Sang froid - Ft Rinkyu Uchiha

— Vous êtes sûre que vous ne voulez rien ? Demanda-t-elle avec une pointe accrue de tristesse dans la voix. Je pourrais vous offrir une autre portion de ragoût pour la route…

Souriant légèrement à la remarque de la femme d’âge mûr aux cheveux d’or et aux traits moins épais que ce qu’on aurait attendu de son âge, je secouai la tête de gauche à droite.

— Vous avez été bonne envers nous, Mira. Nous ne voulons pas abuser de votre générosité.

Je n’étais pas seul ce jour. Bien qu’Uruko ait été affecté à une autre mission ailleurs, Fuji lui, m’accompagnait toujours. D’ailleurs, si nous étions au pied de cette bâtisse en terre battue surmontée d’une chaude cheminée fumante ; c’était parce que nous avions fini une mission assez simpliste. Neutraliser un trouble-fête dans un des nombreux villages reculés de Reifuu.

Nous voulions attendrir le cœur des habitants et développer la confiance avec le clan. Mais au fil de nos visites, on s’est bien rendu compte que ce qu’il fallait à Reïfuu, n’était pas le clan Uchiha mais plutôt une bonne milice armée capable d’intervenir dans une zone extrêmement large. Aucune chance de protéger tout le monde, c’était clair ! Mais avec une meilleure dispersion de l’effectif, un bien meilleur travail pourrait être fait.

— Hiro et moi-même, lança-t-elle en jetant un œil sur son épaule pour fixer son fils allongé avec une mine allégée de repos sur le visage, ne vous oublieront jamais. Nous vous en serons infiniment reconnaissants.

— Contentez-vous de vous déplacer dans une zone plus habitable Mira… les bêtes et les brigands rôdent beaucoup trop. Je devrais trouver des hommes pour assurer votre sécurité le temps que vous rejoignez un grand village ailleurs.

Finalement, tout avait été dit. Et en une humble salutation, nous prîmes le large. Fuji, dépité, plaça ses mains derrière la nuque. Un œil couvert par une épaisse mèche et le second présentant les marques du Rinnegan, il lança :

— Ce n’est pas parce que vous n’aimez pas les ragouts, Rinkyu-dônô, que je les déteste…

— Nous ne faisons pas ça pour les ragoûts Fuji… Ajoutais-je un léger sourire en coin dans sa direction

Mon interlocuteur fit la moue. Il avait vraiment apprécié le repas de Mira. À croire qu’il était prêt à monter la garde lui-même pour en avoir tous les jours

— Et c’est bien dommage… J’aurais bien aimé…-

Soudainement, des bruits d’impact firent écho dans l’étendu enneigé, nous obligeant à nous observer quelques secondes avant de dessiner une expression plus sérieuse.

À une dizaine de mètres de la confrontation, le Sharingan activé, j’analysai ce qu’il se passait. C’était quelque chose d’étrange. Un animal, visiblement un grand ours à en juger par la forme et la taille, s’attaquait à un humanoïde qui n’exécutait pas les réflexes classiques pour éviter les coups mortels.

Du début à la fin, je vis les modifications d’énergie, jusqu’à ce que le monstre soit achevé par des luminosités succintes émanant d’un outil similaire à celui que j’avais connu de Megan Sakkari.

Il devenait évident qu’il fallait s’approcher. Dévoilant volontairement notre présence avec des pas plus bruyants qu’à l’accoutumée, j’arrivai droit sur l’ennemi, laissant à Fuji le soin de venir de son angle mort. J’ignorais si elle l’avait remarqué, mais qu’importe. Nous n’allions pas lui faire de mal.

— Nous ne sommes pas vos ennemis. Commençais-je

Mon acolyte reprit alors, dévoila immédiatement sa présence si ce n’était pas déjà fait :

— Et cet animal est autant sacré que je suis une belle princesse… Après avoir placé sa réplique, il lança un regard dans ma direction, me donnant le signe de continuer.

— Je suis Uchiha Rinkyu, chef du plus puissant des clans et élu de Reïfuu. Je suis accompagné de Fuji, mon partenaire. Et nous sommes tous à Reïfuu. Et vous ? Qui êtes-vous ?

