Temple Uchiha, Montagnes, Zones Neutres, Kosaten
Assis, près d’une des larges fenêtres de la pièce, j’étais installé derrière une grande table en bois remplie de parchemins. Mes yeux dénués de cache-œil parcouraient les lignes d’un d’entre eux que j’étudiais minutieusement à la lumière vive du croissant de lune. J’étais vêtu d’un simple Kimono blanc, léger et ample, marqué dans son dos, juste en dessous de la nuque, des armoiries du clan : un éventail rougie par le sommet et blanc dans sa base le tout encadré dans un globe assombri.
Les rayons lumineux qui tombaient sur mes cheveux, leur offrait une teinture argentée. Mais le visage lui, dur et mur, ne laissait transparaître que la force mentale d’un chef et la carrure d’un dirigeant. Sans broncher une seule seconde, ma main alla saisir machinalement mon pinceau sans y adresser un regard. Une note devait être rectifiée dans ce parchemin.
Les pupilles qui reflétèrent jusqu’alors l’argent de la lune, s’illuminèrent soudainement d’un constat choquant. Mes muscles se crispèrent et mon pinceau abandonna ma main pour rouler sur un parchemin en dessous de celui que j’avais en main, tâchant ce dernier d’un long trait noir.
La bouche entre-ouverte, et le regard plongé dans le vide, j’étais plongé en transe.
…
En réalité, des souvenirs troublants me revenaient à l’esprit en une séquence infinie d’images. L’ensemble des évènements qu’avaient vécu mon clone masqué de l’autre côté de Kosaten. Je pouvais le sentir… la chaleur et l’épaisseur du sang de cet homme que j’avais éventré. L’odeur putride de la chair brûlée que j’avais commanditée… Les cris de désespoirs assourdissant de ceux qui périssaient dans les flammes que j’avais allumées.
Tout était si réel que mon rythme cardiaque s’accélérait. Je revoyais cet enfant accroché sur un mur par l’épée plantée dans sa gorge… le regard vide qui accueillait une mouche putride avec une impassible froideur. Les hommes qui riaient et se réjouissaient au sang qu’ils versaient…
Finalement, même mon parchemin abandonna ma main et soudainement, je revins à moi. Mon visage plein de sueur et mes yeux luisant d’un éclat bien trop vif pour être de la lumière. Heureusement, il n’y avait pas assez de liquide pour que s’écoulent des larmes.
Cependant, mon souffle était plus court. Cherchant moi-même l’oxygène, je m’affalai dans mon siège, observant le plafond de la pièce, sans vraiment le voir.
— Qu’ai-je donc fait ?Bien que mon clone avait déjà accepté cette cruelle réalité. Ce choc d’état d’esprit était difficile à tenir instantanément. Mes lèvres se séchaient à vue d’œil et ma gorge également dans une manifestation claire d’un regret important.
Ces hommes… Ces femmes… Ces pauvres enfants… Ils n’avaient rien fait pour mériter un tel châtiment. Était-ce donc ça ?
Le prix réel… De l’ambition… ?
Fermant mon visage dans une expression de tristesse, je me redressai avant de poser mes coudes sur mes genoux, serrant mes paumes l’une contre l’autre comme pour évacuer l’anxiété. Une perle de sueur se dessinait sur mon visage et les dents serrées dont certaines recevaient le rayonnement lunaire exprimaient mon désarroi.
Il y avait d’autres voies peut être… Plus pacifiques. Moins agressives. Il y avait des moyens moins sanglants, qui requéraient moins de sacrifices de sang innocent… Il y en avait sans nul doute… Mais pourtant, aucun ne m’apporterait la garantie absolue de résultat que je cherchais.
La voie pacifique, héroïque, ne pouvait véritablement avoir de portée que s’il y avait son Némésis. D’autant plus que, si je tenais le monde par la terreur, il m’était plus facile d’être la lumière à cette même terreur. Kuroi Ude devait vivre et grandir en puissance parallèlement au clan. C’était inévitable.
Pressant mes mains les unes contre l’autre dans une inutile prière pour demander pardon à tous ces défunts et mêmes ceux qui étaient à venir, je déglutis toute ma peine en une grosse et costaude sonorité, qui mit un stop direct à mes doutes.
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Soudainement, mes dents cessèrent de se serrer. Mon corps arrêta de trembloter et mes muscles étaient plus détendus que jamais. Je me relevai imbattable de ma chaise, défiant immédiatement la lune dans les cieux de mon regard insolent.
Si un homme devait se faire dieu… peut être n’aurait-il pas été moi… Mais il aurait été Uchiha. C’était une promesse, une destinée que je traçais pour les générations qui viendraient après moi.
Dans l’infinité du temps et des mondes… quelques vies en moins ne représentaient rien face à la mansuétude que serait Uchiha. Qu’il soit une divinité, un roi ou quoi que ce soit d’autre, Uchiha allait régner.
La vague d’élus allait disparaître à nouveau, comme plusieurs fois auparavant. Les Uchiha allaient être présents, au travers du temps. Et ils triompheront. Comme dans mon monde avant celui-ci.
D’un soudain, mon corps vibra, comme pour m’alarmer de quelque chose d’important. Mon regard assombri, comme privé de toute vie, alla se diriger vers ma paume de main ouverte. Mon énergie était prête à être libérée. Cela ne faisait plus l’ombre d’un doute.
— C’est proche… Je le sais… je le sens…Ma force était déjà prête à me revenir totalement. Si ma puissance m’était totalement restaurée… J’allais être en mesure de réaliser plus de choses. Tant pour le clan que pour Kuroi Ude. Même si la diplomatie facilitait les choses, la puissance seule primait et permettait en tout temps de garder le contrôle sur certains éléments et évènements.
Mon esprit reparti à nouveau vers mes souvenirs. Mais cette fois, la conscience de mon clone avait bien pris le temps de s’intégrer dans la mienne, faisant de moi un être pleinement conscient. C’est alors qu’une suite de mots fuya mes lèvres, dénonçant subtilement mes pensées réelles au grand jour.
— C’est… nécessaire !Mon regard était plus déterminé, comme ci, j’acceptai indubitablement cette réalité. Dans un monde aussi cruel, on ne pouvait arriver au sommet sans des sacrifices. Chaque vie, chaque âme qui était écrasée devant l’inévitable intrépidité, chaque famille réduite au feu et au sang… allait ressusciter en une nouvelle âme future Uchiha.
Qu’est-ce qui était plus grand que le clan ? Qu’est-ce qui était plus crucial ? Pour les miens… j’allais plonger le monde dans le feu et dans le sang, autant de fois que nécessaire. Parce que… nous étions infinis, suprêmes et inéluctable.
Ces premiers sacrifices étaient la voie royale pour faire briller le clan dans les rouages de l’intemporel. En contrôlant la balance du monde, l’équilibre entre le bien et le mal, je serais à même de réagir comme il le faudrait pour les intérêts des miens et de ceux qui nous soutiennent.
En bref…
— Nous sommes suprême….