonniers pour faire sortir l’ensemble des malheureux qui étaient encagés depuis trop longtemps.

Nous allions battre en retraite.

Il y avait véritablement un effet de levier quand on était plus nombreux dans les opérations. On pouvait attaquer plus de personnes, frapper plus large et de ce fait obtenir de plus gros résultats.

Loin de la première évasion que j’avais intentée, ici, le résultat en termes de nombre de prisonniers libéré était un peu plus satisfaisant. Bien qu’il en faille encore plus, on était tout de même un petit nombre intéressant.

Pour ceux qu’on avait sous la main, il fallait les entraîner et les armer. Leur inculquer régulièrement la vision afin d’en faire de véritables agents du chaos.

Finalement, nous nous rassemblâmes ailleurs, dans la grotte où les opérations de préparation avaient eu lieu. Me dressant finalement devant eux, surélevé par un massif rocheux naturel, je commençai à m’exprimer dans une atmosphère assez morose.

- Hier encore vous étiez des prisonniers, des criminels et des déchets de la société. Le monde a refusé de vous laisser exercer votre supériorité librement. Les gens comme vous et moi, ne pouvons vivre sous l’impulsion des règlements et des lois. Le monde actuel est une entrave à notre liberté… À notre existence.

Je levai mon bras droit, dessinant un creux dans ma main gantée, comme pour agripper le monde dans ma paume :

- Ces mêmes lois et ces mêmes règles ont favorisés les autres ! Nous mettant nous, en dehors de la société. De quel droit le monde peut-il célébrer sa faiblesse ? En quoi peut-on se vanter d’être aussi fragile que le commun des mortels ? C’est une aberration !!! Les dieux ont échoué dans leur rôle de renforcer ce monde. Ils ont échoué à le protéger du grand cataclysme. Et aujourd’hui, il n’est plus que l’ombre de lui-même.

Fermant alors mon poing avec force au point d’en faire résonner le froissement du cuir, je repris :

- Ce monde est perdu. Nous devons totalement le détruire et le reconstruire à notre image. Toute vie, toute source de joie, de peine, de terreur, avec notre force, nous allons réduire tout à néant. Nous allons propager le chaos et détruire ce que les puissances ont pris le temps de mettre en place pour leurs intérêts.

Baissant à nouveau mes bras pour observer les assassins et les criminels qui étaient là, je repris :

- Pour faire de ce monde un véritable enfer. Pour détruire tout espoir et ruiner tous les rêves, pour dissiper la vie et ne faire régner que le chaos et le silence… Moi, Shiro Shinigami, maître de la mort et du chaos… je vous livrerai à la victoire !

Criant à nouveau dans toute la grotte :

- Nous menons un combat contre la vie. Contre l’espoir. Contre le désir. Contre l’ambition. Nous sommes la fin. Et nous régnons par la terreur de notre puissance. Ceux qui seront avec nous, règneront dans ce nouveau monde. Mais le reste, mourra… inévitablement dans un monde qui l’a rejeté. Je vous ai libéré… maintenant je vais vous laisser exercer pleinement votre pouvoir sur le monde !!! Vous êtes les plus puissants ! Les vainqueurs ! Dans le chaos….

Ouvrant mes deux bras, le torse bombé à l’encontre de ce qui était désormais la graine du chaos :

- Qui est avec moi ???!!!!

Levant mon poing serré dans les cieux, je m’écriai :

- POUR LE CHAOS !!!

Et l’ensemble répliqua automatiquement les mêmes paroles à foison. Les personnes peu intéressées s’en allaient simplement hors de la salle. Un tri naturel. Inévitablement.

Finalement, le monde approchait peu à peu de sa décadence… Entre l’amour et la peur… nous avions choisir la peur. Et pour ceux qui s’accrochaient encore à un soupçon d’amour, le marteau du destin allait les frapper sous peu…