Comprenant un peu mieux la situation, j’identifiai ses armes et ses capacités guerrières. Elle était assez impressionnante. D’ailleurs, un détail important. Mon acolyte et moi étions totalement recouverts d’un voile noir qui se reposait sur nos épaules, descendant jusqu’au-dessus des chevilles. Dans le dos de ces voiles, on pouvait bien reconnaître le symbole Uchiha.

M’avançant jusqu’à la femme armée, je me tins finalement devant la carcasse animale, observant ses blessures et guettant l’arme du meurtre du coin de l’œil. La mort a été peut-être brutale, mais l’arme, elle demeurait puissante.

— Vous ne semblez pas avoir d’intentions hostiles… Que faites-vous aussi loin dans le Nord avec une telle arme ? Vous êtes originaire de Shintan ? Un émissaire de Tyr ?

Je me redressai finalement, avant d’observer mon interlocuteur, mon œil unique teint en rouge.

Sa garde était forte. Elle n’avait rien perdue de sa prudence. Bien au contraire, cette dernière semblait avoir pris de l’importance lorsqu’elle se rendit compte que nous étions au nombre de deux. Naturellement, la jeune armée fit une remarque sur notre approche qui n’avait rien de ce que nos mots cherchaient à témoigner. Ce n’était pas faux. En tant que Shinobis, nous avions notre façon de faire qui était propre. De fait, avec des alliés ou des potentiels ennemis, on devait toujours trouver un moyen pour prendre l’ascendant.

Sa réplique s’écrasa sur mon visage en un bref sourire. Cherchais-je à détendre l’atmosphère, certainement ! Est-ce qu’un simple sourire allait arriver à rendre ma tentative crédible ? J’en étais un peu moins sûr. Finalement, avec une pointe de méfiance notable, elle se présenta. Morgan Riggs. Cette façon mécanique de parler pour une supposée jeune femme… Me rappelait une connaissance ancienne que j’avais côtoyée sous mon masque. Quand je me présentais sous Shiro Shinigami.

Quant à la question de savoir ce qu’elle faisait si loin dans les terres du Nord – Terres du Nord étant ici les terres de Reifuu qui sont la zone la plus vaste située au Nord de Kosaten – elle envoya une réponse tout aussi prudente ; S’ensuivit alors une autre réplique, manquant toujours autant de tact.

Il n’y avait pas à dire, je reconnaissais bien cette singulière façon de s’exprimer. La femme-casserole. Ainsi donc, il s’agissait surtout de Morgan…

Je me redressai avant de finalement marcher pour me tenir aux côtés de Fuji. Et c’est dans cette position que je glissai :

— Nous agissons en formation quand nous sommes hors des centres sous notre contrôle. Vous semblez être une guerrière et votre méfiance est justifiée. Cependant, j’aimerais simplement échanger cordialement avec vous.

D’abord de dos, je fis volteface pour observer longuement mon interlocutrice de mon œil sanglant. Il redessinait les courbes de mon sharingan, annonçant une promesse future d’un pouvoir insoupçonné.

— Élu… étranger… Appelez ‘’nous’’ comme vous le souhaitez. Cependant, dans cet univers, nous sommes identifiés et étiquetés comme étant des élus. De la même façon que les régents dont étiquetés de ‘’monarque’’, de ‘’président’’ ou de ‘’Despote’’ selon les circonstances. Mais les noms, au final, ne dépendent que de la volonté propre.

Nous n’étions certainement pas là pour débattre de la nomenclature des entités de ce monde. Alors, sans plus tarder, je pointai mon index droit, dévoilant le bras musclé qui était sous ma cape, dans la direction de l’arme de mon interlocutrice.

— Morgan… Votre arme est la raison pour laquelle nous n’avons pas continué notre chemin. Si je ne me trompe pas, elle dispose d’une capacité technologique qui défierait presque les armes les plus violentes de Shintan. Le fait que vous n’apparteniez pas à la nation technologique nous rassure. Vous pouvez apporter un avantage non négligeable à la nation de Reïfuu avec le savoir que vous avez apporté de votre monde.

Sans non plus tourner inutilement de long en large, mon visage se resserra en des traits sévères, mais légers. Annonçant une sollicitation, qui n’était en rien une supplication ; une sommation qui n’était en rien un ordre :

— Rejoignez les rangs de Reïfuu et soutenez ce pays avec votre savoir technologique. Trouvez un véritable sens à votre arme, et utilisez votre savoir afin d’influencer le monde dans le sens des forces qui ont l’avantage.

Mes paupières se rapprochèrent comme pour minutieusement analyser l’expression de son visage. Au moins, ses paroles avaient eues le mérite d’être sincères. Ça se lisait bien à la détente de ses muscles. La combattante n’était plus en mode « guerrière ». Cela montrait bien que nous avions déjà pu arriver à un point d’échange qui autorisait une discussion sans plus de méfiance.

Toutefois, le fait qu’elle cherche des informations sur la nation était quelque peu inquiétant. M’enfin, il était évident que tant que les informations demeuraient génériques, aucun danger ne tanguait à l’horizon. Je devais donc, présenter Reïfuu sans non plus l’exposer plus que nécessaire.

Fuji pouvait lire du coin de son œil, l’expression que je tirais souvent dans mes réflexions. Finalement, il écrasa largement sa paume sur mon épaule avant de sourire en parlant assez fort pour que tous puisse l’entendre :

— Maintenant que j’y pense… il y a bien un ragoût qu’il faudrait qu’on reprenne, si ?

Ma pupille refléta l’étincelle de la vie, comme pour m’extirper de mes profondes réflexions. Suite à quoi, je tournai ma tête pour observer Fuji avec un léger sourire. J’avais bien compris qu’il essayait de faire diversion. Je me méfiais beaucoup trop. Et à force de tirer la tête que j’avais, j’aurais pu briser le début de confiance qui naissait. Le visage plus chaleureux, j’acquiesçai de la tête avant de dire à la personne en face de moi :

— En effet ! Mais pour vous reprendre, Morgan, il ne s’agit pas exactement d’un village. M’enfin, nous rencontrerons Mira. Elle sera tout de même surprise de nous revoir aussi tôt.

Finalement, j’ouvris la marche pour déformer la neige sous le poids de mes pas et avancer avec les autres dans la direction de la petite demeure. L’étendue de la neige brouillait la vue. Cependant, au fil des pas, on pouvait voir se dessiner une petite bâtisse en bois et en métal givrés, surmontée d’une chaude cheminée fumante. C’était la maison de Mira et de son jeune fils Hiro. Cela faisait deux ans que le chef de la famille avait rendu l’âme. Le défunt était un preux guerrier qui a longtemps servi dans l’armée de Reïfuu.

Après avoir été frappé d’une maladie soudaine, il a rendu l’âme, laissant finalement sa famille sans protection. Mira était contrainte d’assurer seule la sécurité de sa petite maison ainsi que de son fils Hiro.

Dans nos investigations, nous nous sommes rendus sur place pour débarrasser la zone de quelques voleurs qui venaient régulièrement voler la jeune mère. Des vols d’abord anodins qui devenaient de plus en plus agressifs. Plusieurs villages isolés avaient signalés des cas d’agression. De quoi interpeller le clan Uchiha.

Si trois de ces truands ont pu être trouvés et vaincus, le dernier, restait introuvable. Il ne faisait aucun doute que ce dernier allait revenir. C’est pour cela que la présence de cette Morgan tombait à pic. Elle aurait peut-être permis d’avoir une sécurité prolongée sur la zone.

Toutefois…

Mon œil roula dans ma paupière pour aller observer quelque peu la femme métal. Après un soupir givré, je repris :

— Je ne vous donnerai que des informations génériques sur Reïfuu. Par contre, il est évident que vous ne pourrez jamais intégrer notre armée sans savoir comment notre pays fonctionne. Je vais donc être expressif. Pour la suite, je vous laisserai poser des questions qui vous permettront d’orienter vos choix.

Remontant vers la porte du village, je laissai à Fuji le soin de prendre l’avance pour aller préparer notre arrivée. Ainsi, nous pourrions entrer et nous installer directement sur la table. Il devait expliquer à Mira ce qui se passait et ce qu’on allait finalement faire.

— Reïfuu est certainement la première puissance militaire du continent. Kaen est en construction, mais son instabilité fragilise ses rangs. De plus, Shûza est déchiré dans les conflits internes, ce qui sépare les forces armées et rend finalement leur milice moins effrayante. Reïfuu est suprême.

Ils sont organisés et avec Sou Rei, l’influence et la loyauté des hommes ne fait que grandir de jour en jour. Par contre, nos armes sont loin d’égaler celles de Shintan. N’ayant presqu’aucune information sur la cité souterraine, je ne pourrais dire qui est en position de force. Néanmoins, une avancée technologique majeure, serait la couronne à la supériorité de Reïfuu. Et là… les terres glaciales pourront se vanter d’être les plus dangereuses.

Mes pas nous conduisirent finalement au pas de la porte de la bâtisse. Mira gardait son sourire, et nous pria d’entrer. La suite, promettait sans nul doute d’être intéressante.

Comme un mot magique qui vint aux oreilles d’un enfant joyeux, le visage de Fuji s’étira en une expression positive. Il était content d’avoir enfin non pas une mais deux portions de ragoûts pour lui seul.

— AH ???!!! VRAIMENT ???!!!! Génial… ! murmura-t-il sur la fin pour étouffer sans grande réussite la joie qui l’habitait.

Quelques pas après, les choses prennent de la vitesse. En peu de temps, nous étions à l’abri dans la pièce jaunie par les flammes à la base de la cheminée. Les murs et les meubles étaient anciens. Toutefois, l’entretien minutieux de la maison donnait une odeur de propre qui conforterait ceux qui en étaient sensibles.

Fuji avait fait un bon travail. Parce que la table à cinq chaises était déjà dégagée, sans pour autant que la nourriture y soit disposée. Quelque temps avant, Mira s’approcha de la jeune guerrière et commença bien vite à apprécier sa présence. Au moins, il n’y avait aucune hostilité palpable dans l’air. C’était plutôt réconfortant.

N’étant pas dans ma demeure, apporter un inconnu aurait fait tâche. Cependant, malgré sa neutralité faciale et son aspect plus « humain » qu’à notre dernier échange, Morgan avait tout d’une personne respectable.

Peu de temps après, Mira nous invita tous à s’asseoir, de même que Fuji qui avait plus que hâte de se retrouver devant son plat.

— Bien, Mira. Merci encore pour votre hospitalité.

— Mais voyons… Ce n’est que normal ! Finit-elle avant de marcher délicatement vers la cuisine bien au fond de la salle. Je reviens dans un instant.

Dans la disposition spéciale de la table, j’étais dos à la cuisine, et face à Morgan. Fuji également était au milieu de la table, sur ma droite et donc sur la gauche de l’invité du jour. La porte d’accès à la cuisine se fermait directement au passage d’un individu. Ce qui donc, empêchait quiconque de voir ce qu’il s’y tramait.

Maintenant installé, les questions commencèrent à s’élever depuis la conscience de la militaire. Bien évidemment, jusqu’à présent, la première question avait été générique. J’aurais donc pu répondre sans crainte :

— C’est une question de mœurs. La suprématie de Reïfuu suppose effectivement l’infériorité des autres camps. Les opposants à Reïfuu ne le prennent pas toujours bien, surtout quand ils arrivent dans ce monde. Toutefois, depuis les milliers d’année, Reïfuu a toujours gardé une position de force. Qu’il s’agisse de l’ancienne Fuyu, ou de l’actuel Reïfuu, la puissance militaire a toujours été supérieure.

Je pris un instant de silence avant de reprendre :

— Il est vrai que l’actuel Kaen a, à un moment donné, eu plus de puissance que Reifuu, mais ça n’a jamais duré bien longtemps. Cette supériorité est une réalité appuyée de faits. Et donc, la majorité des élus partage cet avis. Quant au clan, c’est quelque chose de purement idéologique. Je pourrais entrer dans les détails… Mais je suis persuadé que ça ne vous intéresse pas plus que ça.

Glissant ma main sous mon menton, tout en observant le lointain du coin de l’œil, j’ajoutai :

— Je ne saurais me prononcer au nom de tous les élus de notre nation. Toutefois, si vous avez la supériorité et l’arrogance en horreur, j’ai bien peur que vous ne pourrez pas rejoindre nos rangs.

Relâchant mon menton, je vins fixer de mon regard sanglant, mon interlocutrice. Tout sentiment de familiarité s’était envolé. Il devenait de plus en plus évident que j’avais non pas affaire à une ennemie, mais certainement pas une future alliée :

— « profiter de votre connaissance » ? « rester les plus dangereux » ? « servir un gourou » ? Vos paroles dénoncent immédiatement votre point de vue, Morgan... Je pense que vous serez bien mieux à Kaen. Je ricanai alors quelque peu des souvenirs que j’avais de Seika. Une nation de paix qui ne « profitait » de personne et évitait d’être « dangereux » pour les autres. La seule nation où « on était libre et vivait pour ses amis avant de mourir heureux avec beaucoup d’enfants ». Quelle belle utopie ! Reïfuu n’existe qu’avec pour seul but, la totale suprématie. Je ne dirais pas que cette idéologie est la raison principale de son avantage militaire… Toutefois, il joue un grand rôle dans ce dernier.

Il était vrai que Shuza avait un despote. Son idéologie était quelque peu similaire à celle de Sou Rei. Et pourtant, il n’en était rien. Le suzerain de Shuza était nul autre qu’un monstre qui maltraitait son peuple et ne cherchait rien d’autre qu’à détruire pour détruire. De ce que j’ai pu entendre.

Morgan ne faisait certainement aucune différence entre Sou Rei et Zang sur la base des informations qu’elle avait. Ce qui était compréhensible.

Si jusqu’ici, il y avait encore des doutes, à l’écoute de sa dernière question, mon visage perdit tout de sa lumière. Il était évident, que sa question n’avait aucun sens. Vivre sans conquérir ? Vivre pour se contenter ? Ce n’était pas la politique Uchiha… et encore moins, Fuchijin.

J’allais ouvrir la bouche pour prendre la parole quand soudainement un bruit puissant retentit dans la cuisine. La puissante sonorité d’une casserole qui frappait violemment le sol. Sans que je ne détourne le regard de mon interlocutrice, Fuji bascula sa chaise en arrière comme un enfant le ferait pour s’amuser :

— Ça va M’dame ?

Et là… Fuji remarqua quelque chose, le petit garçon de la blonde, qui était initialement allongé sur une sorte de sofa au fond de la pièce, n’était plus présent. Il ne s’en était pas rendu compte jusqu’à présent, mais là, il commençait à s’inquiéter.

— Pas d’inquiétude Fuji, tout va pour le mieux ici…

— Au fait… Où est le p’tit Hiro ? Je voudrais lui faire un p’tit coucou…

— Euh… Il…. Un petit gloussement se fit entendre suite à quoi elle annonça : Il est dans le sous-sol… il… il s’y repose au chaud.

Au chaud dans le sous-sol ? Alors que la cheminée ne conduisait qu’à la pièce principale dans laquelle nous étions… Rien n’était plus chaud que cette pièce dans la maison. Quelque chose se tramait !

La soldate qui me faisait face n’avait aucune attirance pour la nation de glace. La volonté de conquérir et de dominer sur les territoires lui échappait totalement. Et pourtant… Aussi loin que je pouvais m’en souvenir, c’était toujours ce qui avait animé les hommes. Chaque individu était amené à grandir. L’enfant devenait homme, augmentant sa taille, masse et poids. Son organisme requiert davantage de ressources, réclame plus d’oxygène. Afin de survivre, il soumet la nature autour de lui, ou même la société qui bride sa volonté. Un monde sans conquête, serait un monde dépourvu d’individus animé d’une volonté d’avoir plus que l’autre. Un monde dominé par une agaçante égalité. Où personne ne pourrait sortir du lot d’une quelconque manière que ce soit.

Les Shinobis de mon monde… Les guerriers de Kosaten, les dieux eux-mêmes… tous ont un désir de conquête. Et ceux qui se dérogent à cette règle, voulant préserver une motte de terre, sans attendre de grandir, finiront tôt ou tard par se faire absorber. C’était tout bonnement la loi de la nature. Et à l’instar de Morgan, je n’arrivais pas à comprendre ceux qui ne pensaient pas de la même façon. Mais qu’importe.

Morgan m’expliqua par la suite qu’elle avait connu la survie et l’humilité. De ce fait, elle venait d’un monde où la solidarité était indispensable à la survie. Où finalement, on ne pouvait pas vivre en aparté. Quel contraste…

Madara Uchiha, ancêtre Uchiha, a vécu plusieurs dizaines d’années seul et rejeté, pour se forger et devenir plus tard, la plus grande menace du monde. Dans les circonstances à peu près similaires, il a retenu que la survie et la solitude permettait d’être plus fort. Une force qui permettrait de dompter le monde selon SA volonté.

Le clan Uchiha est spécial. Et Reïfuu est le coin du monde qui correspond au mieux à la grande partie de nos idéaux. Bien que certains se tournent aussi vers la fraternité et le partage ; des idéaux plus kaechijin.

Au-delà de toute chose, Morgan avait raison. Nous n’étions pas pour autant des ennemis. Morgan Riggs n’était qu’une passagère qui venait découvrir la nation des glaces. Elle-même reconnût que les divergences d’opinion pouvaient conduire à un désastre. Mais aujourd’hui, nous n’étions qu’un petit groupe partageant un petit ragoût. Du moins, c’était ce dont on avait l’air.

Un sourire léger s’étira sur mon visage suite à quoi j’annonçai :

— Soit… Nous ne sommes pas plus ennemis que nous ne sommes alliés, Morgan. Cependant, ayant en partage ce monde qui nous héberge, nous pouvons bien nous permettre de partager un repas, n’est-ce pas ?

La vérification par l’espèce d’arme humanoïde s’était bien vite achevée. Fuji avait exprimé avec un enthousiasme que je ne lui connaissais pas pour faire la conversation. Les merveilleuses saveurs qu’on pouvait tirer d’une cuillérée de ce ragoût le fascinaient. Je ne pus qu’observer, le sourire tiré en coin et le regard mi-clos, les élucubrations de ce jeune guerrier. J’étais loin de me douter qu’il avait autant de vie sur les sujets culinaires.

Finalement… il n’y avait personne en bas. Les visages souriants se muèrent en des expressions aussi dures que des pierres de marbre. Hiro n’était pas là. Ça en était beaucoup trop ! Mon œil roula dans mon globe oculaire, ombré par mes cheveux, pour s’accrocher à la porte de la cuisine.

Morgan soumit alors un plan pour avoir un meilleur visuel de la situation… Je pouvais sans nul doute utiliser mon Sharingan pour identifier la cible, mais je voulais également voir ce que cette guerrière était capable de faire en situation réelle. Étais-je en train de mettre la vie de Mira en jeu ? Ça dépendrait de la capacité de notre partenaire du jour à régler le souci.

J’acquiesçai de la tête avant de regarder Fuji du coin de l’œil comme pour lui donner un signal. Il allait inévitablement attirer l’attention dans cette pièce, en annonçant qu’il allait intervenir dans la cuisine.

— Ohhh…. JE NE TIENS PLUS EN PLACE !!! Je viens vous aider Mira !!! Annonça Fuji en tirant innocemment sa chaise en arrière pour se lever. Ne vous en faites pas, je suis plutôt doué en cuisine-

Soudainement, la porte de la cuisine s’ouvrit, et Mira entra dans la pièce, la larme au coin de l’œil. Dans son dos, un jeune brigand. Le dernier qui nous avait échappé. Il tenait dans sa main un couteau extrêmement tranchant, pointant droit sur le cou de Mira. Hiro ? Il était dans son dos, endormi sur le sol avec quelque chose près de sa tête. En observant de plus près, on allait voir qu’une corde fine rattachée à son oreille, liée à un mécanisme similaire à une bombe artisanale. Si dans le sommeil du garçon, il venait à tirer beaucoup trop la tête vers la droite, il déclencherait quelque chose.

— Pitié… Laissez-nous tranquille...– murmurait Mira, les bordures oculaires rougies par les larmes.

— Ta gueule !!! J’tavais dis de faire profil bas… Maintenant ils sont là. Pestait le brigand. Finalement, il annonça : Eh vous !!! Couchez-vous à même le sol, chacun l’un sur le dos de l’autre. ET QUE ÇA SAUTE !!! SINON !!!! Il appuya la lame sur le cou de l’otage, son regard veineux dénonçant des intentions meurtrières. Le temps était compté. Il fallait vite réagir.


{Choose Your Destiny}

Les chances de réussite:

La situation semblait aller pour le mieux. Nos mains levées dans les cieux pour dissuader le criminel d’appliquer son plan, Morgan tentait de détourner l’attention du criminel. Heureusement, ce dernier avait compris que sans Mira, il était foutu. Il ne pouvait donc pas vraiment mettre fin à sa vie au risque de mourir la seconde d’après dans d’atroces souffrances.

Rejoignant le jeu de la militaire, il pesta et continua de menacer jusqu’à ce qu’il perde la vie dans ses jérémiades. Tragique fin pour un brigand, n’était-ce pas ? Au moins, on pouvait se détendre. J’abaissai les mains avec Fuji, tous deux soulagés que la situation ait été maîtrisée. Du moins, c’était ce qu’on aurait pu penser.

Parce qu’un feu s’éleva de la cuisine à une vitesse record, et quand Morgan cria « le gosse ! », je sus que Hiro était en danger là-dedans… J’ignorais juste à quel point. Suite à un bref échange de regards, Fuji et moi-même nous jetâmes dans le feu de l’action.

Le premier, les dents serrés et le visage déterminé, empoigna la jeune femme et bondit tout aussi vite hors de la maison si la situation devait dégénérer.

De mon côté, j’avais bondis rapidement dans la cuisine, découvrant en son sein le feu qui consumait une mèche fine, réduisant à chaque micro secondes la distance qui séparaient les flammes de la bombe.

Mon Sharingan me permettait une perception plus rapide, me donnant l’impression de ralentir le temps pour accélérer mon processus de réflexion.

À quelques pas de la bombe, le jeune Hiro allongé. Il allait se faire balayer par la déflagration si les flammes atteignaient leurs cibles…

— Susano’o

Je créai une main d’énergie bleue, aussi grande qu’une fenêtre, quasi mécanique, qui empoigna la bombe avant de la lancer le plus loin possible de la pièce, au travers de la fenêtre ouverte par l’espèce de « clone » de la militaire. La seconde qui suivit la tentative, une incroyable déflagration perturba l’espace d’un instant, la brume givrée ambiante qui caractérisait si bien la zone.

C’était un beau feu d’artifice, empreint des teintures rouges, orangées et jaunes, dont les couleurs reflétaient dans les pupilles de la mère apeurée, de Fuji l’Uchiha amoureux de ragoûts et même… de moi-même, Rinkyu, le ténébreux charismatique. C’était un problème de réglé.

La même main alla empoigner délicatement le jeune garçon, pour le suspendre dans les airs, hors de la cuisine.

— Bien… le feu à présent… Fuji !

À mon appel, mon bras droit transporta plusieurs mottes de neige dans des seaux pris à l’intérieur et versa ce dernier dans la cuisine. L’opération prit quelques minutes, mais au final, le feu était maîtrisé.

Hiro était parti s’allonger sur le sofa dans lequel il était toujours, pour continuer son repos. Le cadavre quant à lui fut tiré à l’extérieur pour être brûlé.

Cependant, la cuisine était en bien piteux état. Pour le ragoût, on ne pouvait plus rien faire.

— Merci à vous, élus… navré de vous avoir encore mis dans de pareilles situations…

— C’est nous qui nous excusons de ne pas avoir laissé votre demeure dans un bien meilleur état Mira… Et puis, nous n’aurions peut-être pas réussi sans l’intervention de Morgan.

Fuji était en train de s’amuser avec le jeune Hiro qui était désormais réveillé. Chacun d’entre nous ici, devait prendre une décision. Mira allait être la première à le faire :

— C’est décidé ! Je vais abandonner l’étendue gelée. En moins de deux jours, j’ai failli perdre mon fils… elle froissa le visage dans une mine pleine de chagrin et de regret, avant de poursuivre : Je ne veux plus jamais lui faire vivre cela…

Plus déterminé cette fois, elle continua :

— J’ai bien conscience des risques que je prends à me déplacer avec Hiro et les quelques affaires que nous avons ici… On devra recommencer une nouvelle vie à partir de zéro. Mais si tout à l’heure j’étais sceptique, maintenant je suis prête. J’irais à Tianbiun. Un village dans la zone des villes et villages de Reïfuu…

Un instant de silence plana, quand je compris alors ce qu’elle demandait implicitement. Elle voulait une escorte pour l’assister dans son déménagement. Mais elle avait bien trop de fierté pour le présenter comme ça. Surtout après tout ce qu’on avait fait pour elle. Tournant mon regard vers Morgan, je revins accrocher mes yeux à la blonde âgée :

— Malheureusement, je ne peux rester ici. Notre voyage à Fuji et moi, a pris fin depuis plusieurs jours. Nous devons aller faire un rapport au plus vite à notre base. C’est pour cela que j’avais envisagé de vous envoyer des renforts du clan. Mais… mon regard alla une fois encore se planter dans celui de Morgan. Peut-être cela n’est-il plus réellement nécessaire ?

Morgan accepta d’aider Mira.

À l’écoute de sa réponse, le visage de la veuve à la crinière dorée s’illumina d’espoir et de gratitude. Elle alla agripper la main de Morgan de ses deux mains, laissant luire deux gouttes épaisses en coin de ses yeux.

— Vous n’étiez pas obligée de m’aider… Merci. Clôtura-t-elle solennellement

Un sourire aussi bref qu’un éclair déforma mon visage, suite à quoi, il était temps de se mettre en mouvement. Fuji a été informé par la suite de ce qui allait se passer, et accompagna la vieille Mira dans sa préparation.

De mon côté, j’observai par la fenêtre le lointain paysage enneigé, une inquiétude légère était perceptible dans mon regard. Mon esprit n’était plus dans la pièce, voyageant dans les découvertes récentes qu’on avait faites sur ce monde. Des actions devaient être menées au plus vite… Pour sauver le clan, pour sauver le monde.

Observant du coin de l’œil Morgan, je pouvais admirer sa disposition toujours aussi militaire. Aujourd’hui, elle était une alliée. Elle savait malgré tout faire preuve de compassion dans les circonstances où la survie de l’innocent était en jeu. Par contre, sur le champ de bataille, ça allait être autre chose. Il était vrai que pour le moment, elle ne représentait pas encore une menace. Toutefois, les élus gagnaient vite en puissance, pouvant devenir redoutables en l’espace de quelques mois seulement.

Mon œil tranchant lâcha la guerrière quand Mira annonça qu’elle était prête. Hiro tenait sur ses jambes, mais demeurait incapable de trainer des charges trop fortes. Heureusement que le clone de Morgan était de la partie.

— Faites bonne route Mira… je connais bien le chef de Tianbun. N’hésitez pas à demander Orokiro, c’est un garde avec qui on a eu à travailler récemment. Dites que vous venez de la part de Rinkyu Uchiha. Il facilitera votre quotidien.


— Je le ferai ! Encore merci pour tout, et à très bientôt, Rinkyu Uchiha…. Fuji Uchiha…

Hiro et Fuji se frappèrent fraternellement les poings en guise d’au revoir. Et une fois que tout était prêt, je fis un signe d’acquiescement à l’égard de Morgan, lui témoignant de ma confiance pour la suite des évènements. Sur ces mots et gestes, on les vit partir dans le lointain.

Je fis face à Fuji, avant de lui présenter un visage plus sévère que jamais :

— Mettons nous en route… Ça ne devrait plus tarder…

La menace qui pesait sur le monde… Elle allait bientôt se manifester… Combien de morts devront encore souffrir des caprices du royaume de la mort ? Un conseil du clan devait siéger au plus vite.

Il acquiesça de la tête, suite à quoi, nous reprîmes notre course, encapuchonnés, de la tête aux pieds, avec sur nos dos, l’insigne fier du plus puissant des clans : le clan Uchiha.